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Article de presse: Rainbow-Warrior, un triste bilan

Publié le 22/02/2012

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10 juillet 1985 -   Un homme mort dans le sabotage du Rainbow-Warrior. Deux officiers français condamnés et emprisonnés en Nouvelle-Zélande. L'image de la France ternie dans le Pacifique sud. Charles Hernu démissionné. Les services secrets de notre pays traumatisés et, un moment, désorganisés après le limogeage de leur chef. Le premier ministre court-circuité et meurtri dans ses rapports avec le président de la République. Le chef de l'Etat sur la sellette : savait-il ? A-t-il " couvert " ? Triste bilan de l'affaire Greenpeace...    Il a fallu deux mois, et le travail de la presse, pour que la vérité apparaisse un peu à la fin du mois de septembre 1985.    Le Rainbow-Warrior a bel et bien été coulé par des agents des services secrets français. L'ordre qui a permis cette opération est venu de l'ancien ministre de la défense lui-même, Charles Hernu. Avant comme après l'attentat, on a menti au premier ministre qui doutait pourtant de la version militaire (une " mission de renseignement " ) servie à son enquêteur, Bernard Tricot. Tout cela, on le savait en lisant la presse et les conclusions des investigations journalistiques sont devenues les convictions de Laurent Fabius. Pourtant, le chef du gouvernement, après avoir été tant floué, a asséné cette " cruelle " vérité (un ministre socialiste aurait menti à tous, à l'opinion, au chef du gouvernement, à un conseiller d'Etat, au président de la République, à ses camarades de parti) avec retenue et réserve, comme s'il était gêné aux entournures.    " La responsabilité (...) incombe à l'autorité politique, c'est-à-dire au ministre " " la décision était mauvaise, son exécution malheureuse " " je n'ai jamais été informé " la presse " a débondé la bonde ", déclarait Laurent Fabius le mercredi 25 septembre 1985 sur TF1.    Autant de phrases contenues, loin de l'effet recherché quelques jours plus tôt, où une certaine dramatisation voulait prouver une marche forcée à la vérité.    Pourquoi ces propos circonspects devant des conclusions aussi accablantes ? Sans doute à cause de deux incertitudes, de deux blancs dans la vérité officielle. Un vide dans la chronologie de l'affaire    La première tourne autour du rôle du général Jean Saulnier, chef d'état-major particulier du président de la République jusqu'en juillet 1985. C'est lui qui a débloqué les fonds nécessaires à l'opération de sabotage, l'hôtel Matignon se contentant, en effet, d'apposer sa " griffe ", un tampon comptable en réalité. Le général l'a-t-il fait sans connaître les tenants et les aboutissants d'une mission opérationnelle qu'il a pourtant présentée à Bernard Tricot comme une " mission de renseignement " ? Le premier ministre ne répond pas : le général Saulnier a été nommé le 1er août suivant, chef d'état-major des armées, par la volonté de François Mitterrand.    La seconde incertitude relève d'un vide dans la chronologie de l'affaire. Le chef de l'Etat n'est informé-non pas de l'opération, mais de la présence de deux agents français en Nouvelle-Zélande, les " Turenge " -que le 17 juillet, par le ministre de l'intérieur.    Jusqu'au 7 août, date de l'échange de lettres avec Laurent Fabius conduisant à la nomination de Bernard Tricot, il ne se passe officiellement rien. Pourquoi ? Trois semaines durant lesquelles on ne sait ce que dit Charles Hernu à François Mitterrand.    Il n'y a que deux hypothèses : ou l'ancien ministre de la défense lui ment, et dans ce cas le chef de l'Etat s'est montré grand prince dans sa lettre à son " ami " Hernu lors de sa démission- " je tiens à vous exprimer ma peine, mes regrets et ma gratitude ", écrivait François Mitterrand,-ou il lui dit la vérité, et dans ce cas François Mitterrand aurait consciemment et délibérément laissé mentir Charles Hernu. La première hypothèse a été la seule retenue par le pouvoir : on assure que François Mitterrand a tardivement compris que Charles Hernu avait trahi son amitié.    Douloureuse interrogation, qui reste comme la pièce manquante au puzzle.

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