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commentaire composé le chef d'oeuvre inconnu

Publié le 13/01/2013

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TEXTE A - Honoré de Balzac, Le Chef-d'oeuvre inconnu. [L'action de ce roman se déroule en 1612. Fraîchement débarqué à Paris, un jeune peintre ambitieux, Nicolas Poussin, se rend au domicile de Maître Porbus, un célèbre peintre de cour, dans l'espoir de devenir son élève. Arrivé sur le palier, il fait une étrange rencontre.] Un vieillard vint à monter l'escalier. À la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat1 de dentelle, à la prépondérante sécurité de la démarche, le jeune homme devina dans ce personnage2 ou le protecteur ou l'ami du peintre ; il se recula sur le palier pour lui faire place, et l'examina curieusement, espérant trouver en lui la bonne nature d'un artiste ou le caractère serviable des gens qui aiment les arts ; mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure, et surtout ce je ne sais quoi qui affriande3 les artistes. Imaginez un front chauve, bombé, proéminent, retombant en saillie sur un petit nez écrasé, retroussé du bout comme celui de Rabelais ou de Socrate ; une bouche rieuse et ridée, un menton court, fièrement relevé, garni d'une barbe grise taillée en pointe, des yeux vert de mer ternis en apparence par l'âge, mais qui par le contraste du blanc nacré dans lequel flottait la prunelle devaient parfois jeter des regards magnétiques au fort de la colère ou de l'enthousiasme. Le visage était d'ailleurs singulièrement flétri par les fatigues de l'âge, et plus encore par ces pensées qui creusent également l'âme et le corps. Les yeux n'avaient plus de cils, et à peine voyait-on quelques traces de sourcils au-dessus de leurs arcades saillantes. Mettez cette tête sur un corps fluet et débile4, entourez-la d'une dentelle étincelante de blancheur et travaillée comme une truelle à poisson5, jetez sur le pourpoint6 noir du vieillard une lourde chaîne d'or, et vous aurez une image imparfaite de ce personnage auquel le jour faible de l'escalier prêtait encore une couleur fantastique. Vous eussiez dit d'une toile de Rembrandt7 marchant silencieusement et sans cadre dans la noire atmosphère que s'est appropriée ce grand peintre. 1 rabat : grand col rabattu porté autrefois par les hommes. 2. Ce vieillard s'appelle Frenhofer. 3. affriande : attire par sa délicatesse. 4 débile : qui manque de force physique, faible. 5 truelle à poisson : spatule coupante servant à découper et à servir le poisson. 6 pourpoint : partie du vêtement qui couvrait le torse jusqu'au-dessous de la ceinture. 7 Rembrandt : peintre néerlandais du XVIIe siècle. Ses toiles exploitent fréquemment la technique du clair-obscur, c'est-à-dire les effets de contraste produits par les lumières et les ombres des objets ou des personnes représentés. E.A.F. 2008 série S en métropole Corrigé du commentaire de l'extrait du Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac La rencontre entre deux peintres, avec portrait du peintre Frenhofer Lorsque paraît pour la première fois Le Chef-d'oeuvre inconnu, la nouvelle de Balzac, en 1831, dans la revue L'Artiste, l'époque est au désenchantement. C'est la seconde génération romantique qui ne trouve pas d'idéal à la mesure de son aspiration dans cette société bourgeoise et conformiste de la monarchie de juillet. « Etre artiste ! « devient le mot d'ordre de la jeunesse. La notion d'artiste se dissocie de celle de l'artisan pour atteindre le statut de Créateur, de personnage mythique qui, par sa façon de penser et de vivre, se distingue du commun des mortels et surtout du type du bourgeois, exclusivement occupé à s'enrichir. Ainsi, Balzac prend-il ses distances avec son époque, en remontant le temps jusqu'à l'année 1612, pour introduire ses lecteurs dans l'atelier de peintres d'exception, qu'ils soient fictifs comme Frenhofer ou bien, ayant existé, comme Porbus ou Poussin. Dans l'extrait qui nous intéresse, et