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Électre Giraudoux, Les mouches Sartre

Publié le 27/02/2008

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giraudoux

La structure de la pièce entre Giraudoux et Sartre est différente. Giraudoux présente une pièce en deux actes avec un entracte (le lamento du jardinier). Giraudoux va s'inspirer d'Euripide.

Le rôle essentiel est accordé à Electre alors que Sartre fait de Oreste le centre de sa pièce. Giraudoux fait du mythe une intrigue policière dont le point de départ est l'assassinat d'Agamemnon. L'identité des assassins n'est au départ qu'une intuition, et Electre doit résoudre cette énigme. Cela devient une quête de la vérité et d'absolue vérité. L'auteur ne s'éternise pas sur l'identification d'Oreste, et il ne s'en sert que pour créer des effets ambigus à propos du mariage d'Electre.

Le mythe reste le même mais les intentions des auteurs divergent. Chez Giraudoux, Electre réclame que le bonheur lui-même soit sacrifié à l'accomplissement de la justice. Parce qu'Electre est inflexible, dans sa recherche de la vérité, elle est le point de référence par rapport auquel tous les autres personnages se situent . Giraudoux fait d'Egisthe le principal adversaire d'Electre, l'auteur lui donne une importance nouvelle. Le coup de théâtre de sa conversion est une trouvaille à fort contenu dramatique. Le noble personnage du bouvier d'Euripide annonce celle du jardinier de Giraudoux. Mais alors que Giraudoux va renouveler le mythe, Sartre va l'utiliser. Cela est probablement dû au fait que leur fonction est différente, Giraudoux est un écrivain alors que Sartre est un philosophe.

Dans l'acte 2, scène 9, Giraudoux reprend la tradition du récit final, mais il lui confère un rythme original. On le voit dans la syntaxe qui marque la progression du récit. L'anaphore de l'adverbe «alors» marque la succession des étapes et des actions d'Egisthe. Dans cette scène la temporalité narrative donne le rythme du récit: le temps le plus employé est l'imparfait qui fige les actions comme dans un tableau et souligne les détails inventés par Giraudoux. Le rôle du récitant est très important dans cette scène. Dans la tragédie classique, le choeur ou un témoin racontent des faits de manière neutre. Chez Giraudoux, le mendiant prend parti et oriente le jugement du spectateur. Le jugement du mendiant rejoint celui de l'écrivain qui distribue les rôles à sa manière: Oreste n'est plus le héros mais l'envoyé aveugle du destin.

Chez Giraudoux, le tragique ne résulte pas seulement du caractère atroce du matricide. D'autres éléments interviennent. En effet, le dramaturge s'attache à éveiller chez le spectateur l'idée de pureté par le spectacle de la cruauté (le lamento du jardinier). La vision du crime évolue par le réalisme. Il y a prise de conscience des meurtriers qui découvrent le sens de l'acte en l'accomplissant. Giraudoux va donc montrer concrètement l'atrocité du meurtre avant d'en montrer l'absurdité. Le dénouement d'Electre est tragique, mais Giraudoux a changé le héros du mythe: c'est Egisthe qui éveille la pitié du spectateur, Giraudoux oriente donc l'interprétation du mythe..

L'interprétation de Sartre est très largement différente. A partir du titre, nous pouvons donc déduire que cette interprétation du mythe d'Electre, va nous réserver quelques surprises. Il y a les Erinnyes qui sont devenues les mouches, insectes ennuyeux et sales qui embêtent tout le monde et sont la représentation du poids qui pèse sur le peuple d'Argos. Les mouches sont là depuis l'assassinat d'Agamemnon par Clytemnestre et Egisthe. Les argosiens ont entendu les cris d'Agamemnon mais ils n'ont rien fait, ils sont complices à cause de leur silence. Les hordes de mouches qui ont envahi la ville symbolisent la repentance du peuple obligé à porter encore le deuil. Les hommes sont tous vêtus de noir Mais ce qui frappe tout de suite, est que le dieu Jupiter se promène comme un véritable homme dans les rues. Il est présent en tant que personne humaine, mais on le rencontre aussi comme statue. Ceci ne veut pas dire qu'il n'a pas de pouvoir divin. Ses formules magiques lui permettent de se débarrasser des mouches en prononçant quelques paroles magiques, symboles de son pouvoir, alors que les autres les subissent. Il est surprenant aussi de noter que Sartre a donné le nom du dieu romain à un dieu grec (Zeus).

Le Jupiter sartrien est ridiculisé, et Electre l'insulte, «Ordure!» (acte 1, scène 3). Jupiter est normalement dans la mythologie, le père des dieux. Chez Sartre il est le dieu des morts et des mouches.

En fait, l'interprétation du mythe est chez Sartre un prétexte. Il veut surtout nous montrer les réactions d'Oreste et pour autant, tout ce qui est autour d'Oreste permet de son importance. Le théâtre n'est pas utilisé chez Sartre pour montrer des caractères qui sont en conflit, mais pour mettre en évidence une situation. Pour Sartre l'homme est libre dans une situation donnée et l'auteur présente une situation simple et humaine qui prend la place principale de la pièce et oblige les hommes à choisir. « Les mouches » montrent un caractère en train de se former et l'auteur montre le moment d'un choix, d'une décision, qui détermine une vie. Un être libre et indéterminé doit choisir. Il faut risquer pour gagner sans compter les conséquences. C'est la démarche d'Oreste. Dans des situations limites que présente l'auteur, le personnage se trouve devant un dilemme auquel la mort peut être mêlée. On reconnaît donc les idées existentialistes de Sartre dans «Les mouches».

L'Electre de Giraudoux est à la fois une tragédie classique et un drame moderne dont les personnages s'expriment dans un langage poétique (symboles animaliers et végétaux), avec humour et parfois cynisme (les petites Euménides, Egisthe). Les Mouches de Sartre sont une manière de propager ses idées de liberté, de résistance à tout pouvoir. C'est une manière de propager sa doctrine fondamentale «l'existentialisme»; l'homme n'est grand que dans l'accomplissement d'un acte libre, et pour ce faire, il met en relief la condition d'esclave d'Electre.

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