Devoir de Philosophie

ARAGON : Le Fou d'Elsa, Les mains d'Elsa

Publié le 01/01/2011

Extrait du document

aragon

Les mains d'Elsa

 

Donne-moi tes mains pour l'inquiétude

Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé

Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude

Donne-moi tes mains que je sois sauvé

 

Lorsque je les prends à mon propre piège

De paume et de peur de hâte et d'émoi

Lorsque je les prends comme une eau de neige

Qui fuit de partout dans ma mains à moi

 

Sauras-tu jamais ce qui me traverse 

Qui me bouleverse et qui m'envahit

Sauras-tu jamais ce qui me transperce

Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli

 

Ce que dit ainsi le profond langage

Ce parler muet des sens animaux

Sans bouche et sans yeux miroir sans image

Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots

 

 Sauras-tu jamais ce que mes  doigts pensent

D'une proie entre eux un instant tenue

Sauras-tu jamais ce que leur silence

Un éclair aura connu d'inconnu

 

Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme

S'y taise le monde au moins un moment

Donne-moi tes mains que mon âme y dorme

Que mon âme y dorme éternellement

 

__________________________

 

Commentaire partiellement rédigé :

 

On connaît la fidélité d’Aragon à sa muse, Elsa : à 66 ans, le poète se reconnaît encore " fou d’Elsa " ! C’est du reste le titre d’un recueil  publié en 1963 où figure le poème " Les mains d’Elsa " ; composé de six quatrains de décasyllabes aux rimes croisées, il est d’une apparente simplicité, mais les images y offrent souvent une densité particulière, sans avoir pourtant l'obscurité de celles des premiers poèmes surréalistes. Le poète y confère aux mains d’Elsa un symbolisme positif ; cependant elles ne parviennent pas à calmer définitivement ses angoisses profondes, c’est pourquoi il tente de s’en délivrer par ce poème prière.

 

1.         Le symbolisme positif des mains

 

(Phrase amorce) Le poème est tout entier fondé sur une synecdoque qui s'impose dès le titre ; les mains représentent la femme : le symbolisme des premières vaudra pour la seconde.

 

•          mains symboles d’échange (verbes donner, 4 x ; prendre : 2 x)

- les mains féminines : titre + 5 occurrences du terme + périphrase les désignant " une proie […] un instant tenue "

- tout comme les mains masculines: 1 occurrence mais renforcée par la forme tonique du pronom au v 8 "mes mains à moi", + leur " paume " v 6 + leurs "doigts " v 17

- le mouvement du poème : des mains "rêvées" v 2 aux mains "tenues" v18

- variations de l'échange, les mains symboles de secours : la main tendue, salvatrice (v 4) et les mains symboles de refuge (strophe 6 : évocation du nid des mains où se loveraient le "cœur" et l'"âme" du poète)

 

•          plus largement : le toucher est un langage :  v 13, v 14

- un moyen d’expression plus irrationnel, plus naturel aussi que les paroles et les regards (suggérés au v 15), un des " sens animaux " (v 14) donc plus proche de l’instinct 

- un sens propre à exprimer tous les sentiments ou à les comprendre (cf. l'oxymore-paradoxe du vers 20 "connu d'inconnu") notamment le désir amoureux (" émoi ", "frémir d’aimer ", " tressailli ").

- par leurs vibrations, ces mains parlent au corps, au cœur v 21, à l’âme v 23

(Transition) Pourtant elles ne suffisent pas à calmer les tourments du poète.

 

2.         Les angoisses profondes du poète

 

(Phrase amorce) Le poème renvoie en effet l'image d'un poète en plein désarroi.

 

•          un être tourmenté : poème lyrique mais sans confidences claires : un désarroi + suggéré que décrit. Ce qui affleure cependant :

- un passé douloureux hanté par la solitude, le vide affectif (strophe 1), les trahisons (v 12) ; le besoin d’un ancrage sûr

- une sensibilité à vif : large champ lexical des termes liant blessures morales et physiques : dès le vers 1, " inquIEtude " mis en valeur par la rime et la diérèse ; v 5 à 8 : rythme haletant souligné par les allitérations en P / R ; strophe 3 et ses assonances en I, effet d’écho des mots terminés par -erse (reliés entre eux grâce à la rime intérieure et par le thème de l'atteinte intime).

- un désir d’échapper à la pression du monde : v 22 peur de la vie, de l’amour ? désir de mort? (évocation euphémisante de la mort dans la dernière strophe, le sommeil pour dire la mort)

 

•          une vision angoissante de l’amour :

- par sa fragilité : la possession amoureuse est illusoire (métaphore explicite des vers 7, 8 : " une eau de neige // Qui fuit de partout " : la femme aimée se fait insaisissable) ; peur d’être délaissé d’où cette " hâte " (v 6) à se saisir des mains qui ne sont tenues qu’ " un instant " ; communion qui ne dure qu’ " un éclair " (v20) ; peur conjurée par un désir d’éternité (v 24)

- par la difficulté de communiquer : soit que la femme oppose sa froideur (l’ " eau de neige "), soit que s’instaure dans le couple le silence (chp lexical : "muet ", " sans bouche ", " qui n’a pas de mots ", " leur silence ") ; interrogation oratoire désabusée : " sauras-tu jamais... ? " (=  tu ne sauras jamais) 

- l’amour peut enfin être synonyme de cruauté et tyrannie : amour excessif, possessif (champ lex.) de la saisie : "prendre ", " piège ", " proie "; impression de harcèlement donnée par les nombreuses anaphores .

