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Commentaire de texte : Le loup et l'agneau

Publié le 20/04/2014

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    Dans la fable intitulée « l'Huître et les Plaideurs », La Fontaine propose de faire une archéologie critique de la justice qu'il oriente, comme il est coutumier du fait et pour éviter toute pesanteur intellectuelle, dans une perspective ironique. En quoi l'art du fabuliste se caractérise-t-il, de fait, comme une satire qui utilise habilement l'ironie ?   La structure de la fable Le récit et la moralité La fable a la forme d'un récit qui illustre une moralité finale. On reconnaît les marques habituelles de la moralité : le Je du fabuliste implicitement présent dans le Vous qui désigne le lecteur-interlocuteur ; symétrie des termes qui relèvent du ton sentencieux ou proverbial. Plus spécifiquement on notera le présent associé au futur dans une logique de l'expérience que le lecteur est appelé à mettre en œuvre (Mettez/Comptez/Vous verrez). Le récit est marqué dès le début de la fable par l'indication « Un jour » qui fixe l'action dans un temps indéfini ; néanmoins le récit s'engage au présent, ce qui permet de donner à la scène une dimension très visuelle. On peut distinguer trois moments dans le récit : le premier (v1-4) situe les personnages lorsque l'objet de la dispute apparaît. Le second (v.5-14) développe la contestation ; le troisième (v.15-21) est marqué par l'arrivée de Dandin ; sa présence solenelle met fin à la contestation aux dépens des deux pèlerins. Le rôle des discours Un échange de paroles au discours direct domine la partie centrale du texte. La parole vient relayer une première attitude où apparaissait la force physique et c'est précisément celui qui « pousse » son compagnon qui prend le premier la parole. La violence première se dilue alors dans la parole sans fin, autre forme de violence. Il s'agit de savoir qui a vu l'huître en premier. Enfin l'anonymat des personnages maintenu par le narrateur (l'un/l'autre, son compagnon, l'autre) indique leur interchangeabilité. Cet aspect s'oppose à la force des pronoms nominaux (Je/vous ; vous/moi dans le v.14) qui marque la dispute.     Une satire de la justice Le personnage de Perrin Dandin Il est l'archétype, la caricature du personnage de magistrat dans le registre de la comédie et du burlesque (dans l’œuvre de Rabelais et de Racine notamment). Ses visées gloutonnes sont annoncées par le mot « dent » au vers 4 que l'on retrouve sous forme d'écho dans « incident », « regardant », « président » et bien sûr « Dandin ». Cela fait de lui le symbole de la voracité de la justice qui vit sur le dos des plaideurs. Toutefois Dandin n'est pas réellement un juge dans la fable. Il joue le rôle de juge. Ce sont les pèlerins qui « le prennent pour juge » (v.16) ; de même il adopte « un ton de président » (v.19) et dans son discours il a recours à des termes techniques du vocabulaire de la justice pour en imposer (« la cour », « sans dépens »). Pourtant dans la moralité, Dandin est devenu un véritable juge : l'enjeu de la fable est de nous montrer pourquoi la justice existe. La fable fonctionne comme une scène primitive où l'on voit l'acte de naissance de la justice, née de la sottise des hommes. Le retour à l'ordre ici est de partager équitablement ce qui peut être partagé, à savoir les deux écailles. Les pèlerins se retrouvent ensuite séparés et ont perdu le statut de voyageurs : « qu'en paix chacun chez soi s'en aille » (v.21). La justice se manifeste par un renversement total de l'ordre dans lequel vivaient au départ les deux pèlerins.       L'esthétique ironique Le ton ironique Le ton de l'ironie moqueuse est rendu par divers procédés : « Ce bel incident » (v.15) est proche de l'antiphrase ; « nos deux messieurs » (v.18) possède une tonalité familière et faussement apitoyée. Un terme comme « gruger » qui désigne l'action essentielle relève du style burlesque. Le terme « gobeur » créé par La Fontaine pour l'occasion désigne finalement le personnage de Dandin. Quant à l'expression « deux pèlerins » : s'agit-il de simples voyageurs ou de deux chrétiens faisant un pèlerinage  ? En tous cas il s'agirait de chrétiens bien peu charitables et égoïstes qui sont loin de vouloir partager en frères. Le statut ironique de l'huître L'objet du litige est donc une huître, terme mis en valeur en tête du vers par un rejet (v.1-2). Elle a un statut ironique parce qu'elle offre sa simplicité de coquillage mais en même temps elle possède le prix que vont lui conférer les deux pèlerins : « Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent » (v.3), vers d'une grande force expressive. La forte structure du chiasme (verbe+complément/complément+verbe) signale par ailleurs que les deux pèlerins en resteront au stade du non aboutissement dans leur rapport avec leur « proie ». Enfin, la disproportion entre l'huître et leur émerveillement relève naturellement du comique. Les effets de renversement Enfin, lorsque les pèlerins avancent respectivement leurs arguments, ils se croient sur le point de s'approprier l'huître ; en réalité, en se payant de paroles, ils ne se rendent pas compte qu'ils s'éloignent mutuellement de l'objet qu'ils désirent. La parole, habituellement considérée comme un pouvoir pour arriver à ses fins (voir « Le Corbeau et le Renard ») devient ici un obstacle à l'action.       Conclusion :   Dans cette fable particulièrement bien construite dans laquelle l'art du récit et du dialogue sont mis au service d'une ironie mordante, La Fontaine, en bon moraliste, met en scène le paradoxe de la justice. Nécessaire pour le bien général, la justice est en fait désastreuse pour les particuliers.  

« de Dandin ; sa présence solenelle met fin à la contestation aux dépens des deux pèlerins. Le rôle des discours Un échange de paroles au discours direct domine la partie centrale du texte.

La parole vient relayer une première attitude où apparaissait la force physique et c'est précisément celui qui « pousse » son compagnon qui prend le premier la parole.

La violence première se dilue alors dans la parole sans fin, autre forme de violence.

Il s'agit de savoir qui a vu l'huître en premier.

Enfin l'anonymat des personnages maintenu par le narrateur (l'un/l'autre, son compagnon, l'autre) indique leur interchangeabilité.

Cet aspect s'oppose à la force des pronoms nominaux (Je/vous ; vous/moi dans le v.14) qui marque la dispute.     Une satire de la justice Le personnage de Perrin Dandin Il est l'archétype, la caricature du personnage de magistrat dans le registre de la comédie et du burlesque (dans l'oeuvre de Rabelais et de Racine notamment).

Ses visées gloutonnes sont annoncées par le mot « dent » au vers 4 que l'on retrouve sous forme d'écho dans « incident », « regardant », « président » et bien sûr « Dandin ».

Cela fait de lui le symbole de la voracité de la justice qui vit sur le dos des plaideurs.

Toutefois Dandin n'est pas réellement un juge dans la fable.

Il joue le rôle de juge.

Ce sont les pèlerins qui « le prennent pour juge » (v.16) ; de même il adopte « un ton de président » (v.19) et dans son discours il a recours à des termes techniques du vocabulaire de la justice pour en imposer (« la cour », « sans dépens »).

Pourtant dans la moralité, Dandin est devenu un véritable juge : l'enjeu de la fable est de nous montrer pourquoi la justice existe. La fable fonctionne comme une scène primitive où l'on voit l'acte de naissance de la justice, née de la sottise. »

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