Devoir de Philosophie

Commentaire: "Si tu t'imagines..." Queneau.

Publié le 15/09/2006

Extrait du document

Genre littéraire très ancien, la poésie est une forme d'écriture codifiée. Traditionnellement en vers, elle peut être lyrique, officielle, engagée, mais a connu un véritable renouveau à partir du XIXe siècle, porté par des auteurs tels que Baudelaire, Apollinaire, et Perec ou Queneau au XXe . Ce dernier, co-fondateur de l'Oulipo, est l'auteur de recueils de poèmes : Cent mille milliard de poèmes (1961), des Exercices de style (1947), de romans : Zazie dans le métro (1959), mais aussi d'essais, d'articles, de traductions. "Si tu t'imagines..." est une réécriture des poèmes de l'ancien membre de la Pléiade Pierre de Ronsard, "Ode à Cassandre" et "Quand vous serez bien vieille...", traitant tous deux du thème du carpe diem, s'adressant à de jeunes femmes. Nous nous demanderons si cette reprise du thème ronsardien est ici uniquement parodique, en étudiant la transposition burlesque, dissimulant une stratégie argumentative efficace et les éléments d'une réécriture fidèle. En premier lieu, Raymond Queneau attribue un coté burlesque à la réécriture qu'il présente dans ce poème. Tout d'abord, par un jeu avec les codes poétiques. C'est d'une part par le registre comique que se manifeste la volonté de parodier les deux poèmes de Ronsard. Il apparaît nettement dès la première lecture avec l'emploi d'expressions phonétiques telles que "xa va" (v.5) et "sque tu vois pas"(v.33), la familiarité de l'expression "ce que tu te goures"(v.10) et l'oralité des expressions "ahah"(v.14), "si tu le fais pas"(v.46), contrastant avec le vocabulaire plus soutenu rencontré avec les expressions "émail"(v.18), "nymphe"(v.19), "véloce"(v.35). Cela crée un effet de dissonance avec l'attente du lecteur forgée par la forme du texte, dont l'apparence est celle d'un poème. En effet, la poésie est habituellement un genre qui suppose un vocabulaire assez recherché, soutenu la plupart du temps, au ton relativement sérieux, comme on peut le voir par exemple dans le poème de Ronsard, l' "Ode à Cassandre". D'autre part, par le traitement même de la forme de son poème, Queneau réalise une transposition amusante. L'absence totale de ponctuation est la preuve d'un choix de se détourner des conventions. L'emploi d'un vers impair, le quintil, rompt avec les conventions poétiques qui privilégient octosyllabes ou alexandrins. Le découpage des strophes est également particulier, on en distingue trois, de 12, 14 et 52 vers. Au niveau des rimes, elles n'obéissent pas régulièrement aux systèmes habituels, mais par touches apparaissent des motifs de rimes embrassées (v.27 à 30) ou plates, par deux (v.32-33) et (v.42-43). Queneau, poète moderne, se joue des "codes" admis en poésie, et exploite dans ce texte les vers libres, établissant un net contraste avec les deux formes fixes traitées par Ronsard. Ensuite, l'auteur s'adonne à un jeu lexical et thématique. D'une part, Raymond Queneau joue d'un effet d'écho créé par la reprise d'expressions de des deux poèmes de Ronsard dans un language familier : "si m'en croyez"(v.13 A) deviens "Si tu t'imagines"(v.1 C); "Mignone"(v.1 A) devient "fillette"(v.2 C) et plus loin, "ma petite"(v.31 C); "sa plus verte nouveauté"(v.15 A) devient "la [...] saison des amours"(v.9 C); et "une vieille accroupie"(v.11) devient "le muscle avachi" (v.38). Queneau sait jouer des mots et faire de sa réécriture une parodie, en exagérant le coté déjà légèrement comique de "Quand vous serez bien vieille..." D'autre part, l'auteur désacralise la vision de la femme et de l'amour que présentait Ronsard. Tutoyée, désignée dans son poème par le mot "fillette", et par le caractérisant "petite", cette première paraît innocente mais surtout naïve, car le poète s'adresse à elle de manière quelque peu railleuse lorsqu'il emploie les expressions "Si tu t'imagines"(v.1), "ce que tu te goures". Elle est éphémère, vulnérable vis à vis du temps : "les beaux jours s'en vont"(v.27) "très sournois s'approchent"(v.34). L'amour lui, est temporaire, passager : dans l'expression "saison des amours"(v.9), le mot "saison" évoque l'alternance entre différents états, de même qu'avec l'expression "les beaux jours s'en vont"(v.27), puisqu'on imagine que ces derniers laissent place à un temps moins clément; et le terme "amours" au pluriel suppose qu'il est volage, instable. Le changement de discours par rapport à l'ode et au sonnet de Ronsard, et plus généralement l'apparente légéreté avec lequel l'auteur traite ce thème usité du carpe diem, donne un caractère burlesque au poème de Queneau, auquel tout lecteur est sensible. Mais derrière cet aspect de "Si tu t'imagines...", se cache un discours à l'argumentation travaillée. En second lieu, on repère une stratégie argumentative efficace. Tout d'abord, le discours argumentatif se définit par la structure et la temporalité. Le poète s'adresse à une jeune