(Transition) D’où le besoin d’exorciser ces doutes.

 

3.    Un poème prière

 

(Phrase amorce) Le poème se présente ainsi comme une supplique :

 

•          une litanie conjuratoire :

- une prière : valeur des nombreux impératifs / subjonctifs, non pas d'ordre mais de supplication

- une litanie lancinante : anaphores de " donne-moi tes mains ", de " lorsque je les prends ", de " sauras-tu jamais " +  reprises obsessionnelles : " dont j’ai tant rêvé ", " que mon âme y dorme " + effets d’accumulation : " ce que... / ce qui... " ; " sans bouche " / " sans visage", "ce parler " / " ce frémir "

 

•          une harmonie berceuse : le poème cherche ainsi à créer un effet balsamique (= apaisant), sédatif par ces mêmes procédés tout comme par les effets de rythme :

- nombreux rythmes binaires aux mouvements berceurs, renforcés par le retour des rimes régulièrement croisées, par les césures presque constamment placées à l’hémistiche (5 + 5, au lieu du plus traditionnel : 4 + 6 / 6 + 4) et soulignées par la reprise de mêmes termes à l’hémistiche (mains, prends, jamais) ; rien d'étonnant à ce que le poème ait été mis en musique par Léo Ferré

- enfin, et plus on avance dans le poème, multiplication des sons feutrés à la rime ; les nasales envahissent notamment la dernière strophe où l'aspiration à l'apaisement est la plus sensible.

 

Ce texte pathétique est une complainte : le poète réclame, sans que l’on sache vraiment s'il les obtient, les mains de celle qu’il aime et tous les dons qu'elles symbolisent. La résonance de ce poème est donc ambiguë, sous le signe de la ferveur amoureuse mais aussi du doute et de la souffrance, difficilement exprimables : c'est à l'art que revient en dernier recours de faire entendre l'indicible.  L'élégie n'est pas isolée dans l'œuvre du poète : dans le refrain d'un célèbre poème, mis en musique par Brassens, Aragon ne disait-il pas déjà : "Il n’y a pas d’amour heureux / Mais c'est notre amour à tous deux"

aragon

« Commentaire partiellement rédigé : On connaît la fidélité d'Aragon à sa muse, Elsa : à 66 ans, le poète se reconnaît encore " fou d'Elsa " ! C'est dureste le titre d'un recueil publié en 1963 où figure le poème " Les mains d'Elsa " ; composé de six quatrains dedécasyllabes aux rimes croisées, il est d'une apparente simplicité, mais les images y offrent souvent une densitéparticulière, sans avoir pourtant l'obscurité de celles des premiers poèmes surréalistes.

Le poète y confère aux mainsd'Elsa un symbolisme positif ; cependant elles ne parviennent pas à calmer définitivement ses angoisses profondes,c'est pourquoi il tente de s'en délivrer par ce poème prière. 1.

Le symbolisme positif des mains (Phrase amorce) Le poème est tout entier fondé sur une synecdoque qui s'impose dès le titre ; les mainsreprésentent la femme : le symbolisme des premières vaudra pour la seconde. • mains symboles d'échange (verbes donner, 4 x ; prendre : 2 x) - les mains féminines : titre + 5 occurrences du terme + périphrase les désignant " une proie […] un instant tenue " - tout comme les mains masculines: 1 occurrence mais renforcée par la forme tonique du pronom au v 8 "mes mainsà moi", + leur " paume " v 6 + leurs "doigts " v 17 - le mouvement du poème : des mains "rêvées" v 2 aux mains "tenues" v18 - variations de l'échange, les mains symboles de secours : la main tendue, salvatrice (v 4) et les mains symboles derefuge (strophe 6 : évocation du nid des mains où se loveraient le "cœur" et l'"âme" du poète) • plus largement : le toucher est un langage : v 13, v 14 - un moyen d'expression plus irrationnel, plus naturel aussi que les paroles et les regards (suggérés au v 15), un des" sens animaux " (v 14) donc plus proche de l'instinct - un sens propre à exprimer tous les sentiments ou à les comprendre (cf.

l'oxymore-paradoxe du vers 20 "connud'inconnu") notamment le désir amoureux (" émoi ", "frémir d'aimer ", " tressailli "). - par leurs vibrations, ces mains parlent au corps, au cœur v 21, à l'âme v 23 (Transition) Pourtant elles ne suffisent pas à calmer les tourments du poète. 2.

Les angoisses profondes du poète (Phrase amorce) Le poème renvoie en effet l'image d'un poète en plein désarroi. • un être tourmenté : poème lyrique mais sans confidences claires : un désarroi + suggéré que décrit.

Ce quiaffleure cependant : - un passé douloureux hanté par la solitude, le vide affectif (strophe 1), les trahisons (v 12) ; le besoin d'unancrage sûr - une sensibilité à vif : large champ lexical des termes liant blessures morales et physiques : dès le vers 1, "inquIEtude " mis en valeur par la rime et la diérèse ; v 5 à 8 : rythme haletant souligné par les allitérations en P / R ;strophe 3 et ses assonances en I, effet d'écho des mots terminés par -erse (reliés entre eux grâce à la rimeintérieure et par le thème de l'atteinte intime). - un désir d'échapper à la pression du monde : v 22 peur de la vie, de l'amour ? désir de mort? (évocationeuphémisante de la mort dans la dernière strophe, le sommeil pour dire la mort). »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles