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Être - philosophie.

Publié le 08/05/2013

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Être - philosophie. 1 PRÉSENTATION Être (du latin essere), infinitif employé substantivement pour désigner le fait d'exister (ce qui est par opposition à ce qui n'est pas), l'essence et/ou la substance de cette existence. 2 PRÉAMBULE LINGUISTIQUE : BENVENISTE Si elle n'est pas directement philosophique, l'approche linguistique d'Émile Benveniste n'est pas sans valeur pour la philosophie. Dans le premier tome des Problèmes de linguistique générale (« Être et avoir dans leurs fonctions linguistiques «), Benveniste pose d'abord cette question : « être «, que les linguistes désignent comme verbe-substantif, est-il un verbe ? Le principal problème est l'existence, dans toutes les langues, de phrases nominales ; dans presque toutes, il est possible d'ajouter « être « pour combler ce que sans examen on pourrait croire être une omission ou un sous-entendu. En fait, le problème est inverse, et ne s'élucide qu'en distinguant la fonction de copule et le plein exercice de ce verbe-substantif, soit la fonction grammaticale et lexicale. Dans beaucoup de langues, les deux ont fusionné, donnant un seul verbe, mais pas dans toutes (ainsi, l'espagnol distingue ser et estar). Et « être « comme copule, « être « dans sa fonction grammaticale, loin d'être sous-entendu ou ayant disparu dans la phrase nominale, s'y ajoute ; la pause, ou le silence, est la forme élémentaire de la jonction du sujet et de l'attribut (comme aujourd'hui en russe ou en hongrois). Ce silence a souvent été comblé, mais le verbe être n'est qu'une des différentes formules adoptées (pronoms, etc.). 3 DÉFINIR L'ÊTRE ? : PASCAL Ainsi la distinction de l'être comme copule et prédicat n'est pas seulement d'ordre logique, mais trouve aussi un fondement linguistique fort. En écho à la position kantienne sur l'être comme prédicat, l'exposé linguistique tend à montrer que l'être n'est pas une copule réelle. À la lumière de ce type de remarque, on peut regarder sous un jour différent le problème que soulève le passage souvent cité de Pascal dans l'Esprit de la géométrie. Il ne saurait être question de définir l'être car, écrit Pascal, on ne peut entreprendre de le définir sans tomber dans l'absurdité de « définir un mot par le mot même « : « On ne peut définir un mot sans commencer par celui-ci, c'est, soit qu'on l'exprime, soit qu'on le sous-entende. Donc pour définir l'être, il faudrait dire c'est, et ainsi employer le mot défini dans la définition. « (Pascal, l'Esprit de la géométrie, § 26). Mais si nous n'avions pas recours aux distinctions logique et linguistique pour lever la difficulté pascalienne, cesserait-on pour autant de questionner sur l'être ? L'objet de la philosophie n'étant pas la définition -- comme le souligne Heidegger dans les premières pages d'Être et temps au sujet de ce passage de Pascal --, la question de l'être a été formulée dès le début de la philosophie et elle peut même en constituer le motif ; on peut encore, avec Heidegger, regarder cette histoire se constituer dans l'oubli de cette question (soit, la métaphysique). 4 L'ANTIQUITÉ De façon très schématique, on peut considérer que la question de l'être se pose dans l'Antiquité en trois grands moments, qui scellent pour la suite la problématique. 4.1 Parménide En opposition au flux héraclitéen, Parménide pose d'abord l'être, sphère immobile, hors du devenir et sans cause (De la nature) : « l'être est « (esti gar einai). Le non-être n'est pas. On ne peut concevoir que l'être car « même chose sont l'être et le penser « (fragment 3). 4.2 Platon Il s'agit chez Platon, dans une sorte de « parricide « (Sophiste, 241d) -- et malgré la dette et l'admiration envers Parménide --, de sauver la possibilité de penser et l'univocité de l'être ; aussi, cette position, telle qu'elle est formulée dans le Sophiste, est la suivante : d'une certaine façon, l'être n'est pas ; d'une certaine façon, le non-être est. L'être dialectise les genres du mouvement et du repos, du même et de l'autre. Le discours et la pensée sont possibles ; il est rendu compte aussi de la possibilité de l'erreur. Déclinée diversement dans le platonisme, même chrétien, la position platonicienne ne donne jamais l'être comme ultime : l'être est toujours donné comme manifestation première, immédiate, d'un au-delà de l'essence qu'il révèle sans l'épuiser ou s'y confondre ; il est agathophanie (manifestation du bien) chez Platon, enophanie (manifestation de l'Un) chez Plotin, théophanie (manifestation de Dieu) chez Jean Scot Érigène. 