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Commentaire Phèdre - Acte I,

Publié le 24/06/2011

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*TEXTE 1 : Phèdre*, Acte I, scène 1  Problématique : En quoi cette scène d’exposition est-elle traditionnelle ?  Mise en scène pour la première fois en 1677, Racine, dramaturge du XVIIe siècle, s’inspire des grands mythes littéraires de l’Antiquité pour écrire Phèdre : reprenant l’histoire d’Euripide (poète grec du Ve siècle avant JC) mais en la modernisant, il bâtit une intrigue sobre qui privilégie le rôle de la fatalité : Phèdre, épouse de Thésée, nourrit une passion cachée et destructrice pour son beau-fils Hippolyte qui la mènera jusqu’à la folie et la mort. Nous allons ici étudier la première scène de l’acte I, c’est-à-dire la scène d’exposition qui répond à trois fonctions : informative en présentant l’intrigue et les personnages, incitative en donnant envie d’en savoir plus sur les personnages par l’amorce de quelques éléments de l’intrigue et enfin dramatique en inscrivant la pièce dans la tragédie et en plongeant le spectateur dès la première scène dans une illusion de réel. Ainsi, alors qu’Hippolyte annonce à Théramène son départ à la recherche de son père disparu, un premier aveu se produit : Hippolyte aime d’un amour secret Aricie.  En quoi cette scène d’exposition est-elle traditionnelle ?  Tout d’abord, nous montrerons que cette scène d’exposition, en présentant les personnages selon sa fonction informative, s’avère cependant paradoxale. Puis nous étudierons le thème de la fuite qui est évoqué durant toute la scène.  I/ Une scène d’exposition traditionnelle et paradoxale       Présentation des personnages    Hippolyte : H nous est présenté par le biais d’une conversation avec Théramène, son gouverneur et confident. En effet, parce que nous sommes au théâtre, la particularité du genre repose sur une double énonciation c’est-à-dire qu’il y a à la fois une parole entre les personnages et une parole qui s’adresse aux spectateurs afin de livrer quelques éléments de l’intrigue.  On apprend ainsi qu’Hippolyte est le fils de Thésée (vers 17 « le roi votre père »), qu’il est prince (on note que Théramène l’appelle « Seigneur ») et qu’il est admiratif de son père.  H est également présenté par sa généalogie :    C’est d’abord le fils d’Antiope (vers 69-70), reine des Amazones,   femmes guerrières hostiles aux hommes et aux mariages. Il   hérite ainsi de sa mère d’un certain mépris de l’amour, d’une   forte influence guerrière (on apprend qu’il a goût prononcé   pour la chasse : vers 130-132). Mais on distingue aussi inévitablement   une rivalité symbolique avec la mère puisqu’H cherchera,   en tant qu’homme, à asseoir sa virilité.       D’autre part, H est le fils de Thésée, roi d’Athènes et de Trézène   : il incarne l’idéal héroïque par ses exploits, c’est un personnage   hors du commun, associé à la victoire sur les brigands, sur   les monstres et sur les femmes. De plus, il se place délibérément   du côté de la loi et de l’ordre ce qui en fait véritablement un   héros.      Ainsi le poids des ancêtres a de lourdes conséquences à la fois sur la façon d’être des personnages et sur leur destin (fatalité).  Phèdre :  Phèdre est également présentée par sa généalogie. Elle est désignée par la périphrase « La fille de Minos et de Pasiphaé » (vers 36) : c’est donc bien l’oxymoron incarné, un personnage profondément contradictoire par le poids de ses ancêtres.  En effet, sa mère Pasiphaé est la fille du Soleil : c’est un personnage solaire qui se place du côté de la lumière. En revanche, son père Minos est le juge des Enfers ce qui le place du côté de l’obscurité. Cette thématique ombre/lumière va être retrouvée tout au long de la pièce. Donc, Phèdre, par sa généalogie, montre une dualité. Cette thématique est associée à ce qui est sacré, caché, à la notion de faute (dans la tragédie). Mais Phèdre, qui a un statut de reine, va cependant chercher l’obscurité (vers 46).  Au sein de sa famille, on note une deuxième contradiction : Minos doit symboliquement être du côté de l’ombre mais il représente l’ordre et la loi. Pasiphaé quant à elle est associée au désordre et à l’égarement. On a donc d’un côté un modèle, la sagesse, et de l’autre la déraison. Pasiphaé apparaît plus monstrueuse encore que le Minotaure, elle ne pouvait engendrer que des monstres.  Phèdre, comme sa mère, est à la fois victime de la malédiction et coupable puisqu’elle fait payer sa faute sur les autres (elle a exilé H : vers 39-40).  La profonde contradiction de Phèdre est mise en valeur par le vers suivant (vers 36) :  « [La fille] [de Minos] // [et] [de Pasiphaé] »  3/3 // 1/5  Cet alexandrin est coupé en deux parts égales de 6 pieds :    Le premier hémistiche est symétrique, le rythme est fluide   et régulier ce qui est à mettre en relation avec Minos       Le deuxième hémistiche est désarticulé, on a du mal à placer   une coupe. De plus, le rythme est impair ce qui traduit le côté   désordonné du personnage de Pasiphaé.      Il est important de noter que c’est l’un des premiers vers dans lequel Phèdre est évoquée : elle doit donc être associée à ses parents, à sa généalogie.  Aricie :  Aricie est présentée par Hippolyte lui-même qui insiste dès lors sur sa généalogie : il souligne sa parenté aux Pallantides dans les vers 51, 53/54, 105/106/107/108.  Aricie incarne ainsi la fratrie fautive, elle porte la faute attachée à ses origines (les Pallantides ont comploté pour s’emparer du trône). La faute rejaillit ici toujours chez les femmes, ce qui donne plus de poids à une lecture janséniste de la pièce par Racine (réflexion sur le pêché originel de l’homme) : la parenté est ici interdite.       Les liens entre les personnages    Outre leur généalogie, les personnages sont présentés en tenant compte des liens qui les unissent.  Théramène/Hippolyte :  Théramène est le gouverneur de H : il a donc la charge de son éducation, il doit le préparer au pouvoir et à la politique mais aussi lui apprendre l’art de la guerre (vers 133).  Mais Théramène représente également pour H un véritable confident (vers 37, 67, 73, 75) : c’est un personnage attentionné, protecteur, conciliant et qui lui prodigue des conseils et n’hésite pas à l’encourager à aimer (vers 55, 119/120). Il fait ainsi l’office de père de substitution.  Mais Théramène a aussi un important rôle dramatique : par de nombreuses questions, il permet les révélations et l’aveu.

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