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commentaire sur nana d'émile zola

Publié le 01/10/2012

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zola
Avec « Les Rougon-Macquart «, Zola a voulu, tout en s'inspirant - et en se démarquant - de « La Comédie Humaine « de Balzac, retracer « l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire «. Ainsi, le cycle relatant l'évolution de cinq générations de Rougon et de Macquart, de 1851 (coup d'état de Napoléon III - celui que Hugo appelait « Napoléon le Petit «) à 1870 (défaite de la France à Sedan), fut composé de 1871 à 1893, donc avec un décalage plus ou moins constant d'une vingtaine d'années, à titre d'un roman par an en moyenne. Dès 1878, Zola prépara son roman par de minutieuses recherches faites dans des ouvrages spécialisés ou sur le terrain. Zola était très soucieux de précision et de fidélité à la réalité des êtres, des lieux, des choses. Cette préparation l'a conduit à visiter l'hôtel particulier d'une « cocotte «, à assister à un dîner en compagnie de demi-mondaines, à visiter les coulisses du théâtre des Variétés...Pour le Grand Prix de Paris au bois de Boulogne (chapitre XI), Zola a assisté en juin 1879 à la course du Grand Prix. Zola a écrit : « Le sujet philosophique est celui-ci : toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne qui n'est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde. Il n'y a que le cul et la religion. « Extrait de l'ébauche du roman Nana est un roman naturaliste. Ce roman a été publié pour la première fois sous forme de feuilleton dans « Le Voltaire « à partir du 16 octobre 1879 et ce jusqu'au 5 février 1880 et fut disponible en volume à la fin de février 1880.RESUME : Nana est le neuvième épisode des Rougon- Macquart et raconte l'histoire d'Anna Coupeau, dit Nana, fille de Gervaise Lantier et de Coupeau. Chapitre I : L'histoire débute en avril 1867, lors de la première représentation de la « Vénus Blonde «. Nana détient le rôle principal. Elle n'a aucun talent mais elle réussit à séduire le public par sa beauté et son audace. Chapitre II : Le lendemain de cette première représentation, Nana est réveillée par Zoé dans son grand appartement : leur discussion est l'occasion d'apprendre que Nana a besoin d'argent pour son train de vie... mais aussi pour son fils Louis et que madame Lerat, la tante d'Anna, qu'elle considère comme une seconde mère, et qui vient d'arriver, élève à Rambouillet. Nana reçoit la visite de nombreuses personnes : son coiffeur Francis qui annonce à la jeune comédienne que le journaliste Fauchery, dans le Figaro, a écrit une excellente critique sur sa prestation de la veille ; madame Maloir, vieille confidente, durant le repas ; le « gros Steiner «, qui arrive pendant que Nana est sortie pour récupérer une somme d'argent pour sa tante et son fils ; enfin, le marquis de Chouard et le comte Muffat. Chapitre III : Tout le chapitre est concentré sur le couple Muffat : le comte et sa femme Sabine ; l'action se passe dans leur hôtel particulier, au cours d'une réception qui montre que le couple ne paraît plus si proche. Chapitre IV : A son tour, Nana prépare un somptueux souper, dans son appartement, après la représentation. Zoé supervise les préparatifs : cette fête, presque orgiaque, est le rendez-vous de tous les comédiens et de tous les prétendants de Nana ; Steiner se rapproche de l'héroïne. La fête finit par dégénérer, la chaleur et les boissons aidant, les rivalités se font jour, les allusions graveleuses se multiplient. Chapitre V : C'est déjà la 34° représentation de La Blonde Venus dont le succès ne se dément pas. Les artistes, dans les coulisses, se croisent et se toisent, se racontent les dernières rumeurs : on dit que Nana intéresse beaucoup le Prince et est désirée par de nombreux hommes : elle est devenue le « rêve de Paris «. Chapitre VI : L'action se déplace à la campagne : aux Fondettes, les Muffat rendent visite à la famille Hugon tandis que Nana arrive à la Mignotte avec Steiner qui vient de lui offrir cette maison de campagne. C'est rapidement le point de convergence des prétendants de Nana : le petit Georges qu'elle s'amuse à déguiser en fille et qu'elle infantilise et Muffat, surtout, qui éprouve une grande jalousie et se montre pour la première fois pressant et violent à l'égard de Nana. Chapitre VII : Quelques mois ont passé depuis le premier succès de Nana. Muffat et Nana entretiennent à présent une relation passionnelle. On apprend que Sabine trompe son mari. Chapitre VIII : Nana part avec le comédien Fontan dont elle est tombée éperdument amoureuse : leur relation est difficile et violente, Nana se laisse totalement dominer par un homme qu'elle doit entretenir, qui la trompe et qui la bat. Après une dispute violente, Fontan finit par mettre Nana à la porte. Chapitre IX : Un nouveau spectacle doit être monté sur les planches du théâtre des Variétés : il s'agit de l'opérette La Petite Duchesse. Nana veut revenir sur le devant de la scène et, cette fois-ci, exige un rôle plus sérieux qui montrerait ses vrais talents d'actrice, ce qui n'est pas du goût de Rose Mignon. Nous assistons aux répétitions de cette pièce. Nana retrouve Muffat, venu assister aux représentations pour... Rose ! Chapitre X : Nana reçoit dans son hôtel particulier du parc Monceau. Nana, qui n'est plus comédienne, s'ennuie dans son hôtel (« Oh que les hommes m'embêtent ! « p. 342). Elle part voir son fils aux Batignolles. Elle commence alors une relation amoureuse avec son amie Satin. Elle se montre de plus en plus violente et