4.3 Aristote Aristote, élaborant une « science de l'être en tant qu'être « (Métaphysique , G 1), pose en rupture avec Parménide et Platon une certaine plurivocité de l'être (bien que l'usage de ce terme soit délicat). Ainsi affirme-t-il dans la Métaphysique : « l'être se dit en plusieurs sens « (G 2, 1003a31). De ces sens multiples dont les catégories constituent comme un inventaire, l'unité ou plutôt la cohérence est celle de l' ousia (traduit chez Gilson par « étance «), qui dans les choses est la substance (upokeimenon). Selon Heidegger, Aristote hésite entre deux positions : chercher la connaissance de l'être comme totalité des étants ou de l'être comme ce qui constitue l'étant comme tel, l'être de l'étant. Pierre Aubenque a donné avec le Problème de l'être chez Aristote (1962) l'une des plus importantes études sur le sujet. 5 DIEU ET L'ÊTRE Prenant racine dans la difficile confrontation de l'hellénisme et du judaïsme et traduisant en termes grecs l'Ehyeh asher Ehyeh (du livre de l'Exode, III, 14) par egô eimi o ôn, puis en latin par ego sum qui sum (« Je suis celui qui suis «), il s'est élaboré dans le judaïsme, le christianisme et l'islam ce qu'on a pu appeler une ontologie mosaïque ou « du buisson «. Mais l'un des débuts et sans doute des plus étonnants de cette identification de Dieu à l'être, préparée chez Aristote et dans le platonisme, se trouve hors de l'exégèse biblique chez Plutarque dans son opuscule Sur l'E de Delphes qui permet l'attribution du einai infinitif à Dieu. Cet infinitif convient à Dieu libérant l'être des flexions temporelles du devenir. Il s'élabore à partir de là ce qui fut tardivement nommé « ontothéologie «. Cette « métaphysique de l'Exode « -- selon l'expression d'Étienne Gilson -- se prolonge bien au-delà du Moyen Âge, chez Schelling par exemple (J.-F. Courtine, l'Interprétation schellingienne d'Exode, III, 14, in Celui qui est). Mais elle a toujours rencontré des résistances. Elle contribue selon l'expression de Pascal a forger un « Dieu des philosophes «. Ces résistances se rencontrent jusqu'à Kierkegaard et au-delà. Aujourd'hui encore la question suscite des textes décisifs ; ainsi celui de Jean-Luc Marion, Dieu sans l'être. 6 LES CONDITIONS TRANSCENDANTALES DE L'ÊTRE La problématique des conditions transcendantales de l'être, très importante dans la scolastique et inaugurée par le chancelier Philippe (mort en 1236), peut trouver son énoncé le plus bref dans l'expression A liquid ens est unum, verum, bonum. Elle trouve dans la philosophie contemporaine des résonances inattendues. Giorgio Agamben, par exemple, dans la Communauté qui vient. Théorie d'une singularité quelconque, reprend le fil de cette pensée, marquant qu'on s'interroge souvent sur les attributs (unum, verum, bonum, etc.) alors que ce qui est problématique, c'est le aliquid (ou plutôt quodlibet chez Agamben) : ce qui est en jeu, c'est la possibilité de penser non pas n'importe quel être mais l'être quelconque ou, si l'on peut s'exprimer ainsi, la quelconcité (on peut rapprocher cette question de celle soulevée par Gilles Deleuze dans son dernier texte, L'immanence. Une vie, où il insiste sur l'importance et le sens du pronom indéfini). Avec les conditions transcendantales de l'être, mais encore avec la théologie des limbes, se trouvent réunis d'importants concepts qui renouvellent l'approche des questions contemporaines sur la communauté, l'identité, les valeurs. 7 L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE : KANT Bien que les développements de la pensée médiévale sur Dieu et l'être ne se bornent pas à l'élaboration d'une « preuve ontologique « de l'existence de Dieu (l'essence de Dieu implique son existence), les discussions que cette preuve n'a jamais cessé de susciter engagèrent bientôt plus la métaphysique que la théologie. Après Descartes, Leibniz ou Wolff, Kant prend position et élabore une critique décisive de l'argument ontologique. Ainsi, par exemple, dans le célèbre passage de la Critique de la raison pure (4e section de « l'Idéal des raisonnements dialectiques «) où il établit que l'être n'est pas un prédicat réel (voir déjà en 1763 l'Unique fondement d'une preuve de l'existence de Dieu). L'existence n'ajoute pas au concept et, si certes je suis plus riche avec cent thalers réels qu'avec cent thalers possibles en poche, le concept même de cent thalers est le même, qu'ils soient ou non réels, existants, étants. Il s'agit là d'un point essentiel sur lequel se fonde toute la pensée de Kant dans son rapport à la métaphysique de Wolff et à l'empirisme de Hume : l'être (existence) ne se déduit pas du concept, d'une part ; d'autre part, l'affirmation de l'être « pose « quelque chose. 