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Dépassement de soi par la poésie

Publié le 20/12/2012

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Dissertation Discutez l'affirmation disant que « La poésie permet le dépassement d'une épreuve «. La poésie est un genre littéraire très ancien aux formes variées mais qui tendent toujours à mettre en valeur le rythme, l'harmonie et les images. Cependant le terme « poésie « en lui-même reste très difficile à définir ce qui a entrainé au fil des siècles des divergences d'opinions quant à sa nature mais aussi quant à sa fonction. Ce qui reste néanmoins une certitude, c'est que la fonction de la poésie n'est pas unique et n'est pas fixée. Ainsi nous nous demanderons si parmi ses fonctions la poésie admet celle de permettre le dépassement d'une épreuve, de quelle manière et dans quelles conditions. Nous serons donc amenés à nous interroger sur les types d'épreuves que la poésie peut permettre de dépasser, si ce dépassement est propre à chacun, s'il s'agit d'une interprétation personnelle, d'une aide unique pour le poète ou s'il s'agit aussi d'un moyen d'identification pour le lecteur. Nous verrons également que la poésie n'est pas toujours un remède incontestable, et que certaines épreuves sont indéniables. Nous finirons en montrant que la poésie admet d'autres fonctions mais que ces autres fonctions peuvent en elles-mêmes permettre un surpassement. Par le biais de différents auteurs, on peut constater que la poésie est un véritable soutien dans les épreuves de la vie. Ainsi un grand nombre de poètes écriront pour se décharger d'un trop plein d'émotions, de sentiments, de colère et de rage, de tristesse et de mélancolie dans différents types d'épreuves , et si un thème est récurrent, c'est bien celui de la mort. Auguste Angellier par exemple évoque un drame sentimental dans A l'amie perdue et notamment dans les vers : « Sous la mort du soleil, au bord des flots sanglants, S'écriait : " Où es-tu ? ", tordant ses mains de rage. « où l'on peut ressentir véritablement cette décharge d'émotions, à travers le questionnement direct « Où es-tu « mais aussi à travers un vocabulaire d'une grande agressivité (mort, sanglants, rage). Victor Hugo du reste fait le deuil de sa fille dans Les Contemplations où il se sert de la poésie non seulement pour évoquer sa peine mais aussi pour « ressusciter « Léopoldine. A travers le recueil Hugo bâtit une véritable corrélation entre lui et sa fille et notamment dans le poème « Demain, dès l'aube... « où il laisse croire à une coexistence grâce à la présence simultanée de pronoms de la première et de la deuxième personne mais aussi grâce à l'affirmation de ses pensées et de ses sentiments dans les vers : « Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. « et « Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps. «. A la fin du poème, Hugo marque réellement l'achèvement de son deuil et de son voyage dans le vers « Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe «. La poésie a permis également aux romantiques d'exprimer et de dépasser leur mélancolie due au « Mal du siècle «. Ainsi Alfred de Musset a écrit dans son recueil Premières poésies : « Malheur aux nouveau-nés ! Malheur au coin de la terre où germe la semence,«. On ressent une réelle expression de la rage marquée par l'emploi de points d'exclamations, et par l'anaphore avec la répétition du mot « Malheur « en début de vers. Ainsi les romantiques dénoncent leur profond malaise et usent de la poésie comme d'un moyen pour surpasser la mélancolie. La poésie, en outre, n'est pas une solution individuelle, un appui propre au poète mais bien au contraire, c'est un appui collectif. Ainsi Hugo a dit dans la préface des Contemplations : « Quand je parle de moi, je vous parle de vous ! «. Cette citation peut s'identifier comme une annonce de la poésie lyrique, domaine de l'expression des sentiments où le « je « règne en maître mais où le lecteur peut s'identifier grâce aux partages des émotions dans lesquelles il peut retrouver ses propres sentiments. Ainsi, la poésie lyrique porte à la fois les marques de la première personne mais aussi de la deuxième personne. On retrouve un célèbre exemple de lyrisme romantique dans les Méditations Poétiques de Lamartine, dans le poème « Le Désespoir« avec les vers : « Va, dit-il, je te livre à ta propre misère ; Trop indigne à mes yeux d'amour ou de colère, Tu n'es rien devant moi.« A travers la poésie lyrique, le lecteur peut s'identifier au poète et, en partageant ses états d'âmes, constater qu'il n'est pas le seul à souffrir mais que d'autres ressentent la même chose que lui et que cette souffrance n'est pas incomprise. Au-delà du dépassement psychologique de certaines épreuves, la poésie permet également de combattre réellement certains maux. Ainsi Agrippa D'Aubigné se sert de la poésie pour dénoncer les Guerres de religions dans son poème « Je veux peindre la France une mère affligée «. Il fait appel à la raison et à l'intelligence des gens pour dénoncer ces atrocités. On retrouve ces marques de dénonciations chez certains poètes engagés comme Victor Hugo avec Les Châtiments, où celui-ci discrédite et abat le régime Napoléonien qui le répugne. On constate qu'il compare explicitement Napoléon III à un tyran dans les vers : « France ! à l'heure où tu te prosternes, Le pied d'un tyran sur ton front, «. La poésie, outre sa fonction de permettre le surpassement, permet l'appréhension d'une épreuve. Ainsi Théodore Agrippa d'Aubigné dans son poème « Bien que la guerre soit âpre, fière et cruelle « appréhende la guerre et vise à se convaincre lui-même que l'ennemi ne veut pas le tuer. Il cherche à dépasser son appréhension qui est une épreuve en soi. On le voit nettement dans les vers : « Je suis porté par terre, et ta douce beauté Ne me peut faire croire en toi la cruauté «. De la même façon, Ronsard essaye de surmonter la peur de vieillir en appréhendant sa mort qu'il sent proche. C'est ce que l'on voit dans son poème « Je n'ai plus que les os... «, et notamment dans les vers : « Adieu, plaisant soleil, mon oeil est étoupé, Mon corps s'en va descendre où tout se désassemble.