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Article de presse: Défaite d'une conquête

Publié le 22/02/2012

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28 janvier 1986 -   Le 28 janvier 1986, une énorme boule de feu orange trouait le ciel de la Floride et une pluie de débris enflammés retombait dans l'océan Atlantique. Soixante-treize secondes après son lancement, la navette américaine Challenger explosait en vol, provoquant la mort de sept astronautes, cinq hommes et deux femmes. L'accident a été d'autant plus éprouvant que cette vingt-cinquième mission d'une navette avait été entourée d'une publicité particulière.    Il s'agissait en effet pour les responsables de la NASA, non seulement de procéder au lancement d'un satellite de télécommunication et de réaliser des études astronomiques-travail de routine pour une navette-mais aussi d'envoyer la première enseignante-astronaute dans l'espace pour ce vol qui se voulait pédagogique et médiatique.    Avec l'accident, ce ne sont pas seulement ces projets qui sont partis en fumée, c'est surtout l'image de marque de la NASA qui a été brisée.    Car, à mesure que se précisaient les causes techniques de la catastrophe, les langues se déliaient, mettant en cause l'organisation des vols, la négligence de l'agence spatiale américaine, la sourde oreille qu'elle avait opposée à ceux qui avaient recommandé de retarder le vol. Conclusions que devait confirmer la commission d'enquête nommée par le président Reagan.    A l'origine de l'explosion, il y a la défaillance d'un joint sur un des segments du propulseur d'appoint ( booster) droit de Challenger.    Etait-ce prévisible ? Oui, ont répondu des ingénieurs de la firme Thiokol, fabricant de ces boosters, ainsi que des responsables de Rockwell, constructeur de la navette, qui avaient les uns et les autres recommandé de ne pas procéder au lancement. Leurs remarques devaient être confirmées par la suite.    Le New York Times publiait un mois après l'accident un document datant de juillet 1985 dans lequel un analyste de la NASA indiquait que la carbonisation des joints observée après les vols posait un " problème majeur qui affecte à la fois la sécurité des vols et le coût du programme ". On apprenait d'autre part que l'US Air Force avait elle aussi-dans un rapport daté de 1983 !-attiré l'attention sur les risques d'accident dus aux boosters qu'elle estimait être de 1 sur 35.    Les astronautes eux-mêmes joignaient leurs voix à ces critiques, disant qu'ils étaient " soumis à des pressions continuelles " pour que les navettes puissent être lancées dans les délais.    La première conséquence de cette catastrophe fut, au sein même de la NASA, des sanctions, des mises sur la touche et des changements en douceur des responsables, avec pour point culminant la nomination d'un nouvel administrateur de l'agence, James Fletcher. Mais vint ensuite une profonde réorientation de la politique spatiale américaine. On renonçait au " tout navette ", et le président Reagan décidait, en août, de confier au secteur privé le lancement des satellites commerciaux, et de réserver la plus grande part des vols de navettes à des missions militaires. La NASA quant à elle commandait des propulseurs d'appoint plus fiables mais aussi révisait l'ensemble de la navette. Elle fixait le prochain vol de Discovery au 18 février 1988, plus de deux ans après la catastrophe. ELISABETH GORDON Le Monde du 29 janvier 1987

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