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Ecrit de réflexion sur l'enfant

Publié le 14/03/2011

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ECRIT DE REFLEXION SUR L'ENFANT

 

« Si vous laissez un chien ou une fourmi livrés à eux-mêmes, ils grandiront et deviendront chien ou fourmi, mais si vous laissez un enfant livré à lui-même, il ne deviendra pas un être humain, car l'humanisation est un fait culturel qui se construit. «

Edward BOND, dans « Les enfants / Onze débardeurs «, l'Arche, 2002

 

 

D'après la citation d'Edward BOND, l'être humain n'aurait pas les mêmes facultés de survie et d'évolution que le chien, la fourmi, ou plus généralement l'espèce animale.

A travers une réflexion sur la part d'inné et d'acquis chez l'individu, il s'agit dans un premier temps de recueillir des témoignages concernant les enfants sauvages, ces derniers ayant peu ou aucunement bénéficié d'une éducation et étant par conséquent démonstrateurs des caractéristiques innées de l'individu.

Par la suite, un questionnement sur le processus d'acquisition de valeurs et de normes pour l'individu est nécessaire afin de comprendre comment ce dernier s'intègre et évolue en société.

Enfin, nous ciblerons cette question d'acquisition et d'évolution sur l'enfant, individu ayant tout à apprendre, tout en cherchant à savoir à quel moment commence à s'effectuer ce processus nommé « sociabilisation «.

 

Edward Bond, dramaturge anglais, affirme qu'un chien ou une fourmi se retrouvant livrés à eux-mêmes deviendront chien ou fourmi. En effet, les animaux sont doués d'instinct de survie. La période de totale dépendance à leur géniteur sera nettement plus courte que celle de l'être humain. Après cela, le chien ou la fourmi seront aptes à être autonomes afin de se nourrir, de se protéger, de survivre. Même s'ils venaient à se retrouver éloignés de leur espèce pour le reste de leur vie, ils garderaient leurs comportements de chien et de fourmi ; le chien aboierait et la fourmi sécrèterait des phéromones. Ces comportements sont donc de l'ordre de l'inné,car ils sont dits « naturels « et se retrouvent chez tous les individus de la même espèce sans nécessiter d'apprentissage particulier.

En 1797, Victor est un enfant sauvage retrouvé dans la forêt de l'Aveyron, âgé de 7 ans et isolé de toute civilisation. On qualifie d'enfant sauvage un petit d'homme privé très tôt de tout commerce avec ses semblables. Lucien MALSON publiera plus tard des écrits sur cet enfant et exposera alors les comportements innés de Victor : il est capable de se nourrir, de boire, de dormir, de se déplacer en quadrupédie et de tenter de s'exprimer avec des gestes. Tel un animal, il a réussi à survivre en subvenant à ses besoins primaires. Ces qualités sont donc d'ordre biologique et ne nécessitent pas d'apprentissage particulier.

Cependant, Victor ne présente pas ces deux qualités du déplacement bipède et du langage articulé. En l'absence d'apprentissage particulier émanant d'un groupe, le petit d'homme apparaît alors comme une sorte d'aberration par rapport à nos prénotions sur l'idée de nature humaine. Jean ITARD, le médecin s'occupant de Victor après l'avoir recueilli, affirmait que « l'homme serait, sans la civilisation, un des plus faibles et moins intelligents des animaux « et Lucien MALSON d'ajouter que « l'homme en tant qu'homme, avant l'éducation, n'est qu'une simple éventualité, c'est-à-dire moins même, qu'une espérance «.

L'être humain, pour pouvoir être nommé en tant que tel, doit alors bénéficier d'un apprentissage, d'une éducation. En effet, François JACOB, ancien chercheur français en biologie, écrivait dans son ouvrage Le jeu des possibles (1981) : « Presque tout ce qui caractérise l'humanité se résume par le mot culture «.

 

L'humanisation, c'est « ce désir d'humanité qui fait de nous des humains, élaboré de génération en génération dont la transmission ne sera jamais complète (\"On est jamais trop humain …\") «. L'homme n'a pas de nature précise s'il est seul, il a besoin des autres. François de SINGLY, sociologue français, l'explique ainsi : «Cette dépendance n'existe pas seulement du fait de l'inachèvement au moment de la naissance, le « petit-homme « ne pouvant survivre seul ; elle continue tout au long de l'existence, le « grand-homme « ayant, lui aussi, besoin de la connaissance et de la reconnaissance des autres. [...] Dans cette optique, la famille représente un espace de socialisation important, essentiellement pour la prime éducation. «

Selon les sociétés, l'apprentissage des normes et des valeurs de l'individu va varier. Margaret MEAD publie en 1935 Moeurs et sexualité en Océanie où elle définit le rôle des hommes et des femmes dans trois tribus distinctes. Dans la première tribu, le comportement des hommes et des femmes ne diffère pas de notre société. Dans la deuxième, ils sont tous deux violents. Dans la dernière, l'homme est doux et émotif alors que la femme est dominatrice et violente. Ainsi, Margaret MEAD affirmait « on ne naît pas femme, on peut le devenir... « .

L'éducation façonne les façons d'être. La nature humaine est malléable, elle obéit aux impulsions que lui communique le corps social. Margaret MEAD montre clairement dans cet exemple que la construction des genres est faite socialement et que seule la différence des sexes est biologique. Le social prime donc sur le biologique, l'apprentissage de l'homme l'enferme dans une société donnée. MEAD parle encore de relativisme culturel : chaque société développe des caractéristiques personnelles selon lesquelles les individus se forment et organisent la société.

L'individu construit son identité en vivant en société. C'est cette dernière qui régit nos comportements, en diffusant des savoirs par le biais des médias, de la culture... Ainsi se crée le sens commun (ou processus social), cette pensée toute faite qui va s'imposer à l'individu sans réflexion préalable, comme penser que les femmes doivent rester au foyer pour élever les enfants car elles sont « faites pour ça «, pendant que les hommes travaillent. En réalité, il n'y a pas d'inégalité naturelle entre l'homme et la femme. Elles se construisent parce qu'on y croit.

L'être humain a donc besoin de la société pour se construire, développer ses acquis, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas inné mais qui a été obtenu et développé par l'individu. C'est aussi le fruit de l'adaptation de l'individu vivant à son environnement. C'est pendant l'enfance que la plus grande part des apprentissages va s'effectuer.

 

Pierre BOURDIEU regroupe toutes les connaissances acquises dès la prime enfance, ces actions que l'on effectue sans réfléchir, que l'on qualifie souvent d'instinctives, sont en fait le résultat d'un apprentissage, de l'intégration d'habitudes et créent notre Habitus : « L'habitus, comme le mot le dit, c'est ce qu'on a acquis, mais qui s'est incarné de façon durable dans le corps, sous forme de disposition permanente... «. D'après lui, « pendant la prime enfance, les enfants intériorisent l'extériorité des parents «.

La famille, comme le disait François de Singly, est le premier lieu de socialisation de l'individu. En effet, le petit enfant va, très tôt, s'imprégner des comportements de ses parents, pour les imiter ensuite. En psychologie, on qualifie cette action de mimétisme : « Mécanisme du comportement humain qui consiste, pour l'enfant en particulier et l'homme en général, à imiter son entourage «. C'est par ce mécanisme que l'enfant se sociabilise, c'est-à-dire qu'il devient sociable et s'adapte à la vie en société.

Le deuxième lieu de socialisation de l'être humain est l'école. A elles deux, l'école et la famille auront pour tâche d'éduquer l'enfant. Emile DURKHEIM, sociologue français du XIXème siècle, affirme dans Les règles de la méthode sociologique, que « l'éducation a justement pour objet de faire l'être social «. De nos jours, le tout petit peut très tôt (dès 2 mois) se retrouver dans une institution comme la crèche. L'équipe pluridisciplinaire jouera alors un rôle important dans l'accompagnement de l'enfant tout en étant soucieuse de ne pas « remplacer « les parents dans son éducation.

            Le jeune enfant, en accédant au langage, accède à la culture. C'est par cette faculté qu'il se différencie des autres êtres vivants, car le langage retranscrit la pensée et permet alors la transmission de connaissances d'un individu à un autre.   C'est aussi le moyen d'exprimer ses sentiments, ses volontés, ses choix. Les parents et les professionnels de l'enfance ont alors de lourdes tâches à mener. Permettre à l'enfant d'accéder à cette acquisition humaine mais aussi de pouvoir verbaliser autant que possible ses émotions. Car l'individu, n'ayant pas accès à la force morale et se sentant rabaissé ou humilié, aurait plus facilement recours à la force physique afin de régler un quelconque conflit. De même, les adultes entourant l'enfant pourront lui permettre de développer ses compétences cognitives, motrices, dans des conditions saines et stables.

 

            Après avoir tenté de déceler les qualités innées de l'individu et avoir démontré l'importance de la vie en société mais aussi la pression que cette dernière exerce sur les individus, il est tout de même nécessaire de préciser que nos connaissances et informations sur la part d'inné chez l'Homme ne sont pas exhaustives et difficilement vérifiables.

            Il est par ailleurs possible de rapprocher cette question du naturel et du culturel aux travaux de Mr Walter Elias DISNEY (dit Walt) réalisateur de nombreux dessins animés américains. Ces derniers sont de véritables vecteurs de stéréotypes, par des messages détournés. Ainsi, dès le plus jeune âge et sans en avoir conscience, l'individu intègre cette idée d'inégalité des sexes.

Comment aller à l'encontre de ces stéréotypes, façonnés dès la prime enfance ?

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