fille, dont le nom n'est pas spécifié, laissant la liberté à chaque lectrice de s'y reconnaitre. On suppose toutefois qu'il en est proche, d'après l'emploi de la deuxième personne du singulier qui dès le premier vers pose les caractéristiques de l'énonciation : "Si tu t'imagines"(v.1), qui reprend d'ailleurs le modèle du "si vous me croyez"(v.13 A) de Ronsard. Son discours est destiné à la convaincre du principe du carpe diem, et sans doute à la séduire, puisqu'en l'invitant à cueillir les "roses de la vie"(v.41), c'est une invitation amoureuse qu'il formule. Pour cela, il utilise un discours argumentatif composé de trois parties, dont les deux premières sont l'exposition d'hypothèses au conditionnel réfutées par la simple répétition des expressions "ce que tu te goures/fillette fillette/ce que tu te goures."(v.10-12 et 24-26). Dans la dernière partie, la troisième strophe, l'auteur emploie le présent de vérité générale comme dans les expressions "soleils et planètes/tournent tous en rond"(v.29), "tu marches tout droit"(v.32), pour mieux persuader le destinataire de son propos, puis l'impératif "cueille, cueille"(v.39) afin d'exprimer un conseil. Ensuite, il se base sur la menace du temps, et sur une éloge discrète du destinataire. Le principal argument exposé est celui du caractère éphémère de la beauté, de la jeunesse. La jeune fille parait ingénue, et le poète se charge de la "ramener à la réalité", en la prévenant des risques qu'elle court à ne pas profiter du moment présent. C'est un prétexte à la complimenter, comme le montrent les expressions "ton teint de rose"(v.15), "ta cuisse de nymphe" où elle est comparée tantôt à une fleur tantôt à une divinité. Mais cette fragile beauté est donc menacée par le "tic-tac" du temps qui s'écoule, et l'allitération en "t" qui traverse le poème en est un mimétisme, ainsi que le rythme particulièrement heurté et dynamique des vers courts. De plus, la répétition des sortes de refrains, dont l'un clos le poème, sont autant d'insistance sur le caractère sérieux du discours : "xa va xa va xa/va durer toujours"(v.5-6; 22-23), et "ce que tu te goures/fillette fillette/ce que tu te goures"(v.10-12; 24-26; 49-51). C'est une véritable stratégie argumentative qui est mise en place par l'auteur afin de transmettre son message. Le poète délivre un message afin de séduire la jeune fille et de la convaincre de "cueillir la vie", en gardant la tradition ronsardienne de ce thème. En troisième lieu, on détecte que Queneau souhaite véritablement rendre hommage à Ronsard à travers une réécriture fidèle. Tout d'abord, la reprise des personnages féminins ronsardiens, Cassandre et Hélène. Toutes deux jeunes, belles, elles ignorent le temps qui les guette et leur retirera leur pétales. Avec les expressions "teint de rose"(v.15), "mignons biceps"(v.17) "cueille cueille"(v.39) il reprend des éléments de l' "Ode à Cassandre" et de "Quand vous serez bien vieille..." : "son teint au vôtre pareil"(v.6 A), "Mignone"(v.1 A), "Cueillez dès aujourd'hui"(v.14 B). L'évocation de la nature se retrouve également, avec les expressions "rose"(v.15) "guèpe"(v.16) "soleils et planètes"(v.29) "mer"(v.43), ainsi que la notion de jour qui décline, à travers l'idée d'un été qui prend fin : "les beaux jours s'en vont". Ensuite, Queneau garde la même sensibilité du poète amoureux, et la forme de l'ode de Ronsard est reprise en chanson poétique. Cette fois dans un cadre indéfini, l'auteur reprend bien le ton du texte B, se manifestant par l'expression "ah ah" qui place un petit rire piquant, grinçant, au début de la deuxième strophe, rappelant l'emploi du "je" chez Ronsard qui, par un cinysme tendre évoque sa mort glorieuse opposée à la vieillesse ravageuse qui frappera alors la jeune femme. Mais l'écriture reste tendre, et avec le mot "fillette"(v.3) qui se fait écho tout au long du texte, on distingue tout de même une certaine gentillesse de la part de l'auteur, qui sait reproduire les paroles de Ronsard dans leur justesse. La sensibilité du poète amoureux transparaît, surtout dans l'expression "et que leurs pétales /soient la mer étale/ de tous les bonheurs" dont le niveau un peu plus soutenu et l'apparition d'une rime plate contraste avec le reste du poème. Cette même sensibilité apparaît par la transposition de l'ode en une sorte de chanson poétique, comme le montre les refrains insérés dans les différentes strophes. A la lecture du texte de Raymond Queneau, on entend nettement les échos de l'"Ode à Cassandre" et de "Quand vous serez bien vieille...", car l'auteur sait reproduire, tout en imposant son propre style, l'approche que Ronsard avait en son temps du carpe diem. Certes, c'est à un exercice de plus que se livre ici Queneau en parodiant le célèbre Ronsard, mais plus qu'une parodie il s'agit bien d'un hommage au poète, un clin d'oeil en somme. Le thème ronsardien est traité avec humour, légérité, et la dextérité de l'écrivain s'affirme.

