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France (histoire)

Publié le 11/04/2013

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histoire
1 PRÉSENTATION

France (histoire), histoire du territoire de la France métropolitaine, de la préhistoire à nos jours.

Un complément d’informations sur la France se trouve aux articles France (géographie), France (population et société) et France (économie).

2 DE LA PRÉHISTOIRE À L’ÂGE DU FER
2.1 Le paléolithique

Les plus anciens fossiles humains retrouvés sur le sol français sont la mandibule de Montmaurin (Haute-Garonne) et les restes de l’homme de Tautavel (Pyrénées-Orientales), datés de 400 000 à 500 000 ans, et qui pourraient correspondre à un type intermédiaire entre Homo erectus et Homo sapiens. Des vestiges archéologiques attestent néanmoins la présence d’êtres humains sur le territoire il y a plus de 1 million d’années.

Daté de 1,8 million d’années, le site de Chilhac, près de Brioude (Haute-Loire), a livré quelques pierres taillées par l’homme, mais leur position stratigraphique — et donc leur datation — est incertaine. Dans la grotte du Vallonnet, à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), un outillage rudimentaire de galets aménagés a été daté de 950 000 ans. Les premières traces d’habitat organisé ont été découvertes à Soleilhac, près du Puy (Haute-Loire), où des blocs de basalte et de granite délimitaient une surface d’occupation sur les rives d’un lac, il y a 800 000 ans.

L’acheuléen, industrie du paléolithique inférieur caractérisée par des bifaces, couvre une très longue période (700 000-100 000 ans). Il est présent dans pratiquement toutes les régions de France, les sites les plus célèbres étant Saint-Acheul (près d’Amiens, Somme) et Montmaurin (Haute-Garonne) où a été découverte une mandibule humaine sans doute contemporaine des restes humains de la caune de l’Arago (Tautavel, Pyrénées-Orientales), datés de 450 000 ans. La domestication du feu est attestée pour la première fois à Terra Amata (Nice, Alpes-Maritimes) et à Lunel-Viel (Hérault), sites qui ont livré les premiers foyers aménagés dans des cabanes. Dans les gisements de la grotte du Lazaret (Nice), de Fontechevade (Orgedeuil, Charentes) et de Biache-Saint-Vaast (Pas-de-Calais), des restes humains de type Homo erectus, associés à un outillage moustérien, généralement caractéristique de l’homme de Neandertal, ont également été mis au jour.

Apparu il y a environ 100 000 ans, l’homme de Neandertal (Homo neanderthalensis) a laissé des vestiges particulièrement bien conservés. Ce chasseur, bien adapté à son environnement, semble avoir été le premier à développer des rites funéraires. De nombreuses sépultures ont ainsi été découvertes dans le sud-ouest de la France : La Chapelle-aux-Saints (Corrèze), la Quina (Gardes-le-Pontaroux, Charente), La Ferrassie (Le Bugue, Dordogne). À cette époque, le territoire français pouvait être peuplé de 10 000 à 20 000 individus.

Au paléolithique supérieur, les Néandertaliens laissent la place à des « hommes modernes « (Homo sapiens), notamment l’homme de Cro-Magnon (Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil, en Dordogne) et l’homme de Chancelade (Dordogne). Venus du sud de l’Europe, ces chasseurs possèdent des caractéristiques physiques différentes : ils sont plus grands que leurs prédécesseurs, leur crâne est élevé, leur front redressé. Mieux équipés, ils introduisent de nouvelles techniques dans tous les domaines. Les principales cultures du paléolithique supérieur en France sont le châtelperronien (forme de transition), l’aurignacien, marqué par l’apparition de l’art, qui se développe pendant le gravettien et le solutréen et atteint son apogée au magdalénien avec les sites de Dordogne (Les Combarelles, Font-de-Gaume, Lascaux), de l’Ariège (Niaux), des Landes (Brassempouy), du Bassin parisien (Pincevent, Étiolles) et de l’Yonne (Arcy-sur-Cure). Voir aussi art paléolithique.

La population au magdalénien est évaluée à quelque 50 000 individus. Ces hommes tirent l’essentiel de leur subsistance de la chasse, notamment celle du renne. La fin de la période glaciaire, il y a environ 12 000 ans, et l’établissement progressif des conditions climatiques actuelles entraînent l’effondrement de cette civilisation fondée sur la chasse au gros gibier.

2.2 Le mésolithique et la « révolution néolithique «

Les hommes du mésolithique vivent de cueillette, de chasse au petit gibier et du ramassage de coquillages et de mollusques. Phase de transition entre une économie de prédation et une économie de production, cette période s’achève avec la « révolution néolithique « qui commence à atteindre la France vers le Ve millénaire sous l’influence de courants venus de la vallée du Danube et de la Méditerranée.

Le néolithique est considéré comme la période des débuts de l’agriculture : un climat plus clément ainsi que la diminution vraisemblable des ressources de la chasse et de la cueillette, amènent progressivement les populations à se fixer et à entreprendre la domestication d’espèces végétales et animales. Période des premiers défrichements, du développement de l’usage de la céramique et de la pierre polie, le néolithique est également marqué par un grand essor démographique dû à une meilleure alimentation. Les hommes du néolithique (5000-2000 av. J.-C.) ont laissé plusieurs milliers de monuments mégalithiques en France, témoins de leur religion centrée sur le culte des morts : les alignements de Carnac, le tumulus de Gavr’inis, les nombreux menhirs et dolmens de Bretagne, les monuments funéraires de la vallée de la Loire, du Bassin parisien et de Champagne, en sont les meilleurs exemples.

