Devoir de Philosophie

Dans quelle mesure la littérature est libératrice du lecteur (et de l'auteur)?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

            Depuis leur création, les livres ont toujours eu une forte présence. Que ce soit chez soi ou dans le monde qui nous entoure. Les livres détiennent les mots et nous les offre. Les livres nous appellent. Ils sont le meilleur moyen pour les auteurs de diffuser leurs idées. Ainsi, les écrivains peuvent nous convaincre, nous persuader par l’argumentation de leurs pensées. De ce fait, Victor Hugo, célèbre auteur contemporain français déclare, dans son poème « A qui la faute ? » : « …ton libérateur / C’est le livre. » Nous pouvons, alors, nous demander dans quelle mesure la littérature est libératrice du lecteur (et de l’auteur) ? Dans un premier temps, nous montrerons que la littérature peut être considérée comme un outil de libération. Puis, qu’elle ouvre la voie à un autre monde et peut être synonyme de folie. Enfin, nous constaterons que la littérature n’est libératrice que sous certaines conditions.

 

La littérature peut être utilisé comme un outil de libération. En effet, nous pouvons constater que, dès le plus jeune age, la plupart des enfants tiennent un journal intime. C’est leur moyen d’exprimer leurs ressentis et de se libérer de leurs pensées. Ils écrivent ce qu’ils ne peuvent pas dire, et se sentent ainsi soulager. Les psychologues conseillent vivement l’écriture pour se « décharger d’une énergie » et ainsi créer une distance avec nos pensées pour être  « moins pris dans notre drame » (cf. : étude effectuée par une thérapeute). De plus, lorsque nous nous relisons, nous pouvons apprendre des choses sur nous-mêmes, et ainsi trouver certaines réponses à nos questions personnelles. La littérature est alors un moyen de se connaître, ce que nous pouvons retrouver dans l’autobiographie. Les autobiographes écrivent leur vie, certes pour fixer à tout jamais leur passé, mais aussi pour effectuer une thérapie sur leur personnalité. En écrivant nos sentiments, nous pouvons déchiffrer ce que nous ne savons nommer. Par conséquent, la littérature nous procure un bien-être total et une importante évasion. Sartre, dans les Mots, exprimait la lecture comme un plaisir jouissif : « Quand je les ouvrais j'oubliais tout : était-ce lire ? Non, mais mourir d'extase. » La lecture est, ainsi, vue comme un moment de pur bonheur simple. De même, Victor Hugo dit qu’« Une bibliothèque est un acte de foi ». La foi est ce qui est propre à chaque personne, et ce qui nous permet de libérer nos peurs et d’avoir une confiance en l’avenir. La lecture vue comme un « acte de foi » montre qu’elle est de nature divine, placée à une hauteur insoupçonnable, et si l’on croit en la lecture alors nous pouvons nous confier à elle. Et se sentir ainsi dépossédé de tous nos drames. La lecture est un bienfait. Elle apporte des connaissances et ouvre l’esprit. « Ils t’enseignent » écrit Victor Hugo. Effectivement, la littérature permet d’élargir son vocabulaire, d’améliorer son orthographe. Elle a cette capacité à être bonne culturellement tout en restant un plaisir personnel. « Le livre est [notre] richesse […] ! c’est le savoir, / Le droit, la vérité, la vertu, le devoir, / Le progrès, la raison dissipant tout délire. » (Victor Hugo). Le livre nous rend capable de déchiffrer d’incroyables univers. Le livre nous confronte à une imagination que nous n’aurions peut-être jamais pu avoir. Le livre nous apporte une inspiration nouvelle et une interprétation nouvelle du monde. Le livre est un bienfait. Et n’est-ce pas libérateur d’apprendre de nouvelles choses, de se confronter au changement ? De plus, lorsque nous lisons un livre, il y’a un échange entre l’auteur et le lecteur : « La seule façon de connaître un écrivain, c’est par les traits d’encre laissées derrière lui. », écrit Carlos Ruiz Zafon dans Le jeu de l’Ange. Ainsi, nous pouvons nous retrouver dans certaines paroles, dans certaines actions et situations. Cela a un coté rassurant, de se dire que quelqu’un, sans le savoir, peut nous comprendre et arrive à mettre des mots sur ce que nous n’avions jamais su nommer. « Notre sagesse commence là où celle de l’auteur finit », Proust a, de ce fait, compris que l’écriture est un langage qui permet de partager ses idées. Et ainsi, lorsque l’auteur à tout donner, tout écrit c’est alors au lecteur de continuer l’aventure. L’écrivain nous aura donc persuader (ou convaincu). Peut-être pas pour toutes ses déclarations, mais ne serait-ce que pour ce fait ultime : en lisant, nous ne voyons pas le temps passer et nous ne pensons à rien. Et cela nous guérit de tous nos maux.

