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Descartes-Machiavel Dans La Lettre À Elisabeth

Publié le 18/01/2011

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descartes

Machiavel et le machiavélisme        

 

Confrontation de l`interprétation du Prince de Machiavel dans la lettre a Elisabeth de septembre 1646 de Descartes et l`œuvre du  Prince même.

 

INTRODUCTION

 

Descartes est couramment considéré comme un rationaliste. Il est représentatif du rationalisme au sens où il a participé a l’essor de la science moderne, et où la démarche scientifique lui a semblé suffisamment solide pour servir de modèle a la résolution des questions philosophiques les plus ardues.

Dans la correspondance qu’il a tenu avec la princesse Elisabeth du Bohême, durant la période 1643-1650, on trouve un échange de réflexions sur les thématiques qui ont été pris en considération dans tout la philosophie cartésienne, comme cella du bonheur, cella de l’union de l âme et du corps, des passions, de Dieu ou, dans ce cas, des distinctions qu’il faut respecter pour maintenir le pouvoir étant vertueux.

 

Descartes, dans la lettre de septembre 1646, exprime sa désapprobation vers ce qu’on appelle « politique du mal «, attribué à Machiavel. Il montre que les préceptes « tyranniques « de l’auteur du Prince sont contradictoires avec le but que celui-ci poursuit : se maintenir au pouvoir.

 

On pourrait diviser le texte dans deux grandes parties : la première (du commence, jusqu'à « pensent telles «) est consacrée a la critique avancée par Descartes sur « la manque de distinction entre les princes qu’ont acquis le pouvoir par des voies justes, et ceux qui l’ont usurpé par des moyens illégitimes. «.

Le premier paragraphe révèle le principe erroné à partir duquel Machiavel aurait formulé les préceptes à donner au Prince.

Le deuxième et le troisième paragraphe reportent des exemples de la « politique du mal « qui Descartes voit théorisé par le Florentin.

Enfin le quatrième paragraphe explicite la justification et la position de Descartes par rapport les critiques qu’il vient de faire.

La deuxième grande partie (dés « On doit aussi distinguer «, jusqu'à la fin) propose encore une distinction (qui est supposé pas claire chez Machiavel) entre les sujets, les amis ou alliés et les ennemis. A-travers la définition de la relation entre le prince et chacun de tels types des individués, on voit émerger la différentiation voulu par l’auteur.

 

On verra, a-travers une analyse des remarques des Descartes sur Le Prince, et Le Prince même, dans quel cadre philosophique celle-ci trouvent leur fondement, et en quoi elles sont le résultat d’une interprétation machiavélique de Machiavel, ou encore ou elles ont une certaine affinité avec l’œuvre critiqué.

On peut se demander si Machiavel a effectivement « manqué « de faire toutes ces distinctions, ou plutôt si leur absence rentre dans l’essence de l’ordre politique conçu par l’auteur florentin.

 

Les deux accusations que Descartes adresse à Machiavel concernent le fait de ne pas savoir mettre des distinctions, soit entre les moyens pour acquérir un État, soit dans les relations humaines.

La clarté et la distinction sont en fait pour cet auteur les marques du vrai. Elles font partie de la méthode, sans laquelle on ne peut pas « bien conduire sa raison « (Discours de la méthode).

Donc, avant tout, on pourrait dire que selon Descartes, Machiavel ne peut pas donner des préceptes « justes « et « légitimes « car il ne s’a pas servi de la bonne méthode, donc il ne pouvait pas « bien conduire sa raison «.

Dans le premier cas la manque de distinction est entre « les princes qui ont acquis un État par des voies justes, et ceux qui l’ont usurpé par des moyens illégitimes «. Que les voies soient « justes « ou les moyens « illégitimes «, cela dépend des principes qu’on considère comme fondement de la politique.

Or, si on voit l’œuvre du Prince,  la question essentielle abordée par Machiavel c’est cella de la conservation du pouvoir, plutôt que cella de la légitimité.

Il montre que dans un régime héréditaire, la fidélité des sujets à leur prince est moins fondée sur la légitimité du gouvernement que sur la force de l’habitude. L’habitude accoutume à ce qui est nouveau, elle la rende peu a peu familière, elle fait oublier la violence des origines, elle finit par cacher que l’ordre établi a été crée par la violence, et peut être détruit par la violence.