2.3 L’âge du bronze et l’âge du fer

Au cours de la protohistoire apparaissent les cultures plus élaborées de l’âge du bronze (v. 2000-750 av. J.-C.), puis de l’âge du fer (v. 750-50 av. J.-C.). La métallurgie, caractérisée à ses débuts par le travail du cuivre puis du bronze (alliage de cuivre et d’étain), évolue grâce à l’introduction du travail du fer, matériau plus facile à trouver mais aussi plus résistant. Ces techniques sont introduites par les peuples du Hallstatt, premiers Barbares venus de l’Est (Bavière, Haute-Autriche, Balkans) qui s’installent dans de nombreuses régions du territoire.

3 LA GAULE
3.1 La Gaule celtique

Les Celtes (bientôt appelés « Gaulois « par les Romains) s’affirment sur le territoire français comme le groupe dominant. Regroupés dans des villages fortifiés, ces agriculteurs-soldats vivent au sein de tribus organisées dans une société divisée en plusieurs classes (les nobles, c’est-à-dire les familles dominantes de la tribu ; les paysans libres ; les artisans ; les esclaves) et pratiquent la religion des druides, ou druidisme. Ils entrent en contact avec le monde méditerranéen à partir du viie siècle av. J.-C. Les Grecs de Phocée, qui explorent l’ouest de la Méditerranée, fondent une colonie à Marseille (600 av. J.-C.) et établissent des contacts commerciaux avec l’intérieur du pays par la vallée du Rhône. Au ve siècle av. J.-C., la culture de La Tène, caractérisée par ses bijoux finement travaillés, ses armes et sa poterie (voir trésor de Vix), se répand par l’est pour gagner l’ensemble du monde celtique. À la veille de la conquête romaine, aucune différence nette n’existe entre le monde « gaulois « et le monde « germanique «.

Voir aussi art celtique ; langues celtiques.

3.2 La Gaule romaine
3.2.1 Conquête et prospérité

Dès 124 av. J.-C., les Romains se lancent à la conquête de la Gaule — nom qu’ils donnent au territoire limité à l’ouest par l’océan Atlantique, au sud par les Pyrénées et la Méditerranée, au nord par la Manche et à l’est par les Alpes et le Rhin, dépassant les frontières actuelles de la France —, alors occupée par une centaine de peuples gaulois aux relations belliqueuses. Venus secourir les Grecs de Massalia (Marseille), ils occupent la colonie à partir de 121 av. J.-C., puis gagnent la vallée du Rhône. Ils fondent Narbonne, qui devient le centre de la province florissante de la Gaule Narbonnaise. Le général romain Jules César conquiert le reste de la Gaule entre 58 et 51 av. J.-C., mettant en déroute les armées gauloises de Vercingétorix. L’empereur Auguste réorganise la Gaule en 27 av. J.-C. et ajoute à la province initiale les provinces de Gaule belgique, Gaule lyonnaise et Aquitaine (à elles trois, elles forment la Gaule chevelue ou cisalpine). Il fait de Lugdunum (Lyon) le principal centre administratif de la contrée.

Après la consolidation de leurs conquêtes en Gaule, les Romains reportent leur attention sur la longue frontière du nord-est, menacée par les tribus germaniques. Rome veut conquérir les terres germaniques au-delà du Rhin et faire de la Colonia Agrippinensis (Cologne, en Allemagne) une base semblable à celle de Lyon. Mais après avoir été battus par les Germains en 9 apr. J.-C., les Romains se contentent de défendre la frontière du Rhin, limite avec le monde « barbare «, et renoncent à étendre leur empire jusqu’à l’Elbe. De nombreux Gaulois servent alors dans les légions de la frontière.

Les deux premiers siècles de l’occupation romaine sont une période de prospérité. De grandes villes sont créées, le pays est doté d’infrastructures — ponts, aqueducs (pont du Gard), réseau routier étendu — qui lui permettent de s’engager dans un commerce actif. De nombreux monuments publics sont construits sur le modèle gréco-romain : amphithéâtres de Nîmes et d’Arles, théâtres d’Orange, d’Autun ou de Lyon (voir art romain). Progressivement, les Gaulois prennent l’habitude d’assimiler leurs dieux avec les dieux romains et constituent un panthéon gallo-romain dans lequel Mercure, Mars, Hercule, Apollon et Vulcain, dotés de nouvelles attributions, sont particulièrement populaires (Voir aussi mythologie romaine).

3.2.2 La Gaule chrétienne

Le christianisme connaît des débuts difficiles en Gaule. Peu nombreux (6 évêques en 250 apr. J.-C., 12 en 300), les chrétiens subissent de violentes persécutions et donnent à leur communauté de nouveaux martyrs, comme Pothin, évêque de Lyon et premier évêque des Gaules, et Blandine, tous deux livrés aux animaux sauvages dans l’amphithéâtre de la ville avec 46 de leurs coreligionnaires (177 apr. J.-C.). Les persécutions cessent au ive siècle : l’édit de Milan (313) accorde la liberté de culte et, surtout, l’empereur Théodose fait du christianisme la religion d’État (381). Les premiers grands apôtres de la Gaule sont Denis, évêque de Paris au iiie siècle, et Hilaire, évêque de Poitiers au ive siècle. Les campagnes ne sont évangélisées qu’au siècle suivant par Martin, évêque de Tours. Dès le ve siècle, l’aristocratie gallo-romaine s’est convertie et l’on peut voir des membres des grandes familles sénatoriales occuper des fonctions épiscopales.

