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Analyse : Les comices agricoles / Madame Bovary

Publié le 04/04/2011

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Lecture analytique Madame Bovary, Partie II chapitre 8 : la scène des comices Dans la seconde moitié du XIXe siècle, un mouvement littéraire moderne apparu en Europe, il s’agit du réalisme qui succède au romantisme . Il cherche à dépeindre la réalité telle qu’elle est, sans artifice et sans idéalisation, choisissant ses sujets dans les classes moyennes ou populaires. Les histoires vraies sont privilégiées, les personnages ont des sentiments vraisemblables et le milieu ainsi que le physique des personnages sont évoqués avec minutie et objectivité. Flaubert (1821- 1880) est un écrivain français qui a marqué la littérature XIXe par la profondeur de ses analyses psychologiques, par son souci de réalisme et son regard lucide sur la société. Flaubert publie Madame Bovary en 1857 après quatre ans de rédaction. Cette œuvre contre l’histoire d’Emma Bovary marié à Charles, elle fuît son quotidien et se retrouve à courir après des passions et des désirs démesurés. Elle rencontre Rodolphe, l‘amant de ses rêves, une attirance commune les réunis. Dans la scène des comices (Partie II, chapitre 8), Rodolphe attendait cette occasion pour faire la cour à Emma. Ils assistent ensemble aux comices agricoles. Flaubert porte-t-il un regard ironique sur cet extrait?  Tout d’abord, nous étudierons la mise en scène théâtrale de cet extrait. Puis nous nous attarderons sur les différentes critiques qui se cachent derrière des procédés ingénieux.     Flaubert déclare, en plein milieux de la phase rédactionnelle de Madame Bovary,  qu ‘« il faut que ça hurle par l’ensemble, qu‘on entende des beuglements de taureaux, des soupirs d‘amour et des phrases d‘administrateurs.» Tel était son but, ainsi dès le début de l’extrait Flaubert nous plonge dans un univers bruyant où « la rumeur de la foule » et « la voix du Conseiller » s’expriment en même temps. Le mot « rumeur » insiste sur l’aspect confondu, désagréable, une sorte de brouhaha. Tandis que « la voix »  qui elle est claire doit hurler pour se faire entendre. Le nombre important de phrases exclamatives nous le confirment. Un univers où les dialogues s’enchaînent « commençant un autre discours », un univers où l’on « causait » ( ce qui renvoie au discussion des spectateurs), où « l’orateur citait », le président « cria » tandis que Rodolphe lui « s’écria ». Un univers d’ailleurs où les « tempes » d’Emma « battent ».     Emma devient dans cette scène, une spectatrice, elle est totalement impuissante. Elle est très peu associée à des verbes de mouvements, seulement trois « elle retira », « elle s’essuya » et « elle s’éventait ». Ces verbes sont présent au début de la scène, avant que Rodolphe ou les administrateurs ne se mettent à parler. Dès que le premier discours commence, Emma n’agit plus, elle ne parle plus. Elle « entendait », Rodolphe lui « causait », il lui « expliquait », « elle ne la retira pas ». Emma est tout d’abord appelée « Mme Bovary » ce qui rappelle sa condition, femme de Charles et ainsi le fait qu’elle est encrée dans un quotidien qui lui déplaît. Emma devient ensuite la « jeune femme » et Rodolphe le « jeune homme ». L’adjectif jeune renvoie ici à l’imprudence, à l’instabilité des deux personnages, c’est une sorte d’avertissement. A la fin de la scène, Emma devient une « tourterelle captive ». Le mot « tourterelle » évoque le désir de liberté du personnage, Emma est telle un oiseau. Le fait qu’elle soit associée à la chaleur « chaude » renvoie à la passion, à la vie cependant Emma est « frémissante » et « veut reprendre sa volée » ce qui l’inscrit dans la crainte, elle pense vouloir être libre mais Emma est « captive ». Elle est en éternel indécision « soit » « ou bien ». Elle est celle qui « essayât » de se dégager mais qui ne le fît pas, le temps du subjonctif imparfait insiste sur la durée de l’action et l’utilisation du verbe essayer reflète son hésitation. Toutes sortes de procédés sont utilisés pour attirer l’attention d’Emma. M. Lieuvain est nommé « le Conseiller » et l’on parle de sa « voix » ce qui l’inscrit immédiatement en tant que personnage d’importance. Il utilise des impératifs pour attirer l’attention, il lève la voix « continuez ! , « persévérez! » il encourage son auditoire. Il lui donne aussi des conseils « n’écoutez ». D’ailleurs il va indirectement s’adresser à Emma