C’est en ce sens que l’habitude est la meilleure alliée du régime héréditaire. Il est claire que pour Machiavel toutes les principats ont été, à un moment au à un autre, nouvelles; tout ordre politique c’est constitué  contre un autre; le légitime ne l’était pas initialement, il est devenu en durant. Et c’est pourquoi la critique que formule Descartes vise en vérité la décision fondatrice de toute la pensée de Machiavel et de son originalité : il n’y a pas, dans la perspective  de Machiavel, à distinguer « les princes qui ont acquis un État par des voies justes, et ceux qui l’ont usurpé par des moyens illégitimes « : tout pouvoir est, a sa naissance, illégitime du point de vue du pouvoir qu’il reverse. Le pouvoir n’a pas d’autres origines que la force, même si, en durant, il fait institution et revêt ainsi d’autres caractères que ce de la force.

La remarque fait par Descartes, on pourrait dire maintenant, être inapproprié par rapport la conception de l’ordre politique de Machiavel.

Ainsi Descartes s’inscrit dans les interprétations machiavéliques de Machiavel.

Cela devient encore plus claire quand il dit : «il a donné à tous, généralement, les préceptes qui ne sont propres qu’à ces derniers «, et cela signifie que Machiavel aurait assimilé au pouvoir légitimes de techniques jugées tyranniques par la tradition.

La deuxième phrase explique la conséquence de l’application de tel politique.

Dans cette optique, Machiavel est diabolisé du fait que sa théorie politique est jugée en termes moreaux.

 

Dans le deuxième paragraphe (dés « C’est au regard «jusqu’à « ôtent le pouvoir «) Descartes fait précise référence au troisième chapitre du Prince pour nous illustrer des exemples de ce politique « diabolique «qu’on trouverait chez Machiavel. Ils sont respectivement : « qu’ils (les princes) ne sauraient manquer d’être haïs de plusieurs « et  « qu’ils ont plus d’avantage à faire beaucoup de mal qu’à en faire moins «.

A partir d’une lecture directe du texte du Prince on voit que Machiavel dit que « les hommes changent volontiers de seigneur en croyant aller vers le mieux « mais lorsque le prince ne peut pas satisfaire les attentes des gens, ceux-ci « prendront les armes contre lui «.

Puis Machiavel poursuit avec une considération sur la nature humaine : « l’on est toujours contraint d’offenser ceux dont on devient nouveau prince (…) de sorte que tu n’as pour ennemis tous ceux qui tu as offensés en occupant le principat «. On peut dire alors, que pour l’auteur du Prince c’est insignifiant qu’n soit parvenu au pouvoir « par des voies justes « ou des « moyens illégitimes «, par rapport l’être haïs au moins. Mais cela dépend plutôt des attentes des hommes vers le nouveau prince, lesquelles, étant inévitablement déçues, feront alors que les gens se retournent contre lui. Comme s’est passé à Louis XII de France, qui occupait et perdait immédiatement Milan.

En suit on trouve dans le même chapitre des « remèdes « pour éviter de perdre le nouveau principat. Dans ceux-ci Machiavel dit qu’il faut y tenir des colonies, plutôt que l’armé, ainsi que le prince offense qu’ « une minime partie de cet État; et ceux qu’il offense, puisqu’ils sont disperses et pauvres, ne peuvent jamais lui nuire; et tous les autres sont, d’une part, inoffensifs, ce qui devrait les apaiser, et, de l’autre, on peur de faire des erreurs, de crainte qu’il n’en aille d’eux comme de ceux qui ont été dépouillés «.

Des cela on peut déduire que la logique d’action dans la politique théorisée par Machiavel, est celle du « moindre mal «. Donc pour Machiavel les princes n’ont pas « plus d’avantage à faire beaucoup plus de mal qu’à en faire moins «, comme soutient Descartes.

Machiavel ajoute en autre que « l’offense doit être de telle sorte qu’elle n’ait pas à craindre une vengeance «, et invite le destinataire de son œuvre à remarquer que l’on doit soit flatter les hommes, soit les anéantir, car ils cherchent vengeance aux offenses légères (mais les grandes, ils ne peuvent pas),  et il faut donc savoir adopter ses action à la contingence du moment et aux destinataires de la même.

Le prince doit chercher d’être vertueux dans le sens qu’en donne Machiavel, c'est-à-dire « avoir la faculté de se confronter à la fortune «, et plus exactement de « s’associer à elle «, de « trouver en elle les sources pour réussir «.

 

Dans le troisième paragraphe (dés « Sur lesquels fondements « jusqu’à « tous les animaux «) Descartes entre, avec des exemples plus spécifiques, au détail des préceptes « tyranniques «, mentionnés de façon plus général dans le paragraphe précédente.

