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Fable La vielles et les deux servantes

Publié le 01/07/2012

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fable
Nov
7

2nde, commentaire n°1 & son corrigé

au programme des 2nde: la Fontaine , séquence 1 (argumentation au 17e siècle) Le texte à étudier , puis son corrigé indicatif. SUJET :
Devoir de commentaire en temps limité
Vous étudierez le texte suivant en vous appuyant sur la problématique suivante :
En quoi cette fable vérifie-t-elle bien sa vocation éducative ?
Vous pourrez vous appuyez notamment sur le parcours de lecture suivant :
-          Le rapport didactique et « donneur de leçon » au lecteur,
-          L’aspect persuasif et séduisant de cette fable.
Jean de LA FONTAINE, « La vieille et les deux servantes » (Fables, V, 6) 
Il était une vieille ayant deux Chambrières. Elles filaient si bien que les sœurs filandière[1] Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci. La Vieille n'avait point de plus pressant souci Que de distribuer aux Servantes leur tâche. Dès que Téthis[2] chassait Phébus[3] aux crins dorés, Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés ; Deçà, delà, vous en aurez[4] ; Point de cesse, point de relâche. Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontait[5], Un misérable Coq à point nommé chantait. Aussitôt notre Vieille encor plus misérable S'affublait d'un jupon crasseux et détestable, Allumait une lampe, et courait droit au lit Où de tout leur pouvoir, de tout leur appétit, Dormaient les deux pauvres Servantes. L'une entr'ouvrait un œil, l'autre étendait un bras ; Et toutes deux, très malcontentes, Disaient entre leurs dents : Maudit Coq, tu mourras. Comme elles l'avaient dit, la bête fut grippée[6]. Le réveille-matin eut la gorge coupée. Ce meurtre n'amenda nullement leur marché. Notre couple au contraire à peine était couché Que la Vieille, craignant de laisser passer l'heure, Courait comme un Lutin[7] par toute sa demeure. C'est ainsi que le plus souvent, Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire, On s'enfonce encor plus avant : Témoin ce Couple et son salaire. La Vieille, au lieu du Coq, les fit tomber par là De Charybde en Scylla[8].