nerveuse avec ses domestiques et supporte mal la jalousie de Muffat, que des lettres anonymes, dévoilant les infidélités de la demi-mondaine, irritent. Le comte dépense sans compter pour assouvir tous les désirs de sa belle. Chapitre XI : Le chapitre se déroule presque entièrement sur l'hippodrome de Longchamp, rendez-vous mondain, à l'occasion du Grand Prix. Toute la société est représentée, de l'Impératrice à... Nana ! L'héroïne s'entoure de tous ses prétendants, s'amuse et devient rapidement la reine du champ de courses, d'autant qu'un cheval de son amant Vandeuvres, outsider, s'appelle « Nana «. Les femmes jalousent la jeune femme. Chapitre XII : Un premier drame pour Nana, enceinte. Chez les Muffat, Sabine donne une fête dans son hôtel entièrement restauré : elle est aussi dépensière que Nana, ruinant ainsi doublement le comte. Cette fête est l'occasion pour les hôtes de voir « la débâcle de cette maison «. Puis, c'est le mariage entre Estelle Muffat et Daguenet, manigancé par Nana. Le chapitre se clôt sur un accord entre les époux : se pardonner tout en gardant leur liberté. De son côté, le soir même du mariage, Nana reçoit chez elle sa récompense financière des mains mêmes du marié. Chapitres XIII et XIV : La déchéance de Nana et de toute la société du Second Empire. Ne pouvant rembourser toutes ses dettes, Nana disparaît. Plusieurs mois après, elle revient à Paris voir son fils atteint de la variole, elle contracte la maladie et en meurt en juillet 1870. REPERES TEMPORELS - La première représentation de Nana au théâtre des Variétés a eu lieu le 12 avril 1867. Cette date correspond au début de l'histoire. - En septembre 1867, Nana s'installe dans une demeure à la campagne appartenant à Steiner afin de se reposer. - En décembre, Nana dit à Muffat que sa femme le trompe ; ce fut un drame pour lui. - Entre janvier et octobre 1868 a lieu le premier plongeon de Nana, celle-ci décide d'habiter chez Fontan, qui au bout de quelques mois commence à la battre. Elle n'ose rien dire et elle refuse de le tromper. Fontan, qui lui a coupé tous les vivres oblige Nana à se prostituer avec Satin. - En janvier 1869, Nana quitte Fontan et devient « chic «. Muffat lui offre un immense hôtel où elle vit avec Zoé. Elle continue d'accomplir ses escapades avec Satin, qui la pousse à devenir bisexuelle, Satin deviendra sa maîtresse. - En mai 1869, a lieu la course du Grand Prix ; un cheval du nom de Nana y participe. Toutes les femmes sont jalouses de Nana, qui est en toilette impeccable. Elle pousse tous les hommes à parier sur le cheval portant son nom, le sachant malgré tout perdant. Le cheval gagne tout de même ! - Vers février 1870, Muffat découvre Nana et Georges couchant ensemble. Georges, qui entend son frère Philippe demander Nana en mariage fait une crise. Philippe va en prison, car il a volé de l'argent pour Nana. Georges se saisit de ciseaux et se les plante dans la poitrine. Elle couche avec tout le monde et ruine l'ensemble de ses amants, qui veulent, cependant, tous l'épouser. Zoé abandonne Nana. Satin est malade. Nana disparaît. - Vers juillet 1870, Nana revient et trouve son fils mort et elle est atteinte de la variole. Zoé, apprenant la nouvelle, se réconcilie avec elle et la soigne, cependant Nana meurt. - Le roman dure donc trois ans et trois mois.LES LIEUX : - Au début du roman, Nana vit au second étage d'une grande maison neuve boulevard Haussmann, dont le propriétaire louait à des femmes seules. « L'appartement, trop vaste pour elle, n'avait jamais été meublé complètement ; et un luxe criard, des consoles et des chaises dorées s'y heurtaient à du bric-à-brac de revendeuse, de guéridons d'acajou, des candélabres de zinc jouant le bronze florentin. Cela sentait la fille lâchée trop tôt pour son premier monsieur sérieux, retombée à des amants louches, tout un début difficile, un lançage manqué, entravé par des refus de crédit et des menaces d'expulsion. « - En septembre 1867, Nana alla s'installer à la campagne afin de se reposer : « c'était un grand pavillon de style italien, flanqué d'une autre construction plus petite, qu'un riche anglais avait fait bâtir, après deux ans de séjour à Naples, et dont il s'était dégoûté tout de suite. [...] D'abord le vestibule : un peu humide, mais ça ne faisait rien, on n'y couchait pas. Très chic le salon, avec ses fenêtres ouvertes sur une pelouse, seulement, le meuble rouge était affreux, elle changerait ça. [...]. Une chambre qu'un tapissier d'Orléans avait tendue de cretonne Louis XVI, rose tendre «. - Entre janvier et octobre 1868, Nana va habiter chez Fontan qu'elle considère comme l'homme de sa vie : « c'était rue Véron, à Montmartre, dans un petit logement, au quatrième étage, [...] ce n'était pas immense, mais on avait refait les peintures, changé les papiers ; et le soleil entrait là gaiement «. - Après avoir quitté Fontan, Nana s'installe dans un immense hôtel offert par le comte Muffat : « l'hôtel de Nana se trouvait avenue de Villiers, à l'encoignure de la rue Cardinet, dans ce quartier de luxe, en train de pousser au milieu des terrains vagues de l'ancienne plaine Monceau. Il était de style Renaissance, avec un air de palais, une fantaisie de distribution intérieure, des commodités modernes dans un cadre d'une originalité peu voulue. Le comte Muffat avait acheté l'hôtel tout meublé, empli d'un monde de bibelots, de fort belles tentures d'Orient, de vieilles crédences, de grands fauteuils Louis XIII ; et Nana était ainsi tombée sur un fonds de mobilier artistique, d'un choix très fin, dans le tohu-bohu