BECKER Lucien : sa vie et son oeuvre

BECKER Lucien (né en 1912). Originaire de la campagne lorraine, il découvrit dès 1927 le surréalisme et, peu après, publia un recueil de poèmes (Cœur de feu, 1929). Son service militaire lui fait connaître la Syrie, où il rencontre Georges Schehadé. De retour en France, il fait des études de droit et devient banalement fonctionnaire, ce qui ne l’éloigne pas de la poésie : il échange alors une correspondance avec Joë Bousquet. Passager de la terre, publié en 1938 aux Cahiers du Sud, exprime une angoisse fondamentale devant l’absurdité de la condition humaine, la solitude et le vide (« Seul tu poursuis dans l’espace sans gare / les traînes de ton passé muet... les univers sont seuls comme une main coupée... »). Le vers de Becker, « à peu près régulier dans son irrégularité même (onze pieds, treize pieds) » [Jean Rousselot], transmet une expérience amère de la vie, que dénoncent les titres : le Monde sans joie (1943), où il regroupe plusieurs plaquettes antérieures, Rien à vivre (1947), pourtant consacré à l’amour.

Car, à la suite des surréalistes, Lucien Becker célèbre dans l’amour la seule foi, la seule liberté disponible. Du cosmos aux objets les plus humbles, le réel n’accède à la signification que par la symbolisation poétique, dans la tension vers ce « seul horizon », la Femme : « Aucun des mots ne peut s’user / que j’emploie pour nommer mon amour » (les Pouvoirs de l’amour, 1954).