3.2.3 La fin de la pax romana

À partir du iiie siècle, les effets de la pax romana — paix romaine — se font moins sentir en Gaule. L’instabilité politique, la raréfaction des esclaves, la peste, l’inflation croissante et les problèmes économiques fragilisent le pays. Menaçant la loi et l’ordre de l’Empire, les incursions germaniques se multiplient sur le limes, le long de la frontière du Rhin. Un répit temporaire a lieu sous le règne de l’empereur Dioclétien, dont la réorganisation politique, militaire et fiscale (293) est lancée en partie depuis sa résidence impériale de Trèves, en Gaule belgique.

En 395, le partage de l’Empire romain en un empire d’Occident et un empire d’Orient déplace le centre de gravité vers l’est et la nouvelle capitale (Constantinople), au détriment des provinces occidentales, de plus en plus exposées à l’influence des Barbares. La Gaule, ruinée par une fiscalité croissante, entre dans une période de déclin ; sous le coup d’une administration totalement en déroute, les villes, fondement des civilisations de l’Antiquité, se vident au profit des campagnes où les populations vivent repliées au sein de vastes domaines.

3.3 Les invasions barbares
3.3.1 Les premières invasions

Au cours du ive siècle, de petits groupes de Germains se sont installés en Gaule. Conservant leur organisation politique, ils ont obtenu le statut de peuples fédérés : en échange de la possession de terres, ils doivent effectuer un service militaire dans l’armée romaine. En 406, ce mouvement s’accélère lorsque les Vandales, les Suèves et les Alains franchissent la frontière du Rhin, traversent la Gaule et envahissent l’Espagne. En 412, les Wisigoths pénètrent dans le sud de la Gaule par l’Italie. Jouissant rapidement du statut de fédérés, ils fondent un royaume en Aquitaine en 418. En 443, les Burgondes, conduits par Aetius, s’établissent en Savoie. De là, ils gagnent, sans rencontrer de résistance, les vallées de la Saône et du Rhône. Au nord-ouest, les Celtes venus d’Angleterre — qui a également été envahie par les tribus germaniques — s’établissent dans la région qui prend plus tard le nom de Bretagne. Les Germains ne s’installent cependant pas en vainqueurs, mais en alliés des Romains. En échange des terres qui leur ont été distribuées, ils s’unissent en 451 aux Gallo-Romains pour repousser, lors de la bataille des champs Catalauniques, une nouvelle horde d’envahisseurs d’origine turco-mongole, les Huns d’Attila.

3.3.2 L’établissement des Francs

À la fin du ve siècle, alors que l’autorité impériale romaine achève de s’effondrer — Romulus Augustule, le dernier empereur romain d’Occident est déposé par Odoacre, roi des Hérules, en 476 —, la Gaule est conquise par une autre tribu germanique, les Francs saliens. À la tête d’un royaume situé dans la région de Tournai, leur chef Clovis — après avoir successivement battu les Gallo-Romains de Syagrius en Gaule du Nord (bataille de Soissons, 486), les Alamans sur le Rhin (bataille de Tolbiac, v. 496) et les Wisigoths d’Alaric II près de Poitiers (bataille de Vouillé, 507) — se rend maître de presque toute la Gaule, à l’exception du Languedoc, du Roussillon et du royaume burgonde (future Bourgogne), que ses fils conquièrent en 534.

4 LE MOYEN ÂGE
4.1 Les Mérovingiens (481-751)
4.1.1 Clovis, roi des Francs

Clovis peut être considéré comme le véritable fondateur de la dynastie mérovingienne, qui doit son nom à son grand-père légendaire Mérovée (ou Merowig). Marié à une princesse burgonde chrétienne, Clotilde, Clovis se fait baptiser par Remi, l’évêque de Reims, à une date mal connue, comprise entre 496 et 506 (certains historiens la situent en 498). En adoptant le christianisme en faveur chez les Gallo-Romains plutôt que l’arianisme des Wisigoths, il parvient à renforcer son contrôle sur la Gaule et à faciliter l’assimilation entre Francs et Gallo-Romains.

Selon la coutume franque, toutes les possessions de Clovis, y compris le titre royal, sont divisées entre ses fils après sa mort (511). Le partage du royaume franc en trois royaumes — l’Austrasie, à l’est, la Neustrie au nord-ouest, la Bourgogne, au sud — est à l’origine de guerres civiles qui éclatent à partir du vie siècle.

4.1.2 De Dagobert à Charles Martel

S’il est un temps réunifié en 613 sous Clotaire II, puis en 632 sous Dagobert Ier, le royaume franc commence à décliner, livré à des rois faibles (les « Rois fainéants «), démembré au gré des successions et des dons effectués par les souverains en échange d’alliances. La réalité du pouvoir est en fait aux mains des maires du palais, officiers qui dirigent les propriétés du roi. Des luttes s’instaurent entre les différents maires du palais, qui ne sont pas sans rappeler les conflits entre les souverains eux-mêmes. À la fin du viie siècle, Pépin de Herstal, maire de palais originaire d’Austrasie, impose sa supériorité à ses rivaux, étendant avec succès son autorité sur les royaumes de Neustrie et de Bourgogne, tout en gardant les membres de la dynastie mérovingienne comme monarques en titre. Il a pour successeur son fils Charles Martel, qui repousse l’invasion musulmane des Sarrasins venus d’Espagne en 732, à la bataille de Poitiers. En 751, le fils et successeur de Charles Martel, Pépin le Bref, dépose Childéric III, le dernier souverain mérovingien et se fait élire roi des Francs.

4.2 Les Carolingiens (751-987)

Succédant aux Mérovingiens, les Carolingiens — qui doivent leur nom à leur représentant le plus célèbre, Charlemagne (Carolus Magnus) ou Charles Ier le Grand — se situent à une période charnière ; c’est sous leur dynastie que se mettent en place les structures féodales qui vont prévaloir à l’époque médiévale. En effet, l’avancée des Arabes dans le monde méditerranéen va entraîner la fin du grand commerce international, la raréfaction de la monnaie et enfin la prédominance absolue de la richesse foncière et de l’économie domaniale.

4.2.1 Pépin le Bref

La nouvelle dynastie est renforcée par l’alliance de Pépin le Bref avec la papauté, alliance scellée par le rite (alors inconnu de la royauté française) du sacre : en 751, Boniface, primat de Germanie, se rend en Gaule pour oindre Pépin le Bref et ses deux fils des saintes huiles, comme les prophètes l’ont fait pour les rois d’Israël. En échange de l’aide des Francs contre les Lombards, le pape Étienne II approuve la mainmise carolingienne sur le trône et renouvelle le sacre de Pépin en 754, à Saint-Denis. Le roi mène alors campagne en Italie pour défendre la papauté, en 754 et 756, et cède à Étienne II les terres qu’il a conquises sur la péninsule. Ces territoires deviennent les États pontificaux, gouvernés directement par le pape. Le royaume de Pépin le Bref est divisé à sa mort, en 768, entre ses fils Charles (le futur Charlemagne) et Carloman. Carloman meurt trois ans plus tard et Charlemagne reste le seul souverain des Francs pendant plus de quarante ans, jusqu’à sa mort en 814.

4.2.2 Charlemagne et la renaissance impériale

Les campagnes militaires occupent Charlemagne au cours des premières années de son règne. Comme son père, il combat en Italie, à la fois pour le compte du pape et pour le sien, soumettant le roi des Lombards, Didier, dont il prend le titre (774). Il fait la guerre en Espagne contre les Arabes et les Basques (bataille de Roncevaux, 778) et crée un territoire frontalier (une marche) dans l’actuelle Catalogne. À l’est, il lutte contre les Bavarois et les Avars, qu’il intègre dans son royaume. Pendant trente ans, il fait campagne contre les Saxons en Allemagne, les soumettant finalement à son contrôle et les forçant à se convertir au christianisme.

En 800, Charlemagne est couronné empereur d’Occident à Rome par le pape Léon III. Ce sacre lui vaut un prestige spirituel considérable et, à la fin du ixe siècle, le paganisme a disparu de ses possessions. Charlemagne installe sa principale résidence à Aix-la-Chapelle (Aachen, Allemagne) et s’attache à gérer au mieux son vaste royaume qui s’étend de l’Èbre à l’Elbe et de la mer du Nord à l’Adriatique. Il met sur pied un système administratif centralisé : le royaume est divisé en près de 250 pagus, gérés par des comtes dotés d’attributions financières, judiciaires et militaires. En parallèle, les évêques, nommés par le roi et considérés comme des « fonctionnaires «, sont des relais du pouvoir au sein du vaste réseau paroissial du royaume. Les missi dominici, évêques ou comtes envoyés en mission à travers le royaume, sont chargés de veiller au bon fonctionnement du système et à la loyauté des exécutants. Charlemagne mène une œuvre considérable en matière législative (publication d’ordonnances, les capitulaires), juridique (codification du droit) et financière (institution de la dîme).

Il rassemble également autour de lui les plus grands savants de son temps, parmi lesquels Alcuin et Paul Diacre, et favorise les lettres en encourageant la diffusion des textes de l’Antiquité patiemment recopiés dans les monastères ou en introduisant une réforme de l’écriture (l’« écriture caroline «). Il s’attache également les services du chroniqueur Eginhard, chargé de consigner les grands moments de son règne (voir Vie de Charlemagne). Pourtant, il échoue dans sa tentative de faire renaître l’Empire romain d’Occident. S’il s’est assuré de la fidélité de la plupart des riches propriétaires fonciers par l’engagement vassalique, ceux-ci ne tardent pas à s’émanciper et à renforcer leur propre pouvoir, profitant du désordre provoqué par les invasions normandes.

4.2.3 Le déclin de la dynastie

Unique héritier que Charlemagne a lui-même couronné empereur en 813, Louis Ier le Pieux cherche à mettre de l’ordre dans sa succession en décrétant en 817 que son fils aîné, Lothaire, héritera de l’Empire et que ses deux plus jeunes fils détiendront des royaumes subordonnés à l’intérieur de l’Empire : pour Pépin, l’Aquitaine et pour Louis, la Bavière. Mais l’empereur a de son second mariage un quatrième fils, Charles, que sa mère Judith de Bavière est déterminée à voir bénéficier de l’héritage royal.

