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Cahuc, Zylberberg, Le chômage, fatalité ou nécessité ?

Publié le 17/01/2011

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Chapitre 1 : 10 000 emplois détruits par jour

 

Les auteurs débutent leur livre par la mise en évidence d’un processus de « destruction créatrice « (« à l’échelle d’une nation, chaque année environ 15% des emplois disparaissent et chaque année environ 15% d’emplois nouveaux apparaissent «) qui est selon eux à la source de la croissance économique et donc indispensable. Ce processus a lieu de manière simultanée dans chaque secteur : il ne correspond pas au déversement d’un secteur en déclin vers un secteur en expansion. Il est source de croissance car les emplois connaissent de perpétuelles innovations qui permettent une amélioration de leur productivité, il facilite donc une réallocation des emplois, les emplois détruits donnant naissance à des emplois nouveaux, plus productifs. De plus la recherche d’emploi, rouage indispensable de ce processus, joue elle aussi un rôle important dans la croissance.

 

Les auteurs remettent ensuite en cause un certain nombre d’idées reçues à propos du chômage :

- Les écarts en terme de taux de chômage entre les pays ne s’expliquent pas par des facteurs démographiques ni par la faiblesse de la croissance mais par une organisation différente du marché du travail.

- La mondialisation n’a pas un effet systématiquement négatif sur le chômage. En effet il n’est pas si sûr que les produits exportés se fabriquent à partir de beaucoup de capital et de peu de main d’œuvre et le volume des échanges (importations) avec les pays émergents reste modeste.

- La thèse des licenciements boursiers (stratégie du « signal « envoyé aux actionnaires par l’entreprise signifiant que son seul critère de gestion est la satisfaction maximale de ses actionnaires) est mise en question par des études qui mettent en évidence au contraire une baisse (de faible ampleur) de l’action de l’entreprise lorsqu’elle annonce une réduction d’effectif.

 

L’économie de marché est pour beaucoup insupportable du fait de l’incertitude permanente qu’elle génère et de la répartition inégale des richesses à laquelle elle donne lieu. Mais les auteurs « espèrent convaincre qu’il est possible d’améliorer l’emploi, de gérer l’incertitude, de diminuer l’inégalité, tout en respectant le libre arbitre de chacun «.

 

Chapitre 2 : Le travail ne se partage pas

 

- l’augmentation de la main d’œuvre dans une société suffisamment réactive n’a aucune raison d’augmenter le nombre de chômeur et réciproquement. Ainsi il est faux de croire que le départ en retraite des baby boomers entrainera une pénurie d’emplois (on peut même s’attendre à un effet contraire puisque ceci va accroitre les besoins de prélèvements sociaux et donc augmenter le coût du travail).

Exemple de l’exode Mariel en 1980 à Cuba : l’arrivée massive de migrants vers Miami n’a pas été la cause de la flambée de chômage suivante (comparaison avec des villes semblables).

En effet si le système économique est réactif (c'est-à-dire qu’il rend immédiatement disponible le capital nécessaire à la mise en valeur des facultés productives du nouvel immigré) le nouvel immigré est à l’origine d’une nouvelle productivité qui permet des gains de richesse nationale donc n’a pas d’influence sur l’emploi et les salaires des autochtones.

Problème : le capital ne s’adapte en réalité pas instantanément. Tous les pays n’ont pas la même capacité d’adaptation. Cette dernière est moins forte en Europe qu’aux USA.

 

-Aujourd’hui il n’est pas établi que la baisse du temps de travail permet de réduire le chômage et les rares études empiriques ne vont pas dans ce sens, donc la prudence s’impose.

 

Chapitre 3 : Le salaire n’est pas (toujours) l’ennemi de l’emploi

 

Opposition entre les théories keynésiennes pour lesquelles une hausse des salaires entraine une hausse de l’emploi et les théories libérales pour lesquelles la relation est inverse car les hausses de salaires dégradent la rentabilité des entreprises. Qui a raison ? Tout le monde, mais dans certaines circonstances.

 

- Comment le salaire minimum agit-il sur l’emploi ?