Les premiers deux références (là où il dit « de vouloir qu’on ruine tout un pays…qu’on exerce de grandes cruautés pourvu que soit promptement et tout à la fois «) sont pris du chapitre VIII du Prince, un des plus critiqué par rapport la morale classique, vue qu’il traite « des ceux qui par des scélératesses parvinrent au principat «.

Machiavel prend ici comme exemple entre ces derniers Agathocle de Syracuse « qui était un homme de fortune non seulement privée, mais infime et méprisable «, pour nous montrer qu’on peut, a-travers la trahison et la cruauté, conquérir et maintenir un État.

Mais il précise, au regard de Agathocle, que : premièrement : «on ne peut non plus appeler vertu tuer ses citoyens, trahir ses amis, être sans foi, sans pitié, sans religion; et de telles façons on peut faire acquérir le commandement mais non la gloire «. Et, deuxièmement, que si Agathocle a pu « après d’infinies trahisons et cruautés, vivre longtemps en sécurité dans sa patrie et se défendre des ennemies de l’extérieur et que ses citoyens ne conspirèrent jamais contre lui «, c’était parce qu’il a « bien employées « les cruautés. « Bien employées peuvent être appelées, si du mal il est loisible de dire bien, celles qui se font tout d’un coup, par nécessité de se mettre en sécurité, et ensuit on n’y insiste pas mais qu’on les transforme, autant que faire se peut, pour la plus grande utilité des sujets. Mal employées sont celles qui, encore qu’on début il y en ait peu, croissent avec le temps plutôt qu’elles ne s’éteignent. Ceux qui observent la première façon peuvent trouver, auprès de Dieu et des hommes, quelque remède pour leur État, comme le fit Agathocle ; quant aux autres, il est impossibles qu’ils se maintiennent «.

Que Machiavel ait spécifié qu’Agathocle ne puisse être considéré vertueux, et qu’il a mis des claires distinctions entre cruautés « bien « ou « mal employées «(en hésitant aussi sur le fait de pouvoir « dire bien du mal «), Descartes ne le mentionne pas. Il prend des phrases sans voir quelle signification elles assument par rapport au texte. On est donc toujours dans une interprétation machiavélique de Machiavel.

Les autres exemples pris par Descartes font référence au chapitre XVIII du Prince.

Dans ce chapitre Machiavel, en parlant de la nature de bête qu’un prince doit savoir bien utiliser : « Mais cette nature, il est nécessaire de savoir bien la colorer et d’être grand simulateur et dissimulateur; et les hommes sont si simples, et ils obéissent tant aux nécessites présentes que celui qui trompe trouvera toujours qui se laissera tromper «. après il donne l’exemple de Alexandre VI pour illustrer qu’il a pu ainsi bien maintenir le pouvoir en trompent les hommes, et ensuit que « pour un prince il n’est pas nécessaire d’avoir, dans le faits, toutes les qualités susdites, mais il est bien et nécessaire de paraitre les avoir, et même, j’oserai dire ceci : si on les a et observe toujours, elles sont dommageables et s’il on parait les avoir, elles sont utiles; par exemple paraitre pitoyable, fidèle, humain, droit, religieux, et l’être, mais avoir l’esprit bâti de telle sorte que, s’il faut ne pas l’être tu puisses et saches devenir le contraire «.

Or, Machiavel ne donne pas ces préceptes d’une façon généralisé, comment il pourrait sembler dans la lettre de Descartes.

Machiavel remarque toujours qu’ « il faut que le prince ait un esprit disposé à se tourner selon ce que les vents de la fortune et la variations des choses lui commandent; et il ne doit pas se partir du bien, s’il le peut, mais savoir prendre la voie du mal, si nécessaire «.

Donc Machiavel préfères les actions qui posent sur le bien; simplement, à partir des exemples historiques, reconnait que parfois, afin de maintenir un État, il faut choisir le mal, et toujours pas que pour son intérêt personnel, mais pour l’utilité des sujets.

 

Le dernier paragraphe (dés « Mais c’est un très mauvais « jusqu’à « pensent telles «) de la premier grand partie explicite la critique et la position de Descartes.

