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Bernanos, Journal d'un curé de campagne (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Bernanos, Journal d'un curé de campagne (extrait). Le jeune curé de la paroisse d'Ambricourt, atteint d'un cancer, va mourir. Dans son journal, récit de sa vie intérieure, il s'interroge alors sur la manière dont il vivra l'instant ultime, seuil entre la vie sur terre qu'il a tant aimée et le royaume de Dieu. Il fait face à la peur, simplement, avec l'humilité et l'humanité totales qui sont son essence même, acceptant et aimant jusqu'à sa propre faiblesse. Pourtant, ses derniers mots, empruntés à sainte Thérèse de Lisieux, ne seront-ils pas finalement exemplaires ? « Tout est grâce «... Journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos (troisième partie) Il en aura été de cette journée capitale ainsi que des autres : elle ne s'est pas achevée dans la crainte, mais celle qui commence ne s'ouvrira pas dans la gloire. Je ne tourne pas le dos à la mort, je ne l'affronte pas non plus comme saurait le faire sûrement M. Olivier. J'ai essayé de lever sur elle le regard le plus humble que j'ai pu, et il n'était pas sans un secret espoir de la désarmer, de l'attendrir. Si la comparaison ne me semblait pas si sotte, je dirais que je l'ai regardée comme j'avais regardé Sulpice Mitonnet, ou Mlle Chantal... Hélas ! il y faudrait l'ignorance et la simplicité des petits enfants. Avant d'être fixé sur mon sort, la crainte m'est venue plus d'une fois de ne pas savoir mourir, le moment venu, car il est certain que je suis horriblement impressionnable. Je me rappelle un mot du cher vieux docteur Delbende rapporté, je crois, dans ce journal. Les agonies de moines ou de religieuses ne sont pas toujours les plus résignées, affirme-t-on. Ce scrupule me laisse aujourd'hui en repos. J'entends bien qu'un homme sûr de lui-même, de son courage, puisse désirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu'elle pourra, rien de plus. Si le propos n'était très audacieux, je dirais que les plus beaux poèmes ne valent pas, pour un être vraiment épris, le balbutiement d'un aveu maladroit. Et à bien réfléchir, ce rapprochement ne peut offenser personne, car l'agonie humaine est d'abord un acte d'amour. Il est possible que le bon Dieu fasse de la mienne un exemple, une leçon. J'aimerais autant qu'elle émût de pitié. Pourquoi pas ? J'ai beaucoup aimé les hommes, et je sens bien que cette terre des vivants m'était douce. Je ne mourrai pas sans larmes. Alors que rien ne m'est plus étranger qu'une indifférence stoïque, pourquoi souhaiterais-je la mort des impassibles ? Les héros de Plutarque m'inspirent tout ensemble de la peur et de l'ennui. Si j'entrais au paradis sous ce déguisement, il me semble que ferais sourire jusqu'à mon ange gardien. Pourquoi m'inquiéter ? Pourquoi prévoir ? Si j'ai peur, je dirai : j'ai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque m'apparaîtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure ! Source : Bernanos (Georges), Journal d'un curé de campagne, Paris, Plon, coll. « Presses Pocket «, 1974. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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