En situation de concurrence parfaite les employeurs fixent leur salaire au niveau de la productivité du travailleur donc si le salaire minimum augmente le travailleur coûtera plus qu’il ne rapporte et l’employeur tendra à s’en séparer.

Mais dans la réalité la concurrence n’est jamais parfaite (viscosité du marché du travail) l’employeur a donc toujours une marge de manœuvre positive et donc continue à embaucher. Les effets d’une hausse du salaire minimum seront donc positifs car plus de personnes accepteront des emplois qu’elles auraient auparavant refusés.

Il existe cependant une limite à cette hausse puisque la marge de l’employeur diminue. Donc tout dépend du point de départ.

La France et les USA connaissent une évolution inversée du salaire minimum. Ainsi des études comparatives montrent qu’en France une hausse du salaire minimum accroit les risques de perte d’emploi pour les travailleurs qui en bénéficient (destruction d’emplois + diminution des créations d’emploi)

 

- En France le poids important des charges sociales alourdi le coût du travail par rapport au salaire. Les politiques de diminution des charges sociales qui visent à diminuer le coût du travail sans diminuer les salaires sont efficaces puisqu’elles permettent une augmentation et de l’emploi qualifié et de l’emploi peu qualifié. Le risque du problème du financement des exonérations de charges est compensé par une importante création d’emplois qui permet de nouvelles rentrées fiscales et des économies vis-à-vis des allocations chômages et des minimas sociaux.

Ainsi en France le choix d’un salaire minimum élevé doit s’accompagné d’une diminution des charges sociales.

 

Chapitre 4 : Le travail doit payer

 

-Si le travail devient moins avantageux, en moyenne moins de gens iront travailler. On peut ainsi parler de « trappes à inactivité «, particulièrement en France. Une enquête de D.ANNE et de Y. L’Horty montre qu’il est financièrement plus avantageux pour un couple avec au moins un enfant de rester inactif que si l’un des conjoints travaille à une rémunération équivalente au smic.

Quelle solution ?

Une restriction des prestations entrainerai une hausse de la pauvreté. Une hausse des salaires n’est pas non plus une bonne solution puisque la valeur actuelle du smic est déjà un frein à l’emploi. Une autre possibilité peut être une politique de valorisation du travail (versement d’un supplément de salaire par l’Etat) qui permettrai d’agir sur les comportements (lutter contre les trappes à inactivité) et d’améliorer la situation des personnes qui trouvent un emploi (lutter contre les trappes à pauvreté).

 

- En France il existe un système de prime pour l’emploi : il s’agit d’un crédit d’impôt au profit des personnes dont les revenus d’activité sont compris entre 0.3 et 1.4 Smic. Cependant il manque d’efficacité du fait de sa complexité, de son montant trop faible pour être incitatif, de son coût élevé. Et il n’est pas suffisamment ciblé. De même le revenu minimum d’activité (RMA) est loin d’être satisfaisant (incitations trop faibles). Il serait préférable d’instituer un dispositif unique et permanent offrant des avantages financiers importants.

 

Chapitre 5 : le chômage est utile

 

Notre conception actuelle du chômeur nous conduit à considérer celui-ci comme une victime et donc à nous tourner vers une logique d’assistance qui entrave l’incitation à retrouver un emploi et tend à pérenniser un niveau de chômage excessif. Alors que la recherche d’un emploi est une activité économique utile. La notion d’« appariement « entre un emploi et un travailleur est très importante puisqu’elle assure une meilleure productivité du travail. Or la recherche d’un emploi (donc le chômage) permet des appariements plus satisfaisants. En France la très longue durée du chômage témoigne d’une inefficacité des institutions guidant la recherche d’emploi.

 

La population des chômeurs est hétérogène (tous ne profitent pas passivement des allocations chômage).Il convient d’élaborer un système juste et efficace en rétribuant et en guidant la recherche d’emploi. Selon quel principe ? Le principe d’engagement mutuel, qui guide les systèmes actuels, semble approprié : le chômeur s’engage à rechercher activement un emploi (contraintes réelles et sanctions crédibles) en échange d’une aide et d’un suivi conséquents.