En s’appuyant sur une thèse de Machiavel même, Descartes fait d’abord (dés « Mais c’est un très mauvaise «,jusqu’à « se venger d’eux «) une légère ironie, et il dit ce qui est sous-tendu dans les premières lignes de la lettre : non seulement Machiavel aurait fait l’erreur de partir des situations si particuliers ( le prince est un nouvel usurpateur dont l’autorité est contrariée par les lois, contreminée par les grandes et maudite par le peuple-comme écrit Elisabeth, 10 oct.1646) pour établir des maximes générales (erreur de méthode); mais il aurait donné des préceptes ainsi déraisonnables, qu’ils ne pourraient être utiles aux princes usurpateurs mêmes.

Ensuit, la préposition « Au lieu que « souligne l’opposition catégorique de Descartes à Machiavel, et elle ouvre, cette fois sans ironie, la réfutation aux thèses machiavéliennes (on dirait, plutôt, machiavéliques)  rapportées dans les paragraphes précédentes.

Descartes dit (dés « on lui doit proposer « jusqu’à « il donne la force «) que les maximes générales du gouvernement, il faut les déduire de la règle, de la normalité statistique, c'est-à-dire des régimes légitimes et des princes qui se sont servi des moyens legitimes pour s’établir.

Alors que la loi est dicté par le souveraine, lui est permis, au nom de la raison d’État, d’en déroger, si l’utilité publique l’exige. C’est en ce sens que « la justice entre Souveraines a d’autres limites qu’entre particuliers «. Mais si Descartes croit que Dieu ait donné la force aux princes, donc qu’il gouverneraient selon la vrai raison, donc avec des moyens justes; Machiavel soutient qu’il y a une nécessité extérieure qui sourient dans les temps adverses et contraint le bon prince à des mesures d’exception. Et seulement à la lumière des effets on pourra juger ces mesures, car pour Machiavel, les bons effets ne peuvent avoir que des bonnes causes. C’est l’inversion  de la raison d’État classique, auquel adhère Descartes, selon laquelle le bien est créateur de bien, le mal du mal.

La conclusion de la première grand partie est fait par la thèse selon laquelle « les plus justes actions deviennent injustes quand ceux qui les font les pensent telles «.

Pour Descartes chaque homme pense, c'est-à-dire qu’en chacun réside la « puissance de bien juger «, la possibilité d’user parfaitement des facultés de propre pensée. Le sujet est responsable de la conduite de sa pensée, car c’est dans la construction des chemins de la pensée que reside le propre de l’homme (Discours sur la méthode, première partie). Et donc, au moment que Descartes considère erronée la méthode de Machiavel, il ne peut que conclure que les actions qui la suivent, seront injustes.

 

Dans la deuxième grand partie (dés «On doit aussi distinguer «jusqu’à la fin),Descartes développe de manière assez précise ce que serait selon lui les maximes d'un art de gouverner efficace : à partir de la distinction entre les amis, les alliés et les ennemis se construit une véritable pensée politique: il ne s'agit plus de penser les fondements ou les principes de la politique, ni de lui assigner des fins justes, il s'agit d'examiner quels sont ses modes et les ordres qui lui correspondent dans son effectivité. Et sur ce point Descartes paraît plutôt machiavélienne: d'abord la distinction entre ami, allié et ennemi est un des fondements de la démarche de Machiavel, pour qui cette distinction est même le premier jugement politique nécessaire ; ensuite, le traitement réservé aux trois catégories évoque directement le Florentin. En particulier les recommandations au sujet des ennemis, où le philosophe écrit " on a quasiment permission de tout faire, pourvu qu'on en tire quelque avantage pour soi ou pour ses sujets ". Il reprend alors l'image du renard et du lion, empruntée au chapitre XVIII du Prince.

Pour ce qui regarde les alliés, Descartes reprend le chapitre XXI du Prince, dés le paragraphe 18 au 24.

 La manière de traiter les sujets est également très proche de ce que Machiavel recommandait : ceux-ci se distinguent en " grands " et " peuple ", et l'approche cartésienne est au plus près de ce que le Florentin propose lorsqu'il évoque le rapport entre ce qu'il nomme les deux " humeurs " qui constituent le corps social : il faut mâter les nobles et éviter la haine et le mépris du peuple.

 

On peut conclure en disant que Descartes est contraire à traiter la politique comme indépendante de la morale, et que souvent il fait un lecture simplifié de Machiavel, qu’on peut bien appeler machiavélique; alors que Machiavel ne fait que trouver un morale « propre à la politique «, qui est donc différente de la morale dans sa conception classique. Mais qu’au moment où Descartes prend parole sur l’art de gouverner, bien qu’il croit de s’opposer à l’auteur du Prince, il s’en rapproche extraordinairement.

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