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Commentaire "le Loup Et Le Chien" La Fontaine

Publié le 05/12/2010

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fontaine

Sujet : « Vous ferez le commentaire de la fable « Le loup et le chien « de La Fontaine.

 

Note et appréciations :

 

Un apologue, récit à portée moralisatrice, est destiné à faire réfléchir sur un comportement ou une pensée. La fable, genre rattaché à l’apologue, a pour particularité de comporter un double statut narratif et démonstratif. En effet dans la préface des Fables, La Fontaine a dit « l’apologue est composé de deux parties dont on peut appelé l’une le corps, l’autre l’âme, le corps est la fable, l’âme la moralité «. Une fable a, de plus, généralement pour fonction de répondre à l’adage « plaire et instruire «, elle corrige les mœurs par le rire « castigat ridendo mores «. Jean de La Fontaine (1621-1695), grand fabuliste du XVIIe siècle et donc de la période classique, entretînt d’étroits rapports avec Louis XIV. En effet, la situation de l’écrivain au XVIIe siècle n’étant pas aisée, La Fontaine dû devenir écrivain au service de la cour bien qu’il fut issu de la noblesse de robe. Il fut cependant tout au long de sa vie le fidèle défenseur de son mécène et ami, Fouquet, surintendant des finances disgracié par le Roi Soleil. Son œuvre la plus connue, Les Fables, éditée pour la première fois en 1668 et pour la dernière fois posthumément en 1696, est constituée de deux blocs. Le premier regroupe les fables des livres I à VI, dites simples, adressées au dauphin. Quant au deuxième, il rassemble les fables des livres VII à XII, annoncées comme plus complexes, à orientation politique et philosophique. Elles sont adressées à Madame de Montespan, favorite de Louis XIV. « Le Loup et le Chien «, cinquième fable du livre I, met en scène deux protagonistes animaliers communs à ce genre depuis le Moyen Age et est inspirée des Fables d’Esope et des œuvres de Phèdre.

Il s’agira par conséquent de se demander par quels moyens, La Fontaine nous permet-il de distinguer la morale de « Le Loup et le Chien«.

Pour cela, nous traiterons dans un premier temps de la vivacité de ce récit puis dans un deuxième temps, nous dégagerons la teneur argumentative du dialogue. Enfin, dans un troisième temps nous expliciterons la leçon que La Fontaine a souhaité exprimer.

 

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« Le Loup et le Chien « est un récit animé d’une rencontre. Nous verrons donc tout d’abord que les étapes de la rencontre correspondent à une composition théâtrale puis nous identifierons le choix de La Fontaine au niveau des personnages et leur présentation. En premier lieu, La Fontaine campe les circonstances de leur rencontre. Il y consacre en effet neuf vers dans lesquels il utilise de nombreux verbes d’action accélérant le rythme tels que « l’attaquer « (v 5) et « fallait livrer bataille « (v 7).  Nous pouvons de fait remarquer la promesse d’un conflit entre les deux protagonistes par l’emploi du champ lexical du combat : « mettre en quartiers « (v 5), « défendre « (v 9), qui relate notamment l’état d’esprit du loup qui a faim et qui s’accommoderait fort bien du chien pour repas. Le suspense est subséquemment à son comble. Cependant, le loup, pour piéger sa proie, utilise la flatterie, procédé employé à de maintes reprises dans les Fables de La Fontaine  (dans « le corbeau et le renard « le renard flatte le corbeau pour obtenir son fromage  « que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! « (v6)). En effet, La Fontaine utilise le champ lexical du compliment : « admire « (v 12,) « compliment « (v 11). Il se lance de fait dans une lutte verbale, ralentissant le rythme du récit, comme le montre l’expression « entre en propos « (v 11). En outre, les longues tirades entre le loup et le chien du vers 12 à 21 et du vers 23 à 29, freinent encore davantage la progression du récit. Toutefois, l’arrivée de l’élément perturbateur au vers 32 « il vit le col du chien pelé « modifie radicalement l’attitude du loup qui devient inquiet. Le rythme s’accélère donc tout à coup notamment avec les questions courtes du loup anxieux et les réponses brèves du chien qui veut minimiser la découverte. Le rythme est de fait haché tel que « Qu’est-ce là ? lui dit-il._Rien._Quoi rien ?_Peu de chose. « (v 33).                                                                3       /      3     /     1       /       2         /            3

 Enfin, la fable termine en coup de théâtre : le loup s’évade, comme nous le montre l’addition de deux verbes d’action au vers 41 « maître loup s’enfuit, et court encor «. Nous pouvons de fait dire que « Le loup et le chien « est structuré de façon théâtrale avec une exposition, un nœud et un dénouement. Nous pouvons donc en déduire que le choix des personnages n’est pas anodin dans cette fable.