- L’exemple Suisse : les sorties de chômage sont d’autant plus élevées que le degré de crédibilité des sanctions est élevé. ( action sur les chômeurs mais aussi sur les agents des services de l’emploi → responsabilité plus forte vis-à-vis des chômeurs.)

 

- l’exemple des Pays-Bas : l’intensité des contrôles n’avait pratiquement pas d’influence sur le comportement des chômeurs car l’aide réelle fournie était très faible.

 

- En France depuis 2001 il existe au sein du  système d’assurance chômage un « plan d’aide au retour à l’emploi « mettant en place un « projet d’action personnalisé « (PAP). Le volet pilotage de la recherche est en réalité superficiel(la fréquence des entretiens obligatoires est insuffisante (tous les 6 mois), la notion d’emploi convenable n’existe pas vraiment, les actions que doit entreprendre le chômeur ne sont pas contraignantes)→ les contrôles et les sanctions ne sont que virtuels. Le principe d’engagement mutuel n’est pas respecté : pas d’aide réelle véritable et pas de véritable obligation pour le chômeur =>inefficacité.

 

Chapitre 6 : Protéger l’emploi autrement

 

La législation de la protection de l’emploi en France se base autour du contrôle et de la répression (dommages et intérêts et sanctions pénales). Il s’agit d’une approche inéquitable (protège certains salariés, pas les plus défavorisés) et inefficace (ne permet pas de maintenir le volume global de l’emploi. Les destructions temporaires sont évités mais à un cout exorbitant qui dégrade les conditions financières des entreprises et réduit l’emploi total.

La protection de l’emploi doit poursuivre 3 objectifs : augmenter ou stabiliser l’emploi, réduire les risques encourus par les salariés, inciter les entreprises à tenir compte de la valeur sociale des emplois.

→ l’actuelle législation de la protection de l’emploi n’atteint aucun de ces objectifs.

 

-Une législation qui rend plus difficile les licenciements est ambiguë puisqu’elle réduit les destructions mais réduit aussi les créations d’emplois. De plus des travaux montrent que la rigueur de la protection de l’emploi n’a aucun effet significatif sur le taux de chômage et pire : elle accroit la durée du chômage et diminue le taux d’emploi (surtout pour jeune et personnes de plus de 50 ans)

Elle permet la protection des emplois dotés d’une certaine ancienneté mais pousse les entreprises à utiliser abondamment les CDD, ce qui accentue la segmentation du marché du travail (entre ceux qui ont des emplois protégés et ceux en CDD ou chômeurs)

 

-Il faut tenir compte de la valeur sociale des emplois (pour la collectivité) : la destruction d’un emploi est source d’externalités négatives (un emploi détruit implique un besoin supplémentaire en assurance chômage avec moins de salariés pour y contribuer.). Or l’employeur prend en compte le coût personnel de la destruction d’un emploi et non le coût collectif. L’Etat doit intervenir de manière à ce que l’intérêt de l’entreprise rejoigne celui de la collectivité → objectif de rapprochement de la valeur privée et de la valeur sociale d’un emploi.

Pour cela une possibilité peut être un mécanisme de « bonus malus «: les taux de cotisation des entreprises augmentent avec le nombre de leurs licenciements. (On parle de « fiscalisation « de la protection de l’emploi).

il faut proscrire le contrôle économique du licenciement (inefficace car les autorités ne peuvent pas établir la valeur sociale d’un l’emploi).De plus les coûts de licenciement pour motif économique sont très importants (de l’ordre d’une année brute de salaire par licenciement) : cela incite les entreprises à contourner la législation (les masquer en démission)

 

La législation doit passer d’une culture du contrôle à une culture de l’incitation.

 

Chapitre 7 : l’éducation n’est pas une potion magique

 

-De nombreux investissements dans le système d’éducation et de formation ne sont rentables ni pour la collectivité ni pour les personnes. Trois lignes directrices :

→ les aides publiques doivent être ciblées

→ dirigées prioritairement vers les jeunes

→ déployées, pour partie, en dehors de l’école.

 

-Il est indispensable d’évaluer l’impact des interventions publiques.

