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Extraits de la déclaration

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

« Les moindres fautes étaient aggravées en véritables crimes contre le parti communiste et étaient exposées en public à la réunion générale qui avait lieu tous les 10 jours. (...) Que me reprochait-on ? On ne me pardonnait pas d'avoir pris malgré moi, un air dégoûté en arrosant les plantes avec de l'excrément d'homme - d'avoir essayé d'apercevoir ma fille en passant devant la maison des enfants (on m'avait déjà prévenu qu'il fallait détruire tout sentiment envers ma famille) - d'avoir une démarche européenne et de m'obstiner à la garder (dites-moi un peu, comment on peut corriger sa démarche!) - de ne pas me jeter goulûment sur la nourriture (par cette attitude, je méprisais le peuple cambodgien) - d'avoir cassé la corde du seau en puisant l'eau du puits (je servais ainsi l'ennemi en endommageant le matériel). Les moindres fautes techniques causées par l'inexpérience étaient aussitôt considérées comme des tentatives pour servir l'intérêt de l'ennemi. Les accusations étaient portées sans nécessité de preuves et on y ajoutait tout ce qu'on voulait. L'accusé n'avait absolument pas le droit de chercher à se justifier, que les accusations soient vraies ou fausses. Quelques fois, je ne pouvais m'empêcher de faire remarquer la fausseté ou la malveillance de certaines accusations. On déclarait tout de suite que je voulais saboter la voie établie par le parti communiste qui avait créé les séances de critiques et d'autocritiques. Toute personne refusant de critiquer son prochain, se faisait son complice et refusait departiciper à la défense du pouvoir du parti communiste. Si le fautif ne se corrigeait pas au bout de 3 avertissements, il serait écrasé par la « roue de l'histoire »(...). On avait interdit à nos enfants de nous appeler père et mère. On nous désignait comme oncle et tante. Leur vrai père et leur seul père était le parti communiste, c'est-à-dire Pol Pot. Je savais que ma fille apprendrait bientôt à dénoncer ses parents. Cette idée me révoltait profondément(...). Chaque parent avait pris le soin de fournir des moustiquaires à ses enfants, mais la responsable de la maison, par excès de zèle, a vite jugé que les enfants devaient apprendre dès leur plus jeune âge à supporter les piqûres de moustiques ainsi qu'à marcher pieds nus et à apprendre à souffrir des mille blessures causées par des cailloux ou des débris de verre dans les champs. Ils étaient vêtus, la plupart dutemps de haillons. Les vêtements décents étaient rangés dans l'armoire. Des parents hardis avaient essayé de faire des critiques par l'intermédiaire des chefs de groupe, mais ils s'étaient heurtés à un mur infranchissable et s'étaient vus critiqués en retour sur leurs sentiments non révolutionnaires envers leurs enfants. Le souvenir des « rebelles » dissuadait les plus décidés de faire des réclamations. Ils ne savaient pas exactement ce que ceux-ci étaient devenus mais on leur avait laissé entendre que notre camp était un vrai paradis en comparaison de l'endroit où ils avaient été emmenés. Quant à moi, j'étais persuadé de la mort de ces personnes. » Cité d'après Y. Pandhara, Retour à Phnom Penh. Le Cambodge, du génocide à la décolonisation. Témoignage, Paris, Éditions A.M. Métailié, 1982.

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