des époques «. Chapitre I,  de « A ce moment, les nuées au fond « (p35) à « les applaudissements devinrent furieux. « (p36) Dans ce « poème des désirs du mâle « publié en 1880, Zola reprend la figure de la prostituée, déjà présent dans La Confession de Claude, son premier roman, publié en 1865. Zola décide d'étudier plus précisément, à travers le personnage éponyme de son roman, non une simple prostituée mais « une biche de haute volée «, une « cocotte « entretenue. Le passage est capital puisque c'est à ce moment dans le récit, mais aussi dans la  pièce qui se joue au théâtre des Variétés, que va apparaître enfin celle que tout le monde attend avec une impatience aiguë, le spectateur comme le lecteur, Nana. Le début du chapitre a, en effet, savamment mis en place cette attente du personnage. Nous assistons ici à l'une des grandes scènes obligées qui structurent l'oeuvre, celle d'un moment fort de la vie de la courtisane : le début sur les planches. Le passage commence lors de la première apparition de Nana sur scène au Théâtre des Variétés pour la représentation de la nouvelle pièce pseudo-mythologique, La Blonde Vénus. Le passage suivant, dans le chapitre II,  constituera l'apothéose du succès de Nana, le moment où apparaissant presque nue, elle prendra totalement possession du public. Le « strip-tease « progressif, selon les  termes d'Eléonore Reverzy, auquel se livre la jeune actrice afin d' « empoigner « son public constitue un véritable tour de force puisqu'elle parvient, alors qu'elle n'a aucun talent pour le chant ou la comédie, à le conquérir. Le triomphe paradoxal de cette comédienne médiocre dont le corps  excite le public masculin est savamment mis en scène par le romancier qui parvient à montrer « en direct « comment cette société pervertie se retrouve dans le spectacle  qui se joue sous ses yeux et   sacralise cette fille qui devient l'égérie de ses vices et de sa subversion. Nana illustre alors la puissance du sexe dans une société où règne la décadence culturelle. Nous nous demanderons comment le romancier parvient à « mettre en scène « ce tour de force que constitue le succès de Nana, cette fille sans talent qui accède progressivement, dans un contexte d'inversion des valeurs, de folie carnavalesque et de subversion érotique, au rang de véritable déesse. Nous verrons dans un premier temps comment le romancier prépare la scène d'apparition de Nana en la dramatisant, puis comment cette scène devient le spectacle-miroir d'une société décadente. I. La dramatisation de la scène Avant la première apparition de Nana sur scène, le lecteur est prévenu que celle-ci n'a pas de talent. En effet, on assiste à une scène au cours de laquelle Bordenave, le directeur du Théâtre des Variétés, dit à La Faloise que Nana est « une vraie seringue ![...] Un paquet ! Elle ne sait où mettre les pieds et les mains. « (p.24) C'est pourquoi Fauchery fait part de ses craintes : « Si votre Nana ne chante ni ne joue, vous aurez un four, voilà tout.« (p24) Pourtant, Bordenave a misé sur cette jeune fille et il pense même qu'elle ira loin. Ainsi s'exclame-t-il : « Nana a autre chose, parbleu ! et quelque chose qui remplace tout. « (p25) Aussi la première apparition de Nana au théâtre est-elle préparée par la mise en place d'un contexte qui insiste sur le caractère périlleux de sa prestation à venir car, sans talent, elle s'expose à un rejet du public. Le romancier crée en cela un effet de suspense et prépare une dramatisation de la scène d'apparition de l'héroïne. Des questions se posent alors : comment Nana va-t-elle être reçue par le public? Quel est cet « autre chose « qui compenserait son absence de talent ? La dramatisation de la scène est surtout mise en valeur par une progression savamment menée.  A) L'entrée en scène de Nana  (Analyse du premier paragraphe) - « A ce moment « + effet de la première phrase:  Dramatisation, « Les nuées « est sujet, cette métonymie (Il s'agit en fait des rideaux) personnifie le décor. Effet: Connotation magique et surnaturelle, accentuée par le verbe « parut « au passé simple. Nana est déifiée. - Description de Nana, adjectifs mélioratifs, superlatifs hyperboliques. Termes charnels. Nana a tous les atouts qu'il faut pour charmer. Séduction axclusivement physique. - « Avec un aplomb tranquille «: Complément circonstanciel de manière qui met en exergue le caractère de Nana. Aplomb dont elle ne se départira que très rarement tout au long du roman et qui annonce sa facilité avec laquelle elle séduit. Nana est sûre de ses charmes. B) Rôle du public (Analyse du discours indirect libre) Le romancier naturaliste observe les réactions « en temps réel « des spectateurs. On a l'impression d'assister « en direct « à la scène. - Premières réactions, efficacité de la polyphonie et rôle des compléments circonstanciels de temps - «  Lorsqu'une voix de jeune coq en train de muer «: Métonymie-synecdoque, capacité de Zola à caractériser un personnage en quelques mots. Deshumanisation péjorative, monde des hommes vu comme un poulailler autour d'une « poule «. - « Toute la salle regarda «  + « Nana, cependant, en voyant rire la salle, s'était mise à rire «: Visée scopique, mimétisme de la montée du désir, complicité et savoir-faire de Nana. - Le public « empoigné «: métaphore significative du pouvoir de Nana. C) Le rôle de Nana - « Nana, cependant, en voyant rire la salle «: Pour sa première entrée en scène, Nana mène le jeu, jauge le public et adopte l'attitude adéquate. Le complément circonstanciel de temps « cependant « et le gérondif « en voyant « mettent en exergue la simultanéïté, Nana réagit au quart de tour. - Le dernier paragraphe ou le récit d'un orgasme général. « un léger frisson « et vocabulaire charnel (Et en particulier les vernes « se balancer «,   «donna un coup de hanche «,   «la gorge renversée, elle tendait les bras «) + « Et les applaudissements devinrent furieux «= Alexandrin avec synérèse sur « furieux «, qui marque l'union du public, l'osmose créé par la vision du corps de Nana, et la frénésie à l'oeuvre. Déshumanisation du public comme de Nana, des bêtes en rut. Zola installe une intensité dramatique car on suit « en direct « la montée du succès de Nana à travers un procédé narratif qui fait évoluer de façon contiguë le spectacle et le récit. Ce procédé se double d'un regard distancié et satirique. II. Un spectacle-miroir d'une société décadente A) Le procédé de la mise en abyme - Les spectateurs doubles du lecteur - Le spectacle double du roman B) Una parodie, inversion des valeurs, retournement carnavalesque - Une Venus des trottoirs - Le culte du corps au détriment du talent : Aspect géant de son physique : « féminité hyperbolique « ou de « surabondance de chair « dans les descriptions de son corps + blason érotique. On se souvient des propos programmatiques de Zola dans l'Ebauche pour définir le sujet du roman: « Toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n'est pas en chaleur et se moque des chiens qui la suivent. « C) Le point de vue du narrateur - Regard satirique : Vocabulaire axiologique et effet de toute cette mise en scène  - Une société vicieuse : voyeurisme, le « ça « et la montée du désir - Effet de la chute : «  et les applaudissements devinrent furieux. « C'est cette société avilie, décadente, nourrie de perversions qui va constituer le terreau où  va pouvoir éclore la courtisane. Paradoxalement, l'absence de talent n'est pas gage d'échec dans ce monde à l'envers. Nana va connaître un vrai succès grâce à cet « autre chose « qu'elle possède et qui est recherchée par ce public décadent. Le romancier parvient donc à mettre en scène l'apogée de son personnage.  Si toute la dynamique du chapitre I s'organise en fonction de l'affolement du désir provoqué par Nana,  Zola réussit, dans ce passage,  à mettre en scène le tour de force que constitue le succès de Nana grâce à une efficacité dramatique remarquable. Il crée une dramatisation de la scène d'apparition de Nana en mettant en avant le talent inexistant et le « four « qui menace. Le procédé de l'attente du personnage dans une salle personnifiée qui vibre « en direct « à tout instant crée un effet d'intensité dramatique. Il orchestre la consécration de celle qui va devenir l'objet de désir de toute une société qui encense le vice et la bêtise et qui se retrouve dans le spectacle décadent qui se joue dans un « théâtre-bordel «. Ayant acquis un triomphe grâce au pouvoir de sa chair, Nana pourra s'envoler vers l'univers luxueux de la haute société, prenant une revanche sur sa misère passée. Mais, le parcours de La Blonde Vénus, rattrapé par le déterminisme social qui est lié à son destin, trouvera un écho tragique dans l'épisode de sa mort, à la fin du roman, puisque parlant de ses derniers instants, Zola écrit : « Vénus se décomposait « (p474). A travers ce parcours illustrant la grandeur et la décadence d'une courtisane, Zola  parvient à fustiger avec force la société du Second Empire et sa déchéance morale. Chapitre VII, p.224 à p.225, depuis « Et, lâchant la chemise « jusqu'à « par les fenêtres. « Nana, lancée à la conquête du monde a comme amant le comte Muffat. Dévot quand s'ouvre le roman, il est entraîné dans le sillon de la prostituée pour laquelle il se sent enchaîné. Forte de ses succès au théâtre, Nana profite de l'argent que lui donnent ses protecteurs. Le passage étudié relate la lecture par Muffat d'un article de journal écrit par Fauchery à l'encontre de Nana et de la pièce dans laquelle le tout Paris la voit. C'est le troisième personnage dans le récit qui fait la lecture de l'article puisque son coiffeur ainsi que Daguennet, rencontré dans un café lui en ont déjà parlé. Seulement, la jeune fille craint ne pas bien comprendre les implicites du journal et demande à son compagnon ce qu'il en pense. L'extrait présente la lecture du comte devant Nana.                 Dans quelle mesure cet extrait donne au lecteur les clefs de l'oeuvre ? I) Nana, la mouche d'or de la scène : Nana et Muffat sont à la source de l'article, les modèles qui l'ont inspiré. Cependant, dans un effet rétrospectif de reflet, l'article semble rejaillir sur eux et la scène construit les personnages en écho à ce que l'article nous a donné à lire comme par un effet de contamination. Nana dans cette scène peut être analysée à la lumière de l'article : A) Inscription de l'article dans la diégèse : - Nana est la source d'inspiration de cet article qu'elle n'a pas bien compris et qu'elle demande alors à Muffat de lire pour le lui commenter. Le comte va s'y employer et l'article nous est alors rendu par une double médiation, celle de la voix de la narration relayant la lecture de Muffat : la phrase « Muffat lisait lentement « sert d'embrayeur à l'inscription de l'article dans le récit en  discours indirect libre à l'intérieur de la narration d'où l'emploi de l'imparfait pour son intégration au récit. - L'article fait donc l'objet d'une double mise en scène dans le texte :  par le tableau de la nudité de Nana sur  lequel sa parole s'élève (« attendant que Muffat eût fini sa lecture, Nana resta nue «), par la lecture silencieuse de Muffat dont le lecteur a conscience qu'il lit ici, sous la plume sautillante et irrévérencieuse de Fauchery,  sa propre condamnation. - Cette inscription dans la diégèse est donc en soit une première forme de mise en abyme de l'article puisque la situation même du Comte, saisi en plein adultère en compagnie de sa maîtresse nue, est un dispositif qui souligne dès l'abord, le jeu de constants va et vient entre le propos de l'article et la situation de la scène - l'article suscitant autant qu'il met en abyme la situation qui se joue entre les personnages. B) Elle est la fille au « sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson « - Fille du charpentier alcoolique Coupeau qu'on a rencontré dans L'Assomoir, et de Gervaise.  