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Extrait de L'Assommoir de Zola, Chapitre XII

Publié le 11/09/2006

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Perdue dans la cohue du large trottoir, le long des petits platanes, Gervaise se sentait seule et abandonnée. Ces échappées d'avenues, tout là-bas, lui vidaient l'estomac davantage ; et dire que, parmi ce flot de monde, où il y avait pourtant des gens à leur aise, pas un chrétien ne devinait sa situation et ne lui glissait dix sous dans la main ! Oui, c'était trop grand, c'était trop beau, sa tête tournait et ses jambes s'en allaient, sous ce pan démesuré de ciel gris, tendu au-dessus d'un si vaste espace. Le crépuscule avait cette sale couleur jaune des crépuscules parisiens, une couleur qui donne envie de mourir tout de suite, tellement la vie des rues semble laide. L'heure devenait louche, les lointains se brouillaient d'une teinte boueuse. Gervaise, déjà lasse, tombait justement en plein dans la rentrée des ouvriers. A cette heure, les dames en chapeau, les messieurs bien mis habitant les maisons neuves, étaient noyés au milieu du peuple, des processions d'hommes et de femmes encore blêmes de l'air vicié des ateliers. Le boulevard Magenta et la rue du Faubourg-Poissonnière en lâchaient des bandes, essoufflées de la montée. Dans le roulement plus assourdi des omnibus et des fiacres, parmi les haquets, les tapissières, les fardiers, qui rentraient vides et au galop, un pullulement toujours croissant de blouses et de bourgerons couvrait la chaussée.    L'analyse (Qui cherche à montrer l'inégalité sociale riche/pauvre) :    Ce texte est un extrait du roman L'Assommoir (1877) d'Émile Zola. C'est un texte de genre narratif et de registre réaliste, ainsi que pathétique. Nous avons trouvé cet extrait sur le site http://christian.mathis.club.fr/assommoir.html qui propose plusieurs extraits de l'Assommoir. Celui-ci est un extrait du Chapitre XII. Il raconte l'histoire de Gervaise Macquart (l'héroïne de l'Assommoir. Elle est boiteuse et, avec ses deux enfants, a suivi son amant Lantier à Paris. Mais il la quitte, elle devient blanchisseuse et se remarie avec Coupeau. Elle finit par sombrer dans l'alcool, avec son mari). Dans cet extrait, le narrateur raconte le mal-être de la jeune femme, par rapport à sa vie misérable, et sa fureur envers les gens aisés de la ville, qui ne remarque pas sa présence et qui ne viendront pas l'aider alors qu'elle est en train de mourir de faim. Les thèmes sont : les ravages dus à la misère, la faim et l'alcoolisme. L' Assommoir a pour thèse les classes laborieuses, et veut montrer que, même si la société du dix-neuvième siècle permet une ascension sociale aux basses classes, il suffit d'un rien pour rechuter.    On ne sait pas vraiment si le narrateur est omniscient et qu'il joue à ne pas tout dire, ou bien si c'est un témoin qui se présentera plus tard, mais nous dirons donc que c'est un narrateur externe, en focalisation interne sur Gervaise. Dans la première phrase de l'extrait « Perdue dans la cohue du large trottoir, le long des petits platanes, Gervaise se sentait seule et abandonnée «, le narrateur est omniscient, mais dans « et dire que, parmi ce flot de monde, où il y avait pourtant des gens à leur aise, pas un chrétien ne devinait sa situation et ne lui glissait dix sous dans la main ! « on dirait que le narrateur parle à la place de Gervaise, c'est donc une focalisation interne sur Gervaise. Il n'y a aucun dialogue dans cet extrait.    La lutte des classes est montré dans cet extrait entre Gervaise, et les passants de la rue. En effet, on voit bien ici la misère dans laquelle Gervaise se trouve. On la décrit comme « perdue «, « seule «, « abandonnée « et « lasse «. Elle n'a pas mangé depuis longtemps car on dit : «  Ces échappées d'avenues, tout là-bas, lui vidaient l'estomac davantage «, d'avantage signifiant qu'elle a déjà le ventre vide mais que ce qu'elle voit tout là-bas le lui vide encore plus. On nous indique sa misérable situation et sa pauvreté : « pas un chrétien ne devinait sa situation et ne lui glissait dix sous dans la main ! «, elle n'a pas d'argent. On trouve ensuite une anaphore du mot « trop «, et de verbes à l'imparfait, ce qui donne un certain rythme à la phrase : « c'était trop grand, c'était trop beau, sa tête tournait et ses jambes s'en allaient «. Trop grand à cause de tout ce monde autour d'elle (qui se relate à « un si vaste espace « un peu plus loin dans l'extrait), et trop beau pour la misère dans laquelle elle se trouve. «  Sa tête tournait et ses jambes s'en allaient « décrit ce qui ressemble à un malaise, elle a du mal à rester debout tellement elle est fatiguée. On évoque le suicide, lorsqu'elle parle de la couleur du crépuscule : «  une couleur qui donne envie de mourir tout de suite «, puis ajoute « tellement la vie des rues semble laide «. C'est en sous-entendu sa vie qui une vie des rues, une vie laide. On voit bien d'après toutes ces descriptions la misère de Gervaise.  En opposition se trouvent les passants aisés. Le narrateur fait une description d'eux péjorative au début, qui mettra le lecteur du côté de Gervaise : « et dire que, parmi ce flot de monde, où il y avait pourtant des gens à leur aise, pas un chrétien ne devinait sa situation et ne lui glissait dix sous dans la main ! «. « Et dire que « veut montrer ici une injustice : « Et dire qu'ils ont de l'argent et qu'ils ne viennent pas l'aider ! «. Le narrateur parle de « chrétien «, car selon la Bible, ils doivent aider leur prochain, aider les gens dans le besoin. Comme aucun ne devine sa situation, elle demeure sans aide de leur part. Le narrateur continu plus loin dans le texte de parler des bourgeois en les décrivant comme : « les dames en chapeau, les messieurs bien mis habitant les maisons neuves « où ici la richesse se trouve dans les habits des dames et les messieurs qui habitent les maisons neuves. Opposition avec Gervaise qui n'a que des guenilles et aucune maison où vivre. On retrouve donc bien dans cet extrait un raisonnement qui oppose les pauvres (Gervaise, fatiguée de sa vie des rues, sans argent et nourriture) et les riches (les passants de la rue, qui ne sont pas pour tous « bourgeois « mais qui ont de quoi vivre).    Les arguments dans cet extrait sont plutôt du domaine moral lors de la description de la vie de Gervaise, où on explique sa misère, son mal-être. Il y a aussi un argument religieux en rapport avec un texte de la Bible, et des arguments descriptifs (les avenues, le ciel, la couleur du crépuscule, les passants,...). Ces arguments ne s'enchainent pas dans un ordre précis.

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