8 LA PHILOSOPHIE « ANALYTIQUE « 8.1 Frege, Russel Mais cette critique kantienne de l'argument ontologique, loin d'être définitive, suscitera à son tour de nombreuses critiques. Frege ne suit pas Kant dans l'affirmation que l'être n'est pas un prédicat réel ; il n'est pas chez lui le prédicat d'un objet mais d'une fonction. Au sujet de la question de l'être dans la philosophie, il évoque une « déification de la copule «. Russel le suit, estimant, dans son Introduction à la philosophie mathématique, que c'est une « honte pour la race humaine qu'elle ait choisi d'utiliser le même mot " est " pour ces deux idées entièrement différentes «, à savoir l'usage copulatif et prédicatif d'être. Mais comme on l'a vu avec Benveniste, l'être n'est pas plus une copule réelle qu'avec Kant un prédicat réel ; ni copule ni prédicat, c'est encore quelque chose, et l'histoire de la philosophie ne saurait se réduire à une « déification de la copule « avec l'enfermement de la question de l'être dans l'alternative de la copule et du prédicat. 8.2 Développements de la philosophie analytique Dès ses débuts, la philosophie analytique -- pourtant souvent associée à un « positivisme anti-métaphysique « -- s'est ainsi trouvé confrontée à la question de l'être. Si tant est qu'on puisse unifier un courant par essence si divers, on peut regarder pourtant la question de la légitimité d'une distinction entre sujet et prédicat comme « fil directeur à une relecture de la philosophie analytique mettant en relief le problème du dualisme ontologique des particuliers et des universels « (J.-G. Rossi, le Problème ontologique dans la philosophie analytique). Le dépassement d'une problématique du sujet et du prédicat, dans lequel la critique du concept d'être comme copule tient une place importante, a eu lieu dans l'entre-deux-guerres et se prolonge aujourd'hui avec le concept d'événement. Ce mouvement dans lequel F. P. Ramsey joue un rôle important ne peut être négligé et jette une nouvelle lumière sur le courant analytique (J.-G. Rossi, le Problème ontologique dans la philosophie analytique). 9 ÊTRE ET DASEIN : HEGEL Dans un tout autre ordre que celui des objections de Frege ou de Russel, on peut trouver chez Hegel sa pensée de l'être élaborée dans la critique qu'il fait de la réfutation kantienne de l'« argument ontologique «. Dieu est ce qui pour Hegel ne peut être conçu sans l'être, l'être étant la détermination la plus pauvre et la plus abstraite de toutes. Abstraction pure, négatif absolu, l'être n'est rien, l'être est le non-être, et les deux sont des abstractions aussi vides l'une que l'autre. Penser l'être, c'est penser (Parménide). Le devenir est le passage de l'être dans le non-être, et inversement. Ce passage est unruhig (« inquiet, agité «), c'est pourquoi le devenir est die Unruhe in sich (« l'inquiet en soi «) et non l'unité de l'être et du non-être. Comme unité, donc comme arrêt, le devenir -- qu'on nommerait ici plutôt « devenu « -- est précisément le Dasein. L'Aufhebung (« relève «) de l'être et du non-être est le Dasein. C'est ce qu'exprime l'article 88, 4 de l'Encyclopédie : « L'être en devenir, c'està-dire l'être un avec le rien, et le rien un avec l'être, ne sont qu'évanouissants ; le devenir s'abîme, par sa contradiction en soi, dans l'unité où l'un et l'autre sont surmontés (aufgehoben) ; son résultat est ainsi l'être-là (Dasein). « 10 POURQUOI Y-A-T-IL QUELQUE CHOSE PLUTÔT QUE RIEN ? : LEIBNIZ, BERGSON Mais, si penser l'être c'est penser, peut-on penser le non-être ? Peut-on seulement le supposer, car il le faut, ne serait-ce qu'à titre d'hypothèse pour poser la question dite métaphysique par excellence : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Elle empêche dans sa formulation un jeu trop facile sur l'ambiguïté d'être comme copule ou prédicat. Il existe, dit Leibniz, une raison qu'il y ait quelque chose plutôt que rien. Cette raison se trouve en remontant la chaîne des causes nécessairement finie dans l'être nécessaire, « être unique, métaphysiquement nécessaire, c'est-à-dire dont l'essence implique l'existence « (De la production originelle des choses prise à sa racine). Mais, en considérant autrement la question, on peut demander si rien (du latin res, « chose «) n'est pas quelque chose ? Aristote, contre Parménide, affirmait : « le non-être est : il est non-être « (Métaphysique, G 2, 1003b). Bergson critiquera dans un texte célèbre non pas les réponses données à la question, mais la question elle-même. Dans l'Évolution créatrice ainsi que dans la Pensée et le mouvant (« Le possible et le réel «), soulignant que les « problèmes angoissants de la métaphysique « sont souvent des « pseudo-problèmes «, il montre que la question elle-même n'a pas de sens. Car, au réel, elle oppose la possibilité d'un « rien «, dans un mouvement qui, se croyant suppression de tout, n'est qu'une substitution : « On a posé le tout, puis on a fait disparaître une à une chacune de ses parties sans consentir à voir ce qui la remplaçait. « La position bergsonienne rappelle singulièrement Parménide qui, posant que le non-être n'est pas, affirme aussi : « Car même chose sont l'être et le penser « (Diels, fr. 3). 11 HEIDEGGER Ainsi la pensée de Parménide se trouve-t-elle toujours à l'horizon des questionnements sur l'être. C'est précisément à elle que fait retour celle de Heidegger qui regarde, comme nous l'avons signalé précédemment, l'histoire de la métaphysique comme oubli de la question de l'être et son voilement : dès Platon et Aristote, l'être est recherché à partir de l'étant. Cet oubli se prolonge dans le concept d'une vérité désignée comme adéquation de l'esprit (mens) et de la chose, puis dans la subjectivité cartésienne. La métaphysique connaît son achèvement chez Nietzsche comme renversement de Platon. S'il reste une tâche de la pensée, elle consiste à saisir la différence de l'être et de l'étant, à interroger vers l'être, dans ce mouvement qu'on lit chez les présocratiques et dans la poésie (Hölderlin, Trakl...). La pensée de Heidegger suit une évolution dont Être et temps (1927) marque le premier pas. La Lettre sur l'humanisme annonce un tournant. Le volume des Questions IV récapitule et poursuit ce parcours. 12 CONCLUSION Parménide inscrit dès l'origine la question de l'être et celle du langage dans un entrelacement décisif. Nietzsche écrit dans le Crépuscule des idoles : « En fait, rien n'a jamais eu de force de persuasion plus naïve que l'erreur de l'Être, telle qu'elle est par exemple formulée par les Éléates : car elle a pour elle chaque mot, chaque phrase que nous prononçons. Les adversaires mêmes des Éléates ont succombé à la séduction de leur concept de l'Être... « Mais peut-il y avoir un dépassement de cette question ? Même lorsqu'elle a lieu, cette tentative de dépassement n'a souvent de sens qu'à partir d'elle. L'une des plus importantes dans la philosophie contemporaine a lieu chez Emmanuel Levinas avec Totalité et infini (1961), puis avec Autrement qu'être ou au-delà de l'essence (1974). L'examen d'une aussi vaste question laisse fatalement dans l'ombre des points essentiels. Pour une approche générale et très complète (sauf en ce qui concerne les orientations contemporaines), on peut renvoyer à des études telles que celle d'Étienne Gilson, l'Être et l'essence. Malgré la perspective thomiste de l'auteur qui peut sembler réduire certaines perspectives, elle en ouvre beaucoup et il est peu d'ouvrages aussi clairs sur cette difficile question. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« Pierre Aubenque a donné avec le Problème de l’être chez Aristote (1962) l’une des plus importantes études sur le sujet. 5 DIEU ET L’ÊTRE Prenant racine dans la difficile confrontation de l’hellénisme et du judaïsme et traduisant en termes grecs l’ Ehyeh asher Ehyeh (du livre de l’Exode, III, 14) par egô eimi o ôn, puis en latin par ego sum qui sum (« Je suis celui qui suis »), il s’est élaboré dans le judaïsme, le christianisme et l’islam ce qu’on a pu appeler une ontologie mosaïque ou « du buisson ». Mais l’un des débuts et sans doute des plus étonnants de cette identification de Dieu à l’être, préparée chez Aristote et dans le platonisme, se trouve hors de l’exégèse biblique chez Plutarque dans son opuscule Sur l’E de Delphes qui permet l’attribution du einai infinitif à Dieu.