« des expressions "ce que tu te goures/fillette fillette/ce que tu te goures."(v.10-12 et 24-26).

Dans la dernière partie, la troisièmestrophe, l'auteur emploie le présent de vérité générale comme dans les expressions "soleils et planètes/tournent tous enrond"(v.29), "tu marches tout droit"(v.32), pour mieux persuader le destinataire de son propos, puis l'impératif "cueille,cueille"(v.39) afin d'exprimer un conseil.Ensuite, il se base sur la menace du temps, et sur une éloge discrète du destinataire.Le principal argument exposé est celui du caractère éphémère de la beauté, de la jeunesse.

La jeune fille parait ingénue, et lepoète se charge de la "ramener à la réalité", en la prévenant des risques qu'elle court à ne pas profiter du moment présent.

C'estun prétexte à la complimenter, comme le montrent les expressions "ton teint de rose"(v.15), "ta cuisse de nymphe" où elle estcomparée tantôt à une fleur tantôt à une divinité.

Mais cette fragile beauté est donc menacée par le "tic-tac" du temps quis'écoule, et l'allitération en "t" qui traverse le poème en est un mimétisme, ainsi que le rythme particulièrement heurté et dynamiquedes vers courts.

De plus, la répétition des sortes de refrains, dont l'un clos le poème, sont autant d'insistance sur le caractèresérieux du discours : "xa va xa va xa/va durer toujours"(v.5-6; 22-23), et "ce que tu te goures/fillette fillette/ce que tu tegoures"(v.10-12; 24-26; 49-51). C'est une véritable stratégie argumentative qui est mise en place par l'auteur afin de transmettre son message. Le poète délivre un message afin de séduire la jeune fille et de la convaincre de "cueillir la vie", en gardant la traditionronsardienne de ce thème. En troisième lieu, on détecte que Queneau souhaite véritablement rendre hommage à Ronsard à travers une réécriture fidèle.Tout d'abord, la reprise des personnages féminins ronsardiens, Cassandre et Hélène.Toutes deux jeunes, belles, elles ignorent le temps qui les guette et leur retirera leur pétales.

Avec les expressions "teint derose"(v.15), "mignons biceps"(v.17) "cueille cueille"(v.39) il reprend des éléments de l' "Ode à Cassandre" et de "Quand vousserez bien vieille..." : "son teint au vôtre pareil"(v.6 A), "Mignone"(v.1 A), "Cueillez dès aujourd'hui"(v.14 B).L'évocation de la nature se retrouve également, avec les expressions "rose"(v.15) "guèpe"(v.16) "soleils et planètes"(v.29)"mer"(v.43), ainsi que la notion de jour qui décline, à travers l'idée d'un été qui prend fin : "les beaux jours s'en vont".Ensuite, Queneau garde la même sensibilité du poète amoureux, et la forme de l'ode de Ronsard est reprise en chanson poétique.Cette fois dans un cadre indéfini, l'auteur reprend bien le ton du texte B, se manifestant par l'expression "ah ah" qui place un petitrire piquant, grinçant, au début de la deuxième strophe, rappelant l'emploi du "je" chez Ronsard qui, par un cinysme tendreévoque sa mort glorieuse opposée à la vieillesse ravageuse qui frappera alors la jeune femme.

Mais l'écriture reste tendre, et avecle mot "fillette"(v.3) qui se fait écho tout au long du texte, on distingue tout de même une certaine gentillesse de la part de l'auteur,qui sait reproduire les paroles de Ronsard dans leur justesse.

La sensibilité du poète amoureux transparaît, surtout dansl'expression "et que leurs pétales /soient la mer étale/ de tous les bonheurs" dont le niveau un peu plus soutenu et l'apparition d'unerime plate contraste avec le reste du poème.

Cette même sensibilité apparaît par la transposition de l'ode en une sorte de chansonpoétique, comme le montre les refrains insérés dans les différentes strophes. A la lecture du texte de Raymond Queneau, on entend nettement les échos de l'"Ode à Cassandre" et de "Quand vous serez bienvieille...", car l'auteur sait reproduire, tout en imposant son propre style, l'approche que Ronsard avait en son temps du carpediem. Certes, c'est à un exercice de plus que se livre ici Queneau en parodiant le célèbre Ronsard, mais plus qu'une parodie il s'agitbien d'un hommage au poète, un clin d'oeil en somme.

Le thème ronsardien est traité avec humour, légérité, et la dextérité del'écrivain s'affirme.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles