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3. L'ERRANCE, SIGNE DE L'IGNORANCE [SOCRATE-MÉNON] — S. Les honnêtes gens veulent-ils

Publié le 22/10/2012

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3. L'ERRANCE, SIGNE DE L'IGNORANCE [SOCRATE-MÉNON] — S. Les honnêtes gens veulent-ils se charger eux-mêmes d'enseigner la vertu ? s'accordent-ils sur leur qualité de maîtres de vertu et sur le fait que la vertu peut s'enseigner ? — M. Par Zeus non, Socrate : tu pourras les entendre dire tantôt qu'elle s'enseigne, tantôt qu'elle ne s'enseigne pas. — S. Pouvons-nous qualifier de maîtres en cette manière des gens qui ne sont pas d'accord sur ce point même ? — M. Je ne crois pas. — S. Mais quoi ? Les sophistes, qui sont les seuls à se proclamer maîtres de vertu, les tiens-tu pour tels ? — M. Socrate, ce qui me plaît le plus chez Gorgias, c'est que jamais tu ne pourrais l'entendre faire une promesse de ce genre ; bien plus, il se moque de ses confrères lorsqu'il les entend la faire ; à son avis, celle qu'il faut faire, c'est celle de former des gens habiles à parler. — S. Ainsi les sophistes ne te paraissent pas être des maîtres de vertu ? — M. Je ne saurais dire, Socrate, car j'en suis exactement au même point que les autres : tantôt je pense qu'ils le sont, et tantôt non. — S. Sais-tu que vous n'êtes pas les seuls, toi et les hommes politiques, à croire tantôt que la vertu s'enseigne, tantôt qu'elle ne s'enseigne pas ? sais-tu que le poète Théognis dit la même chose ? — M. Dans quels vers ? — S. Dans les élégies où il dit : <4 avec ceux dont le pouvoir est grand, mange et bois, prends place parmi eux, sois-leur agréable, car des gens de bien tu apprendras le bien ; si tu te mêles aux méchants, tu perdras le jugement que tu as « [...] Vois-tu que dans ces vers il parle de la vertu comme d'une chose qui s'enseigne ? — M. C'est du moins ce qui me semble. — S. Ailleurs, un peu plus loin, il dit : <4 Si on pouvait créer de la raison et la mettre en l'homme, grands et nombreux salaires en reviendraient « à ceux qui seraient capables de faire cela, dit-il à peu près, et : « jamais celui qui est issu d'un père honnête ne deviendrait mauvais, s'il était persuadé par de sages conseils ; mais en l'instruisant tu ne feras jamais du méchant un homme de bien «. Te rends-tu compte que sur le même point il se dédit et tient des propos contraires ? — M. C'est évident. — S. Peux-tu me dire quelque autre domaine où d'un côté ceux qui se prétendent des maîtres non seulement sont reconnus comme incapables d'enseigner autrui, mais même comme ignorants pour leur compte, bien plus, comme ne valant rien en ce qu'ils prétendent enseigner ; tandis que d'autre part, ceux qui sont reconnus honnêtes gens pour leur compte tantôt affirment et tantôt nient que cela se puisse enseigner ? En quelque domaine que ce soit, prétendrais-tu que des gens aussi instables sont proprement des maîtres ? — M. Assurément non. Ménon, 95a-96b 4. L'ERRANCE EST LA PIRE DES IGNORANCES [ALCIBIADE-SOCRATE] — A. Par les dieux, Socrate, je ne sais même plus ce que je dis et j'ai tout l'air de quelqu'un qui ne sait plus où il en est, car en te répondant je suis tantôt d'un avis, tantôt d'un autre. — S. Ignores-tu, mon cher, la nature de cette impression ? — A. Tout à fait. — S. Si on te demandait si tu as deux yeux ou trois, deux mains ou quatre ou quelque chose du même genre, crois-tu que tu répondrais tantôt ceci, tantôt cela, ou toujours la même chose ? — A. Ma foi, j'en suis à craindre de me tromper sur moi-même ! pourtant je crois que je répondrais toujours la même chose. — S. Et pour quelle raison, sinon parce qu'en ce cas tu sais ? — A. Oui, je pense. — S. Donc ce qui fait l'objet de tes réponses opposées, il est évident que tu ne le connais pas. — A. Probablement. — S. Sur le juste et l'injuste, le beau et le laid, ce qui est utile et ce qui ne l'est pas, tu viens d'avouer l'errance de tes réponses ; n'est-il pas évident que ton errance s'explique par ton ignorance de ces choses ? — A. Si. — S. Voici donc ce qu'il faut admettre : quand quelqu'un ne connaît pas une chose, son âme est nécessairement errante à son sujet. — A. Le moyen qu'il en soit autrement ! — S. Dis-moi maintenant : sais-tu comment tu pourrais monter au ciel ? — A. Non, par Zeus ! — S. Est-ce que là-dessus ton opinion varie aussi ? — A. Non certes. — S. En sais-tu la raison, ou veux-tu que je te la dise ? — S. Dis-la. — S. C'est que, mon cher, tu ne crois pas savoir ce que tu ne sais pas. — A. Que veux-tu dire ? — S. Voyons ensemble : es-tu errant sur ce que tu ne sais pas, mais tu sais ne pas savoir ? ainsi les recettes de cuisine, tu sais bien que tu n'y connais rien ? — A. Rien du tout. — S. Est-ce que tu as une opinion personnelle sur la façon de s'y prendre et en changes-tu, ou bien est-ce que tu t'en remets à celui qui sait ? — A. Je m'en remets à celui qui sait. — S. Ou encore : si tu naviguais en mer, est-ce que tu aurais une opinion sur la position à donner à la barre, et en changerais-tu, faute de savoir, ou bien, t'en remettant au pilote, te tiendrais-tu tranquille ? — A. Je m'en remettrais au pilote. — S. Tu ne varies donc pas sur les choses que tu ignores, si tu sais que tu les ignores. — A. Il me semble que non. — S. Ainsi, tu comprends que les erreurs de conduite également résultent de cette ignorance qui consiste à croire qu'on sait ce qu'on ne sait pas ? — A. Que veux-tu dire par là ? — S. Nous n'entreprenons de faire une chose que lorsque nous pensons savoir ce que nous faisons ? — A. Oui. — S. Ceux qui ne pensent pas le savoir s'en remettent à d'autres ? — A. Sans doute. — S. Ainsi les ignorants de cette sorte ne commettent pas d'erreur dans la vie, parce qu'ils s'en remettent à d'autres de ce qu'ils ignorent. — A. Oui. — S. Quels sont donc ceux qui se trompent ? je ne pense pas que ce soit ceux qui savent ? — A. Non certes. — S. Alors, puisque ce ne sont ni ceux qui savent, ni ceux des
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« LA CONCEPTION DU SAVOIR 153 père honnête ne deviendrait mauvais, s'il était per­ suadé par de sages conseils ; mais en l'instruisant tu ne feras jamais du méchant un homme de bien».