Louis Ier le Pieux meurt en 840 et ses fils ne tardent pas à se déchirer. Pépin mort en 838, Louis s’allie à Charles contre Lothaire, qui est battu en 841. Le traité de Verdun (843) met fin à leur conflit et partage l’Empire en trois parties : Lothaire Ier conserve la dignité impériale et obtient la partie médiane, qui s’étend de la Hollande jusqu’à Rome (Rhénanie, Bourgogne, Provence, Italie centrale) ; Louis II dit le Germanique reçoit la partie orientale, comprise entre le Rhin et l’Elbe, de la Saxe à la Bavière ; et Charles II dit le Chauve, la partie occidentale, limitée à l’est par la Meuse, la Saône et le Rhône. C’est à cette époque que commencent à se dessiner les premiers traits d’une nation française. Les sujets de Charles le Chauve parlent le roman, dérivé du latin, tandis que ceux de Louis le Germanique s’expriment en tudesque (ancêtre de la langue allemande). Le territoire de Charles préfigure la France moderne, celui de Louis l’Allemagne moderne et celui de Lothaire, les territoires si souvent disputés entre les deux pays.

4.2.4 Les invasions vikings

Dès avant 800, des Vikings venus de Scandinavie ont commencé à attaquer les régions côtières du royaume carolingien. Cependant, l’impact réel de ces expéditions ne se fait réellement sentir qu’à partir du règne de Louis Ier le Pieux. La désunion de ses fils favorise les invasions des Vikings (850-911), des Sarrasins (à partir de 838) et des Hongrois au xe siècle.

Les ports de mer, les villes et les monastères situés près des voies navigables sont les premières victimes de ces hommes venus du Nord, les Normands. Rouen et Paris sur la Seine, Nantes, Tours, Blois et Orléans sur la Loire, Bordeaux sur la Garonne, et bien d’autres villes sont pillées par les Vikings, tout comme les abbayes de Saint-Denis, Saint-Philibert, Saint-Martin et Saint-Benoît. Impuissant face à ces menaces, le pouvoir royal carolingien est contraint d’encourager la féodalité à des fins défensives, et l’aristocratie fait de nouveaux progrès. Robert le Fort, seigneur de la vallée de la Seine, est l’un des seuls à s’opposer avec succès aux envahisseurs.

En 888, la couronne du royaume franc est offerte au fils de Robert le Fort, le comte Eudes, défenseur de Paris contre les Normands. Les réformes aristocratiques de la renaissance carolingienne ont contribué à creuser davantage le fossé entre l’élite ecclésiastique et le reste de la population. À la fin du xe siècle, le pouvoir réel est tombé aux mains des châtelains — seigneurs qui, avec l’aide de chevaliers, contrôlent un château et ses environs immédiats —, et le royaume est devenu une mosaïque de plus de trois cents comtés quasi indépendants.

Les Vikings installent des bases pour leurs opérations à l’embouchure des fleuves, puis cherchent finalement à les transformer en colonies permanentes. En 911, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, Rollon, un puissant chef viking, obtient du roi franc Charles III le Simple la main de sa fille Gisèle et le territoire de la basse vallée de la Seine qui devient la Normandie ; il jure fidélité au roi pour les terres reçues et se convertit au christianisme.

4.3 Les Capétiens (987-1328)
4.3.1 Hugues Ier Capet

À la mort de Louis V le Fainéant en 987, les grands seigneurs, sur les conseils de l’archevêque de Reims, se tournent vers Hugues Capet, comte de Paris, petit-fils de Robert le Fort et fils d’Eudes. Hugues Capet est choisi par ses pairs et élu roi, justement parce qu’il n’est pas assez puissant pour étendre son contrôle sur l’ensemble des principautés. Suzerain plus que souverain — son domaine ne dépasse guère l’Île-de-France —, il obtient d’ailleurs son élection en cédant bon nombre de ses fiefs à ses électeurs.

Hugues Capet réussit à faire couronner rapidement son fils aîné, Robert. Grâce à cette pratique, rendue coutumière par ses successeurs, il dote la monarchie française d’une assise que n’ont jamais eue les prestigieux empereurs allemands du Moyen Âge : le royaume a désormais un héritier, ce qui le préserve des divisions antérieures. Robert II le Pieux, devenu roi en 996, fait de même avec son fils, Henri Ier, roi à son tour en 1031. Les Capétiens se transmettent ainsi la couronne en ligne directe pendant plus de trois siècles, de 987 à 1328.

4.3.2 Les premiers Capétiens et l’expansion du royaume

Dans l’impossibilité d’unifier un royaume divisé en grandes principautés (Normandie, Flandre, Anjou, Aquitaine, Bourgogne, Catalogne), les premiers Capétiens s’attachent avant tout à asseoir leur pouvoir dynastique ; au début du xie siècle, des seigneurs vassaux du roi — comme Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, ou Hugues le Grand, abbé de Cluny et représentant d’un monarchisme en plein épanouissement — sont beaucoup plus puissants que le roi Philippe Ier, mais la dynastie, servie par une période de croissance économique et soutenue par l’Église, s’affermit néanmoins progressivement. Le successeur de Philippe Ier, Louis VI le Gros, consolide définitivement le pouvoir royal en Île-de-France. Depuis Paris, il règne sur un territoire d’environ 160 km du nord au sud et 80 km d’est en ouest. S’appuyant sur la population et l’Église, il y supprime toute opposition féodale au gouvernement royal, se chargeant de rendre la justice, fonction essentielle des rois de France à l’époque médiévale. Il confie l’éducation de son fils, le futur Louis VII, à l’abbé de Saint-Denis Suger et, en 1137, lui fait épouser Aliénor, héritière du duché d’Aquitaine.

