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croire ce que la morale exige que nous croyions, par exemple que nous sommes libres, dans la mesure même où il s'agit de propositions qui échappent à la raison spéculative.

Publié le 22/10/2012

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morale
croire ce que la morale exige que nous croyions, par exemple que nous sommes libres, dans la mesure même où il s'agit de propositions qui échappent à la raison spéculative. 9. Croire et savoir. Mais il faut bien le remarquer, il y a ici une réserve à faire : c'est que, si nous ne pouvons connaître ces objets comme choses en soi, nous pouvons du moins les penser comme tels (1). Autrement, on arriverait à cette absurde proposition qu'il y a des phénomènes (ou des apparences) sans qu'il y ait rien qui apparaisse. Qu'on suppose maintenant que la distinction faite nécessairement par notre Critique entre les choses comme objets d'expérience et ces mêmes choses comme choses en soi n'ait pas été établie, alors il faut étendre à toutes les choses en général, considérées comme causes efficientes, le principe de causalité et, par conséquent, le mécanisme naturel (comme élément essentiel) de leur détermination. Je ne saurais donc dire du même être, par exemple de l'âme humaine, que sa volonté est libre, et que pourtant, il est soumis à la nécessité physique, c'est-à-dire non libre, sans tomber dans une évidente contradiction, puisque, dans les deux propositions, j'ai pris l'âme dans le même sens, c'est-à-dire comme chose en général (comme chose en soi), ne pouvant d'ailleurs, sans une critique préalable, la prendre autrement. Que si, par contre, la Critique ne s'est pas trompée en nous apprenant à prendre l'objet en deux sens différents, c'est-à-dire comme phénomène et comme chose en soi; que si sa déduction des concepts de l'entendement est exacte, et si, par conséquent, le principe de causalité ne s'applique aux choses que dans le premier sens, c'est-à-dire en tant qu'elles sont des objets d'expérience, tandis que, dans le second sens, ces mêmes choses ne lui sont pas soumises; alors, la même volonté peut être conçue sans contradiction, d'une part, dans l'ordre des phénomènes (des actions visibles), comme nécessairement soumise à la loi physique et par conséquent comme non libre, et d'autre part, en tant qu'appartenant à une chose en soi, comme échappant à cette loi et par conséquent comme libre. Or quoique, sous ce dernier point de vue, je ne puisse connaître mon âme par la raison spéculative (et moins encore par l'observation empirique), ni par conséquent la liberté comme propriété d'un être auquel j'attribue des effets dans le monde sensible, puisqu'il me faudrait la connaître d'une manière déterminée dans son existence et non cependant dans le temps (chose impossible, car je ne puis, dans ces conditions, appuyer mon concept sur aucune intuition), je puis cependant penser la liberté, c'est-à-dire que l'idée n'en contient du moins aucune contradiction, dès que l'on admet notre distinction critique de deux modes de représentation (le sensible et l'intellectuel), ainsi que la limitation qui en découle relativement aux concepts purs de l'entendement, et, par conséquent, aux principes découlant de ces concepts. Admettons maintenant que la morale suppose nécessairement la liberté (dans le sens le plus strict), comme propriété de notre volonté, en posant a priori comme données de la raison des principes pratiques qui en tirent leur origine, et qui, sans cette supposition de la liberté, seraient absolument impossibles; admettons aussi que la raison spéculative ait prouvé que la liberté ne se laisse point penser; il faut alors nécessairement que cette supposition, la supposition morale, cède à celle dont le contraire renferme une évidente contradiction, c'est-à-dire que la liberté, et avec elle la moralité (dont le contraire ne renferme pas de contradiction, quand on ne suppose pas préalablement la liberté) cèdent la place au mécanisme de la nature. Mais comme il me suffit, au point de vue de la morale, que la liberté ne soit point contradictoire en elle-même et que par conséquent elle puisse du moins être pensée; comme aussi, dès qu'elle ne fait point obstacle au mécanisme naturel de la même action (prise en un autre sens), il n'est pas besoin d'en avoir une connaissance plus étendue, la morale peut garder sa position pendant que la physique conserve la sienne. C'est ce qui n'aurait pas eu lieu, si la critique ne nous avait pas instruits préalablement de notre inévitable ignorance relativement aux choses en soi, et si elle n'avait pas borné à de simples phénomènes toute notre connaissance théorique. On peut encore montrer cette utilité des principes critiques de la raison pure en envisageant les concepts de Dieu et de la simplicité de notre âme, mais je laisse cela de côté pour êtré court. Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réalité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la transforment réellement et toujours en phénomène, et déclarent ainsi impossible toute extension pratique de la raison pure. J'ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance'. NOTE DE KANT (1) Pour connaître un objet, il faut pouvoir prouver sa possibilité (soit par le témoignage de l'expérience de sa réalité, soit a priori par la raison). Mais je puis penser ce que je veux, pourvu que je ne tombe pas en contradiction avec moi-même, c'est-à-dire pourvu que mon concept soit une pensée possible, quoique je ne puisse répondre que, dans l'ensemble de toutes les possibilités, un objet corresponde ou non à ce concept. Pour être en droit d'attribuer à tel concept une valeur objective (une possibilité réelle, car la première n'est que logique), il faudrait quelque chose de plus. Mais ce quelque chose de plus, il n'est pas besoin de le chercher dans les sources théoriques de la connaissance, il peut bien se rencontrer dans les sources pratiques. (Raison pure, I, p. 26-28.) La Critique a donc un très large intérêt humain. En repoussant le dogmatisme, elle délivre la philosophie des vaines querelles et du despotisme des écoles, tout en rendant possibles la morale et une métaphysique authentique. 10. Dogmatisme et criticisme. Le dogmatisme de la métaphysique, ce préjugé qui consiste à vouloir avancer dans cette science sans commencer par une critique de la raison pure, voilà la véritable source de toute cette incrédulité qui s'oppose à la morale, et qui elle-même est toujours très dogmatique. — Si donc il n'est pas impossible de léguer à la postérité une métaphysique systématique construite sur le plan de la critique pure, ce n'est pas un présent de peu de valeur à lui faire; soit que l'on songe simplement à la culture que la raison 1. Tremesaygues et Pacaud traduisent : « Je dus donc abolir le savoir afin d'obtenir une place pour la croyance «, mettant ainsi plutôt l'accent sur ce que Kant appelle « l'utilité positive « de la Critique. Cf. texte 8.
morale