en évoquant le quotidien avec « la routine » et « ses suggestions »  qui renvoient au fait qu‘il ne faut pas s‘emprisonner dans la monotonie ; par ailleurs il parle de l’aventure, de l’expérience : « un empirisme » et évoque l’instabilité de ses passions « trop hâtifs »,  et le mot « téméraire » renvoie à la hardiesse excessive, au danger. Son discours s’ouvre donc sur un avertissement, un conseil dédié à Emma. D’ailleurs elle l‘« entendait » à travers brouhaha du public. Le discours de M. Derozerays captive moins Emma puisqu’il est exprimé au discours indirect. Il se mélange à sa conversation avec Rodolphe. Cependant, il rappel l’enfance, la jeunesse d’Emma avec le lexique agricole « glands », « creusé des sillons », « planté la vigne », « charrue », « plantant ses choux », « culture ». Le monde de l’agriculture, de la campagne est un vrai retour aux sources pour Emma. Il met aussi en jeu une question importante, celle de la « découverte », de l’évolution. Il évoque les « inconvénients » et les « avantages » et pense que les désagréments sont plus important que les bienfaits au niveau de la découverte. Cette question est posé au discours direct, elle s’adresse indirectement à Emma dans le but de la faire réfléchir sur ce désir excessif de fuir sa monotonie. Mais Emma ne l’entend pas. Le monde du rêve et de la spiritualité est mis en parallèle avec le monde rural. Il l’emporte, Emma se laisse aller dans ses rêves. Rodolphe lui parlait « rêves, pressentiments, magnétisme » c’est-à-dire de passion, fascination. Il l’a charmait pas ces « attractions irrésistibles » et lui évoque une « existence antérieure » . Le mot antérieur rappel le passé, l’avant comme s’ils étaient destinés l’un à l’autre ; et le mot irrésistible marque la fatalité, Emma ne peut rien y faire . Il lui cause aussi du « hasard », du destin . Il utilise des procédés argumentatifs tel des questions rhétoriques « savais-je que je vous accompagnerais ? » mais aussi des métaphores « comme deux fleuves qui coulent pour se rejoindrent » quel romantisme! Cette vision est digne des lectures d’Emma, des tableaux du XIXe. Elle rend leur attirance naturelle puisque l’eau et « les pentes » le sont, mais aussi d’inchangeable « avaient poussés l’un vers l’autre » c’est à la limite du tragique. Rodolphe s’inscrit dans la mise en scène théâtrale par le discours direct mais aussi par des hyperboles « cent mois même »; « toute ma vie »; « ce soir, demain, les autres jours, toute ma vie !» (avec ici une gradation) . Il use de différents temps, tout d’abord le passé  «j’ai voulu partir » où il se dit malheureux, des verbes de mouvements pour exprimer sa détermination « partir », « suivre », « j’aurai passé ». Il se sert du futur pour lui donner de quoi rêver « j’emporterai votre souvenir » et lui inscrire ses sentiments dans l’après « je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie ? ». En même temps, il joue avec le conditionnel pour lui donner une impression de contrôle « je resterais » en sous entendant qu’il ne restera que si elle le souhaite. Il la remercie lorsqu’elle ne le fuit pas « Oh ! Merci ! »  avec beaucoup d’exclamation, on a le sentiment qu’il lui laisse tout contrôle. ».   A travers cette mise en scène théâtrale des comices l’auteur permet au lecteur de devenir spectateur et de se trouver dans les mêmes conditions qu’Emma et Rodolphe. Il nous fait vivre les comices et nous laisse observer autour de nous. Flaubert utilise ce procédé dans le but de nous faire deviner ce qui se cache derrière cette mise en scène.         On y découvre la façon dont il déconstruit la déclaration de Rodolphe avec ironie. Rodolphe  s’inscrit dans la poésie courtoise, il est le poète et Emma sa muse. Il clame le chant de l’amoureux et l’indifférence de la femme « Mais vous m’oublierez , j‘aurai passé comme une ombre » . Cependant, la vulgarité (au sens propre) de la remise de prix de M. Derozerays démolit le discours de Rodolphe, non aux yeux d’Emma mais du lecteur, il vient systématiquement intercepter les envolées lyriques de Rodolphe. Lorsqu’il prend la main d’Emma, c’est l’union de « bonnes cultures ». Il chante lyriquement « savais-je que je vous accompagnerais ? » et on lui répond vulgairement « soixante et dix francs ! » La forme exclamative insiste encore plus sur la vulgarité du geste. Des phrases viennent aussi s’intercaler entre les propos de l’amoureux  « Aussi, moi, j’emporterai votre souvenir » suivit de « pour une bélier mérinos… » ou « je suis resté » a pour réponse « fumiers. » . Puis un peu plus loin le jeu devient encore plus violent « Oh ! Non, n’est-ce pas, je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie? -  « Race porcines ! » . Ainsi Flaubert dépeint le tableau romantique du XIXe, déconstruit la déclaration époustouflante de Rodolphe pour en faire une violente satire. Dans cet extrait Flaubert critique aussi les discours officiels des comices. Le premier discours, celui du Conseiller s’attache beaucoup aux idées reçues. M. Lieuvain est la caricature de l’homme politique, de l’orateur. D’ailleurs le narrateur qualifie son discours d’« éloge du gouvernement » . M. Lieuvain fait de la propagande : le gouvernement est là pour « encourager », « protéger »,  et pour être juste : « il fera droit ». Il est celui qui flatte les « vénérables serviteurs », les « humbles domestiques » mais aussi celui qui plaint « les pénibles labeurs », « le fardeau », « vos pénibles sacrifices ». Il évoque les « vertus », les « récompenses » . Tel un homme politique il s’exprime au futur « il fera », « il allégera », il fait des promesses « soyez convaincus » , établit des constats « désormais » . C’est aussi celui qui parle de paix, de fraternité « pacifiques », « fraternisera », il veut faire les choses correctement « tendra la main ». Il finit son discours avec une phrase très pesante : « le fardeau de vos pénibles sacrifices », la manière dont il rend cette phrase aussi lourde permet d’exagérer la situation et donc de rendre le gouvernement encore plus merveilleux. Le narrateur qualifie son discours de « fleuri » ce qui renvoie à la superficialité, l’artificiel et il est plein d’« ornements » . C’est donc un discours qui fait plaisir à entendre mais qui est uniquement beau, il n’y a rien derrière, c’est vide. Avant que M. Derozerays ne commence son discours on le décrit comme ayant du « style », « des connaissances », « des considérations ». Ainsi le lecteur s’attend à entendre un discours captivant, plein de savoir et entraînant. Mais le « plus » persistant est ironique : « plus positif », « plus spéciales », « plus relevées » . La place du gouvernement dans le premier discours est remplacée ici par la religion. Le rapprochement entre religion et agriculture place immédiatement ce discours dans une perspective radicalement conservatrice. Il y a d’un côté la morale, et de l’autre le retour a une agriculture ancienne « ces temps farouches », « les hommes vivaient de glands », « au fond des bois » . Il pose la question de l’avancée, du progrès et il y trouve plus de points négatifs que positifs. Il représente l’obscurantisme, son discours est totalement décalé par rapport à son époque. Nous sommes ici au XIXe siècle, c’est-à-dire à la naissance de la mécanisation, de la révolution industrielle et lui, il voudrait revenir à une agriculture traditionnelle. D’ailleurs il est seul à débattre puisqu’il « se posait ce problème » le pronom insiste sur l’isolement de l’orateur, personne ne l’écoute et on ne cherche même pas à discuter son point de vue. D’ailleurs Flaubert se moque de lui en adoptant des pronoms à valeurs péjoratives : « ses choux », « sa charrue ». Flaubert lui fait évoquer des personnages très lointain « Cincinnatus » est un consul romain et « Dioclétien » est un empereur romain. De plus, il passe pour un ignorant, il prend des raccourcis fulgurant avec l’histoire : il parle des sédentaires « hommes des bois », puis des chasseurs « dépouilles des bêtes », des nomades « quitter » puis enfin des laboureurs  « creusé des sillons » et tout cela en une seule phrase. Ainsi M. Derozerays apparaît comme un homme simplet, qui pense avoir beaucoup de savoir mais qui représente surtout le décalage, l’obscurantisme dans une période où de nombreux changements économiques, politiques et sociaux se mettent en place. Flaubert nous dépose donc dans un monde particulier, mélangé par les discours politiques et l’univers de l’agriculture qui se déchaînent . L‘on entend aussi le souffle de la passion amoureuse. Mais cependant pervertie, nous nous trouvons au centre d’une violente satire dépeignant le discours passionnel de Rodolphe.  L’auteur nous fait vivre la scène pour mieux le comprendre, on aperçoit ses critiques, son regard lucide sur la société qui l’entoure. D’ailleurs, il écrira entre 1850 et 1880 Le dictionnaire des idées reçues  où il peint de manière amusante « la bêtise humaine ».

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