 

 

De plus, la littérature est un outil de libération car elle nous emmène dans un autre monde. Nous ne sommes plus de simples lecteurs, nous devenons des personnages. Nous ressentons les émotions, nous voyons les actions : nous sommes les acteurs du livre. Ainsi, la réalité devient à peine perceptible, et le monde irréel s’étalant sous nos yeux nous permet de quitter les soucis du quotidien et nous décharge de tout signe de la routine. « …je m’étais réfugié en elle au point de la confondre avec ma propre vie, comme quelqu’un qui s’échappe d’une page de roman parce que ceux qu’il a besoin d’aimer sont seulement des ombres qui vivent dans l’âme d’un étranger ».Carlos Ruiz Zafon, dans son roman l’Ombre du Vent, exprime avec aisance la facilitée avec laquelle les livres peuvent changer notre vie. Le personnage est totalement accaparé par le mystère régnant autour du livre qu’il lit. Il en vient à courir des dangers, à oser accomplir ce qu’il n’aurait jamais imaginé faire. Le livre devient ainsi le maître dominant de sa vie, et il vouera son existence à les faire vivre (il tient une librairie). La littérature la libérait par le fait qu’il a grandi à travers elle et la guérit de ses doutes d’enfant, quitte à le pousser à la folie. Ce qui rejoint l’analyse de Rousseau sur lui-même : « Guéri de mes goûts d’enfants et de polisson par celui de la lecture ». D’un autre point de vue, beaucoup d’auteurs s’expriment sur le fait que la lecture est liée à l’âme : Victor Hugo décrit les livres comme étant «  Le rayon de [notre] âme », et Cicéron déclare qu’ « une pièce sans livres c’est comme un corps sans âme ». Nous pouvons alors nous décrire comme des marionnettes dont les livres actionnent les fils. C’est un univers très différent et très éloigné de la réalité. C’est un monde qui nous permet de nous évader et qui nous laisse être les propres maîtres de notre vie. Rien n’est impossible dans la littérature, il suffit de se laisser aller. Quitte à partir jusque dans les limbes de la folie. Sartre, toujours dans les Mots, écrivait que ces auteurs préférés n’étaient pas vraiment morts mais qu’ « ils s'étaient métamorphosés en livres. » Les livres ont cette magie qui rend les mots, l’auteur et le lecteur immortels. « La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté. » écrit François Mauriac. Et, sûrement, est-ce là toute la vérité sur la littérature : « un monde enchanté » où rien n’est impossible. De ce fait, la libération est plausible : il suffit de l’écrire (ou de la lire). Dans le film Le Cercle des Poètes disparus, il est dit : « Peu importe ce qu’on pourra vous dire, les mots et les idées peuvent changer la face du Monde ». Nous pourrons, alors, conclure que n’importe qui peut être libéré à partir du moment où les mots rentrent dans sa vie. Car c’est un changement si puissant, qu’il efface tout ce que nous connaissions jusqu’à présent.

 

 

            Néanmoins, malgré une présence très importante, la littérature n’est libératrice que sous certaines conditions. En effet, d’une part, son accès est déjà limité : l’illettrisme toujours présent, la pauvreté. Les livres sont, certes, une science et une culture il faut avoir les moyens de se les procurer. Ainsi, une minorité ne peut approcher cette connaissance. De plus, la littérature est concurrencée par les autres médias, tel la radio ou la télévision. D’autre part, la littérature peut être vue plutôt comme un outil de propagande, et non comme une libération. (Par exemple, Mein Kampf d’Hitler) Ainsi,  le lecteur est manipulé et ne se crée pas sa propre vision du monde : on la lui donne. La lecture peut aussi nous transposer dans un monde totalement imaginaire et nous pousser jusqu’à une aliénation : telle Madame Bovary (de Flaubert) qui transpose l’univers de ses lectures dans sa vie réelle, et finit par se suicider. D’un autre point de vue, la culture est aussi handicapante. En effet, Primo Lévi dans Si c’est un homme, explique que les jeunes gens sans « éducation » acceptaient mieux leur condition. Au contraire, des gens « cultivés » qui cherchaient en vain des explications. Ici, l’écriture ou la lecture ne sont en aucun cas libératrice, elles penchent plus du coté de la souffrance de l’ignorance. Pour d’autres, la littérature n’est qu’un passe-temps, en aucun cas libérateur. Simplement, une lecture quotidienne qui leur procure un infime plaisir, et n’est perçue que comme un enrichissement. Au final, la littérature et la culture ne peuvent être libératrice que sous la condition de les comprendre et de savoir en interpréter les sens.

 

 

            Par conséquent, la littérature est une libération, si on la désire comme telle. Il suffit de ne pas confondre le réel et le rêve, et se contraindre aux limites de l’imagination. De plus, la lecture apporte une liberté d’un autre genre : une beauté innommable. En outre, nous pouvons aussi mesurer son pouvoir libérateur à travers l’hostilité que lui vouent les figures autoritaires (les livres brûlés dès qu’ils étaient jugés immoral, à toute époque). « Un livre, c'est un navire dont il faut libérer les amarres. Un livre, c'est un trésor qu'il faut extirper d'un coffre verrouillé. Un livre, c'est une baguette magique dont tu es le maître si tu en saisis les mots… »(Michel Bouthot dans Chemins parsemées d’immortelles pensées). Finalement, un livre n’est qu’une succession de mots dont chacun lui donne le sens qu’il veut. Il suffit juste de vouloir se laisser aller.

 

Liens utiles