« Le Criticisme dans le monde sensible, puisqu'il me faudrait la connaître d'une manière déterminée dans son existence et non cependant dans le temps (chose impossible, car je ne puis, dans ces conditions, appuyer mon concept sur aucune intuition), je puis cependant penser la liberté, c'est-à-dire que l'idée n'en contient du moins aucune contradiction, dès que l'on admet notre distinction criti­ que de deux modes de représentation (le sensible et l'intellectuel), ainsi que la limitation qui en découle relativement aux concepts purs de 1 'entendement, et, par conséquent, aux principes décou­ lant de ces concepts.

Admettons maintenant que la morale suppose nécessairement la liberté (dans le sens le plus strict), comme propriété de notre volonté, en posant a priori comme données de la raison des principes pratiques qui en tirent leur origine, et qui, sans cette supposition de la liberté, seraient absolument impossibles; admettons aussi que la raison spécula­ tive ait prouvé que la liberté ne se laisse point penser; il faut alors nécessairement que cette supposition, la supposition morale, cède à celle dont le contraire renferme une évidente contradic­ tion, c'est-à-dire que la liberté, et avec elle la moralité (dont le contraire ne renferme pas de contradiction, quand on ne suppose pas préalablement la liberté) cèdent la place au mécanisme de la nature.

Mais comme il me suffit, au point de vue de la morale, que la liberté ne soit point contradictoire en elle-même et que par conséquent elle puisse du moins être pensée; comme aussi, dès qu'elle ne fait point obstacle au mécanisme naturel de la même action (prise en un autre sens), il n'est pas besoin d'en avoir une connaissance plus étendue, la morale peut garder sa position pendant que la physique conserve la sienne.

C'est ce qui n'aurait pas eu lieu, si la critique ne nous avait pas instruits préalablement de notre inévitable ignorance relativement aux choses en soi, et si elle n'avait pas borné à de simples phénomènes toute notre connaissance théorique.

On peut encore montrer cette utilité des principes critiques de la raison pure en envisageant les concepts de Dieu et de la simplicité de notre âme, mais je laisse cela de côté pour êtré court.

Je ne saurais donc admettre Dieu, la liberté et l'immortalité selon le besoin qu'en a ma raison dans son usage pratique nécessaire, sans repousser en même temps les prétentions de la raison pure à des vues transcendantes, car, pour atteindre à ces vues, il lui faut se servir de principes qui ne s'étendent en réa­ lité qu'à des objets de l'expérience possible et qui, si on les applique à une chose qui ne peut être objet d'une expérience, la 24. »

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