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former d'autres, conformes à son bon état ; jugements que d'aucuns, par ignorance, qualifient de vrais, alors que, pour ma part, je prétends que les uns sont meilleurs que les autres, mais nullement plus vrais.

Publié le 22/10/2012

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former d'autres, conformes à son bon état ; jugements que d'aucuns, par ignorance, qualifient de vrais, alors que, pour ma part, je prétends que les uns sont meilleurs que les autres, mais nullement plus vrais. Quant aux savants, mon cher Socrate, loin d'aller les chercher chez les grenouilles, je les trouve chez les médecins quand il s'agit des corps, chez les cultivateurs quand il s'agit des plantes. Car même ces derniers, je le prétends, font que les plantes qui se sentent mal quand elles sont malades se sentent bien et en bonne santé, tout de même que je prétends que les orateurs, du moins lorsqu'ils sont savants et bons orateurs, font avoir aux cités au lieu de vues malsaines des vues saines de ce qui est juste. Car je soutiens que toutes les choses qui paraissent justes et belles à chaque cité, sont justes et belles pour elle aussi longtemps qu'elle les pense telles, mais que celui qui est savant fait être et paraître ce qui est bénéfique aux cités à la place de telle ou telle chose nocive pour elles. Par la même raison, le sophiste ainsi capable d'éduquer ses élèves est savant et digne d'être largement rétribué par ceux qu'il a éduqués. Et voilà comment il se fait tout à la fois qu'il y a des gens qui sont plus savants que d'autres et que personne ne juge faux ; quant à toi, Socrate, il te faut supporter d'être mesure, car en tout cela ma thèse se tire d'affaire. « Théétète, 1 66c- 1 67d 4. LE RELATIVISME SE RÉFUTE LUI-MÊME [SOCRATE-THÉODORE] — S. Pour nous mettre d'accord par la voie la plus courte, ne recourons pas à autrui, mais partons du discours de Protagoras lui-même. Il prétend, n'est-ce pas, que ce qui semble vrai à chacun est vrai pour lui, à qui cela semble tel ? — T. C'est bien ce qu'il dit. — S. Mais alors, Protagoras, nous aussi, nous disons ce qui semble vrai à un homme, ou plutôt à tous les hommes, quand nous disons qu'il n'en est aucun qui ne s'estime en certains domaines plus savant que les autres, en d'autres domaines moins savant que d'autres ; pas un, tout au moins dans les périls extrêmes, quand ils se déchaînent dans les guerres, les maladies, ou sur mer, qui ne considère comme des dieux ceux qui contrôlent chacune de ces situations ; s'il voit en eux ses sauveurs, c'est uniquement parce qu'ils sont supérieurs en savoir. A vrai dire, toutes les affaires humaines sont pleines de gens en quête de maîtres et de chefs, pour eux-mêmes, pour les autres animaux et pour leurs travaux, et pleines, d'autre part, de gens qui estiment qu'ils sont capables d'enseigner, capables de commander. Et en tout cela, que dire sinon que les hommes eux-mêmes pensent qu'il y a parmi eux science et ignorance ? — T. Rien d'autre. — S. Et ils pensent que la science, c'est la pensée vraie, et l'ignorance, l'opinion fausse ? — T. Bien sûr ! — S. En ce cas, Protagoras, que ferons-nous de ton discours ? dirons-nous que ce que les hommes pensent est toujours vrai, ou bien que c'est tantôt vrai, tantôt faux ? dans les deux cas, la conséquence c'est qu'ils ne jugent pas toujours vrai, mais également vrai et faux. Examine en effet, Théodore, si toi, ou l'un des disciples de Protagoras, vous êtes disposés à prétendre qu'il n'y a personne à regarder quelqu'un d'autre comme ignorant et jugeant faux. — T. On ne peut y croire, Socrate. — S. C'est pourtant la conséquence nécessaire de la thèse qui soutient que l'homme est la mesure de toutes les choses. — T. Comment cela ? — S. Lorsque après avoir formé un jugement dans ton esprit, tu m'exprimes une opinion sur quelque chose, admettons que, selon la thèse de Protagoras, pour toi cette opinion soit vraie ; mais faut-il admettre que nous, les autres, nous ne pouvons être juges de ton jugement, à moins de juger toujours que ton opinion est vraie ? n'y a-t-il pas plutôt des milliers d'opposants qui opposent leurs opinions aux tiennes et pensent que ton jugement et ta croyance sont faux ? — T. Par-dieu, si, Socrate, des myriades comme dit Homère, et qui me font tous les tracas du monde ! — S. Et alors ? Veux-tu que nous disions, que, dans ce cas, pour toi ton opinion est vraie et que pour des myriades de gens, elle est fausse ? — T. Cela paraît être une conséquence nécessaire de la thèse. — S. Et quelle est la conséquence pour Protagoras lui-même ? N'est-ce pas nécessairement celle-ci : à supposer que lui-même ne croie pas que l'homme est mesure, et que la plupart des gens ne le croient pas non plus, comme c'est précisément le cas, alors cette vérité qui est l'objet de son livre n'existe plus pour personne. D'autre part, s'il le croyait, alors que la plupart ne le croient pas avec lui, tu conçois qu'en premier lieu c'est plus faux que vrai dans l'exacte mesure où le nombre de ceux qui ne le croient pas excède le nombre de ceux qui le croient. — T. Nécessairement, dès lors du moins que c'est de l'opinion de chacun que dépend son existence ou sa non-existence. — S. En second lieu, voici le fin du fin : Protagoras, pour sa part, admettant comme il le fait que l'opinion de chacun est vraie, doit reconnaître la vérité de ce que croient ses opposants de sa propre croyance lorsqu'ils pensent qu'elle est fausse. — T. Assurément. — S. Ainsi il reconnaîtrait que sa propre opinion est fausse, s'il admet que l'opinion de ceux qui pensent qu'elle est fausse est vraie ? — T. Nécessairement. — S. Mais les autres de leur côté ne conviennent pas qu'eux-mêmes se trompent ? — T. C'est un fait. — S. Alors que Protagoras, conformément à ce qu'il a écrit, reconnaît une fois encore qu'une telle opinion est vraie. — T. Évidemment. — S. Ainsi tout le monde, à commencer par Protagoras, contestera, ou plutôt, c'est lui qui tombera d'accord en convenant que celui qui le contredit a une opinion vraie, car alors Protagoras lui-même conviendra que ni un chien, ni le premier homme venu n'est mesure, fût-ce d'une seule chose dont il n'aurait pas acquis la connaissance. N'est-il pas vrai ?

