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Commentaire Du Crapaud De Tristan De Corbière

Publié le 15/09/2006

Extrait du document

I- Cette scène décrit une situation « banal « du XIXème siècle : une ballade romantique, qui tourne mal.

1- Une nuit d'été « sans air « (vers 1), sous « la lune « (vers 2), dans un espace naturel « vers sombre « (vers 3) et « massif « (vers 5), c'est le cadre idéale pour une ballade romantique. Il y a aussi un chant au vers 5, qui nous fait penser à une ambiance d'un tête à tête romantique. L'expression « Ton soldat fidèle « au vers 7, est une allégorie du chevalier du Moyen Age. Il y a six occurrences de points de suspension. Ceux présent dans les deux tercets donnent une impression de rêverie et de calme à la scène. « Un chant dans la nuit sans air… […] … Un chant « du vers 1 au vers 4, marque une pause pour écouter ce chant. Au vers 5 par contre, les points de suspension marquent une nouvelle pause montrant le chant qui s'arrête. 2- Pourtant des détails étranges semblent entrer en contradiction avec ce cadre romantique. Certains éléments sont inquiétant : les termes « sombre « (vers 4), « enterré « et « sous « (vers 5), ainsi que « ombre « (vers 6) connote la mort. Il y a aussi les deux interjections « Horreur ! « au vers 10 et 11, avec des points d'exclamation. « Sous sa pierre « est une allégorie de la pierre tombale donc la mort. 3- C'est seulement à la fin du poème que l'on comprend que c'est le poète qui parle avec le pronom de la première personne du singulier « moi « au vers 15. Tristan s'adresse à quelqu'un avec les verbes « Viens « (vers 6) et « Vois le « (vers 9). C'est quelqu'un de proche, puisqu'il n'y a pas de vouvoiement. Les tirets marquent le dialogue, seulement à partir du vers 6. On peut penser qu'il s'adresse à une femme grâce à la paronomase « sans aile « au vers 9 qui signifierai alors, « sans elle «. Comme il n'y a pas d'interlocuteur défini on pourrai aussi croire qu'il s'adresse au lecteur. Ce dialogue oppose les deux personnages, opposition dans les types de phrases : le destinataire utilise des exclamations avec les interjections « Horreur ! « au vers 10 et « Horreur !! « au vers 11 ; gradation qui indique une très grande répulsion. Le poète utilise des phrases injonctives qui visent à aider l'interlocuteur, à amoindrir sa peur. Il utilise également des phrases interrogatives qui marquent son incompréhension face à la peur de son interlocuteur. La question rhétorique au vers 11 « Horreur pourquoi ? « est une phrase incorrecte mais qui reprend l'exclamation de l'interlocuteur pour monter combien le poète est interloqué et en décalage par rapport à son destinataire. II- On ne sait pas quel sens donner au retournement précédent, et on peut voir une analogie entre le crapaud décrit dans le poème et le poète

1- Le crapaud est un animal qui dégoûte, qui suscite de l'effroi. La structure des phrases émotives et le fait qu'elles soient courtes accentuent cela. Les termes « Un crapaud « et « Horreur ! « associe l'animal à l'ombre et à la mort. De plus, c'est un animal terrestre, bloqué sur le sol, incapable de s'élever : « sans elle « (vers 9). Le « chant « (vers 4) et non pas le cri du crapaud, « Tout vif « (vers 4). L'expression « œil de lumière « au ver 12 dénote l'intelligence du crapaud. Le crapaud associe donc l'ombre et la lumière, la laideur et la beauté, c'est donc un animal contradictoire. Le terme « Rossignol de la boue « au vers 10 est un oxymore. Le rossignol représente la beauté, la pureté du chant et la boue représente la saleté, l'emprisonnement au sol. C'est aussi une antithèse, le rossignol représente le ciel, la boue le sol. 2- Le crapaud est un animal énigmatique dont l'identité se dévoile peu à peu. Dans les deux premiers tercets, des éléments inquiétants sont présent dans le tableau de la ballade romantique. « Ca « pronom indéfini au vers 6, reprit par « c'est là « un peu plus loin. On passe du chant à son producteur, c'est une avancée comme quand on résout une énigme. Cela permet l'aménagement du suspense. Moment de surprise avec « Un crapaud ! « (vers 7) : l'identité du chanteur est dévoilée. Au vers 9 : « Vois-le, poète tondu, sans aile «. Est-ce que le « poète tondu « correspond au « le « ? Ce n'est pas une évidence mais on peut le considérer, permettant de faire une première assimilation entre le poète et le crapaud. Une ligne de points sépare la chute du reste du poème. Cette ligne met en valeur la chute et ménage un effet de suspense. En effet d'autant plus grand que le pronom « moi « est le dernier mot du poème. Ainsi, le suspense a été ménagé jusqu'au bout. La chute invite a une seconde relecture du poème après avoir comprit la vérité. 3- Cet autoportrait est connoté négativement. Son sentiment d'échec et d'exclusion, sa vie marginale ont pu le pousser à se représenter en crapaud. Sa souffrance est exprimée par le « Bonsoir « de la chute au vers 15. Elle est visible dans l'exploitation du sonnet : il est défiguré car inversé, comme le poète pensait l'être. Le sonnet est inversé et son rythme morcelé avec des points de suspension et une ligne le sépare en deux. Le ton est pathétique puisque le poète est le crapaud, contrairement au conte de fée ou le crapaud est le Prince. Corbière n'exprime pas ici que son cas personnel : il met en avant la solitude et l'isolement des poètes qui sont incompris et poussé à l'écart, comme l'est le crapaud. Ils ont un double visage : attiré par la mort mais sont capable d'éclairer les vivants. Il y a une allusion à Samson, dans « poète tondu « au vers 9. C'était un personnage biblique qui tient sa puissance de sa chevelure, coupée par Dalila. Le poète tondu n'a donc plus sa puissance. Enfin la synérèse placée sur le mot « poète « dévalorise encore celui-ci. Le son est agressif et peu noble.

Conclusion :

Corbière s'inscrit ici dans une tradition, celle du sonnet tout en parvenant à montrer qu'il a une place à part, qu'il en est exclu ou s'en exclu puisque le sonnet est ici radicalement transformé. Ce poème est très original : il fait coïncider une forme noble avec un thème vulgaire, le crapaud ; il allie provocation et moqueries par le fond, en représentant le poète en crapaud par la forme. On peut parler ici d'un certain masochisme, la destruction de la forme du sonnet semble être ici l'expression d'une souffrance sincère. On peut rapprocher ce poème de l' « Albatros « de Baudelaire avec l'exclusion du poète dans la société. Le « sans aile « au vers 9 du poème de Corbière peut aussi faire allusion au vers 16 de l' « Albatros « : « Ses ailes de géants l'empêchent de marcher «.

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