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Commentaire de l'arrêt de la Première chambre civile du 20 février 2001 (droit)

Publié le 22/06/2012

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S’inscrivant dans un mouvement jurisprudentiel déterminant relatif à la résolution unilatérale du contrat synallagmatique, l’arrêt du 20 février 2001 de la Première chambre civile précise la révolution de 1998 qui l’érigea en principe, et tente d’imposer un simulacre d’équilibre.

 

En l’espèce, un contrat à durée déterminée d’une durée de trois ans fut conclu entre une société et un expert. Un mois jour pour après sa conclusion, le contrat fut résolu unilatéralement par la société.

Arguant du caractère abusif de la rupture, l’expert assigna la société en paiement de dommages-intérêts.

 

Les juges du d’appel rejetèrent cette demande en prenant acte des manquements évoqués par la société créancière. Ils reconnurent sur ce chef la possibilité pour celle-ci d’entraîner la rupture prématurée des relations contractuelles.

Un pourvoi fut formé par le débiteur.

Se posait ce faisant à la Première chambre civile la question de savoir s’il est possible, du fait d’un manquement contractuel, de résilier unilatéralement un contrat à durée déterminée.

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« Considérations économiques et philosophie fédératrice : les fondements louables de cette consécration.1. Jusqu’à présent en droit français, le respect de la parole donnée impliquait que la résolution ne puisse s’opérer sans l’intervention préalable du juge.

Eu égard àla dimension humaniste de la sphère contractuelle du Code de 1804, la résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée était prohibée.

A ce titre, on noteque le troisième alinéa de l’article 1184 participe de la même philosophie que celle de l’alinéa premier de l’article 1134 : le contrat est la loi des parties, celles-cine pouvaient s’y soustraire unilatéralement [6].

Il convient de relever dès à présent que ces articles étant constitutifs du visa, on est en quelque sorte fondé à apprécier la présente jurisprudence comme leur remise en question décomplexée.

En effet, leur respect suggérait qu’hormis la résolution judiciaire, seulle mutuus dissensus , l’accord mutuel des parties, était à même de se substituer au contrôle préalable du juge. Ainsi, ce caractère strictement judiciaire de la résolution est progressivement devenu une exception en droit comparé.

Et pour illustrer cet isolement il convientde citer les dispositions étrangères et internationales qui posent que le débiteur, dans l’hypothèse d’une rupture unilatérale abusive, peut seulement obtenir lacondamnation a posteriori du créancier à des dommages-intérêts, à savoir l’article 1605 du Code civil québécois, l’article 267 du Code civil néerlandais, demême la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, les Principes Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, les Principesdu droit européen du contrat, l’article 349 du BGB ainsi que la common law.

La jurisprudence du 20 février 2001 procède donc d’un alignement sur lesdispositions internationales et les droits étrangers. Outre un souci évident de modernisme, la consécration de la résolution unilatérale procède également d’une prise en compte croissante de considérationséconomiques caractéristiques de la logique anglo-saxonne.

De toute évidence, la résolution unilatérale aurait pour avantage de chasser l’aléa inhérent à touteinterférence judiciaire.

Concrètement, dans l’hypothèse d’un contractant embarrassé par un débiteur défaillant, la résolution unilatérale permettrait uneréallocation rapide et profitable des ressources tout en évitant le coût et les délais d’un procès [7]. Ces légitimes aspirations ne sauraient toutefois dissimuler la remise en cause manifeste de la lettre de l’article 1184. Cette jurisprudence fait en effet de la règle dérogatoire un principe, alors que l’article 1184, constitutif d’un garde-fou, s’oppose précisément à ce qu’uncontractant puisse de façon unilatérale, sans le concours préalable du juge, résilier le contrat inexécuté. Yves Lequette de suggérer la portée de cette illégalité en soulignant que du fait du fait générateur commun des résolutions judiciaire et unilatérale, à savoir lagravité du manquement, le contractant confronté à une inexécution disposait par conséquent d’un choix entre les deux options.

Et si la réalité de ce choix futremise en cause par certains doctrinaires favorables à la force obligatoire du contrat, suggérant que la gravité du comportement qui justifie la ruptureunilatérale ne saurait être simplement celle qui permet la résolution judiciaire [8], on est fondé à y voir de simples extrapolations, et préférer la pertinence du point de vue soumettant que la gravité du comportement justifiant la résolution unilatérale serait identique à celle permettant la résolution judiciaire, car on nesaurait comprendre pourquoi le juge sanctionnerait une partie pour avoir procédé à la résolution du contrat des circonstances où lui-même l’auraitprononcée [9]. La Cour n’en serait cependant pas à sa première modulation contra legem de la lettre du Code civil relative au droit des contrats.