qui se situe presque au début de la nouvelle, un jeune homme, dont on suppose qu'il est peintre, (on apprendra plus tard qu'il s'agit du célèbre peintre Poussin) s'est décidé, après beaucoup d'appréhension à gravir l'escalier qui le mène à l'atelier d'un peintre de renom, Porbus. Alors qu'il est sur le palier et hésite à frapper à la porte du peintre, voici qu'un étrange vieillard « vint à monter l'escalier «. Cet homme énigmatique va être perçu par le double regard du romancier et du personnage. Cependant ce portrait étrange va bien au-delà d'une simple fonction informative ou décorative. Balzac a un projet artistique et même philosophique qu'il nous appartiendra de découvrir. D'abord, examinons l'art du portrait qui se voudrait réaliste mais qui tourne à l'étrange, voire au registre fantastique. Ensuite, l'apparition mystérieuse se métamorphose progressivement en tableau vivant ou, plus encore, en synthèse des arts. Nous verrons comment et pourquoi. I) Un portrait réaliste qui échoue A) Déchiffrer le vieillard par l'observation et la déduction, selon le regard du jeune homme ??Le portrait commence par le point de vue interne du jeune homme, avec des verbes de perception visuelle : « l'examina curieusement «, « mais il aperçut quelque chose ... «. ??Tout de suite, ce dernier se livre au jeu des devinettes, ce qui est rendu par des verbes d'interprétation : « le jeune homme devina «, « espérant trouver en lui la bonne nature d'un artiste «. ??Il émet ainsi des hypothèses (en utilisant la conjonction de coordination « ou «) sur les qualités et le rôle de cet inconnu qui pourrait être « ou le protecteur ou l'ami du peintre «, ayant « la bonne nature d'un artiste ou le caractère serviable des gens qui aiment les arts «. Cependant, ce déchiffrement échoue car les suppositions du jeune peintre se heurtent à une contradiction marquée par la conjonction « mais «, par l'effet de distanciation provoquée par l'adjectif démonstratif « cette « dans « cette figure « et par la locution « ce je ne sais quoi « : « mais il aperçut quelque chose de diabolique dans cette figure, et surtout ce je ne sais quoi qui affriande les artistes. «. Observer et déduire ne suffisent donc pas au jeune homme à saisir la nature du vieillard qui demeure énigmatique, l'attirant et l'inquiétant simultanément. B) Déchiffrer le vieillard par un portrait organisé, selon le regard de l'écrivain-artiste Balzac ??Le changement de point de vue s'effectue avec les injonctions : « Imaginez [...] Mettez cette tête [...] entourez-la [...] jetez sur le pourpoint ... « qui dirigent le regard du lecteur et l'interpellent : « Vous aurez une image imparfaite de ce personnage [...] Vous eussiez dit d'une toile de Rembrandt ... «. On note néanmoins que, malgré ce guidage visuel, le personnage conserve son mystère car l'image ainsi composée demeure « imparfaite «. ??L'ordre de la description est choisi pour susciter un double effet : l'enchâssement et le contraste. Le personnage est d'abord montré de l'extérieur par son habit étonnant et son allure générale imposante et riche : « A la bizarrerie de son costume, à la magnificence de son rabat de dentelle, à la prépondérante sécurité de la démarche «. Ensuite, le regard se concentre longuement sur les caractéristiques des traits du visage (le front, le nez, la bouche, le menton, la barbe, les yeux) et passe très vite sur le reste du corps : « un corps fluet et débile «, ce qui provoque un contraste surprenant entre la tête abondamment décrite et le corps presque ignoré. Enfin, le regard se porte à nouveau sur l'extérieur, c'est-à-dire le costume et les accessoires de la toilette : « entourez-la d'une dentelle étincelante de blancheur et travaillée comme une truelle à poisson, jetez sur le pourpoint noir du vieillard une lourde chaîne d'or ... «. Le personnage est donc « enchâssé ou camouflé « par son « paraître « constitué par ses habits, son statut social autant que le signe d'une époque, le XVIIième siècle. Tout