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Quelle est la part de l'ignorance dans nos désirs ?

Publié le 11/03/2009

Extrait du document

Analyse du sujet  

-          Le sage et prudent Ulysse passant au large des sirènes, demande à ses compagnons de l'attacher au mat du navire. Au sein de cet acte, nous pouvons déceler deux mouvements contradictoires : d'une part le désir lancinant d'entendre les sirènes est par trop incoercible pour qu'Ulysse y puisse résister, mais d'autre part, il se veut attaché au mat pour pouvoir ne pas y céder. Y céder, en effet, signifierait la perdition.

-          Remarquons qu'Ulysse ne s'estime pas assez fort pour résister de lui-même à ce charme. Il sait que sa volonté ne sera pas assez forte pour vaincre le désir. Aussi s'attache-t-il, non par des liens de sa volonté propre, mais par des attaches matérielles, de cors : il demande à d'autres de l'attacher.

-          Le désir est ce par quoi l'homme est ouvert à la dimension du possible et de l'imaginaire. Traçant des lignes de faille dans la plénitude du réel, il y introduit l'absence. Tout à tour destructeur et entreprenant, le désir met le monde en chantier. Mais en sommes-nous réellement les auteurs ? Ou pour le dire autrement est-ce que le sujet conscient est identique au créateur, au producteur de désir ? Cela supposerait qu'on désirerait presque par décision, par délibération. Ce qui, reconnaissons le, n'est pas le cas.

-          L'ascétisme figure l'idéal d'une humanité enfin délivrée du désir et nous rappelle que si l'homme est attaché à ses désirs comme à l'expression de sa vie même, il est tout aussi pressé de s'en débarrasser. Il apparaît dans cette perspective que le désir comme tendance nous emporte indépendamment de toute volonté, ou de toute décision rationnelle. En ce sens il apparaît comme un hors de la connaissance.

-          Mais, pour autant, peut-on légitimement affirmer qu'il est à attacher, à lier à la notion d'ignorance ? Ignorer c'est ne pas savoir. Mais l'ignorance n'est pas simple absence de connaissance, elle est privation : le non savoir de ce qu'on devrait savoir ; la pire ignorance étant, depuis Platon, celle qui s'ignore elle-même.

-          Il s'agit alors de penser philosophique la relation qui unit l'ignorance au désir, et réciproquement le désir à l'ignorance. Si donc le désir témoigner d'une tendance qui nous échappe, cela signifie-t-il par ailleurs qu'il soit proprement le fait de notre ignorance ? Et si tel était le cas, y a-t-il une possibilité de corriger cette ignorance sans mettre à mal le désir lui-même. C'est donc bien la nature du rapport qui unité le désir à l'ignorance qui est ici mise à la question : s'agit-il d'un lien intrinsèque, nécessaire, constitutif, consubstantiel au désir lui-même ? Ou pour le dire autrement, le désir se définit-il dans et par l'ignorance, et si oui, de quel ordre et de quelle nature est cette ignorance ? Ou bien, au contraire, ce lien qui semble unir désir et ignorance n'est-il que contingent, accidentel, effaçable ? Et dans cette perspective, par quel moyen peut-il être neutralisé ?

-          Il s'agit donc bien de s'interroger sur l'essence même du désir. A fortiori, c'est son statut qui est ici en jeu : il s'agira en effet voir si une dimension positive, du point de vue gnoséologique, est pensable.  

Problématique              

Le désir est-il exclut de toute positivité en tant qu'on le considère comme ignorance à la fois de soi-même comme sujet désirant et ignorance de l'objet désiré - et imaginé ? Le désir ne possède-t-il aucune valeur gnoséologique ? C'est donc bien le statut et la nature du désir qui sont ici mis à la question.

« est impérieuse mais passagère et capricieuse.

Le désir, au contraire, prend du temps pour s'enracine ; de plusil réfléchit pour atteindre son but.

On comprend alors en ce sens que le désir n'est pas antinomique avec toutenotion de maîtrise : il est maîtrise en ce sens qu'il contrôle lui-même, selon un rythme certes élevé, les moyensde parvenir à sa fin.

En tant qu'il vise un but précis, le désir est maîtrise, maîtrise interne qui certes peut faireperdre au sujet passionné la maîtrise de soi.

Le désir semble donc être auteur et maître de lui-même.

En tantqu'il vise un but précis, le désir est maîtrise, maîtrise interne qui peut faire perdre au sujet passionné la maîtrisede soi.On comprend alors que parce que le sujet qui désire est ignorant de lui-même, ignorant de ce qui estréellement la cause de son désir, que bien souvent, ou en tout cas de manière récurrente il y a ignorance del'objet désiré : l'objet est question est plutôt imaginé que connu.

Et cette ignorance dû à l'imagination,ignorance que l'on pourrait qualifier de connaissance inadéquate (puisque l'ignorance n'est telle qu'en tantqu'elle s'ignore elle-même – sinon elle serait simplement erreur).

La part d'ignorance dans le désir est donc toutautant relative au sujet désirant qu'à l'objet désiré.

Ainsi, lorsque nous éprouvons du désir pour une personne,nous lui attribuons souvent des qualités parfaitement imaginaires, si bien que l'amour semble inséparable del'imagination.

La présence de l'être aimé contribue en effet moins au développement de son désir que sonabsence.