-« Le dispositif de formation continue « à la française « ne contribue pas à améliorer significativement les capacités des travailleurs peu formés au départ (car ce sont les salariés jugés les plus productifs qui bénéficient de stages de formation). Ainsi pour les adultes la formation n’est pas une aide adaptée. Il vaut mieux subventionner l’embauche de ces travailleurs, par, par exemple des abaissements de charges sociales ou des réductions d’impôts.

Les consensus autour de ces politiques relève plus de la foi (toute formation est bonne par essence) que d’un examen objectif des résultats.

-En revanche les aides ciblées sur jeunes enfants sont nettement plus efficaces. Trois conditions principales d’efficacité : étroitement ciblées, budget élevé, appui sur le milieu familial.

-Importance du milieu familial en terme de développement des capacités des enfants→ on en peut pas tout attendre du système scolaire.

-Des études ont montré que les ZEP n’avaient aucun effet significatif sur la réussite des élèves. Pour Roland Bénabou cet échec est en grande partie du à un problème de ciblage.

 

Chapitre 8 : évaluer et changer les politiques publiques de l’emploi

 

On peut classer la multitude des dispositifs d’aide à l’emploi en 2 catégorie : ceux du secteur privé (subventions versées aux entreprises pour la formation et l’embauche de publics particuliers : abattements de charges sur bas salaires, contrats d’apprentissage) et ceux secteur public et associatif (emplois d’une durée déterminée accessibles à des publics en difficulté, ex : CES, contrats emploi solidarité).

Les aides à l’emploi coûtent cher et touchent beaucoup de monde.(en 2000 : 1.4% du PIB ( contre 0.08% aux USA et 1.12% au Danemark). Il est donc nécessaire de les évaluer. Pour cela il faut se demander ce que les personnes seraient devenues sans.

Le modèle suédois Début des années 90 : remise en cause des politiques d’aide à l’emploi→ études pour apprécier leur efficacité (Barbara Sianesi) → les chances de retour vers un emploi régulier sont relativement plus faibles pour les personnes ayant bénéficié d’un emploi temporaire dans le secteur public et pour celles ayant bénéficié d’une formation en dehors d’une entreprise.

→ ces programmes envoient un mauvais signal aux employeurs potentiels.

En revanche les subventions à l’emploi dans le secteur privé donnent des résultats spectaculaires : hausse de 40 points de pourcentage des chances de retrouver un emploi dès la sortie du dispositif. Ensuite il y a les remplacements temporaires et les formations en entreprises (car « vraie « situation). Et en termes de coût des mesures l’ordre est à peu près inversé.

Le modèle Suisse→ programme de grande échelle  d’« activation des dépenses passives « (les chômeurs acceptent un emploi avec un alaire plus bas que le montant des indemnités chômage et reçoivent une compensation par l’assurance chômage) → accroit de 10 points leur chance de retour vers un emploi régulier.(Alors que tous les autres programmes sont dominés par le chômage).

Conclusion : les aides à l’emploi sont d’autant plus efficaces que l’emploi aidé est proche d’un emploi régulier. (Emplois « normaux « → accroit capacités professionnelles + signal positif aux employeurs potentiels.)

 

Aujourd’hui une, voire la, priorité est d’instaurer des instances indépendantes d’évaluation. (Actuellement ce sont  des organismes sous tutelle gouvernementale). Chaque nouveau programme devrait mentionner les dispositifs prévus pour l’évaluer.

 

Epilogue

Enseignements les plus marquants :

→ processus de destruction et de création moteur de la croissance. La législation du travail doit se fonder sur une logique de prévention et non de répression. Il faut donner aux entreprises une plus grande liberté de licencier. La protection de l’emploi doit être basée sur des mesures fiscales incitant les entreprises à mieux tenir compte de la valeur sociale des emplois. Le système d’assurance chômage doit être basé sur un engagement mutuel.

 

→ en France le coût du travail est aujourd’hui un obstacle à l’emploi → allégements des charges sociales. Ms cela demande un effort de solidarité.