l'intérêt se porte sur les traits du visage et on sait l'importance accordée par Balzac à la physiognomonie comme « miroir de l'âme «. Aujourd'hui, on parle de morphopsychologie, pour décrypter le caractère d'un individu à partir de l'observation de ses traits et de ses attitudes. La phrase au présent de vérité générale : « ces pensées qui creusent également l'âme et le corps « montre bien que l'art du portrait n'est pas purement à visée ornementale ou documentaire mais participe de la recherche de l'absolu , qui sera d'ailleurs le titre d'une autre nouvelle de Balzac. Le double regard du jeune homme et du narrateur, Balzac, (qui ne semble pas omniscient ici) ne parvient pas à déchiffrer l'énigme incarnée par le vieillard. Les ressources de l'observation et du raisonnement ne suffisent pas à entrer dans le mystère de celui qui représente sans doute la création artistique, au sens mythique ou sacré du terme. C'est pourquoi, imperceptiblement, Balzac va changer de registre. II) A la porte du Mystère de l'Art : le glissement fantastique A) Une rencontre initiatique et mystérieuse : le secret ??Le mystère plane sur les identités réelles des personnages en présence dans cet extrait puisqu'ils ne sont désignés que par leur âge : « Un vieillard [...] le jeune homme «. Cependant des indices sont donnés sur leur probable profession. Etant donné qu'ils se trouvent tous deux devant la porte d'un peintre, on peut supposer qu'ils sont de cette corporation. Les mots « artiste « et « arts « reviennent d'ailleurs à plusieurs reprises. Cette rencontre de deux « artistes «, l'un vieux et opulent, l'autre, jeune, et débutant, prélude-t-elle à une future relation maître-élève ? On peut le supposer. ??Les lieux de la rencontre sont, eux aussi, symboliques : « l'escalier [...] le palier «. Ce sont des lieux de passage, entre le dedans et le dehors, une sorte d'entre-deux, de non lieu. Les deux personnages sont aussi sur le seuil de l'atelier d'un peintre, Porbus, comme au début d'une aventure commune, voire d'une initiation du plus jeune au mystère de l'Art. On attend que la porte s'ouvre et que se révèle la Vérité. ??Pourtant, aucun échange verbal ne se produit entre le vieillard et le jeune homme. La communication passe par la gestuelle et le regard. L'adverbe « silencieusement « dans la dernière phrase du texte le souligne. Les mouvements des personnages sont significatifs des rapports qui s'instaurent entre eux immédiatement. Le vieillard « vint à monter l'escalier « comme s'il accomplissait une ascension solennelle et « la prépondérante sécurité de la démarche « dénote l'assurance, la majesté de « ce personnage «. Aussitôt, le jeune homme est impressionné et « il se recula sur le palier pour lui faire place «. Ce qui ne l'empêche d'ailleurs pas de « l'examiner curieusement «. Une rencontre apparemment banale entre un vieil homme et un jeune homme sur le palier d'un immeuble prend l'allure d'une sorte de rendez-vous secret, d'un rapprochement ésotérique entre un maître initié de l'Art et un jeune postulant. Pourtant, ce maître-là présente des aspects bien étranges et inquiétants. B) Un personnage mythique et fantastique qui fascine et inquiète ??Le lexique de l'étrange est omniprésent pour caractériser le vieil homme : « la bizarrerie de son costume [...] ce je ne sais quoi qui affriande les artistes [...] singulièrement flétri par les fatigues de l'âge [...] une couleur fantastique «. ??Ce vocabulaire est en relation d'association avec celui de la vieillesse et de la décrépitude : « Un vieillard [...] un front chauve [...] une bouche [...] ridée [...] une barbe grise [...] des yeux [...] ternis en apparence par l'âge [le visage [...] singulièrement flétri par les fatigues de l'âge [...] un corps fluet et débile «. ??Mais, plus surprenant, ces champs lexicaux de l'étrange et de la vieillesse sont également mêlés au lexique du diable (ou de la figure de Faust, si prisé des Romantiques) : « quelque chose de diabolique [...] une