Voir tous les éléments qui rappellent le précédent roman. C) L'article parle de Nana - Elle est ensuite la fille marquée « par le détraquement de son sexe de femme « - « pourrissait l'aristocratie «   - « Elle devenait une force de la nature... « II) La mise en abyme de l'article de La mouche d'or :  A) Idées force de l'article et réseaux métaphoriques de signification : - Le sexe est au centre de l'article : pourtant, il demeure non nommé sauf dans l'expression « le détraquement de leur sexe « et il est alors significativement associé à la femme seulement comme s'il était de son unique ressort. Lorsque la réalité du sexe associe ensuite les hommes du monde, il n'en est plus question que sous des expressions métaphoriques qui cachent la réalité dont il est pourtant question : l'accouplement des femmes du peuple et des hommes de la classe élevée. - Le sexe, vecteur de pourriture et par là de destruction morale : c'est par « le détraquement nerveux de son sexe de femme « qui la pousse sur le pavé  de Paris très tôt et par « sa chair superbe « que la fille dont il est question va corrompre la société toute entière : le sexe associé ici à « la pourriture «, ou encore au poison (la mouche « empoisonnait les hommes rien qu'à se poser sur eux «), « ferment de destruction « est axiologiquement envisagée de manière radicalement négative : l 'idée de la corruption morale à laquelle il est associée n'est pas interrogée : le sexe est immédiatement rabattu sur « l'ordure « et « la pourriture « par l'article comme par évidence. - Le sexe, vecteur de promiscuité sociale entre les classes élevées et le peuple et par là de désorganisation sociale : par ailleurs, le sexe est le vecteur de la destruction des classes dirigeantes (« de l'aristocratie « qui habite « les palais «).Il est destruction parce qu'il est le vecteur d'une promiscuité nouvelle entre les classes sociales élevées et le peuple : dans un curieux raccourci le sexe est associé au peuple : il vient du peuple et de ses femmes subissant un « détraquement nerveux de (leur) sexe de femme « du fait de leur lourde hérédité : le sexe est « pourriture « mais « pourriture « ou encore « ordure « sont aussi des métaphores du peuple dans l'article ou plus exactement sont en rapport de métonymie avec lui (cf : « elle avait poussé dans un faubourg, (...) ainsi qu'une plante de plein fumier « et la mouche à laquelle elle est comparée est « envolée de l'ordure «)  : la fille de l'article est alors dangereuse dans le sens où elle contamine, « empoisonne « l'aristocratie de l'atmosphère morale corrompue qui règne dans les bas-fonds : « Avec elle, la pourriture qu'on laissait fermenter dans le peuple, remontait et pourrissait l'aristocratie. « L'article suggère même que la fille du peuple devenue courtisane se sert du sexe, dans une forme d'inconscience (« sans le vouloir elle-même « dit le texte) comme d'un arme de lutte des classes : « elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. « B) Naturalisme et hérédité Nana vient de « quatre ou cinq génération d'ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson «. Il s'agit donc plus d'un discours qui se veut scientifique que d'un discours romanesque,  ce dernier venant illustrer le premier. Le personnage féminin est donc l'illustration d'une thèse scientifique et manque de liberté puisqu'elle est soumise aux lois de l'hérédité. A la fatalité religieuse, succède avec Zola, la fatalité familiale, le personnage étant condamné d'avance à la décrépitude impropre à cause de ses ancêtres. C'est pourquoi, l'article ne précise aucun nom, le roman illustre une loi générale. La littérature est envisagée comme une observation scientifique des lois de l'hérédité. Cette loi de l'héritage biologique étant posée, l'auteur précise la fonction de Nana. C) Fonction de Nana dans le roman - Le discours naturaliste de l'auteur se définit également par un langage social. En effet, l'article présente Nana comme si elle « vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. «. En « pourrissant « l'aristocratie, la prostituée instaure donc un nouvel ordre dans l'anarchie qu'elle sème sur son passage, d'où la réaction gênée de Muffat qui se lit à travers cette allusion à l'aristocratie. Nana est envisagée comme le porte parole des miséreux qui prend le pouvoir (et c'est la différence avec les romans de Hugo) même si c'est pour semer le désordre. Elle est envisagée comme le socle de cette société qui au fond ne distingue plus les riches et les pauvres dans les moeurs, la différence ne jouant que sur les apparences. Nana dévoile donc dans le roman l'abêtissement des classes dirigeantes qui se complaisent de façon égale dans le vice. Dans le passage qui précède, Nana et le lecteur viennent d'apprendre que la comtesse Muffat a aussi un amant. Plus rien ne distingue donc les deux classes qui sont dominées par ce même goût de la luxure. L'article du journal a donc aussi un effet d'annonce puisque la fin est clairement indiquée : le personnage féminin anéantit le pouvoir de l'aristocratie en montrant son avilissement. - Malgré cette inconscience de la prostituée, la fille-mouche d'or est tenue pour responsable de la décadence de la société sans jamais que soit envisagée dans l'article l'éventuelle responsabilité des hommes de la haute société. Qu'il s'agisse de la fille de joie ou de la mouche d'or, de manière significative, chacune d'elles se trouve être respectivement l'unique sujet  des verbes de l'article: « elle vengeait (...) « « elle devenait un ferment de destruction (...) corrompant et désorganisant Paris «, « elle empoisonnait (...) «.  - Au contraire, les hommes sont implicitement en posture de victime et par là, déculpabilisés : ils sont trompés par la beauté de la mouche d'or « couleur de soleil «, « jetant des éclats de pierreries «, dont il émane trompeusement un rayonnement positif masquant « l'ordure « d'où elle vient et « la mort « qu'elle transporte, mais surtout ils sont « empoisonnés « par elle c'est à dire contaminés sans s'en apercevoir- ce qui laisse à entendre une forme d'irresponsabilité.                 La page étudiée se présente comme une mise en abîme du récit dans la mesure où elle renvoie à la notion de lecture. Le discours du journaliste est le porte-parole de la parole auctoriale pour mieux souligner en dernière instance la fonction de Nana dans la démonstration de l'écrivain. Chapitre XI, le grand Prix de Paris p 379 « On vit alors... le vertige de la foule. « Nana a atteint le sommet de la réussite. Devenue « une femme chic, rentière de la bêtise et de l'ordure des mâles, marquise des hauts trottoirs « protégée du comte Muffat, cette fille du peuple s'est hissée de L'assommoir jusqu'à son splendide hôtel avenue de Villiers où elle règne souverainement sur ses hommes et leurs affaires. Parmi ses habitués, le comte Xavier de Vandeuvres , joueur et endetté, manifeste des inquiétudes. Le chapitre XI alors quitte le milieu des théâtres et les intérieurs de la demi-mondaine pour déplacer tout son petit monde à l'hippodrome du bois de Boulogne. Toute la société du second Empire se réunit à l'occasion de la course du grand Prix de Paris. A l'hippodrome de Longchamp, ce dimanche de juin, Nana parade au milieu de sa bande d'amis : les fils Hugon, Les Mignon, Gaga, Labordette, Tatan Néné, La Faloise ... tandis que la bonne société représentée par l'impératrice Eugénie, Le prince d'Ecosse, Sabine Muffat... se place sur les tribunes. Nous allons voir comment Zola nous donne à voir et à entendre une scène intense et hautement symbolique. Nous étudierons, tout d'abord, la dramatisation de la scène. Puis nous observerons que ce spectacle se charge immédiatement de valeurs symboliques, notamment par le jeu des images proprement épiques.  I) La dramatisation de la scène A) Le cadre de l'action - Nous assistons ici au Grand Prix de Paris du 8 juin 1879. Le romancier naturaliste qui s'était essayé à ce genre de chronique journalistique en 1876, veille à utiliser le vocabulaire des courses : le jockey de petite taille («  vieil enfant desséché « pourvu d'étriers et d'une cravache «, « jette Nana au poteau, battant Spirit d'une longueur de tête «. Le cadre est bien celui d'un champ de courses : on retrouve donc tout un champ lexical du « champ de courses « : «  la piste, l'enceinte du pesage « et « les tribunes «. - Les noms propres (le « Bois, le mont Valérien, Longchamp et Boulogne «) tracent un périmètre plus vaste à la scène. Puis des lieux indéterminés élargissent encore l'angle de vision : « allées lointaines «, « sous les arbres «. B) Plein la vue et les oreilles ! - C'est le regard qui est d'abord sollicité : « On vit alors une chose superbe «. Le verbe, neutre, prend un sens grandiose avec l'adjectif hyperbolique « superbe «. La brièveté de la phrase et l'indétermination de « chose « laissent attendre les détails de cette vision. L'indéfini « on « renvoie à tous les participants : spectateurs, narrateur et juge, « l'oeil à la mire «. Le couple du jockey et de son cheval aux « yeux   sanglants « (adjectif hyperbolique) est sous le regard attentif de la foule qui elle-même deviendra spectacle de délire dans la seconde partie du texte. - A la profusion des éléments visuels s'ajoutent deux types de notations auditives: une clameur vague, puis des exclamations. La première phrase du texte est parallèle à celle qui ouvre le second paragraphe: « Ce fut comme la clameur montant d'une marée «. La comparaison maritime anticipe le cri de la victoire : « une immense acclamation retentit «; la raison de cet enthousiasme (la victoire de Price et Nana) n'est donnée qu'après. Trois termes dénotent ce déferlement auditif: « acclamation, clameur « (que l'étymologie rapproche du terme précédent) et enfin  « cri  « qui est l'expression la plus élémentaire d'une émotion. - Analyse de la structure syntaxique de la phrase « Le cri roulait ... Boulogne «. - Le texte est ponctué par le nom de Nana et l'élan de chauvinisme qui en découle. Nana, la France et l'Angleterre sont associées au centre du second paragraphe. Mais l'acclamation par la foule du nom de Nana encadre ce paragraphe, selon une structure en chiasme : « Ce fut comme la clameur... Nana ! Nana ! Nana ! « « Nana, Nana, Nana... Le cri montait «. C) Une scène mouvementée - Entre ces deux mentions, s'élabore une série de mouvements effrénés. Le texte suit une