L’exemple de la distorsion de l’article 1142, procédant de la substitution de l’action en exécution forcée en nature en droit positif illustrant à ce titre le caractère opportun, pragmatique del’audace de la Cour de cassation. Mais s’il convient de reconnaître aux influences manifestes de la jurisprudence du 20 février 2001 de légitimes aspirations, en dépit des interrogations relatives àsa légalité, il n’en demeure pas moins que la solution n’est pas sans générer de nombreuses complications, notamment concernant l’arbitraire du créancier.

Etsi la Cour semble prendre acte des dangers que suscite sa construction, certaines vicissitudes semblent inhérentes à cette nouvelle solution.

La consécration d’un mécanisme dangereux : le sabordage inéluctable des intérêts du débiteur.1. S’il ne fait aucun doute que la consécration de la résolution unilatérale met en péril les intérêts du débiteur (A), l’imposition par la Première chambre civile de lacaractérisation de la gravité du manquement des juges du fond ne saurait cacher une économie de moyens pour palier au déséquilibre des pouvoirs contractuels(B). Consécration de la résolution unilatérale : une jurisprudence dangereuse.1. Si la solution de l’arrêt du 20 février 2001 suscite la méfiance de doctrinaires emprunts d’exception culturelle, ce n’est pas simplement le fait de la philosophiefédératrice du Quai de l’Horloge mais de dangers bien réels attachés au mécanisme de la résolution unilatérale. En premier lieu, on est fondé à craindre que l’équilibre des pouvoirs contractuels, gage de stabilité et de pérennité du contrat [10], ne soit affecté par le renversement de la charge de la preuve induit par le mécanisme de la résolution unilatérale.

En effet, si la résolution judiciaire suggère que la démonstration ducaractère suffisant de la gravité manquement incombe à la partie souhaitant obtenir la résolution, le mécanisme de la résolution unilatérale délègue ce fardeauau débiteur.

Or, en pareilles circonstances, rien n’empêche le créancier de mauvaise foi animé d’une volonté illégitime de sortir du contrat de prétexter dumoindre manquement pour entamer une action en résolution unilatérale.

Rien ne l’empêche se faisant de parier sur l’éventuelle faiblesse intellectuelle oufinancière du débiteur, de spéculer en quelque sorte sur une sortie sans encombre.

Ce danger du privilège du préalable aurait pu être facilement écarté si laCour avait pensé à imposer au créancier lui-même une obligation de caractérisation du manquement.

Or, comme nous le verrons, l’arrêt du 20 février 2001démontre que la Cour aurait pu se satisfaire du seul contrôle minimum des juges du fond.

Ce défaut de responsabilisation des parties procède d’ailleurs d’unejurisprudence constante [11]. Outre le renversement de la charge de la preuve et la possible spéculation du créancier sur l’inertie du débiteur.

La résiliation unilatérale compromet bienévidemment l’efficience du principe de faveur pour le contrat - auquel le juge prête souvent allégeance dans le cadre de la résolution judiciaire - en ce quel’espace-temps s’insérant entre la rupture et le contrôle a posteriori du juge ne peut que favoriser les situations de fait accompli, concrètement, la confrontationavec une situation contractuelle, et ce faisant, le seul recours possible à l’allocation de dommages-intérêts.

Cette observation ne fait que confirmer le risque decalculs fréquents de la part du créancier, cette possibilité pour lui de monnayer sa sortie du contrat dès lors que cela fait ses affaires.

Ainsi la mention « à serisques et périls », reprise de l’attendu de 1998, censée prévenir les risques de rupture abusive, protéger le débiteur, n’a certainement pas la même force dedissuasion que l’appréciation préalable du juge. Cependant, eu égard à cette nouvelle prérogative du créancier, la Cour, pour signifier que l’unilatéralité ne procède pas de l’arbitraire et en dépit des« fatalités » susmentionnées, a entendu développer un mécanisme protecteur des intérêts du débiteur : la nécessaire caractérisation par les juges du fond de lagravité du manquement.

Il conviendra de proposer des outils supplémentaires allant de concorde avec celle-ci dans le sens de l’équilibre des pouvoirscontractuels. Un contrôle a posteriori aux risques et périls du créancier : cache-misère pour l’auteur du manquement.

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