« Ronsard tente de surmonter sa peur et délivre par la même occasion un message d'adieu qui permettra à ses proches de faire leur deuil quand sa mort sera venue. Cependant si la poésie permet de surmonter certaines épreuves de la vie, celle-ci n'est pas infaillible, ne poursuit pas toujours ce but et parfois mêmes certaines épreuves sont insurmontables. Ainsi pour les poètes maudits, la poésie n'est qu'un remède temporaire à leurs souffrances omniprésentes, et à fortiori pour Baudelaire à qui même la poésie ne permettra pas d'être délivré de son « Spleen «. Nerval quant à lui nous fait part de sa souffrance dans Les Chimères, il ne réussira pas à la surmonter et finira par se pendre en 1855. Sur le même modèle, certains poèmes peuvent-être ressentis comme un appel à l'aide désespéré, un besoin que même l'écriture ne peut combler. La poésie peut alors être comme une simple mise en garde de ce peut se passer ou simplement un conseil pour l'avenir : On peut citer le poète Horace par exemple qui a écrit « Carpe diem (quam minimum credula postero) « ou en d'autres termes : « Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir «. Il dit dans cette maxime qu'il faut profiter de l'instant présent car demain sera peut-être pire si demain il y a. Parfois même la poésie va plus loin dans son incapacité à permettre le dépassement d'une épreuve en étant à l'origine du refoulement de certains sentiments. Ainsi certains poètes peuvent se contenter de transcrire sur le papier leurs sentiments, leurs appréhensions, leur colère sans pour autant chercher à y remédier. Or parfois, l'écriture n'est pas un moyen d'action suffisant pour affronter l'adversité et arriver au surpassement d'une épreuve. En outre, il arrive que la poésie ne permette pas ce dépassement car ce n'est pas son but premier. Les Parnassiens par exemple prônent l'art pour l'art. En effet pour eux l'art ne doit pas être utile ou vertueux mais simplement d'une grande beauté. Le but de l'artiste et notamment du poète, n'est pas de retranscrire sa pensée ou de partager une idée, son seul but est de fournir un travail acharné et minutieux. Théophile Gautier a écrit dans son poème « L'Art « tiré de son recueil Emaux et Camées : « Oui, l'oeuvre sort plus belleD'une forme au travail        Rebelle, « « Point de contraintes fausses !Mais que pour marcher droit        Tu chausses, «. Cependant cette recherche de l'esthétique est également un moyen de se libérer, et de surpasser une épreuve, de se surpasser soi même si on prend en considération que l'épreuve est d'écrire le poème en recherchant cet esthétique. L'achèvement de l'écriture donne alors une fonction curative à la poésie elle-même. L'écriture et la lecture peuvent alors être considérées comme des moyens cathartiques dans le sens esthétique du terme où le lecteur et le poète peuvent se purger de leurs émotions en abordant divers éléments ou scènes insoutenables au regard mais rendus quasi fantasmagorique par la beauté de l'expression. Comme nous l'avons vu la poésie constitue un soutien dans les épreuves de la vie. C'est une manière pour le poète de se décharger d'émotions trop forte, telle une transcription des émotions sur le papier. C'est ce que l'on retrouve notamment dans la poésie lyrique. La poésie peut permettre de faire son deuil ou d'exprimer un malaise et ne s'adresse pas uniquement à l'auteur mais aussi au lecteur qui peut identifier ses sentiments à ceux d'un poète et se rendre compte qu'il n'est pas seul, pas seul à souffrir et que d'autres personnes ressentent, ce qu'il perçoit comme une affliction personnelle. Allant bien au-delà de surmonter une épreuve quand celle-ci est présente, la poésie permet d'appréhender l'épreuve ; l'appréhension étant une épreuve en soi. Cependant la poésie n'est pas un remède universel et infaillible. Certaines épreuves sont insurmontables ou de trop grande envergure. La poésie n'est alors qu'un remède temporaire, une vague clarté dans les ténèbres. Parfois celle-ci empêche même de surmonter l'épreuve en constituant une aide au refoulement des problèmes. En effet si la poésie constitue une aide psychologique, nous sommes seuls maitres de nous-mêmes, et la lecture ou l'écriture n'est pas un moyen d'action suffisant pour régler tous les maux. Par extension la poésie n'a parfois tout simplement pas pour but le dépassement d'une épreuve. Ainsi la recherche de l'esthétique peut-être la seule motivation de l'auteur comme du lecteur. Cette notion d'esthétique peut permettre néanmoins la naissance d'une fonction curative, chacun étant libre de trouver ou non son compte dans la lecture ou l'écriture d'un texte poétique. Si la poésie permet donc parfois le dépassement d'une épreuve, d'autres genres peuvent permettre d'atteindre le même but. On note de nos jours la naissance ou l'expansion de certaines formes de musiques comme le rap ou le slam plus ou moins proches de la poésie qui visent également généralement à délivrer un message auquel l'auditeur peut s'identifier.

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