 

→ Aides à l’emploi plus efficaces quand ciblées vers un emploi régulier du secteur marchand.

 

→ les dépenses publiques de formation doivent être réorientées dans 2 directions : vers les jeunes enfants issus de milieux défavorisés et vers des programmes ciblés avec un suivi long et coûteux des bénéficiaires.

 

→ nécessité des évaluations en priorité des politiques publiques → assurer leur indépendance (aujourd’hui organismes sous tutelle gouvernementale).

 

Critique interne

 

On peut dans un premier temps s’interroger sur l’aspect méthodologique de l’œuvre. Comment les auteurs démontrent-ils leurs thèses ?

Ils fondent leurs propos sur beaucoup d’études empiriques récentes et solides. Cependant quelques remarques peuvent être faites. La plupart de ces enquêtes ont été menés dans des pays autres que la France, nous pouvons donc nous interroger sur leurs conditions de leur validité. Par exemple les auteurs prennent l’exemple de la Suisse pour montrer qu’un suivi et qu’un contrôle strict des chômeurs est un gage d’efficacité pour le retour à l’emploi. Or la situation de la Suisse et celle de la France n’ont rien de comparable : le taux de chômage est nettement plus faible en Suisse. Si dans une situation de fort taux de chômage aucun emploi n’est disponible la solution efficace pour réduire celui-ci est-elle vraiment d’accroitre le contrôle et le suivi des chômeurs ? D’autant plus que l’idée qu’une partie non négligeable des chômeurs profitent passivement des allocations reste quand même à nuancer. Les auteurs concluent d’après une certaine une étude qu’ «  Une forte diminution de l’allocation chômage pousse une partie des chômeurs à retrouver rapidement un emploi «. Certes, mais il faudrait aussi s’interroger sur le type d’emploi alors accepté (en dernier recours ?) par les individus. Ainsi les auteurs utilisent beaucoup d’enquêtes menées dans des conditions particulières et en généralisent les conclusions sans toujours mener de réflexion critique sur ces données. Au sujet de l’école ils affirment que des enquêtes ont montré que les dépenses par élève et la taille des classes n’ont pas vraiment d’effet sur les performances des élèves et sur leurs parcours scolaire. Or de nombreuses autres études, notamment au niveau de la sociologie de l’éducation n’abondent pas dans ce sens. (Là encore ces études renvoient à des conditions particulières : il s’agit d’études menées aux Etats-Unis dans les années 1990, c'est-à-dire au sein d’un système éducatif différend du système français et au cours d’une période de croissance phare pour les Etats Unis…).

Les auteurs procèdent donc parfois à quelques raccourcis. Autre exemple : « Le dispositif de formation continue « à la française « ne contribue pas à améliorer significativement les capacités des travailleurs peu formés au départ « et cela car ce sont en fait les salariés les plus productifs qui bénéficient des stages de formation. Cela suffit-il à conclure que la formation continue est un système inefficace qu’il faudrait supprimer (ou plutôt pour les auteurs la remplacer par un dispositif de subvention à l’embauche, ce qui n’améliore pas les compétences du travailleur peu qualifié qui, une fois licencié sera à nouveau confronté aux mêmes difficultés pour trouver un emploi)?

 

Le côté très assuré des auteurs est donc parfois quelque peu dérangeant.

"Ces résultats ne nous font pas forcément plaisir, mais ils sont incontournables. Qu'ils soient si peu connus -ou si peu acceptés- non seulement de beaucoup de nos concitoyens, mais aussi de nombreux hommes politiques, explique en partie pourquoi il y a tant de chômeurs en France" (p.196).

D’autant plus dérangeant lorsqu’on observe cette phrase paradoxale à la toute toute fin de l’ouvrage : « En fin de compte, nous connaissons très mal l’impact des interventions publiques sur l’emploi en France. Nos connaissances proviennent pour l’essentiel des évaluations menées à l’étranger. «.