[1] Les sœurs filandières : les Parques, divinités latines, au nombre de trois, présidant aux destinées humaines dans la mythologie.
[2] Déesse de la mer, qui chaque matin, lâche la barrière aux chevaux du soleil.
[3] Phébus : le soleil.
[4] Vous en aurez (autant que vous voudrez).
[5] Classiquement, le soleil circulait sur un char.
[6] Grippée : agrippée.
[7] Lutin : petit génie maléfique à l’époque de La Fontaine.
[8] Charybde en Scylla : deux écueils situés entre l’Italie et la Sicile. Charybde était un tourbillon redouté du détroit de Messine. Scylla, situé dans le même détroit, était un dangereux récif. Celui qui évitait Charybde tombait immanquablement sur Scylla. De là l’expression ‘tomber de Charybde en Scylla ’, signifiant tomber d’un danger dans un autre pire encore.
 PROPOSITION DE CORRIGE RÉDIGÉ :
Jean de la Fontaine est connu pour ses fables bien qu’il s’illustre dans plusieurs genres littéraires prisés du Classicisme auquel il appartient : théâtre et poésie notamment. Le public retient surtout ses Fables, dont la publication s’étale sur près d’un quart de siècle, et qui s’inscrivent dans l’art de l’apologue.
La fable « la vieille et ses deux servantes » à la fin du premier des trois recueils de Fables consiste bien en une leçon déguisée, séduisant le lecteur pour mieux le persuader. Il s’agit en effet dans cette fable de montrer les stratégies et les arrangements conduisent souvent à des maux bien plus grands et à des conséquences plus terribles encore, et la sagesse est encore d’accepter son sort.
Déterminons en quoi cette fable vérifie bien son projet éducatif. Pour cela voyons d’abord qu’elle assume un côté didactique et volontiers donneur de leçon, mais aussi qu’elle ne se dispense pas d’être plaisante et divertissante en se donnant tous les moyens de séduire son lecteur.
                                Etudions d’abord la vocation didactique de cette fable. Cette fable assume son côté donneur de leçon et se veut à la fois démonstrative,  sérieuse, et universelle.
La fable veut éduquer et pour cela, elle n’hésite pas à mettre en relief, en bonne place et sans ambigüité sa morale. Contrairement à d’autres fables qui jouent davantage sur l’implicite (comme « La Cigale et la fourmi » ou bien encore « la jeune veuve ») le lecteur n’a ici pas à deviner mais juste à lire, au moment conclusif, la morale de cette histoire : cette morale se présente comme la conséquence de l’histoire précédemment narrée (« C’est ainsi […]) et comme une morale simplement exposée au lecteur par le biais du déictique « c’ ». Cette morale occupe les six derniers vers de la fable et c’est donc cette morale qui imprime, en dernier et de façon certaine, la fraîche mémoire du lecteur.
La fable assume le sérieux de son entreprise didactique : une trentaine de vers pour cette fable (contre bien moins dans nombre des fables de ce premier recueil) ; d’autres signes témoignent de la gravité de la fable : l’emploi de l’alexandrin et ce, dès le vers liminaire (« Il était une vieille/ ayant deux chambrières ») mais aussi le recours à des références savantes : le fabuliste n’est pas qu’un simple amuseur, il est avant tout un érudit et un professeur, maniant aussi bien les références historiques (avec l’Antiquité de Phébus et Thétis) que géographiques (« Charybde », « Sylla » au vers de clôture).
Enfin, la fable prétend à l’universalité : les personnages n’ont aucune personnalité propre et ne sont que des catégories désignées par caractéristiques vagues, générationnelles ou sociales (« la vieille », « les servantes »). Quant à la portée du récit, elle se veut universelle ce que prouve l’énonciation, qui englobe la communauté des lecteurs au moyen du pronom indéfini neutre « on » et du présent de vérité générale auquel personne n’échappe : « quand on pense [… ]» .
                                Pour autant, faire « la leçon » ne se passe pas de divertissement dans le cadre d’un apologue, notamment à des fins stratégiques. Instruire au 17e siècle, cela signifie aussi  plaire au lecteur qu’il faut amadouer ou bien toucher ou bien distraire pour mieux l’infléchir. Ce texte est donc avant tout persuasif,  grâce à un rythme entrainant, grâce à un art de la mise en scène et grâce à un aspect affectif donné à ce texte où le locuteur ne se prive pas de juger ce qu’il raconte, donnant ainsi à l’anecdote un aspect familier.
Tout est fait pour que le lecteur ne s’ennuie pas et soit donc d’autant mieux persuadé. L’alternance mètre court/ mètre long (vers liminaire: alexandrin le mètre noble, mais vers final en octosyllabe, mètre épique par excellence), l’alternance rimes suivies (« par là/Scylla ») et rimes croisées (« affaire »/ « salaire » et « souvent »/ « avant » en fin de fable) rendent la fable moins monotone. En outre des effets de parallélisme (« de tout leur pouvoir/de tout leur appétit) ou d’anaphore (« Dès que Thétis/ dès que l’Aurore) relancent le rythme et habituent l’oreille du lecteur qui entre ainsi sans s’en rendre compte dans l’histoire.
La leçon est mise en scène, rendue vivante bien que le récit ne passe jamais au présent de narration ; le poète reste bien au duo passé simple-imparfait pour son récit, mais entrecoupe ce dernier de moments de discours, directs, plus vivants ; le verbe de parole ouvre même le vers où le discours direct fait irruption dans le récit : « Disaient entre leurs dents : […] » comme pour souligner encore plus l’animation soudaine de ce récit.
Pour finir, ce texte ne reste pas une leçon sacrée qui pèserait, désincarnée et froide, sentencieuse et lointaine sur le lecteur. Bien au contraire, cette fable se veut proche du lecteur et notamment parce que l’implication de son locuteur, qui juge et modalise, s’y fait sentir. Parce qu’il apparaît comme proche du lecteur, par ricochet, ce récit semble moins froid et donc plus apte à nous séduire. Le locuteur intervient ouvertement dès le vers 9 (avec la première personne du singulier dans : « dis-je »)  mais ne manque pas de commenter un certain nombre d’éléments de son récit, par le biais des adverbes modalisateurs : « très malcontentes » ou encore par des adjectifs qualificatifs subjectifs qui portent en eux-mêmes la marque du jugement de celui qui les énonce, parce qu’ils sont dépréciatifs(« détestable ») ou qu’ils deviennent des hypocoristiques (« un misérable coq », « les deux pauvres servantes »).
                Afin d’interroger l’intention éducative de cette fable nous en avons d’abord vu l’aspect didactique puis la dimension persuasive.
La fontaine est comme Charles Perrault,  La Rochefoucauld ou encore Pascal un de ces moralistes classiques qui n’envisage pas l’art sans pédagogique. Il faut dire que les Fables ont été écrites, du moins leur premier tome publié en 1668, pour éduquer le dauphin.  Il réitèrera l’expérience didactique avec la dédicace à l’aîné du Dauphin, en fin de carrière, en dédiant à ce dernier le livre XII des Fables. La Fontaine le libertin met également sa poésie au service de la rectitude de la langue française en se faisant élire à l’Académie française : l’artiste a été, toute sa vie, un tuteur et un professeur.
Posted 7th November 2011 by
Labels: programme 2nde

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