L'imagination lui invente alors mille perfections : elle accomplit une étonnante opération decristallisation, selon l'expression de Stendhal (De l'amour).

C'est pour cette raison que l'on pourrait affirmeravec Pascal qu'on n'aime jamais quelqu'un que pour « ses qualités empruntées » (Pensées).

En ce sens il fautcomprendre qu'il y a une ignorance relative à l'objet du désir lui-même, ignorance qui se redouble d'uneignorance relative à la véritable source et cause du désir en nous. II- A quelles conditions puis-je neutraliser la part de cette ignorance ? Le désir, parce qu'il est représentation, dépend de nous, tandis que la fortune, les biens matériels ou la gloirene dépendent pas de nous.

Apprendre à vouloir ce que l'on peut, telle est la pédagogie du désir qui rendl'homme à lui-même et transforme ses désirs épars et affaiblis en une volonté unique et efficace.

Telle est laméthode prônée par les stoïciens . L'épicurisme, quant à lui, opère la distinction entre désirs naturels et désirs vains ou non naturels (peur de lamort qui conduit à la quête insensée de biens illusoires).

Accepter de jouir, jouir du présent, mais aussi savoirse contenter, tel est l'idéal d'une sagesse humaine à notre portée, la voie d'un bonheur possible fondé sur lapaix intérieure et l'harmonie avec soi-même.

« Il faut en juger chaque fois, en examinant et en comparantavantages et désavantages, car parfois nous traitons le bien comme le mal, parfois au contraire le mal commele bien.

» (Lettre à Ménécée, Epicure ). On comprend néanmoins dans les deux éthiques différentes qu'impliquent le stoïcisme et l'épicurisme qu'il y aune tentative de reprise en main de ses désirs, de re-possession de soi qui va de paire avec l'entreprise deconnaissance de soi.

Nous pouvons, à condition d'un travail réfléchi sur le désir brut – voire brutal – êtrepleinement conscients et connaissants mais aussi, et plus profondément encore, les maîtres de nos désirs.

Ilapparaît alors que la condition de possibilité pour neutraliser la part d'ignorance de ses désirs est encore des'en rendre l'auteur et le maître.Il semble donc, en mettant le désir à distance et en l'analysant, que l'on puisse se réapproprié son propre désiret, a fortiori s'en rendre maître.

C'est précisément ce à quoi sert, notamment la sagesse selon Descartes . « La sagesse est principalement utile en ce point qu'elle enseigne à s'en rendre tellement maître et à lesménager avec tant d'adresse, que les maux qu'elles causent sont fort supportables, et même qu'on en tire dela joie de tous » Traité de passions, art.

212.Spinoza voit dans le désir une puissance positive d'affirmation de soi.

Le désir est alors la source de toute évaluation, la mise en relief du monde à partir des valeurs qu'il produit.

Ainsi, c'est parce que nous désirons unechose que nous la jugeons bonne et non l'inverse – ce n'est pas parce qu'une chose est bonne que nous ladésirons (Ethique, III, proposition 9).

Le désir exprime ici l'essence de l'homme.

Il est donc pleinement l'auteur,voire le créateur, de ses désirs qui sont eux-mêmes donation de valeur.Le désir peut, dans cette perspective, être défini comme une forme : « Cette forme exprime seulement ceciqu'un sujet a placé tout l'intérêt vivant de son esprit, de son talent, de son caractère, de sa jouissance dansun seul contenu » ( Hegel , Précis de l'Encyclopédie des Sciences humaines, 3 e partie, 1 re section).

Cependant, vidée ainsi de toute détermination particulière, le désir hégélien, conçue comme tendance spirituelle d'uneconscience tout entière absorbée par sa fin, s'apparente de plus en plus à la « force de l'âme ».

N'y a-t-il pas,dès lors, un risque de confusion entre le désir et la vertu ? Volonté et désir impliquent l'un et l'autre uneconstance dans les desseins, une polarisation de la conscience sur un objet qui a été posé et valorisélibrement (l'amour du savant pour la vérité, celui de l'homme d'action pour la liberté ne sont-ils pas des désirsactif, volontaires ?).

Cependant, tandis que le choix volontaire suppose un équilibre relatif de nos tendances, lechoix passionnel traduit une rupture de cet équilibre.Même entretenue et favorisée comme un enfant chéri, le désir reste le signe de notre dépendance : quels quepuissent être sa vigueur et ses effets, il est toujours ignorance de soi-même, de son objet, de ses véritablesfins.Telle la colère ou la peur, le désir n'est-il donc qu'une sorte d'exaltation ou d'émotion délibérément entretenuet prolongé ? Il semble pourtant qu'il y ait une différence fondamentale entre l'émotion et le désir.

L'émotionest impérieuse mais passagère et capricieuse.

Le désir, au contraire, prend du temps pour s'enracine ; de plusil réfléchit pour atteindre son but.

On comprend alors en ce sens que le désir n'est pas antinomique avec toutenotion de maîtrise : il est maîtrise en ce sens qu'il contrôle lui-même, selon un rythme certes élevé, les moyensde parvenir à sa fin.

En tant qu'il vise un but précis, le désir est maîtrise, maîtrise interne qui certes peut faireperdre au sujet passionné la maîtrise de soi.

Le désir semble donc être auteur et maître de lui-même.. »

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