Te rends-tu compte que sur le même point il se dédit et tient des propos contraires ? -M.

C'est évident.

- S.

Peux-tu me dire quelque autre domaine où d'un côté ceux qui se prétendent des maîtres non seulement sont reconnus comme incapables d'enseigner autrui, mais même comme ignorants pour leur compte, bien plus, comme ne valant rien en ce qu'ils prétendent enseigner; tandis que d'autre part, ceux qui sont reconnus honnêtes gens pour leur compte tantôt affir­ ment et tantôt nient que cela se puisse enseigner ? En quelque domaine que ce soit, prétendrais-tu que des gens aussi instables sont proprement des maîtres ? - M.

Assurément non.

Ménon, 95a-96b 4.

L'ERRANCE EST lA PIRE DES IGNORANCES [ALCIBIADE-SOCRATE] - A.

Par les dieux, Socrate, je ne sais même plus ce que je dis et j'ai tout l'air de quelqu'un qui ne sait plus où il en est, car en te répondant je suis tantôt d'un avis, tantôt d'un autre.

- S.

Ignores-tu, mon cher, la nature de cette impression? - A.

Tout à fait.

- S.

Si on te demandait si tu as deux yeux ou trois, deux mains ou quatre ou quelque chose du même genre, crois-tu que tu répondrais tantôt ceci, tantôt cela, ou toujours la même chose ? - A.

Ma foi, j'en suis à craindre de me tromper sur moi-même ! pourtant je crois que je répondrais toujours la même chose.- S.

Et pour quelle raison, sinon parce qu'en ce cas tu sais ? -A.

Oui, je pense.

-S.

Donc ce qui fait l'objet de tes réponses opposées, il est évident que tu ne le connais pas.

- A.

Probablement.

- S.

Sur le juste et. »

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