 

La Fontaine dans cette fable campe les personnages. Il ne donne que les détails essentiels. En effet, dès le titre, nous pouvons remarquer l’opposition sous-jacente entre les deux protagonistes, le loup étant symbole de l’animal sauvage et le chien, animal domestique. De plus, une fable animalière a pour fonction de représenter des types humains, comme le montre les caractères propres à l’humanité tels que « humblement « (v 10), « salaire « (v 26), et des niveaux sociaux. De fait, l’utilisation de l’article défini « Le « dans le titre montre que La Fontaine souhaite symboliser deux extrêmes sociaux. En outre, le loup est présenté en premier, il est donc valorisé par l’auteur qui lui a octroyé sa préférence. La Fontaine souhaite donc opposer les deux protagonistes, un loup famélique à un chien de garde. Il utilise notamment un rapport de cause à conséquence à effet inversé aux vers 1 et 2 où le loup est présenté seul tandis que la catégorie des chiens est au pluriel. La Fontaine décrit effectivement le loup comme un animal qui a faim avec la tournure restrictive « n’avait que les os et la peau « au vers 1  tandis que  les chiens sont présentés comme puissants et responsables de la situation des loups comme le montre le nom « dogue « (v 3) qui connote la puissance et les adjectifs « puissants « et « beau « (v 3), termes redondants au nom « dogue « appuyant ainsi le contraste avec le loup. L’adjectif qualificatif « poli « au vers 4 rappelle également la classe sociale du chien. Cependant, le loup affamé trouve alléchant le chien mais difficile à obtenir comme le montre la focalisation interne et l’adjectifs qualificatif « gras « (v 4), exprimant l’obsession du loup. Ce récit relatant la rencontre animée du loup et du chien présente de fait ces deux personnages comme radicalement antagonistes. Ce récit est cependant entrecoupé de dialogues à teneur argumentative.

 

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Dans cette fable le dialogue occupe une grande place où le chien tente de persuader le loup mais essuie finalement un échec. En effet, le chien qui est en difficulté sait qu’il doit sauver sa peau comme le montre l’expression au vers 4 « s’est fourvoyé par mégarde «. Le loup qui le complimente sur son embonpoint a l’air sûr de lui, le chien doit donc absolument trouver une parade. De fait, le chien détourne l’attention du loup sur le fait qu’il a la solution à son affamement comme le montre la comparaison au vers 14 « d’être aussi gras que moi «. Il commence par le flatter en lui accordant une estime fictive avec l’apostrophe « beau sire « (v 13). Additivement, il lui montre que sa situation doit changer en la critiquant notamment avec l’accumulation de termes péjoratifs tels que « « misérables « (v16), « cancres, hères, et pauvres diables « (v 17). En outre, il insiste sur la fait que sa condition ne lui permettra jamais de manger à sa faim avec l’expression « point de franche lippée « (v 19) et la généralisation « tout à la pointe de l’épée « (v 20). Le chien fait également un parallèle avec sa propre condition dont il présente tous les aspects positifs notamment au niveau de l’abondance de nourriture avec la reprise anaphorique de « os « au vers 28 « os de poulets, os de pigeons « et l’expression « force reliefs « relatant de la quantité et « de toutes les façons « rendant compte de la diversité au vers 29. Il fait également appel aux sentiments avec les « caresse[s] « au vers 30 dont le loup, animal sauvage, est dépourvu. Le loup est de fait séduit comme le montre la question « que me faudra t-il faire ?«. Le chien organise donc son argumentation en « mode d’emploi « qu’il débute par une forme de « slogan « au vers 21 « suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin «. Il énumère ensuite les tâches à accomplir, comme le montre les infinitifs « donner « (v 23), «flatter « (v 25), « complaire « (v 25) et le chiasme « flatter ceux du logis, à son maître complaire « (v 25),  en contradiction avec la tournure restrictive « presque rien « (v 23). Il insiste donc sur la facilité des devoirs et l’opulence de la récompense. Nous pouvons donc croire que la stratégie du chien à ce que le loup le suive pour se faire tuer est efficace notamment grâce à l’hyperbole « félicité « (v 30) connotant le bonheur et aux marques de sentiment « pleurer de tendresse « (v 31). Cependant l’élément perturbateur réduit à néant les efforts du chien.

 

En effet le chien, pour présenter sa situation enviable, a commis des ellipses. Au vers 32, le loup s’aperçoit que le cou du chien est pelé. Son inquiétude est traduite par les questions courtes telles que « Qu’est-ce là ? « (v 33) et « Quoi rien ? « (v 33). Le chien essaye quant à lui, de dédramatiser la situation avec des réponses brèves dépourvues de verbe et redondantes telles que « Rien « et « peu de chose « (v 33) et la périphrase du collier « de ce que vous voyez « (v 35).  Le chien veut de plus retarder la découverte de la vérité, nous pouvons en effet observer un enjambement entre les vers 34 et 35. Néanmoins il est trop tard, le loup est effrayé et se sent trahi comme le montre les deux reprises par anadiplose de « attaché « aux vers 34 et 36 et de « importe « aux vers 37 et 38. Le loup fait finalement preuve d’un refus catégorique comme le montre l’accumulation de négations au vers 39 « je ne veux en aucune sorte « et la reprise anaphorique du verbe vouloir « je ne veux « (v 39) et « ne voudrais « (v 40) montrant le fait que le loup est sûr de ses choix et ne reviendra pas sur sa décision. Le choix que fait le loup nous donne par conséquent des indices sur la leçon que souhaite nous donner La Fontaine.