chronologie très rapide. À un passé simple (« vit «) succèdent des imparfaits qui donnent l'impression d'un mouvement continu. Le procédé se reproduit dans le second paragraphe, où les imparfaits permettent de transcrire des actions simultanées. - La course est narrée en un rapide fragment de phrase ternaire :  « Tout le train passa avec un roulement de foudre, coupant les respirations, balayant l'air « . La seconde partie du passage décrit les réactions fébriles de la foule au moyen d'une accumulation verbale. Zola procède d'abord par redoublement de verbes de mouvement: « roulait, grandissait «; « sautaient, tournaient  « ;  « s'enflait, recommençait « . Il joue sur la valeur d'action en cours de réalisation des participes présents :  « coupant les respirations, balayant l'air «;  « emplissant  « ;  « vociférant « . En outre, les sonorités proches des verbes se font écho :  « s'épandre et s'élargir  « ;  « répondait [...] remuait  « ; la terminaison en  « ait  « des imparfaits donne à l'ensemble une unité sonore et rythmique que la longueur relative des phrases ne brise pas. Interviennent enfin des balancements :  « Les femmes [...] des hommes [...] d'autres  « ;  « Sur la pelouse [...] de l'autre côté de la piste « . - La structure en crescendo, un schéma narratif trépidant. II) Un grandissement épique et symbolique A) Des métaphores significatives - L'intensité de la scène tient surtout à un grandissement qu'apporte une série de métaphores significatives. La première image, celle de la mer, marque le mouvement. D'emblée, la pouliche est « trempée d'écume « . C'est le signe d'un réseau qui va de la vague au cataclysme :  « Le cri roulait, grandissait, avec une violence de tempête  « ; la rumeur  « s'enfle  « à la fin avant de  « s'épandre « . Cette métaphore maritime permet d'élargir la scène aux dimensions de  « l'horizon  « où se rejoignent les  « profondeurs du Bois  « et les  « allées lointaines « . - La  « pluie d'or  « qui inonde cette foule en délire fait le lien avec l'autre métaphore clef : celle de la lumière. Le soleil éclaire le spectacle, mais il n'est mentionné qu'à la fin du texte, dans sa  « gloire  « à l'image du triomphe de Nana. Cette ultime phrase est construite en chiasme :  « cri... soleil / pluie d'or... foule  « : la foule est ainsi enveloppée dans cette lumière violente et symbolique qui suit un double mouvement ascendant ( « montait « ) et descendant ( « battait « ). - Mais au soleil s'ajoute une forme plus violente de lumière : le feu. Il parcourt le texte de ses éclairs : la figure de Price  « jetait des flammes  « et le délire de la foule est  « comme la flamme invisible d'un brasier « . Là encore l'image confine à la catastrophe : les chevaux passent  « avec un roulement de foudre  « et les  « points noirs des yeux  « sont peut-être le signe de cette consomption généralisée. - Par le jeu de ces images et de ces métaphores filées, la description prend une dimension épique aux connotations diaboliques, comme si le monde entier était la proie de cette folie. Le juge seul est  « très froid « , substitut du narrateur ou du journaliste. B) La force des symboles - Le grandissement épique de la scène s'accompagne d'une série de symboles, notamment sur l'association entre la pouliche et la femme qui donne son nom au roman. Zola est explicite à ce sujet : le propriétaire de la pouliche (Vandoeuvres) est l'un des anciens amants de Nana. Lorsqu'elle demande, juste avant le texte : « A combien suis-je ? «, l'on ne peut qu'associer le cheval et la prostituée. - Le jockey sur le cheval mime un amour bestial : il est animé d'un « élan de furieuse audace, de volonté triomphante «. Voir aussi la métaphore significative : « Il fouaillait Nana d'un bras de fer «. - Les images de l'animalité sont récurrentes dans le roman et il ne faut guère s'étonner d'assister ici à un orgasme généralisé. « L'enthousiasme fou « et les  « rires nerveux « des hommes marquent leur bestialité : ils ne sont plus que « petites figures détraquées «, « bras tordus « et « bouche ouverte «. Les synecdoques, ici, révèlent que l'on ne distingue plus les individus, déshumanisés, fondus dans la foule, chaque spectateur étant pratiquement en communion avec les autres, dans une sorte de transe religieuse. C) Un réquisitoire contre le vice - Ces personnages sans retenue sont comme des marionnettes. - Le texte présente, par le biais de ce concours hippique, un tableau de la corruption sociale. L'espèce humaine est asservie au sexe : c'est la grande leçon que veut donner Zola. - La dénonciation de la dépravation des moeurs sous le Second Empire était à la mode. Mais, ici, le Pouvoir lui-même cautionne ce déferlement sensuel :  « dans l'émotion de la tribune impériale [...] l'impératrice avait applaudi « .  - Que dire d'ailleurs du cheval perdant, Spirit, autrement dit  « esprit  « ? Ce que les hommes ont perdu, c'est justement cela, la raison. Gustave Flaubert avait bien saisi la portée du roman lorsqu'il écrivait :  « Nana tourne au mythe sans cesser d'être une femme.  « Chapitre XIV, explicit de Nana, page 474, « Elles sortaient vivement... « à la fin. Zola dans Nana, retrace l'ascension d'Anna Coupeau, fille de Gervaise Macquart et de Coupeau, dont le surnom donne son titre au livre. Ainsi le roman va dépendre de ce personnage éponyme, le suivre et l'accompagner, de son premier triomphe théâtral qui ouvre le premier chapitre, à sa conquête de la société par l'utilisation de ses amants, et à sa mort qui termine symboliquement l'ouvrage. Le passage étudié est un extrait du dernier chapitre, donc de l'explicit du roman, débuté sur la disparition provisoire de Nana, annonce nouvelle de sa disparition proche et définitive. La jeune femme, dont l'absence s'entoure de mystère, revient à Paris et assiste à  la mort de son enfant, avant d'être emportée à son tour par la même maladie dans une chambre d'hôtel, veillée par son ancienne rivale, Rose Mignon. Elle est annoncée morte au début de notre passage, alors que dehors la foule se mobilise et prépare la guerre contre les Prussiens. Dans ce chapitre se mêlent les cris des Parisiens et les remarques et conversations des personnes qui ont connu Nana, c'est-à-dire que l'histoire du personnage éponyme se mêle à l'Histoire représentée par la guerre franco-prussienne de 1870. Or, à la disparition de Nana va succéder aussitôt la disparition du Second Empire, le conflit se terminant par la défaite de Napoléon III, et l'instauration de la troisième république. Ainsi, le livre retrace et accompagne certes la vie de Nana, mais aussi celle du Second Empire, dont Nana devient alors le symbole puisque la mort de l'une entraîne celle de l'autre, c'est-à-dire que l'histoire de Nana entraîne l'Histoire du Second Empire. Il s'agira alors de voir comment la fin de Nana renferme celle d'une personne mais aussi celle d'une société, d'un monde entier, comment elle est programmatrice et symbolique, comment le naturalisme de Zola lie un personnage à la fois dans son hérédité génétique mais aussi dans une hérédité sociale. I) Une hypotypose de l'horreur A) La symbolique du cierge ou la mise en scène du portrait - Rôle de Rose - Ses paroles rapportées directement, répétées à maintes reprises, tout comme est répété leur contenu (« elle est changée, elle est changée «) soulignent à la fois l'émotion et l'étonnement (l'interjection « ah !, mais aussi le nouvel état du personnage et la rupture créée avec la personne d'avant l'ellipse temporelle (« la dernière fois que je l'ai vue, c'était à la Gaité dans la grotte « p.468). De même la forme passive (« est changée «) souligne le statut nouveau de Nana, victime de la maladie (« vérole «), dépossédée. B) La description d'un cadavre en putréfaction : « Ce fut une horreur. « - Isotopies de la mort (« charnier «, « jetée «, « flétries «, « sombré «...) et de la pourriture (« moisissure «, « purulence «, « pustules «, « pourri «...), qui concourent au réalisme du discours descriptif, appuyé en cela par le champ lexical scientifique de la médecine (« virus «, « humeur «, « sang «, « purulences «...). - « C'était un charnier... « : Métaphore, juxtaposition, valeur du présentatif C) Nana est méconnaissable - Cependant cette description est en même temps repoussée, rendue impossible (« on ne retrouvait plus les traits «), indéterminée et indéfinie (cf les déterminants indéfinis et le vocabulaire général : « un charnier «, « un bouton «, « cette bouillie «, « un trou «, « une croûte «, « une pelletée «, « un aspect «...), Nana disparaissant, comme on l'a vu avec l'utilisation du passif, sous la maladie. - « Les pustules avaient envahi... « - Rôle des synecdoques II) L'excipit comme double inversé de l'incipit A) Un portrait inversé - Comparer avec le chapitre I, et voir que toutes les armes de séduction de Nana sont réduites à néant. B) Ce qui reste de l'ancienne déesse - La comparaison « comme un masque horrible et grotesque « souligne cet effacement définitif de la personne, en même temps qu'il rappelle et ouvre la thématique du théâtre, en écho à son rôle du début du livre dans la pièce de théâtre La Blonde Vénus. Ainsi, de la Nana connue, seuls demeurent, en opposition au changement, à la maladie, les symboles de sa vie passée : le rôle de Vénus, les cheveux de la séduction. Ils ressortent d'ailleurs d'autant plus nettement que les champs lexicaux du sombre, lié à la maladie, et de la lumière, lié à la vie passée, entrent en conflit : « boue «, « grisâtre «, « sombré «, « noir « vs « flambée «, « soleil «, « or «. - C'est d'ailleurs de nouveau symboliquement et en référence à ce monde du jeu que Lucy au moment de partir « tira un rideau «, mettant un terme à la représentation. Nana disparaît dans le monde du théâtre qui l'a créée (chapitre 1) et qui maintenant l'efface, comme s'efface le désir des hommes auquel pourtant elle reste toujours liée. C) « A Berlin ! « : Ironie et mort symbolique - Analyse de la dernière phrase                 Le roman de Zola dresse donc le portrait de la société finissante de Napoléon III dont Nana est une figure symbolique, et qui va symboliquement s'achever avec sa mort. En effet, la guerre de 1870 dont l'annonce termine le roman, va marquer la fin du Second Empire. Napoléon III, défait à Sedan, s'enfuit, laissant place à la naissance d'une nouvelle République, la Troisième.                 Fin d'un personnage et fin d'un roman, mais aussi fin d'un monde et d'une société, l'explicit de Nana apparaît polysémique et symbolique, entrelaçant l'histoire, la destinée d'une femme, et l'Histoire d'une époque. A travers sa théorie naturaliste, Zola construit une oeuvre expérimentale, dans laquelle l'observation des faits (la mort de Nana) offre un miroir à la société, responsable des maux et ici de sa propre faillite. Le passage qui faisait l'admiration de Flaubert n'est pas sans évoquer, jusque dans l'ellipse temporelle finale, un de ses propres livres, L'éducation sentimentale, qui relate de la même façon la trajectoire et les échecs de l'histoire du personnage principal et de l'Histoire.

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