barbe [...] taillée en pointe [...] des yeux vert de mer [...] des regards magnétiques au fort de la colère ou de l'enthousiasme [...] les yeux n'avaient plus de cils «. De plus, la disproportion entre la tête et le corps et le peu d'intérêt marqué pour ce dernier, décrit en cinq mots, rendent le personnage monstrueux car il ne semble exister que par sa tête et ses habits, à peine incarné et pourtant délabré par la vieillesse. Ainsi, ce vieillard vêtu de noir, aux yeux verts et magnétiques, sans cil (pour mieux ouvrir les yeux, pour voir au-delà du visible ou du sensible ?), nimbé d'une couleur fantastique, alternant le rire et la colère et marchant dans une noire atmosphère a tout du diable : le Méphistophélès de Goethe (ou de son âme damnée, Faust). S'il incarne l'Art absolu, cela pourrait signifier que, pour Balzac, l'art total est un mystère diabolique ou en tout cas dangereux et on ne s'en approche pas sans risque. A moins que le faste du personnage ne l'exclue de la « catégorie « du véritable artiste, forcément pauvre et incompris, selon les Romantiques des années 1830 ... III) La recherche de l'absolu par la fusion des arts A) En « peignant « d'abord un tableau littéraire ou écrire comme on peint ... ??Le portrait du vieillard se construit comme un tableau, avec les formes et les traits qui se dessinent progressivement : « Imaginez un front [...] Mettez cette tête sur un corps [...] entourez-la d'une dentelle [...] jetez sur le pourpoint [...] et vous aurez une image imparfaite de ce personnage «. Le vieil homme est ainsi esquissé, mais aussi fabriqué ou monté comme s'il s'agissait d'une statue ou d'un mannequin en pièces détachées, voué à devenir vivant. On retrouve, là encore, un thème fantastique, celui du Golem. A présent, il convient d'ajouter la couleur. ??Le romancier procède par touches de couleur : « une barbe grise [...] des yeux vert de mer [...] le contraste du blanc nacré [...] une dentelle étincelante de blancheur [...] le pourpoint noir [...] une lourde chaîne d'or «. La gamme des couleurs est froide, seul l'or apporte une touche chaude, mais il s'agit d'un objet, et même d'une chaîne ! Seraitce un symbole de servitude ou d'attachement indéfectible à l'Art parfait ? ??Enfin, la lumière apportée par « le jour faible de l'escalier «, qui pourtant fait ressortir « le blanc nacré « (de la cornée ?) « dans lequel flottait la prunelle « (pupille ou iris ?) du vieillard et qui rend « une dentelle étincelante de blancheur «, est contredite par « la noire atmosphère « finale. C'est donc un tableau en clair-obscur qui est composé progressivement. Ce tableau trouve son apothéose dans la dernière phrase du texte : « Vous eussiez dit d'une toile de Rembrandt marchant silencieusement et sans cadre dans la noire atmosphère que s'est appropriée ce grand peintre. « Le tableau, ainsi achevé par la « magie « des mots, devient vivant et la référence à Rembrandt en fait une oeuvre d'art magistral, tout en faisant glisser le réel dans le fantastique. Le romancier, tout comme le peintre, par sa perception subtile de la nature des êtres et des choses, transforme, transcende et sublime le réel. Le regard de l'artiste est Créateur. Mais Balzac veut aller encore plus loin et opérer la fusion des arts, comme une sorte d'alchimie dont l'or de la chaîne serait un symbole. B) En faisant enfin une synthèse artistique : le rêve de l'esthétique romantique ??Par la fusion des époques de référence en matière d'art : Antiquité, Renaissance, Age classique, Balzac rapproche des facettes du génie créatif. Frenhofer a des allures de Socrate et de Rabelais : « [...] un petit nez écrasé, retroussé au bout comme celui de Rabelais ou de Socrate ... «. L'âge classique est incarné par Rembrandt : « Vous eussiez dit d'une toile de Rembrandt ... «. ??Par la fusion des arts : littérature (Rabelais et Balzac, lui-même en train d'écrire), philosophie (Socrate), peinture (Rembrandt), sculpture dans le « montage et façonnage « pièce par pièce du personnage Frenhofer, Balzac tente de capter l'essence même de l'idéal de perfection artistique. Manque la musique, puisque tout est silencieux ! ??Ainsi Balzac réalise-t-il le rêve de l'esthétique romantique par un essai de totalisation et de complémentarité des arts, ce qui n'exclut pas l'alliance des contraires : le grotesque (« un petit nez écrasé retroussé du bout [...] une bouche rieuse et ridée [...] un corps fluet et débile [...] une dentelle étincelante de blancheur et travaillée comme une truelle à poisson « et le sublime (« un front chauve, bombé, proéminent [...] un menton court, fièrement relevé [...] une toile de Rembrandt marchant silencieusement ... «). Mais aussi l'opposition entre la jeunesse et la vieillesse (le jeune homme et le vieillard), le recours au mélange des « croyances « : le mythe antique de Pygmalion (qui donne vie à sa statue), le mythe romantique de Faust (initié par Goethe), le diable des monothéistes (surtout chrétiens). En abolissant les limites entre l'art et la vie, entre l'humain et le mythe, entre la vie et la mort, le début et la fin de la vie, le bien et le mal, Balzac s'essaie à l'absolu. Une tentative risquée de synthèse impossible. Ce que fera Frenhofer pour réaliser son chef-d'oeuvre inconnu : « Là [...] finit notre art sur terre. Et de là, il va se perdre dans les cieux «. Cependant, la toile absolue est indéchiffrable : « Mais tôt ou tard, il s'apercevra qu'il n'y a rien sur sa toile, s'écria Poussin «. Ce à quoi répond Frenhofer, parlant de son oeuvre finale, Catherine Lescault ou La Belle Noiseuse (selon les premières versions de la nouvelle) : « Moi, je la vois ! cria-t-il, elle est merveilleusement belle «. La dernière phrase de la nouvelle exprime les risques de l'art absolu qui peut conduire au néant, à la destruction, comme si la recherche de la perfection sur terre était une tentative dangereuse car inintelligible ou inaccessible au commun des mortels : « Cet adieu les glaça. Le lendemain, Porbus inquiet revint voir Frenhofer, et apprit qu'il était mort dans la nuit, après avoir brûlé ses toiles «. Si Le Chef-d'oeuvre inconnu est finalement classé par Balzac, en 1842, dans Les Etudes philosophiques, dans le plan d'ensemble de La Comédie humaine, c'est bien que le romancier, comme nous le disions en préambule, a un véritable projet artistique et philosophique. De la réflexion esthétique sur la nature de l'art (« La mission de l'art n'est pas de copier la nature mais de l'exprimer « dit Frenhofer à Porbus) et ses contradictions, il glisse sur la fonction visionnaire de l'artiste, le don de seconde vue, de déchiffrement par l'artiste des signes au-delà du réel, jusqu'au chef-d'oeuvre invisible à un oeil de chair : un chef-d'oeuvre méconnu plutôt qu'inconnu. Mais « Les peintres ne doivent méditer que les brosses à la main « prévient Porbus. Conception et exécution doivent aller de paire, au risque de l'inachèvement ou pire de la destruction : « le génie avorté « dont parle Zola dans L'Oeuvre. De La Belle Noiseuse, qui aurait dû être le chef-d'oeuvre de Frenhofer, il n'apparaît qu'un « pied délicieux, un pied vivant « qui « sortait de ce chaos de couleurs, de tons, de nuances indécises ... «. Ainsi le montre Balzac, peintre-romancier, en faisant le « portrait vivant « de Frenhofer. Du portrait réaliste de Frenhofer qui échoue, à la recherche de l'absolu artistique qui totalise arts et époques de génie, en passant par la porte du mystère et du fantastique, il aboutit à la destruction du personnage et de son oeuvre, à la fin de la nouvelle. L'art est une aventure spirituelle qui élève ou qui détruit, une sorte de grand oeuvre alchimique : la boue transformée en or dont parlera Baudelaire, en se faisant Voyant, comme dira Rimbaud. Cependant, entre Porbus, peintre de cour et d'imitation et Frenhofer, génie fou, mi imposteur, mi spéculateur, Balzac s'identifie plutôt à Poussin qui emprunte la voie du milieu.

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