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Dissertations fonctions de la comédie

Publié le 24/02/2011

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Apparue lors de fêtes burlesques en l'honneur de Dionysos, la comédie existe depuis l'Antiquité. Elle a désormais perdu de sa signification religieuse pour remplir pleinement une autre fonction : divertir. Bien qu'il ne faille pas confondre le rire et le divertissement, ces deux caractères vont très souvent de pair dans la comédie. Cependant, la seule fonction de la comédie est-elle de divertir ? Ne peut on pas trouver un sens plus profond à la comédie ? Nous verrons d'abord en quoi la comédie remplit sa fonction divertissante, puis nous étudierons son utilisation pour dénoncer, châtier les mœurs, voire même changer la société. Nous utiliserons pour cela l'École des femmes de Molière, pièce écrite au milieu du XVIIème siècle : l'âge d'or de la comédie.

 Si la comédie connut un essor si important au XVII avec la prolifération de troupes de théâtres de rue à l'image de la Commedia Dell'Arte italienne, c'est bien sûr parce que ce genre théâtral offrait -et offre encore- à tous des heures de divertissements et de rires : comment la comédie réussit elle à nous divertir ? Premièrement, le sujet même de la comédie est propice à la distraction. En effet, il serait très  difficile de se relaxer dans des circonstances difficiles, comme lors d'une tragédie par exemple. Ainsi, la comédie traite des sujets légers : mariage, conflits amoureux... le spectateur peut alors pleinement se détendre, et profiter d'une pièce simple et distrayante : il est dans un état d'esprit propre à la comédie, un état d'esprit facilitant le rire. Dans  l'École des femmes, l'intrigue porte sur un conflit amoureux entre Arnolphe, Agnès et Horace. De plus, la règle du dénouement de N. Boileau imposant un mariage comme clôture, aucune comédie classique ne peut déroger à ce thème. Enfin, la règle de bienséance empêche toute scène choquante, ce qui corrobore l'idée d'une comédie essentiellement divertissante. Outre ces caractères intrinsèques à la comédie, on remarque un autre moyen de divertir : les différents comiques. Les quatre comiques (de mots, de gestes, de situation et de personnages) sont tous présents dans les comédies, bien que dans des proportions inégales en fonction de la pièce et du style de la comédie. La Commedia Dell'Arte par exemple utilise un comique principalement gestuel, tandis que l'Illustre Théâtre de Molière joue aussi bien sur un comique de personnages et de situation complexe comme dans l'École des femmes que sur un comique de geste farcesque, comme dans Les Fourberies de Scapin. Nous allons commencer par le comique de gestes, comique normalement lié à la farce. Ce comique est un excellent moyen de distraire le spectateur (même si le lecteur doit se servir des didascalies pour se représenter ce comique, les dramaturges passés à la postérité avaient pour nombre d'entre eux ce talent qui leur permettait de faire « vivre » leurs écrits, de faire en sorte qu'un lecteur ressente ce comique de geste), car il est très explicite, et ne nécessite aucune recherche particulière. Le spectateur peut se contenter de regarder et apprécie un spectacle drôle. On retrouve ce comique dans de nombreuses scènes de farce dans l'École des femmes, comme la scène deux de l'acte un, où les valets se battent pour aller ouvrir à Arnolphe. Un autre comique très présent en particulier chez Molière est le comique de situation. Ce comique se déclenche lorsqu'un dialogue s'articule autour d'un malentendu, d'une incompréhension. Un peu plus complexe que le comique gestuel, il est distrayant pour deux raisons : il fait bien entendu rire, et le spectateur se sent « au dessus » des personnages puisqu'il comprend mieux la situation que les protagonistes. Dans l'École des femmes c'est le comique le plus représenté, d'abord parce que l'intrigue entière repose sur la double identité d'Arnolphe-M. De la Souche, mais aussi parce que l'intrigue progresse lors des nombreux quiproquos de la pièce. Par exemple, lors de (II,5), c'est l'équivoque entre le ruban et la virginité qui nous fait rire, et donc nous divertit. Un autre comique représentatif de la comédie est le comique de mots. C'est aussi un comique (à première vue) assez simple puisqu'il suffit de saisir les calembours pour rire. Plusieurs procédés sont utilisés : par exemple dans (IV, 1) de l'École des femmes, les rimes dissonantes, le mélange soutenu-familier, les jurons ou encore les hyperboles omniprésentes font tout le comique de mots. Le dernier comique que nous allons traiter est celui de personnage. Par définition, le comique de personnage est engendré par les caractères d'un protagoniste. Ainsi, le fait qu'Arnolphe soit un Géronte (vieil homme, dans la Commedia Dell'Arte) amoureux d'une jeune fille est avant tout drôle, avant même de connaître ses autres caractères. De plus, on observe dans nombre de personnage qu'un  trait de caractère prédomine, et définit le personnage. Dans l'École des femmes, certains personnages sont ainsi très stéréotypés, comme Horace, l'Horatio de la Commedia Dell'Arte, le jeune amoureux ; ou encore les valets, simplement stupides, comme le démontre la scène deux de l'acte premier. Grâce à ces comiques omniprésents, la comédie distrait le lecteur. Étymologiquement, divertir signifie « détourner quelqu'un de quelque chose ». La comédie peut donc aussi divertir grâce à l'empathie qu'éprouve le lecteur devant le triomphe de la jeunesse (l'École des femmes), ou devant la défaite de l'hypocrisie (Tartuffe). En se mettant à la place de l'acteur, le spectateur oublie son quotidien et relativise. La comédie permet donc une dédramatisation et une relaxation : une autre forme du divertissement.

