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Candide – chapitre III

Publié le 11/09/2006

Extrait du document

Situation    Après avoir été chassé « paradis « de Thunder-ten-tronckh, Candide est enrôlé dans l’armée bulgare. Au début du chapitre III, il assiste à une bataille à laquelle il ne comprend plus rien.    Composition et mouvement    La composition de ce texte oppose deux images de la guerre. Dans le premier paragraphe, Candide la considère avec ses préjugés philosophiques : elle lui semble un jeu séduisant qui confirme ses théories. Mais bientôt, dans la deuxième partie du passage, il en découvre la réalité concrète et absurde. Le bel ordre initial fait alors place au chaos. Les vérités auxquelles croyait le héros sont brutalement remises en question.    1. La guerre des soldats de plomb    L’humour du premier paragraphe vient de ce que Voltaire adopte le point de vue naïf et intellectuel du jeune philosophe. La bataille se présente à lui d’une manière esthétique, comme « une harmonie «. Le mot renvoie en outre à la doctrine de « l’harmonie préalable « de Leibniz : dans cette perspective, la guerre cesse d’être absurde, car elle s’inscrit dans la logique d’une volonté providentielle qui veille au destin des hommes.    L’accumulation des adjectifs et la répétition de l’adverbe intensif « si « traduisent l’émerveillement de Candide devant la beauté et la symétrie du spectacle : « si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné «. Cette harmonie visuelle devient ensuite auditive avec le concert d’instruments qui suggère l’image d’une guerre joyeuse.  Mais Voltaire introduit déjà des dissonances qui altèrent ce bel ordre. D’abord, on note une progression des instruments vers les sons graves : des « trompettes « et des « fifres «, on passe aux « tambours « ; de plus, dans cette accumulation d’instruments de musique, se glisse ironiquement le mot « canons « ; enfin, « une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer « rappelle malicieusement des expressions comme « un bruit d’enfer « ou « un bruit de tous les diables « qui vont précisément à l’encontre de l’idée d’harmonie.    Candide semble assister non pas à un massacre, mais à une bataille de soldats de plomb. Le verbe « renversèrent « suggère une armée d’automates avec lesquels on s’amuse. La précision : « à peu près six mille hommes « traduit avec humour le regard détaché du jeune philosophe.    Voltaire continue à faire semblant d’adopter à travers lui la logique de la guerre, qui devient une œuvre utile et équitable, dans le « meilleur des mondes «, car elle permet d’éliminer les « coquins «. Tout le passage est une illustration des leçons de Pangloss. La guerre est débarrassée de son horreur par un langage qui la justifie. La tournure philosophique « ôta du meilleur des mondes « est un euphémisme trompeur [l’euphémisme est une figure de style qui consiste à adoucir par l’expression une idée désagréable] ; en évitant le terme juste qui serait « tuer «, elle tend à inscrire la guerre dans un ordre naturel.    La formule « raison suffisante « appartient au système de Leibniz : il s’agit du principe selon lequel rien n’arrive sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante. Là encore, la réalité atroce des faits est niée par un vocabulaire pédant et théorique. Quand à l’imprécision désinvolte de l’évaluation : « Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes «, elle confirme que pour l’élève de Pangloss la guerre n’a rien de choquant et se réduit à un simple décompte de victimes ; l’impression « le tout « ajoute à la déshumanisation des individus en les transformant en choses.    Dans la dernière phrase du paragraphe, le point de vue change : Voltaire intervient directement. Par la proposition relative en forme de proverbe : « Candide, qui tremblait comme un philosophe «, il se moque de son héros et avec lui des intellectuels qui manquent de courage face à la réalité.  Mais surtout, la guerre est pour Voltaire « une boucherie héroïque «. Dans cette vigoureuse alliance de mots [on appelle ainsi le rapprochement de deux termes contradictoires], l’adjectif « héroïque « est dévalorisé, car l’accent de la phrase porte sur le mot cru et indigné : « boucherie «. Ce jugement sévère fait de l’héroïsme guerrier une fausse valeur et amorce la satire violente qui va être développée dans la seconde partie du texte.    2. La réalité horrible de la guerre    La deuxième partie du passage contraste avec le début : à l’ordre et à l’élégance (« Rien n’était si beau… «) succède une impression de dislocation et de chaos.    Voltaire commence par s’en prendre à la religion qui sert ici de légitimation aux atrocités dont se rendent coupables les rois. Le « Te Deum « [chant d’action et de grâces rendues à Dieu pour le remercier] est chanté en même temps dans les deux camps après la bataille : cela prouve, pour Voltaire, que la religion n’est pas digne de foi puisqu’elle se fait partout complice de l’infamie ; elle apporte en outre une caution facile à toutes les horreurs de la guerre, en les replaçant dans la logique d’une intention divine.    Candide, qui ne comprend rien, prend « le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes «. « Aller raisonner ailleurs « est un euphémisme, une manière polie, mais aussi moqueuse, de dire qu’il déserte ; quant à l’expression « des effets et des causes «, elle appartient encore au langage de Leibniz et de Pangloss qui prétendent malgré les évidences donner une cause logique et acceptable au mal et à la guerre.    Commence alors un tableau réaliste qui va remettre en question la belle assurance du jeune homme. Les deux années ont rompu leur ordre initial pour laisser place à « des tas de morts et de mourants «. Puis Candide arrive chez les civils et découvre l’horreur. Voltaire critique au passage, avec l’expression ironique « selon les lois du droit public «, une idée courante à son époque : la guerre était considérée par certains comme un droit justifiant les massacres des civils. Il évoque alors successivement tous ceux qui, sans défense, pâtissent de la guerre : vieillards, femmes, enfants, jeunes filles. A leur sujet, il accumule, d’une façon macabre, des détails crus et anatomiques : « cervelles répandues «, « bras et jambes coupés « ; par leur pathétique, il suscite chez le lecteur un sentiment d’indignation et de pitié. La rime en « é « des participes passés rythme l’horreur : « criblés «,  « égorgées «, « éventrées «, « brûlées «.    En découvrant ce monde qui ne répond pas à ses préjugés, Candide prend la fuite. Dans l’autre camp, il rencontre les mêmes atrocités. La rime en « -ares «, dans les noms Abares et Bulgares, souligne la symétrie et l’universalité de la cruauté. Voltaire revient en outre sur la dénonciation des prétendus « héros « guerriers et qui affirment leur pouvoir sur des gens sans défense : « […] là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. «.    CONCLUSION    Ce texte est une célèbre satire de la guerre. Pour cela, Voltaire utilise l’ironie, en faisant semblant, au début du texte, d’adopter le point de vue de Candide qui voit la bataille en philosophe. Il a recours aussi au réalisme : à l’harmonie initiale s’oppose ensuite un spectacle d’épouvante. On retrouve dans ce contraste la démarche fondamentale du livre : détruire la vision optimiste de Candide et de Pangloss, mais aussi ruiner les fausses valeurs comme l’héroïsme guerrier. Le conte et la fiction collaborent ainsi au mouvement des Lumières qui dénoncent la guerre comme une barbarie contraire au progrès de la civilisation.    Extrait du chapitre III    La guerre    Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.    Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres ; c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.    Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares ; et les héros babares l’avaient traité de même.