Les possessions d’Aliénor sont beaucoup plus vastes que celles du roi et, par son mariage, Louis VII prend le contrôle de territoires étendus entre la Loire et les Pyrénées. C’est sous son règne que paraissent les premières ordonnances royales, témoignages de la mise en place d’une administration embryonnaire dans le royaume. Répudiée par le roi en 1152, Aliénor épouse bientôt Henri Plantagenêt, comte d’Anjou et duc de Normandie qui, en 1154, devient roi d’Angleterre sous le nom d’Henri II. Par cette alliance, l’Aquitaine passe de la Couronne française à la Couronne anglaise et les terres contrôlées en France par Henri II se trouvent être beaucoup plus étendues que celles de son suzerain, Louis VII.

4.3.3 L’organisation de la société du xie au xiiie siècle

L’organisation de la société au Moyen Âge repose sur des structures hiérarchisées et figées qui vont, d’une certaine manière, perdurer jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Le système féodal répartit les hommes en trois ordres, assurant à chacun des fonctions précises : les oratores, c’est-à-dire « ceux qui prient « ; les bellatores ou chevaliers, « ceux qui combattent « ; les laboratores, « ceux qui travaillent « et font vivre les deux premiers groupes.

4.3.3.1 Le système seigneurial

Aux débuts de la dynastie capétienne, le royaume ressemble à une mosaïque de principautés de taille et de puissance diverses, vivant de façon relativement autarcique. Les invasions barbares et l’interruption des grands axes commerciaux ont incité les hommes à se regrouper et à se replier au sein de principautés dont le seigneur peut assurer la défense. Une agriculture encore archaïque rend les disettes fréquentes et l’existence précaire ; des conditions climatiques particulièrement défavorables au début du xie siècle provoquent également de terribles famines.

Les relations entre les seigneurs, possesseurs de la terre et détenteurs du ban (pouvoir de commandement), et les paysans reposent sur un certain nombre de droits et de devoirs mutuels (voir système seigneurial). Si des différences de ressources et de statut existent entre les paysans (libres et non libres, voir serfs), tous sont soumis au paiement de redevances au seigneur et à une existence précaire, caractérisée par la faiblesse des rendements agricoles. Pourtant, à partir du milieu du xie siècle, un nouveau mouvement anime les campagnes : plus nombreux, les hommes entreprennent des défrichements qui permettent l’augmentation des domaines cultivables et donc contribuent à améliorer leur niveau de vie. Dans le même temps, les progrès de l’outillage (charrue, attelage, moulin à vent) permettent d’obtenir de meilleurs rendements et, dans certains cas, de réduire la durée et l’étendue des jachères.

4.3.3.2 Villes et campagnes

Après la ruine des cités gallo-romaines, consécutive aux Grandes Invasions, les seules villes importantes sont celles qui accueillent un évêché ou un château. Longtemps mises en sommeil, les activités commerciales connaissent pourtant, grâce à la paix, un nouvel essor à partir du milieu du xie siècle. Les marchands n’hésitent plus à prendre la route, utilisant des attelages plus perfectionnés, et à se rendre de ville en ville. Souvent organisés au sein de guildes, associations destinées à défendre leurs intérêts, ils prennent l’habitude de se rendre aux foires qui se tiennent à date fixe dans des villes. Les foires de Champagne sont parmi les plus célèbres : situées à la croisée des chemins entre les Flandres et l’Italie, régions d’origine de nombreux marchands, elles se succèdent, sous la protection du comte de Champagne puis du roi de France, dans quatre villes (Bar-sur-Aube, Provins, Lagny, Troyes) et durent ainsi toute l’année. Le développement des villes est encouragé par cette renaissance du commerce ; des artisans viennent s’installer dans les faubourgs, mais aussi des paysans. De nouvelles villes sont créées et se voient de plus en plus souvent octroyer des chartes de franchise qui leur accordent certains droits comme celui de s’administrer sous la direction d’un maire (voir commune, histoire des campagnes, histoire des villes).

4.3.3.3 La chevalerie

Au sommet de la pyramide sociale, les chevaliers constituent une caste militaire à part. Rassemblant principalement les seigneurs, ceux qui peuvent acheter le coûteux équipement nécessaire (cheval, armure, etc.), la chevalerie est également hiérarchisée en fonction du rang de ses membres (ducs, comtes, simples seigneurs) et des serments qui les unissent (voir adoubement ; féodalité). Les chevaliers constituent une aristocratie, c’est-à-dire une minorité qui se distingue par sa naissance et par sa fortune, qui va tendre à se fermer aux autres hommes et former la noblesse. Avant tout occupés à la guerre, à la chasse et aux tournois, les chevaliers vivent dans leurs châteaux fortifiés, où ils entretiennent une cour. Leurs exploits guerriers et leur code de conduite ont inspiré toute une tradition littéraire, incarnée dans les romans courtois et les chansons de geste.

