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Faut-Il Se Désintéresser De L'Irrationnel ?

Publié le 09/10/2010

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Comme le disait Aristote , la raison, composante fondamentale de notre culture, imprègne si bien notre civilisation que nous pourrions penser qu’elle échappe à toute historicité. En réalité, c’est en Grèce au VI e et au Ve siècle avant J.C que la raison naît et découvre son pouvoir. La raison désigne une fonction de la pensée juste et synthétique, la faculté de bien juger et de raisonner, c’est-à dire d’enchaîner des propositions de manière discursive. A l’opposé, l’irrationnel désigne péjorativement l’autre négatif de la raison. L’irrationnel se définit alors comme étant tout ce qui ne correspond pas aux grandes exigences de la pensée rationnelle (universalité, objectivité, cohérence) ou du comportement raisonnable (circonspection, pondération, maîtrise de soi). C’est aussi, sur un plan proprement ontologique, ce qui ne possède aucune raison d’être ou qui excède l’entendement. Par conséquent, si l’irrationalité est une chose négative, ne vaut -t-il pas mieux s’en désintéresser ? Faut t-il lui laisser une place dans notre vie ? Nous verrons que la raison seule est suffisante pour vivre donc que l’irrationnel n’est pas nécessaire à la vie, mais que cependant celui-ci peut nous faciliter la vie à bien des égards. Enfin, nous verrons que même si l’irrationnel s’avérait être absurde, il semble difficile de s’en désintéresser.  A première vue, l’irrationnel semble ne présenter aucun intérêt pour la vie et par conséquent, seule la raison nous apparaît comme nécessaire.  La raison mérite aussi sans doute que l’on se désintéresse de l’irrationnel car elle permet aux hommes de vivre dans la paix, de respecter autrui et l’humanité. Elle reconnaît à chacun le droit de penser , rendant possible tous les autres droits de l’homme. Ainsi la raison est à la base de la démocratie et c’est elle qui permet au monde de vivre. A l’opposé, l’irrationnel s’avère être le moteur de la violence, des guerres et de tous les problèmes que connaît l’humanité. Il empêche l’homme de vivre en harmonie, avec lui-même comme avec les autres. Cela est du également au fait que l’irrationnel est aussi à l’origine des préjugés. Ceux-ci en effet amènent aux hommes à se sentir supérieur ou inférieur à autrui, ce qui est une des causes des problème que connait l’humanité (notamment les guerres). L’irrationalité conduit donc à l’immoralité, donc à la mauvaise conduite des hommes. La raison ,elle, prône la morale et permet à l’humanité de vivre en paix. Ainsi Freud souhaitait « une dictature de la raison «. La raison apparaît donc nécessaire pour éviter que l’humanité ne tourne au chaos.  Bien que la raison soit nécessaire à l’homme pour parvenir à la vérité et pour lui permettre de vivre paisiblement en société, faut-il pour autant éradiquer l’irrationnel ? Ne peut-il pas tout de même nous apporter quelque chose ?  L’irrationnel peut également être bénéfique à l’homme ; il ne faut donc pas nécessairement s’en débarrasser .  L’irrationnel possède tout d’abord un rôle bénéfique grâce aux passions. Les passions sont définies comme étant le phénomènes passifs de l’âme, tous les états affectifs subis par l’âme du fait de son union avec le corps. Elles sont souvent associées à l’idée d’obsession, de déséquilibre et donc considérées comme nocives par les rationalistes. Cependant elles jouent un rôle bénéfique dans notre vie. Pour Descartes ce rôle consiste à « inciter l’âme à vouloir les choses que la nature dicte nous être utiles, et à persister dans notre volonté « (_Traité des passions de l’âme_). Cela signifie que les passions sont là pour nous maintenir en vie en permettant le monde d’avoir des effets sur nous. Cela nous permet notamment d’être averti des dangers, des choses nuisibles et de réagir face à eux. Par exemple la douleur nous avertit d’un danger et nous permet de réagir ensuite pour assurer notre survie. Les passions ont également un rôle bénéfique pour Hegel selon qui elles enrichissent notre vie, nous élèvent et nous permettent d’accéder à une réalité plus profonde , plus riche. En effet les passions sont à l’origine de nos émotions et viennent animer, ôter la monotonie de la vie des hommes. Sans elles celle-ci serait synonyme de nonchalance, d’ennui. Cependant il est vrai, comme Descartes le précise que « nous n’avons rien à éviter [des passions] que leurs excès «. Les passions sont donc bénéfiques à condition d’en faire bon usage, c’est-à dire en se servant de notre raison pour les modérer. L’irrationnel serait donc bénéfique à condition de ne pas aller dans l’excès, de connaître les limites à ne pas franchir.  