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Commentaire d'un extrait de Batman de Tim Burton

Publié le 03/04/2011

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L’extrait étudié de Batman, film réalisé par Tim Burton traite de la mort des parents de Batman encore petit à ce moment là. C’est donc une thématique émotionnelle forte qui est mise en exergue ici. Cela ne va pas sans rappeler certains aspects du mouvement de l’expressionnisme au cinéma. Beaucoup d’ailleurs voient dans le cinéma de Tim Burton des prolongements du cinéma expressionniste. C’est ce qui va être au cœur du propos concernant l’analyse de cette séquence. Dans quelle mesure cette séquence peut-elle être qualifiée d’expressionniste tant au niveau de l’atmosphère que du jeu des acteurs ou encore des choix stylistiques de la mise en scène ?

Ainsi, les formes géométriques présentes dans cette séquence font directement référence aux caractéristiques expressionnistes. En témoigne les écritures gothiques du journal qui donne la sensation de pénétrer dans un imaginaire sombre de conte funèbre. Par la suite, ces néons disposés de manière disharmonieuse à l’apparition de Batman et ses parents évoquent des formes anguleuses avec une esthétique de la diagonale chère à l’expressionnisme. Même quand Batman et ses parents marchent dans la rue, jamais une ligne rigoureusement droite se dessine : ce sont que des courbes obliques ce qui est un effet stylistique recherché dans le cinéma expressionniste. Les colonnes sont aussi présentes en arrière plan à un moment ce qui ne va pas sans faire référence à un univers gothique qui se rapproche bien souvent du cinéma expressionniste. Les formes géométriques expriment la rupture avec le réel de par leur disharmonie ; elles sont en effet toutes alambiquées, en diagonale, morcelées, saccadées, anguleuses, pointues et torturées afin de montrer la discordance avec la réalité.

De même, en ce qui concerne la lumière, l’éclairage. Ce ne sont que des couleurs sombres qui sont apercevables dans cette séquence à travers toute une palette de gris. Le contraste du coup avec les néons, le cornet bleu électrique du petit Batman et les poubelles bleues électriques en arrière plan est saisissant et abonde dans ce sens d’un univers macabre. Une ambiance cauchemardesque se dresse dans cette séquence. La paleur glaciale d’une nuit qui semble s’étendre à perpétuité émerge ce qui va dans le sens du cinéma expressionnisme et de sa vision déformée du monde.

Le jeu des acteurs est vraiment dans l’exagération comme dans le mouvement expressionniste au cinéma. Le sourire déformé et grotesque de l’homme dans la télévision présent au début et revenant à la fin de la séquence démontre bien cette esthétique là. Le même type de sourire est constatable chez le meurtrier contrastant avec le visage du père de Batman sombre et résolu devant l’abjection de la mort de sa femme. La mère de Batman à sa mort tombe de manière spectaculaire tant cela paraît mécanique et sec ; cela sonne comme une évocation de la rupture. Les yeux écarquillés du petit Batman vont aussi dans ce sens là à ce moment ; il a l’air terrifié. Les acteurs sont dans l’exagération parfois à la limite du grotesque et cela n’est pas sans rappelé le jeu des acteurs dans le cinéma expressionniste.

Au niveau des accessoires, cela est évocateur aussi. Notamment, le collier de la mère de Batman qui se répand sur le sol et de ce fait apparaît comme la métaphore de sa mort prochaine : ce moment donne une sensation de dislocation, de défragmentation. L’abondance de choses et d’objets au niveau des décors qui entoure l’homme lisant son journal au début de la séquence donne l’impression d’une ambiance étouffante et complètement oppressante. Le pistolet du meurtrier est aussi particulièrement mis en avant avec des jeux de lumière et de nombreux plans de telle manière à ce que l’on ne puisse pas ne pas le voir.

La mise en scène renvoit aussi pleinement au style expressionniste. L’usage des gros plans insert est prégnante : notamment ces pieds qui foulent le sol de façon sèche et décidée bien loin d’une attitude faisant preuve de légèreté ainsi que le pistolet donnant un climat apocalyptique. Ceci contribue à mettre bien en avant la thématique de la rupture. Au tout début de la séquence le plan en contre plongée des personnages défilant de manière sentencieuse dénote bien cette atmosphère hors du réel. Le spectateur est plongé dans un monde en parallèle, dans une sorte de rêverie cauchemardesque. Le plan en plongée du petit Batman est aussi fort symboliquement parlant : il montre son impuissance d’enfant (par sa petite taille) face au désastre de la mort de ses parents. Tous les choix stylistiques opérés par le réalisateur et relevés ici montrent bien une volonté de créer une certaine forme d’esthétique expressionniste.

La musique et le son sont dans cette séquence très important du point de vue de leur rendu dans l’ambiance générale. La musique appuie cette ambiance avec puissance. Comme à son habitude, Tim Burton a confié le soin de réaliser la bande son à son partenaire Dany Elfman. C’est une musique classique avec un orchestre et des chœurs dans l’optique d’un univers gothique hors du réel. Les bruitages résonnent avec force de par leurs éclats brusques. Ainsi, quand la mère de Batman meurt, elle crie mais à deux reprises d’une façon stridente et prolongée surtout la deuxième fois : cela fait penser aux croassements douloureux d’un corbeau. De même, quand la déflagration du pistolet retentit, elle sonne de manière grinçante et glaçante. Toute cette composition au niveau sonore va dans le sens d’une esthétique du pire, de déformation du monde pour aboutir à quelque de plus pur ou de plus beau qui est prégnante dans l’expressionnisme.

Enfin, en ce qui concerne les thèmes abordés, ils se situent en plein dans l’expressionnisme. Le déclin du monde est ici mis en exergue comme si ce constat pourtant si pessimiste avait l’espoir d’aboutir à une renaissance vivifiante. La mort des parents et donc en quelque sorte du passé, l’enfance (avec la vision de Batman enfant) sonnent le glas d’une ambiance apocalyptique et terrifiante d’un monde désabusé et désespéré. Le rêve et l’esthétique du aux faits stylistiques de mise en scène permettent ici de s’échapper. Ce sont donc des thématiques au cœur des sujets abordés par le cinéma expressionniste allemand.

Toutefois, même si cette séquence et le cinéma de Tim Burton peuvent faire référence à l’expressionnisme, cela apparaît tout de même impropre de qualifier cela d’expressionniste, la notion étant exclusivement la plupart du temps destiné au cinéma allemand des années vingt et son contexte historique très dur. Les aspirations de ce cinéma expressionniste rejoignent-elles celles de Tim Burton ? Certains voient en Burton un néo expressionnisme. La notion étant quelque peu floue et difficilement délimitable selon les divers points de vue, cela se discute.  

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