4.3.3.4 L’Église et les croisades

Les gens d’Église sont également intégrés dans le système féodal, qu’ils soient vassaux d’un seigneur ou seigneurs eux-mêmes. Le clergé se trouve sous la dépendance des laïcs, rois ou seigneurs, qui choisissent et nomment les évêques, les abbés ou les curés, contrairement à ce qui a été prévu par les lois de l’Église. Cette situation fait naître un certain nombre de conflits entre la papauté et les souverains, conflits qui culminent dans la querelle des Investitures aux xie et xiie siècles. Un sursaut réformateur se produit dans ce contexte de relâchement des mœurs (beaucoup d’hommes d’Église vivant en effet comme des laïcs ne sont pas en mesure de respecter les règles canoniques) : l’abbaye bénédictine de Cluny, fondée en 910, insuffle à la vie monastique un renouveau qui, jugé parfois insuffisant, débouche sur la constitution de communautés plus ascétiques (cisterciens, chartreux), puis voit triompher au xiiie siècle les ordres mendiants.

Le rôle du clergé dans la société se précise : l’Église, qui contrôle la vie de chaque chrétien du baptême à la mort, essaie de limiter la violence des mœurs féodales : la « paix de Dieu « défend aux chevaliers de s’attaquer aux personnes sans défense et la « trêve de Dieu « interdit les combats à certains moments de la semaine. Les croisades, lancées en 1095 au concile de Clermont par le pape Urbain II, répondent notamment à l’objectif de canaliser cette violence en mettant les chevaliers au service du Christ.

4.3.3.5 La vie intellectuelle et artistique

Au Moyen Âge, le monopole de l’enseignement est détenu par l’Église. Effectuées dans des abbayes ou des écoles épiscopales, destinées à la formation des clercs, les études sont essentiellement consacrées à la théologie. Un tournant s’effectue pourtant à partir du xiie siècle. D’une part, l’Occident redécouvre les auteurs de l’Antiquité à travers la traduction et la copie de manuscrits retrouvés dans les grandes villes musulmanes et, d’autre part, certains professeurs, à l’image de Pierre Abélard, aspirent à un renouvellement des méthodes d’enseignement. L’essor des études amène les maîtres et les étudiants, de plus en plus nombreux, à s’unir au sein de corporations, les universités, protégées par le pape et jouissant de nombreux privilèges. Au xiiie siècle, Paris est devenue un centre international du savoir ; les plus grands esprits de l’époque viennent y enseigner (Thomas d’Aquin, Bonaventure, maître Eckhart) et la fondation, par le chanoine Robert de Sorbon, sous le patronage de Louis IX, de la future Sorbonne (1257), collège destiné à accueillir les étudiants les moins fortunés, permet de faire accéder au savoir une nouvelle couche de la population. La royauté va bientôt pouvoir puiser parmi ces anciens étudiants un personnel compétent, utile pour le renforcement de son assise.

L’art médiéval en Occident est surtout un art religieux. Si les architectes du Moyen Âge construisent quantité de bâtiments militaires (châteaux forts, etc.) et civils (beffrois, halles, etc.), ils s’illustrent essentiellement dans l’édification de monuments religieux. Il s’agit alors de remplacer ou de restaurer les églises détruites par les Sarrasins et les Normands, de doter les nouvelles agglomérations de lieux de culte, d’accompagner l’essor monastique de bâtiments appropriés. La France des xiie et xiiie siècles voit se construire de remarquables édifices de style roman. Le « temps des cathédrales « voit ensuite le triomphe du style gothique.

Voir aussi art gothique et art roman, mais également cathédrale de Chartres, cathédrale Notre-Dame de Paris et cathédrale de Reims.

4.3.4 Le plus grand royaume de la chrétienté (1180-1328)
4.3.4.1 De Philippe II Auguste à Louis VIII le Lion

Fils de Louis VII, Philippe II Auguste, qui monte sur le trône en 1180, fait accomplir à la monarchie capétienne des progrès décisifs. Cherchant d’abord à agrandir le domaine royal, il profite habilement des luttes qui divisent les Plantagenêt pour faire reculer les Anglais sur le sol français. Il soutient ainsi Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre contre leur père, le roi Henri II d’Angleterre. Il prend ensuite prétexte du mariage de Jean sans Terre avec une princesse déjà fiancée à l’un de ses vassaux pour le déclarer félon (1202) et se saisir de tous ses fiefs français : l’Anjou, la Normandie, le Poitou, la Touraine et la Saintonge. Par son premier mariage avec Isabelle de Hainaut, Philippe Auguste a reçu l’Artois ; il prend ensuite possession, aux dépens des seigneurs, de nouveaux territoires dans le nord de la France (Boulonnais, Vermandois, Valois), réussit à imposer le contrôle royal sur le Vexin et fait reconnaître sa suzeraineté en Bretagne. S’attaquant à l’indépendance des comtes de Flandre, il réunit contre lui une coalition groupant l’Angleterre, Ferdinand de Portugal, comte de Flandre, et l’empereur germanique Othon IV de Brunswick. En 1214, il assure ses conquêtes en vainquant les armées coalisées de l’Angleterre et du Saint Empire à la bataille de Bouvines — cette importante victoire est le premier témoignage d’un sentiment national en France et l’expression de la suprématie du souverain sur ses vassaux insurgés.

