Cette Fille-Là de Maïssa Bey
Publié le 12/09/2006
Extrait du document
Maïssa Bey est un auteur du XXIème siècle. Elle a rédigé plusieurs romans, nouvelles, pièces de théâtre et récits tels que Nouvelles d'Algérie ou encore Pierre, Sang, Papier ou Cendre. Nous allons étudier un passage de Cette fille-là qui débute page 117 «j’avais dix ans quand je me suis sauvée pour la première fois«, et qui se termine page 124 «ne pas sombrer«. Dans cette partie Malika, protagoniste et narratrice du texte, relate un évènement de son enfance. Nous nous demanderons de quelles façons Malika échappe à la réalité. Nous verrons en premier lieu les différents moyens que Malika utilise afin d’échapper à la réalité, puis nous remarquerons que malgré tout la réalité s’impose à celle-ci.
Tout d’abord dès la première phrase nous pouvons remarquer que Malika retourne dans son passé, en effet elle utilise le présent pour raconter son souvenir «j’ai dix ans«. Cela montre qu’elle revit totalement ce moment de son enfance. Malika dit qu’elle s’est enfuie pour la première fois, cela sous entend qu’il y aura d’autres fugues. Nous pouvons donc comprendre que Malika s’échappe physiquement certes, mais également mentalement. En effet en racontant ses histoires Malika fuit la réalité à sa façon: «une histoire émouvante«, «j’ai inventé une autre histoire«. Malika donne donc l’impression de vivre hors de la réalité, y compris en décrivant la ville qu’elle découvre: «Ville de toutes les vies possibles(…) exactement comme dans un rêve«.
De plus nous pouvons voir que Malika semble ne pas vouloir être Malika lorsqu’elle visite cette ville, en effet elle aime l’anonymat qui lui donne une certaine liberté. Cela montre donc que Malika se sent enfermée lorsqu’elle est Elle-même. Elle aime être seule et ne pas attirer l’attention: «ne pas exister pour eux«. Malika voudrait être adulte, elle souligne encore une fois leur liberté. Dans la page 119 on peut remarquer qu’une phrase fait tout une page. Ici on peut penser que Malika ne veut pas terminer cette page car sinon tout pourrait disparaitre. En effet durant celle-ci elle découvre toute la ville, elle s’enivre de tout ceci. La fin de la phrase marque la fin de son voyage: «j’aurais voulu continuer à découvrir le monde«. Seulement Malika redevient ensuite une jeune fille de dix ans qui ressent la faim et la fatigue: «je n’étais qu’une fille de dix ans«, «fatiguée«, «épuisée et affamée«. Cette phrase donne l’impression de marquer la fin d’un rêve, Malika doit enfin retrouver la réalité.
Malika retrouve la réalité qu’elle a tant voulue occulté. En effet elle nous parle de «voix qui crient son nom« ou encore «d’imprécation obscène«. Ces phrases montrent que lorsque Malika reste dans la réalité elle est comme hantée par son passé. Nous pouvons donc supposer que si Malika tente par tous les moyens de s’échapper d’une réalité qui la dépasse, c’est pour ne pas défaillir, pour rester forte. En effet à la fin de notre passage Malika finit par: «continuez à raconter leurs histoires(…) ne pas sombrer«. Durant tout le récit Malika raconte les histoires des femmes qu’elle rencontre, nous pouvons donc en conclure que si Malika raconte les histoires des autres c’est, d’une part pour leur rendre hommage, mais c’est aussi une façon pour elle de s’évader de sa propre histoire.
Enfin Malika nous fait part de deux autres personnalités faisant partie d’elle-même. La première est M’laïkia, celle-ci est prisonnière du corps de Malika, en effet elle ne peut s’exprimer car Malika ne peut la faire exister autre que dans son imagination. Celle-ci est un personnage beaucoup plus libérée que Malika, plus dévergondée aussi. On peut le comprendre avec la phrase «laisser sa main me guider jusqu’au seuil de l’antre rouge tapissé d’écume« qui nous fait sans doute penser au sexe féminin. M’laïkia est donc une sorte de conscience, peut être le démon. On peut en venir à cette conclusion car la seconde personnalité que Malika nous décrit est «l’ange, Malaïka«. Les deux sont les faces cachées de Malika. Celle-ci se décrit quant à elle se décrit comme gardienne de ses désirs… c’est elle qui tient à cacher les deux autres M’laïkia et Malaïka. Elle les gardes presque égoïstement en elle cachées de tous, on peut donc dire que ces différentes personnalités font donc partie d’un jardin secret de Malika.
Nous pouvons donc en conclure que ce passage du récit est un des passages les plus importants si l’on peut dire. En effet nous découvrons enfin la narratrice qui reste dans le reste du roman en retrait afin de mieux raconter les histoires des femmes qu’elle rencontre. Nous avons donc vu que Malika aime en effet sortir de la réalité qui ne lui convient pas. On peut également voir qu’elle aime brouiller les pistes en racontant des histoires sur sa vie. Avec cela nous pouvons penser que Malika ne veut pas être connue, ne veut pas non plus être comprise. En effet en laissant les différentes faces de sa personnalité dans le noir elle s’assure ainsi une protection afin de ne pas être atteinte.
Liens utiles
- La fille égoïste et Carline
- BANDE DE FILLE
- Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir (analyse détaillée)
- BEY DE PERGAME (Le) et LE CANAL EXUTOIRE. (résumé & analyse)
- ELISA. Personnage du roman d’Edmond de Goncourt la Fille Élisa