« La deuxième partie du passage contraste avec le début : à l'ordre et à l'élégance (« Rien n'était si beau… ») succède uneimpression de dislocation et de chaos. Voltaire commence par s'en prendre à la religion qui sert ici de légitimation aux atrocités dont se rendent coupables les rois.

Le« Te Deum » [chant d'action et de grâces rendues à Dieu pour le remercier] est chanté en même temps dans les deux campsaprès la bataille : cela prouve, pour Voltaire, que la religion n'est pas digne de foi puisqu'elle se fait partout complice de l'infamie ;elle apporte en outre une caution facile à toutes les horreurs de la guerre, en les replaçant dans la logique d'une intention divine. Candide, qui ne comprend rien, prend « le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes ».

« Aller raisonner ailleurs » estun euphémisme, une manière polie, mais aussi moqueuse, de dire qu'il déserte ; quant à l'expression « des effets et des causes »,elle appartient encore au langage de Leibniz et de Pangloss qui prétendent malgré les évidences donner une cause logique etacceptable au mal et à la guerre. Commence alors un tableau réaliste qui va remettre en question la belle assurance du jeune homme.

Les deux années ont rompuleur ordre initial pour laisser place à « des tas de morts et de mourants ».

Puis Candide arrive chez les civils et découvre l'horreur.Voltaire critique au passage, avec l'expression ironique « selon les lois du droit public », une idée courante à son époque : laguerre était considérée par certains comme un droit justifiant les massacres des civils.

Il évoque alors successivement tous ceuxqui, sans défense, pâtissent de la guerre : vieillards, femmes, enfants, jeunes filles.

A leur sujet, il accumule, d'une façon macabre,des détails crus et anatomiques : « cervelles répandues », « bras et jambes coupés » ; par leur pathétique, il suscite chez le lecteurun sentiment d'indignation et de pitié.

La rime en « é » des participes passés rythme l'horreur : « criblés », « égorgées »,« éventrées », « brûlées ». En découvrant ce monde qui ne répond pas à ses préjugés, Candide prend la fuite.

Dans l'autre camp, il rencontre les mêmesatrocités.

La rime en « -ares », dans les noms Abares et Bulgares, souligne la symétrie et l'universalité de la cruauté.

Voltairerevient en outre sur la dénonciation des prétendus « héros » guerriers et qui affirment leur pouvoir sur des gens sans défense :« […] là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d'autres,à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort.

Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et dejambes coupés.

». CONCLUSION Ce texte est une célèbre satire de la guerre.

Pour cela, Voltaire utilise l'ironie, en faisant semblant, au début du texte, d'adopter lepoint de vue de Candide qui voit la bataille en philosophe.

Il a recours aussi au réalisme : à l'harmonie initiale s'oppose ensuite unspectacle d'épouvante.

On retrouve dans ce contraste la démarche fondamentale du livre : détruire la vision optimiste de Candideet de Pangloss, mais aussi ruiner les fausses valeurs comme l'héroïsme guerrier.

Le conte et la fiction collaborent ainsi aumouvement des Lumières qui dénoncent la guerre comme une barbarie contraire au progrès de la civilisation. Extrait du chapitre III La guerre Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées.

Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours,les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer.

Les canons renversèrent d'abord à peu près six millehommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient lasurface.

La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes.

Le tout pouvait bien se monter à unetrentaine de mille âmes.

Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucheriehéroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs deseffets et des causes.

Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres ;c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public.

Ici des vieillards criblés de coups regardaientmourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouviles besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leurdonner la mort.

Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.. »

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