 

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La portée de la fable est en effet implicite et réside sur la composante principale de la conception du bonheur de La Fontaine. Ce dernier expose effectivement dans sa préface le fait qu’il est possible que ses morales soient parfois implicites « s’il m’est arrivé [de me dispenser de la morale] ce n’a été que dans les endroits où il est aisé au lecteur d’y suppléer.«.  Tout d’abord le fait que chacun des deux animaux puisse être assimilé à des humains nous informe que deux conceptions de vie sont opposées comme le montre l’adjectif « puissant « (v 3) pour qualifier le chien et l’adverbe « humblement « (v 10) pour qualifier le loup. De plus, la description antagoniste des deux animaux que fait La Fontaine lui sert d’argument pour étayer son opinion tel que l’opposition « rien d’assuré « (v 19) avec « meilleur destin « (v 21) ou même « mourir de faim « (v 18) avec « force reliefs de toutes les façons « v27. La Fontaine n’impose cependant pas sa vision du bonheur au lecteur, il lui laisse le choix en lui proposant deux conceptions représentées chacune par un des protagonistes. La première expose la soumission à un chef, le fait d’être aux ordres d’une personne plus puissante que soi, de devoir le servir, lui plaire, pour avoir une récompense et de fait avoir une vie confortable, comme le montrent la métonymie du « cou pelé « (v 32), le chiasme « flatter ceux du logis, à son maître complaire « (v 25) et l’emploi du nom « salaire «, faisant référence à la rétribution que donne un patron à son employé. La deuxième énonce la liberté de faire ce que l’on veut, d’aller où l’on veut mais sans aucune garantie d’aisance, sans savoir si demain l’on va pouvoir manger à sa faim tel que le témoignent les verbes d’action « s’enfuit « «et « court « (v 41). La Fontaine expriment tout de même que sa conception personnelle est la même que celle du loup en le valorisant, il le présente seul et en premier « Un loup « (v 1) et lui fait clore la fable. Ainsi cette morale implicite nous invite à nous demander si le bonheur ne repose pas essentiellement sur la liberté.

 

La Fontaine nous expose dans cette fable le fait que la liberté vaut mieux qu’un trésor comme dans le vers 40 « ne voudrais même pas à ce prix un trésor «. La Fontaine fait cependant une constatation réaliste. En effet, le loup est libre mais constamment affamé comme le montre la tournure restrictive « n’avait que les os et la peau « (v 1). Nous pouvons donc en déduire que pour La Fontaine, il vaut mieux être pauvre et libre que opulent et soumis. Il nous fait constater que notre condition est un choix de vie mais que de toutes les manières nous n’arriverons jamais à avoir tous les avantages, un avantage méritant un sacrifice. Ainsi nous pouvons penser que en valorisant le loup, La Fontaine valorise la conception d’un bonheur solitaire et naturel sans hypocrisie et sans soumission. Toutefois nous pouvons nous interroger sur la portée que peut avoir une telle fable sur un enfant puisque c’est à celui-ci qu’elle est destinée. En effet, la morale, implicite, est peu accessible à un enfant et la conception du chien qui prône des valeurs telles que la flatterie et la complaisance peut être assimilée à une leçon à suivre pour un lecteur inexpérimenté.

 

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Subséquemment, nous pouvons dire que « Le Loup et le Chien « est une fable politique. En effet, à travers le chien qui représente la haute noblesse et qui a donc la puissance, le luxe et le confort mais pratiquement plus aucune liberté et, le loup qui représente la noblesse de province qui a la liberté mais pas les avantages, La Fontaine fait passer un message à Louis XIV, qui a muselé la haute noblesse à Versailles. Cette fable fait de plus écho de la vie de La Fontaine qui regrette très certainement d’avoir perdu sa liberté en devant flatter ses mécènes pour vivre de sa plume comme beaucoup d’autres écrivains. Il écrit en effet dans « le Corbeau et le Renard «, « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute «.  Alphonse Daudet fit partie également de ces écrivains qui écrivirent au nom de la liberté sacrifiée des intellectuels comme dans « la légende de l’homme à la cervelle d’or « extraite des Lettres de mon moulin. Cet apologue dépeint le portrait d’un homme à la cervelle d’or, allégorie des écrivains incompris qui gaspillent leur don et sacrifient leur liberté pour pouvoir vivre de celui-ci.

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