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Duras, Moderato cantabile (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Duras, Moderato cantabile (extrait). Un homme et une femme se rencontrent, qui ont vu, la veille, dans ce café, la même scène. Mais la femme ment. Dit n'avoir pas vu. Le roman se bâtit sur ce mensonge, ce moment supposé qui lui aurait échappé, et dont, par conséquent, elle appelle le récit. On notera l'importance du vin, du suspens qu'il instille, de l'absence qu'on sait qu'il peut offrir. L'écriture se construit autour de ce suspens, de cette absence. Et d'une réticence, dont, ici, l'enfant se fait la parole. Moderato cantabile de Marguerite Duras (chapitre 2) Le lendemain, alors que toutes les usines fumaient encore à l'autre bout de la ville, à l'heure déjà passée où chaque vendredi ils allaient dans ce quartier, -- Viens, dit Anne Desbaresdes à son enfant. Ils longèrent le boulevard de la Mer. Déjà des gens s'y promenaient, flânant. Et même il y avait quelques baigneurs. L'enfant avait l'habitude de parcourir la ville, chaque jour, en compagnie de sa mère, de telle sorte qu'elle pouvait le mener n'importe où. Cependant, une fois le premier môle dépassé, lorsqu'ils atteignirent le deuxième bassin des remorqueurs, au-dessus duquel habitait Mademoiselle Giraud, il s'effraya. -- Pourquoi là ? -- Pourquoi pas ? dit Anne Desbaresdes. Aujourd'hui, c'est pour se promener seulement. Viens. Là, ou ailleurs. L'enfant se laissa faire, la suivit jusqu'au bout. Elle alla droit au comptoir. Seul un homme y était, qui lisait un journal. -- Un verre de vin, demanda-t-elle. Sa voix tremblait. La patronne s'étonna, puis se ressaisit. -- Et pour l'enfant ? -- Rien. -- C'est là qu'on a crié, je me rappelle, dit l'enfant. Il se dirigea vers le soleil de la porte, descendit la marche, disparut sur le trottoir. -- Il fait beau, dit la patronne. Elle vit que cette femme tremblait, évita de la regarder. -- J'avais soif, dit Anne Desbaresdes. -- Les premières chaleurs, c'est pourquoi. -- Et même je vous demanderai un autre verre de vin. Au tremblement persistant des mains accrochées au verre, la patronne comprit qu'elle n'aurait pas si vite l'explication qu'elle désirait, que celle-ci viendrait d'elle-même, une fois cet émoi passé. Ce fut plus rapide qu'elle l'eût cru. Anne Desbaresdes but le deuxième verre de vin d'un trait. -- Je passais, dit-elle. -- C'est un temps à se promener, dit la patronne. L'homme avait cessé de lire son journal. -- Justement, hier à cette heure-ci, j'étais chez Mademoiselle Giraud. Le tremblement des mains s'atténua. Le visage prit une contenance presque décente. -- Je vous reconnais. -- C'était un crime, dit l'homme. Anne Desbaresdes mentit. -- Je vois... Je me le demandais, voyez-vous. -- C'est naturel. -- Parfaitement, dit la patronne. Ce matin, c'était un défilé. L'enfant passa à cloche-pied sur le trottoir. -- Mademoiselle Giraud donne des leçons à mon petit garçon. Le vin aidant sans doute, le tremblement de la voix avait lui aussi cessé. Dans les yeux, peu à peu, afflua un sourire de délivrance. -- Il vous ressemble, dit la patronne. -- On le dit -- le sourire se précisa encore. -- Les yeux. -- Je ne sais pas, dit Anne Desbaresdes. Voyez-vous... tout en le promenant, je trouvais que c'était une occasion que de venir aujourd'hui ici. Ainsi... -- Un crime, oui. Anne Desbaresdes mentit de nouveau. -- Ah, je l'ignorais, voyez-vous. Source : Duras (Marguerite), Moderato cantabile, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Double «, 1990. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« — Je passais, dit-elle. — C’est un temps à se promener, dit la patronne. L’homme avait cessé de lire son journal. — Justement, hier à cette heure-ci, j’étais chez Mademoiselle Giraud. Le tremblement des mains s’atténua.

Le visage prit une contenance presque décente. — Je vous reconnais. — C’était un crime, dit l’homme. Anne Desbaresdes mentit. — Je vois… Je me le demandais, voyez-vous. — C’est naturel. — Parfaitement, dit la patronne.

Ce matin, c’était un défilé. L’enfant passa à cloche-pied sur le trottoir. — Mademoiselle Giraud donne des leçons à mon petit garçon. Le vin aidant sans doute, le tremblement de la voix avait lui aussi cessé.

Dans les yeux, peu à peu, afflua un sourire de délivrance. — Il vous ressemble, dit la patronne. — On le dit — le sourire se précisa encore. — Les yeux. — Je ne sais pas, dit Anne Desbaresdes.

Voyez-vous… tout en le promenant, je trouvais que c’était une occasion que de venir aujourd’hui ici.

Ainsi… — Un crime, oui. Anne Desbaresdes mentit de nouveau. — Ah, je l’ignorais, voyez-vous. Source : Duras (Marguerite), Moderato cantabile, Paris, Éditions de Minuit, coll.

« Double », 1990. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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