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Commentaire "Le Curé Et Le Mort", Jean De La Fontaine.

Publié le 15/09/2006

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fontaine

Si certains auteurs sont dotés d'une imagination vaste et fertile, d'autres sont obligés, pour écrire, de s'inspirer de ce qui les entoure, de leur quotidien ou de l'actualité. L'imagination ouvre des portes que l'inspiration n'ouvre pas et inversement, il s'agit de deux façons distinctes d'écrire et l'une n'est pas plus vertueuse que l'autre. De grands auteurs et écrivains n'ont pas hésité à s'inspirer du réel. Prenons le cas de la fable Le curé et le mort de Jean de La Fontaine, extraite du livre VII des Fables. Cette fable est, en réalité, inspirée d'un fait divers conté à La Fontaine par Madame de Sévigné dans lequel un curé décède tragiquement lors du transport d'un certain Monsieur de Boufflers vers sa dernière demeure. Alors, comment Jean de La Fontaine transforme-t-il un simple fait divers en une fable, récit avisé, argumentatif et comportant une morale ? Dans une première grande partie, nous analyserons la construction du texte ainsi que sa versification. Ensuite, nous ferons le portrait du curé pour donner une première conclusion qui introduira une seconde grande partie dans laquelle nous donnerons la portée générale de la fable ainsi que sa cible, car il s'agit d'une satire visant le clergé. Pour terminer, nous tenterons de répondre à la problématique posée. Pour commencer, intéressons nous en détails à la construction du texte. En observant attentivement la fable Le curé et le mort, on constate qu'elle est construite comme un récit. En effet, on peut facilement discerner une situation initiale, allant de la ligne 1 à 8, dans laquelle le narrateur introduit l'histoire en plongeant le lecteur dans le contexte. Puis, ligne 9 à 29, viennent les «péripéties« comprenant les prières du curé (lignes 9-16), son fantasme (lignes 17-27) et l'accident du corbillard (lignes 28-29). La situation finale, lignes 30 à 34, conte le décès du curé, ce qui clos le récit et envoie ainsi sur l'élément propre à la fable : la morale à valeur collective et/ou universelle, lignes 35 à 38. L'analyse de la construction étant achevée, observons maintenant la versification du texte. En étudiant minutieusement la façon dont l'auteur a organisé ses rimes, on se rend compte que celui-ci prend un grand nombre de libertés. Constituée principalement d'octosyllabes et de quelques alexandrins, la fable Le curé et le mort est en fait une alternance désordonnée mais subtile de rimes plates et croisées et parfois redoublées ou annexées. En outre, les rimes redoublées, aux lignes 11 à 13, par cet effet de répétition et d'insistance, semble traduire la ferveur du curé dans ses prières et les rimes plates (ou suivies) des lignes 32 à 38, donnent à la scène de l'accident une impression de ralenti ou de lenteur puis d'ordre, introduisant ainsi la morale et la fin de la fable. La mort tragique du curé décrite par cette scène peut être vue de deux manières différentes : soit il s'agit du plus pur des hasards et donc la mort est «accidentelle«, soit c'est un fait du destin et la mort est «prévue«. Cette réflexion mène donc à une question : s'il s'agit bien du destin, le père Chouart est-il, par ses fautes, responsable de son décès ? Pour répondre à cette question, il nous faut faire son portrait moral (n'oublions pas que, bien qu'inspiré d'une personne réelle, il s'agit d'un personnage de fiction). Dans la fable, Monsieur Jean Chouart est un homme d'église comme les autres, mais néanmoins un homme et, par ce fait, sensible à ses vices. Notre curé n'est donc peut-être pas aussi innocent qu'il ne laisse à penser et il semblerait, d'ailleurs, que l'appât du gain, le vin et les femmes fassent partie de ses bassesses. En effet, Monsieur Chouart parait donner plus d'importance au salaire qu'il tirera de l'enterrement qu'a l'enterrement lui même, comme cela est dit ligne 20 : «Monsieur le Mort, j'aurais de vous tant en argent et tant en cire ...« ( la cire fait référence aux cierges ). Il se laisse également aller à l'ivrognerie en comptant faire l'acquisition d'une feuillette de vin ( ce terme, sous son apparence «légère«, désigne en fait un tonneau de près de 135 litres ! ) et à la luxure en espérant obtenir les faveurs d'une nièce et de Pâquette sa chambrière alors qu'il a fait voeu de chasteté ( rappelons que ces deux immoralités constituent la débauche ). On peut finalement lui attribuer un ultime défaut, celui de son désire maladif et malheureusement illusoire car rien de tout ce à quoi il rêve n'a eu et n'aura jamais lieu. Sa mort prématurée laisse à penser qu'il s'agit de sa «punition«. Au finale, la construction du texte tels un récit, sa versification en faisant un poème et la présence d'un protagoniste étrange mélangeant deux état d'esprits différents confirment bien qu'il s'agit d'une fable. On sait que Jean de La Fontaine avait pour habitude de mettre en scène des animaux «humanisés«, sensés représentés un trait de caractère du personnage qu'ils illustraient augmentant ainsi la caricature ( Il disait «Je me sers d' animaux pour instruire l'homme« ), or, dans cette fable, le seul et unique personnage reste humain et la caricature est néanmoins poussée à l'extrême. La portée de l'oeuvre devient alors monstrueusement satyrique et vise une catégorie de personne bien précise, en l'occurrence, le clergé. En 1641, Jean de La Fontaine, alors âgé de 19 ans, est étudiant en théologie à la Congrégation de l'Oratoire à Paris dans le but de devenir prêtre. Il y restera un peu plus d'un an puis se tournera vers la littérature. Son changement d'opinion se ressentira les fables Le curé et du mort et Le rat qui s'est retiré du monde, deux textes visant le clergé.

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