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Britannicus - Comment Racine arrive-t-il dans ces trois dernières scènes à nous faire ressentir tout le dénouement tragique de cette pièce ?

Publié le 19/04/2011

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racine

Les scènes que nous avons à étudier sont tirées de la pièce de théâtre Britannicus écrite par Jean Racine en 1669 en pleine période classique. Il s’agit de la cinquième pièce de Racine mais de sa deuxième grande tragédie. Pour la première fois, il prend son sujet dans l’histoire romaine. L’action se situe en -56 après J-C et parle d’une rivalité amoureuse et d’un conflit politique. Claude, empereur, a eu un fils, Britannicus, avant d’épouser Agrippine et d’adopter Néron, fils qu’Agrippine a eu d’un précédent mariage. Après l’adoption, Agrippine a empoisonné Claude pour que Néron monte sur le trône et qu’elle puisse gouverner à travers lui. Néron éloigne, cependant, sa mère de plus en plus du pouvoir et il a rapté Junie car il est amoureux d’elle mais celle-ci aime Britannicus qui l’aime réciproquement. Ce qui nous intéresse sont les trois dernières scènes du dernier acte (le cinquième), soit le dénouement. Burrhus vient de nous apprendre que Néron a tué Britannicus à l’aide de Narcisse (l’ancien gouverneur de Britannicus) pour avoir Junie exclusivement pour lui seul. Finalement, à la mort de son amant, Junie s’enfuit chez les Vestales, Agrippine est en fureur contre son fils, Narcisse meurt, et Burrhus s’inquiète. Néron a tout perdu, va-t-il définitivement sombrer dans la folie criminelle ?

Pour analyser ce dénouement tragique, on se posera la problématique suivante : Comment Racine arrive-t-il dans ces trois dernières scènes à nous faire ressentir tout le dénouement tragique de cette pièce ?

Pour y répondre, les deux grands axes principaux traiteront les constats faits par les personnages et le destin s’abattant sur l’empire, Néron devient fou.

 

 

 

     Narcisse, pour défendre Néron, explique à Agrippine que Britannicus n’étais pas un homme aussi bien et honnête qu’elle le pensait et qu’il finirait par la trahir pour remonter sur le trône. Selon lui, Britannicus complotait sa prise du trône dans le dos d’Agrippine pour venger Claude, son père, qu’elle a tué. L’insistance du pronom sujet « vous » et du pronom personnel « vos » souligne le fait que Narcisse insiste et qu’il veut prouver à Agrippine qu’il a raison, par exemple dans les vers 1660, 1661 avec le mot « madame » au milieu du vers, 1662, 1663 « De vos propres bontés il vous aurait punie », 1664 « Il vous trompait vous-même […] », 1667, et 1670 « Madame » au milieu du vers. Narcisse fait tout pour plaire à Néron, il a trompé Britannicus. De plus, c’est lui qui a empoisonné Britannicus sous les ordres de Néron.

 

     Agrippine sait très bien que c’est Néron, son propre fils, qui a empoisonné Britannicus, elle a retrouvé toute sa lucidité, elle ne croit pas Narcisse. Elle dit à Néron toute la haine qu’elle lui porte, les vers 1681 et 1682 montrent une opposition entre le « moi » désignant la mère et le « toi » désignant le fils, à la fin de chaque vers. Le champ lexical de la peur, de la mort et du crime est présent et introduit le lecteur ou le spectateur de cette pièce dans le tragique dénouement qui se laisse entrevoir. Les vers 1681 et 1682 sont en crescendo au niveau du rythme qui est découpé en 2,2,8 et 2,4,6 ; ce qui montre la menace grandissante envers Néron. Elle avait essayé de le faire changer avec Burrhus (vers 1583). Le vers 1692 possède une polyptote du mot « cruel » (et « cruelle » au féminin). Agrippine comprend que son fils sombre dans la folie meurtrière et qu’il la tuera tôt ou tard.

 

     Burrhus est paniqué par la situation dramatique de Néron, il l’explique à Agrippine. Les mots « fureur, cruelle, crime, malheur, triste attentat, tyran, fasse périr, colère, soudaine mort, ses yeux indifférents » témoignent de la peur immense que Burrhus peut avoir et expliquent ce qu’il a vu et penser du meurtre de Britannicus. Il comprend qu’il n’y a plus d’issue possible pour personne en dehors de la mort. La monstruosité de Néron s’est grandement amplifiée. Burrhus sent la terreur monter en lui, il attend la mort, il est profondément désespéré.

 

 

 

     Junie apprend la mort de son amant en même temps qu’Agrippine par Burrhus, elle veut punir Néron, vers 1721 « Pour accabler César d’un éternel ennui ». Elle se réfugie alors chez les Vestales pour se consacrer aux dieux. Néron a perdu tout ce qu’il désirait car en tuant Britannicus, il comptait avoir Junie que pour lui. Il est désespéré, il sombre petit à petit dans la folie. Albine, nous raconte comment César vit la fuite de Junie. Néron ne pensait pas qu’elle serait triste à la mort de Britannicus car lui-même étant empereur, il s’était dit qu’elle l’adorerait autant. Le champ lexical du désespoir est particulièrement présent dans le récit d’Albine.

 

     Narcisse voyant Junie s’enfuir, tente de la ramener à Néron. Le peuple tue alors Narcisse. Celui-ci aura tout fait pour tromper Britannicus et Agrippine et plaire à Néron. Britannicus étant une tragédie classique, Narcisse était obligé de mourir à la fin de la pièce car il doit y avoir des intentions moralisantes. La pièce doit plaire par la conformité de la résolution des problèmes. Elle a pour but de toucher, d’émouvoir, le meurtre de Narcisse est plutôt agréable pour le spectateur ou le lecteur car il représentait le Mal. De plus, ce meurtre (comme celui de Britannicus) ne pouvant pas être représenté sur scène, Albine explique toute la fin de la pièce.

 

     Néron est complètement perdu, il n’a plus rien : Agrippine, sa propre mère l’a bannit intégralement de sa vie, Junie celle pour qui il a tué son frère (Britannicus) est partie chez les Vestales, Burrhus son ancien gouverneur attend qu’il le tue car il est terrorisé, et Narcisse est mort en quelque sorte puni par le Destin. Le rythme est haché et irrégulier, dans les vers 1756 à 1762, représente la marche hésitante et hébétée de Néron. Il est maintenant face à son tragique destin qu’il a lui-même tracé. Il sombre de plus en plus dans la folie. Albine dit à Agrippine qu’il va peut-être se suicider mais la mère s’en moque, vers 1764 « Il se ferait justice ». Albine l’implore même pour qu’elle aille le secourir mais cela n’a aucun effet : Néron est abandonné à lui-seul. Agrippine avait tué son mari pour le bonheur de Néron, dons depuis l’enfance son fils se trouvait dans le Mal, dans un passé d’assassinats, mais il n’a rien fait pour s’en sortir car il a foncé dedans.

 

 

     Ainsi Racine, nous imprègne dans ce dénouement de la destinée tragique des personnages mais surtout plane au-dessus d’eux et de l’avenir de l’empire, le devenir de Néron. Va-t-il définitivement sombrer dans une folie de plus en plus meurtrière… Néron est-il réellement devenu fou ?... La dernière réplique de Burrhus laisse présager un destin très funeste, Burrhus s’adresse directement aux dieux mais y croit-il vraiment ? Vers 1768 « Plût aux dieux que ce fût le dernier de ces crimes ! ». La fatalité s’est belle et bien abattue sur tous les personnages, il s’agit donc bien d’un dénouement de tragédie classique.

 

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