 

Henri Sterdyniak  notamment a questionné la démarche méthodologique des auteurs en pointant trois limites à l’analyse économétrique sur laquelle ils s’appuient beaucoup (comparaison d’un groupe test et d’un groupe témoin) : « elle porte sur des épisodes déterminés, dont les enseignements sont difficiles à généraliser ; elle est délicate à mettre en œuvre de sorte que des résultats contradictoires sont souvent obtenus ; enfin, il est difficile, sinon impossible, de passer des impacts microéconomiques à un effet macroéconomique. «

 

On peut ensuite remarquer que les auteurs passent parfois rapidement sur certaines questions. Ils évoquent le problème des effets d’éviction induits par les politiques de l’emploi, reconnaissent que ceux ci sont relativement importants mais en restent à ce constat sans envisager un questionnement plus approfondi des dites politiques de l’emploi.

Une de leur principale conclusion est bien résumée par le titre du chapitre 2 : « Le chômage est utile «. Et en effet on peut reconnaitre que la recherche d’un emploi peut être une activité utile qui permet la réalisation de meilleurs appariements et donc de gains de productivité. Mais que dire lorsque le chômage devient chronique et particulièrement long ? D’accord « un certain taux de chômage est nécessaire à la croissance « mais ce dernier correspond-il à celui que connait actuellement la France ? Le coût trop élevé du travail et l’inefficacité des institutions guidant la recherche d’emploi sont-ils les seuls éléments en cause ?

Si les auteurs mettent bien en avant l’idée que le processus de destruction/création d’emplois est très bénéfique à la croissance et que les entreprises doit pouvoir licencier plus facilement ils n’évoquent pas d’autres sources possibles de gains de productivité, la stabilité d’un emploi par exemple, et passent outre les aspects dommageables d’une trop grande flexibilité de l’emploi.

 

Il faut cependant reconnaitre que les auteurs permettre d’aborder les questions du chômage de façon clair et intelligible et présentent des recherches novatrices dans un style accessible alors que le grand public a longtemps été mal informé sur ce sujet. Leur but étant finalement de promouvoir une thèse, ils vont évidemment l’illustrer à partir d’exemples particulièrement choisis.

 

Ils insistent également sur la nécessité d’instaurer des organismes d’évaluation indépendants capables d’évaluer les programmes mis en œuvre. Et effectivement il est important de ne pas s’en tenir aux idées reçues, aux « croyances fantasmagoriques «, aux présupposés (notamment sur tout ce qui concerne l’idéologie libérale), qui empêchent parfois l’examen rationnel et objectif et peuvent bloquer la mise en œuvre de politiques efficaces. Sur ce point les auteurs procèdent à un balayage efficace et très clair des différentes idées reçues que l’on peut avoir et nous permettent une meilleure compréhension du fonctionnement du marché du travail.

 

Critique externe

 

L’approche des auteurs même s’ils proposent quelques solutions alternatives (subvention des emplois des moins qualifiés plutôt que baisse des salaires, subventionner les salariés non qualifiés qui travaillent plutôt que suppression des minima sociaux) n’en demeure pas mois une approche libérale. On peut donc lui opposer des conceptions d’ordre keynésiennes ou plus sociales. Celles-ci verraient à l’inverse les causes du chômage dans une demande insuffisante, des salaires trop faibles, une législation du travail trop souple pour les entreprises. Ainsi Henry Sterdyniak dénonce les stratégies proposées par les auteurs qui inciteraient  les entreprises à créer des emplois spécifiques à bas salaires sans perspectives de carrière et de progression sociale, qui conduiraient les autres salariés à voir leur revenu stagner pour financer les allégements de charges sociales. Il souligne également qu’un défaut de sécurité de l’emploi ne les inciterait pas à augmenter leur consommation, ce qui pénaliserai la croissance.

 

Au final pour les auteurs le problème du chômage viendrait en grande partie (exclusivement ?) d’un mauvais fonctionnement du marché du travail. Est-ce vraiment là la seule explication possible ? Selon eux nous connaissons aujourd’hui les bonnes et les mauvaises solutions mais les réformes sont difficiles à mettre en œuvre du fait de l’opposition qu’elles soulèvent. Or comme nous l’avons souligné et comme eux même le remarque à la fin de leur ouvrage nous connaissons encore très mal l’impact des politiques publiques.

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