L’irrationnel peut aussi être bénéfique à l’homme par l’apport des croyance. Certes le monde occidental est de plus en plus désacralisé mais les hommes continuent à penser et à se comporter, souvent à leur insu, de façon magique et superstitieuse. Mais partout dans le monde et à tous les niveaux sociaux on croit à l’envoûtement, à la divination, à la puissance des charmes et des talismans, à l’importance des tabous et des interdits, à la possibilité de se dédoubler, d’être invisible, de se métamorphoser … bref on croit à la magie, au surnaturel. Ces croyances souvent accompagnées de rites offrent à l’homme l’illusion de dominer des puissances obscures et de contraindre ces dernières dans le sens imposé par sa volonté. Cela permet à l’homme d’être rassurer et d’espérer face à l’inconnu. Par exemple, nombreux sont ceux qui croient en une vie après la mort. Cette croyance est due à une peur de l’avenir, de l’inconnu de ces hommes. L’irrationnel aurait donc également un rôle bénéfique pour l’homme en le rassurant, en lui ôtant ses peurs, ses doutes, c’est-à dire en l’apaisant.  En enrichissant notre vie et en nous avertissant du danger grâce aux passion, l’irrationnel joue un rôle majeur dans notre existence. De plus, il nous apporte une certaine confiance en soi, nous rassure, donc il nous améliore la vie au travers nos croyances ; et enfin il est dans une certaine mesure ce qui nous définit et nous permet d’être différent d’autrui. Tout comme la raison, l’irrationnel semble donc important puisque bénéfique à notre existence. Mais dans l’hypothèse où l’irrationnel ne nous serait en aucun cas bénéfique et qu’il serait voir même nocif, serait-il pour autant possible de s’en désintéresser ?  Même si nous le désirions, nous ne pourrions pas nous désintéresser, nous débarrasser de l’irrationnel.  En effet, l’irrationnel n’est-il pas une sorte de « pré-rationnel «, c’est à dire de rationnel en puissance ? D’un point de vue rationaliste l’irrationnel désigne en réalité tout ce que la science n’a pas encore démontré. L’irrationnel est donc quelque chose de provisoire, en attente de devenir rationnel. Ce sont les progrès de la science qui font tendre petit à petit l’irrationnel vers le rationnel. Par exemple, dans l’antiquité les hommes étaient effrayés par le tonnerre et pensaient que c’était un message de la colère des dieux. Le phénomène du tonnerre faisait donc partie de l’irrationnel puisqu’étant une croyance religieuse. Or, aujourd’hui la science à démontré qu’il s’agissait en fait d’un phénomène tout à fait normal, dû à l’expansion de l’air qui a été chauffé très rapidement au cours d’un orage. Ce phénomène a priori irrationnel est alors devenu rationnel . N’en est-il pas ainsi pour l ‘ensemble de nos croyances, de nos superstitions, de nos passions ? Celle-ci résultant en réalité de notre ignorance et étant irrationnelles ne vont-elles pas un jour devenir rationnelles grâce aux progrès de la science ? Se désintéresser de l’irrationnel reviendrait donc de ce point de vue à se désintéresser également d’une partie du rationnel. Nous ne pouvons donc pas nous en désintéresser, nous en débarrasser, tout du moins pas dans l’immédiat.  Mais toute notre ignorance, c’est-à dire l’ensemble de nos croyances, de nos passions, de nos superstitions, est-elle rationalisable ? Finalement l’irrationnel n’est-il pas un irréductible ? en effet il n’est pas certain que la raison soit capable de tout démontrer, de nous débarrasser entièrement de l’irrationnel. Il y aura toujours des choses, des phénomènes que celle-ci ne pourra expliqué et par conséquent il y aura toujours de l’indémontrable, une part d’irrationnel qui subsistera dans nos vies. Affirmer qu’il y a de l’indémontrable, c’est affirmer qu’il y a dans le réel des objets que l’on ne peut soumettre à la raison, c’est a dire de l’irrationnel. Il y aura toujours des objets dont on aura peut-être une intime conviction, mais dont on aura jamais de certitude. Ainsi la croyance en l’existence de Dieu ne sera probablement jamais une certitude. Nous ne pourrons jamais savoir si oui ou non Dieu existe. Descartes avait pourtant établi une démonstration de cette existence dans les Méditations Métaphysiques, démonstration qui fut ensuite réfutée par Kant dans la Critique de la raison pure. Ainsi on ne peut démontrer l’existence de Dieu. Certaines croyances ne sont donc pas rationalisables par la science et il paraît donc difficile de s’en débarrasser, donc de s’es désintéresser, d’autant plus si, comme nous l’avons dit précédemment celles-ci nous sont bénéfiques. Il semble donc difficile voir impossible de se désintéresser de l’irrationnel.  Nous avons donc vu qu’au premier abord, il semble falloir se désintéresser de l’irrationnel pour ne garder que ce qui a trait à la raison puisque celle-ci nous permet de trouver la vérité et que c’est elle qui est à l’origine de la démocratie et permet aux hommes de vivre en paix. Mais nous avons vu aussi que l’irrationnel possède aussi certain avantages car il nous apporte les passions et les croyances qui peuvent nous faciliter la vie et car il est en partie ce qui définit l’humanité. Enfin nous avons vu que même dans l’hypothèse où il faille se désintéresser de l’irrationnel, cela ne semble pas évident, peut-être même impossible puisque dans une certaine mesure l’irrationnel n’est qu’une sorte de « pré-rationnel « et que une partie de l’irrationnelle ne semble pas rationalisable et irréductible. En conséquence, la meilleure chose à faire pour soi même et les autres est de trouver un compromis entre rationnel et irrationnel. Il ne faut se désintéresser ni de l’un, ni de l’autre. Ils sont tous les deux bénéfiques, il suffit seulement de trouver le juste milieu.

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