Cet infinitif convient à Dieu libérant l’être des flexions temporelles du devenir. Il s’élabore à partir de là ce qui fut tardivement nommé « ontothéologie ».

Cette « métaphysique de l’Exode » — selon l’expression d’Étienne Gilson — se prolonge bien au-delà du Moyen Âge, chez Schelling par exemple (J.-F.

Courtine, l’Interprétation schellingienne d’Exode, III, 14, in Celui qui est ).

Mais elle a toujours rencontré des résistances.

Elle contribue selon l’expression de Pascal a forger un « Dieu des philosophes ».

Ces résistances se rencontrent jusqu’à Kierkegaard et au-delà. Aujourd’hui encore la question suscite des textes décisifs ; ainsi celui de Jean-Luc Marion, Dieu sans l’être. 6 LES CONDITIONS TRANSCENDANTALES DE L’ÊTRE La problématique des conditions transcendantales de l’être, très importante dans la scolastique et inaugurée par le chancelier Philippe (mort en 1236), peut trouver son énoncé le plus bref dans l’expression A liquid ens est unum, verum, bonum. Elle trouve dans la philosophie contemporaine des résonances inattendues.

Giorgio Agamben, par exemple, dans la Communauté qui vient.

Théorie d’une singularité quelconque, reprend le fil de cette pensée, marquant qu’on s’interroge souvent sur les attributs ( unum, verum, bonum, etc.) alors que ce qui est problématique, c’est le aliquid (ou plutôt quodlibet chez Agamben) : ce qui est en jeu, c’est la possibilité de penser non pas n’importe quel être mais l’être quelconque ou, si l’on peut s’exprimer ainsi, la quelconcité (on peut rapprocher cette question de celle soulevée par Gilles Deleuze dans son dernier texte, L’immanence.

Une vie, où il insiste sur l’importance et le sens du pronom indéfini).

Avec les conditions transcendantales de l’être, mais encore avec la théologie des limbes, se trouvent réunis d’importants concepts qui renouvellent l’approche des questions contemporaines sur la communauté, l’identité, les valeurs. 7 L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE : KANT Bien que les développements de la pensée médiévale sur Dieu et l’être ne se bornent pas à l’élaboration d’une « preuve ontologique » de l’existence de Dieu (l’essence de Dieu implique son existence), les discussions que cette preuve n’a jamais cessé de susciter engagèrent bientôt plus la métaphysique que la théologie. Après Descartes, Leibniz ou Wolff, Kant prend position et élabore une critique décisive de l’argument ontologique.

Ainsi, par exemple, dans le célèbre passage de la Critique de la raison pure (4e section de « l’Idéal des raisonnements dialectiques ») où il établit que l’être n’est pas un prédicat réel (voir déjà en 1763 l’Unique fondement d’une preuve de l’existence de Dieu ).

L’existence n’ajoute pas au concept et, si certes je suis plus riche avec cent thalers réels qu’avec cent thalers possibles en poche, le concept même de cent thalers est le même, qu’ils soient ou non réels, existants, étants.

Il s’agit là d’un point essentiel sur lequel se fonde toute la pensée de Kant dans son rapport à la métaphysique de Wolff et à l’empirisme de Hume : l’être (existence) ne se déduit pas du concept, d’une part ; d’autre part, l’affirmation de l’être « pose » quelque chose. 8 LA PHILOSOPHIE « ANALYTIQUE » 8. 1 Frege, Russel Mais cette critique kantienne de l’argument ontologique, loin d’être définitive, suscitera à son tour de nombreuses critiques.

Frege ne suit pas Kant dans l’affirmation que l’être n’est pas un prédicat réel ; il n’est pas chez lui le prédicat d’un objet mais d’une fonction.

Au sujet de la question de l’être dans la philosophie, il évoque une « déification de la copule ».

Russel le suit, estimant, dans son Introduction à la philosophie mathématique , que c’est une « honte pour la race humaine qu’elle ait choisi d’utiliser le même mot “ est ” pour ces deux idées entièrement différentes », à savoir l’usage copulatif et prédicatif d’être.

Mais comme on l’a vu avec Benveniste, l’être n’est pas plus une copule réelle qu’avec Kant un prédicat réel ; ni copule ni prédicat, c’est encore quelque chose, et l’histoire de la philosophie ne saurait se réduire à une « déification de la copule » avec l’enfermement de la question de l’être dans l’alternative de la copule et du prédicat. 8. 2 Développements de la philosophie analytique Dès ses débuts, la philosophie analytique — pourtant souvent associée à un « positivisme anti-métaphysique » — s’est ainsi trouvé confrontée à la question de l’être.

Si tant est qu’on puisse unifier un courant par essence si divers, on peut regarder pourtant la question de la légitimité d’une distinction entre sujet et prédicat comme « fil directeur à une relecture de la philosophie analytique mettant en relief le problème du dualisme ontologique des particuliers et des universels » (J.-G.

Rossi, le Problème ontologique dans la philosophie analytique ).

Le dépassement d’une problématique du sujet et du prédicat, dans lequel la critique du concept d’être comme copule tient une place importante, a eu lieu dans l’entre-deux-guerres et se prolonge aujourd’hui avec le concept d’ événement. Ce mouvement dans lequel F.

P.

Ramsey joue un rôle important ne peut être négligé et jette une nouvelle lumière sur le courant analytique (J.-G.

Rossi, le Problème ontologique dans la philosophie analytique ). 9 ÊTRE ET DASEIN : HEGEL Dans un tout autre ordre que celui des objections de Frege ou de Russel, on peut trouver chez Hegel sa pensée de l’être élaborée dans la critique qu’il fait de la réfutation kantienne de l’« argument ontologique ».

Dieu est ce qui pour Hegel ne peut être conçu sans l’être, l’être étant la détermination la plus pauvre et la plus abstraite de toutes.

Abstraction pure, négatif absolu, l’être n’est rien, l’être est le non-être, et les deux sont des abstractions aussi vides l’une que l’autre.

Penser l’être, c’est. »

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