 « Castigat ridendo mores ». D'après de nombreux dramaturges, ces trois mots en latin sont une des définitions de la comédie. Dans quelle mesure la comédie peut-elle châtier les mœurs et la société, et comment peut-elle dénoncer les problèmes ? Grâce à cet objectif de dénoncer et à la règle de vraisemblance -affirmant que nulle scène invraisemblable ne doit être montrée- nous pouvons traiter la comédie comme un véritable document. C'est ainsi que nous pouvons utiliser les pièces de théâtre pour nous renseigner sur les institutions, sur la société d'une époque. Dans l'École des femmes par exemple, on en apprend beaucoup sur les relations maître/valet, avec la scène (IV,4) où les domestiques prennent un malin plaisir à violenter leur maître plus qu'il ne faut. Ceci nous informe sur un thème important, que Molière réussi à nous faire passer dans sa pièce. Ce thème a par exemple était repris pour une pièce entière, L'île aux esclaves, écrite un siècle plus tard par Marivaux. On observe donc que les sujets ne sont pas seulement divertissants, ils sont réels. Cette vraisemblance corrobore la thèse qu'il existe une -ou plusieurs- fonctions autres que divertir ou informer sur la société. En effet, le dramaturge ne se contente pas de rapporter avec objectivité des faits (c'est le rôle de l'historien ou du journaliste), l'écrivain lui nous fait passer son point de vue, que ce soit sur des institutions comme la médecine (Knock de Jules Romain, pièce contemporaine (cela montre bien l'intemporalité des multiples fonctions)), ou le statut de de la femme (L'École des femmes). Si les dramaturges se servent de la comédie pour critiquer leur société, c'est principalement pour éviter un fléau très courant au XVIIè siècle : la censure. Le rire peut donc être vu comme autre chose qu'un divertissement : il permet de détourner l'attention des censeurs cherchant une critique directe, et de recentrer celle d'un public, véritable cible de la pièce. Le rire pare donc la censure, en particulier grâce à la caricature d'une profession (Tartuffe, le dévôt), d'un milieu social ou de mœurs (École des femmes). Dans celle-ci, c'est l'éducation des femmes très minime qui est critiquée. On en déduit donc que les aspects comiques d'une comédie, mais aussi la comédie elle-même mérite une plus longue étude pour déceler les critiques, notamment celle des institutions : c'est la fonction sociale, regard de l'écrivain sur sa société. La dernière fonction de la comédie que nous allons traiter est la fonction morale. Plus ciblée que la fonction sociale, celle-ci s'engage à corriger les vices des hommes. Corriger les Hommes n'est pas aisé, au même titre que changer la société. Le dramaturge  ce sert d'un procédé très utilisé au théâtre, qu'il soit populaire, italien ou français : la caricature. En grossissant l'hypocrisie, l'avarice, la superficialité ou encore la misogynie de ses personnages, et en leur faisant en subir les conséquences, le dramaturge nous indique des voies à ne pas suivre. De surcroît, la mise en scène peut accentuer les effets de la caricature; En nous faisant rire de ces traits de caractères, c'est de nous-même, de nos voisins, de nos connaissances que nous rions : le spectateur est concerné, il retiendra donc la leçon. Ainsi, dans l'École des femmes, nous voyons Arnolphe égocentrique, misogyne et violent, tourné en ridicule par deux jeunes gens. Le spectateur réagit donc en conséquence : s'il ne veut pas être lui aussi tourmenté, il se doit d'être ouvert aux autres, calme, et modéré : l'auteur s'est servi des vices pour enseigner la vertu.

 La comédie est un genre qui a perduré au long des siècles grâce à son comique omniprésent. Qu'il soit de gestes,de mots, de personnage ou de situation, qu'il soit accessible à tous ou difficile à interpréter, le comique tirera toujours au spectateur des éclats de rire.   Critiquer la société et les vices des hommes, et par extension, instruire sont d'autres fonctions ayant participé au succès de la comédie. Pourtant, peut-on encore croire aux vertus didactiques de la comédie ? Puisque de nos jours des journalistes comme Stéphane Guillon châtie les mœurs -et les Hommes- sans craindre la censure, jouissant d'une liberté d'expression presque totale (ce qui est bien entendu discutable). Les objectifs sont donc exposés ici de manière très explicite. Le message de ces journalistes n'est-il pas plus clair, plus efficace et plus percutant qu'une comédie ?

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