« 198 PLATON PAR LUI-MÊME -S.

Mais alors, Protagoras, nous aussi, nous disons ce qui semble vrai à un homme, ou plutôt à tous les hommes, quand nous disons qu'il n'en est aucun qui ne s'estime en certains domaines plus savant que les autres, en d'autres domaines moins savant que d'autres; pas un, tout au moins dans les périls extrêmes, quand ils se déchaînent dans les guerres, les maladies, ou sur mer, qui ne considère comme des dieux ceux qui contrôlent chacune de ces situations ; s'il voit en eux ses sauveurs, c'est uniquement parce qu'ils sont supérieurs en savoir.

A vrai dire, toutes les affaires humaines sont pleines de gens en quête de maîtres et de chefs, pour eux-mêmes, pour les autres animaux et pour leurs travaux, et pleines, d'autre part, de gens qui estiment qu'ils sont capables d'enseigner, capables de commander.

Et en tout cela, que dire sinon que les hommes eux-mêmes pensent qu'il y a parmi eux science et ignorance?- T.

Rien d'autre.

-S.

Et ils pensent que la science, c'est la pensée vraie, et l'ignorance, l'opinion fausse?- T.

Bien sûr! - S.

En ce cas, Protagoras, que ferons-nous de ton discours ? dirons-nous que ce que les hommes pensent est toujours vrai, ou bien que c'est tantôt vrai, tantôt faux? dans les deux cas, la conséquence c'est qu'ils ne jugent pas toujours vrai, mais également vrai et faux.

Examine en effet, Théodore, si toi, ou l'un des disci­ ples de Protagoras, vous êtes disposés à prétendre qu'il n'y a personne à regarder quelqu'un d'autre comme ignorant et jugeant faux.

- T.

On ne peut y croire, Socrate.

-S.

C'est pourtant la conséquence nécessaire de la thèse qui soutient que l'homme est la mesure de toutes les choses.

- T.

Comment cela? -S.

Lorsque après avoir formé un jugement dans ton esprit, tu m'exprimes une opinion sur quelque chose, admettons que, selon la thèse de Protagoras, pour toi cette opinion soit vraie; mais faut-il admettre que nous, les autres, nous ne pouvons être juges de ton jugement, à moins de juger toujours que ton opinion est vraie? n'y a-t-il pas plutôt des milliers d'opposants qui opposent leurs opinions aux tiennes et pensent. »

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