La mise en place d’une administration, dotée d’un personnel compétent (baillis, sénéchaux) permettant au roi de lever des impôts et de rendre la justice dans un royaume considérablement agrandi, contribue à asseoir l’autorité royale. Des travaux d’assainissement et d’embellissement sont entrepris dans la capitale Paris, dotée d’une nouvelle enceinte et d’un château fort, le Louvre, où réside le roi. Contre ses grands vassaux, la monarchie se fait l’alliée du mouvement communal né du renouveau commercial et économique, qui voit notamment s’amorcer l’essor d’une bourgeoisie urbaine.

Une possibilité d’intervention dans le Sud occitan est fournie par la croisade lancée par Innocent III contre les albigeois en 1209. Les chevaliers, auxquels sont promises les terres prises aux « hérétiques «, se précipitent pour y participer sous le commandement du comte Simon IV de Montfort, qui met la région à feu et à sang. La politique centralisatrice de Philippe Auguste explique en partie l’adhésion massive du Midi à la doctrine albigeoise, qui ne combat pas seulement pour des raisons théologiques, mais aussi pour maintenir son indépendance. Philippe Auguste est alors trop occupé contre les Anglais pour se joindre à la première phase de la croisade contre les albigeois, mais son fils, Louis VIII, organise une campagne militaire couronnée de succès. Après la prise de contrôle du comté de Toulouse, le domaine royal s’étend vers le sud jusqu’aux rives de la Méditerranée.

4.3.4.2 Saint Louis et Philippe III le Hardi

Louis IX (Saint Louis) monte sur le trône en 1226. Il n’est alors âgé que de 12 ans et sa mère Blanche de Castille assure la régence. D’une extrême piété, il s’attache à multiplier les institutions caritatives, à lutter fermement contre les hérésies mais aussi à rendre la justice plus équitablement. La mémoire collective a d’ailleurs retenu l’image du roi assis sous un chêne, rendant personnellement la justice. Louis IX parvient à s’assurer la loyauté des dernières provinces intégrées dans le royaume. Il lutte contre la corruption et les abus d’autorité en dépêchant des enquêteurs pour observer les méthodes d’administration des fonctionnaires royaux et pour enregistrer les plaintes de ses sujets. Sous son règne, le gouvernement royal se perfectionne et se spécialise : un parlement s’occupe désormais des affaires judiciaires et un Conseil du roi aide au gouvernement du royaume.

La politique extérieure de Louis IX est aussi marquée par un souci de paix et de justice : le roi restitue à Henri III Plantagenêt toutes les conquêtes dont la légitimité lui semble douteuse (Limousin, Périgord, Guyenne), en échange de la confirmation de sa souveraineté sur les autres territoires, mettant fin au conflit franco-anglais par le traité de Paris (1259).

Profondément religieux, bénéficiant d’un grand prestige spirituel, Louis IX désire couronner son règne par une croisade. En 1247, il confie la régence à sa mère et part pour la Terre sainte. D’abord fait prisonnier en Égypte, puis libéré, il se rend en Syrie pour y superviser le renforcement des fortifications chrétiennes. En 1270, il part pour une nouvelle croisade (la huitième), qui se solde par un désastre : avec bon nombre de ses soldats, il est victime de la peste et meurt lors du siège de Tunis. Aimé et respecté, Louis IX, auquel on attribue des miracles, est canonisé par le pape Boniface VIII en 1297.

Son fils Philippe III le Hardi est le cinquième roi de France à entreprendre une croisade, destinée cette fois à combattre les musulmans en Espagne. Il est aussi le troisième roi qui y perd la vie. Mais il a auparavant arrangé le mariage de son fils avec Jeanne Ire de Navarre, héritière du royaume de Navarre et du comté de Champagne, augmentant encore les possessions de la couronne.

4.3.4.3 Philippe IV le Bel

Roi de 1285 à 1314, Philippe IV le Bel renforce considérablement l’autorité royale. Conseillé par des légistes comme Guillaume de Nogaret, Enguerrand de Marigny et Pierre Flote, il entreprend de s’attaquer aux avantages des provinces et aux divers privilèges considérés comme autant d’entraves à son pouvoir. L’administration est complétée de manière efficace par la création d’une Cour des comptes, destinée à suivre de près l’état des finances publiques. Désireux de consacrer d’une manière solennelle l’unité de la nation autour de lui, Philippe le Bel convoque pour la première fois les états généraux (1302). Une conception nouvelle de l’État, dans laquelle le roi n’est plus le premier des seigneurs mais la représentation vivante de la loi (Lex Rex), voit progressivement le jour. Elle se manifeste de façon éclatante dans le conflit qui l’oppose à la papauté : les relations s’enveniment à tel point entre Boniface VIII et Philippe le Bel, opposé à l’ingérence pontificale dans les affaires du royaume, qu’après l’« attentat d’Anagni « contre le pape (1303), le roi de France fait élire pape un évêque français, Clément V, qui finit par s’installer à Avignon au lieu de Rome (1309). La doctrine de l’indépendance politique des souverains (ou gallicanisme) a triomphé et l’affrontement souligne bien le glissement d’une France universaliste, incarnation de la chrétienté (comme elle l’a été du temps de Saint Louis), vers une France « nationale « désireuse d’accroître son hégémonie au détriment de celle de l’Empire chrétien.

Après avoir annexé la Franche-Comté, Lyon et une partie de la Lorraine, Philippe le Bel cherche à prendre le contrôle de la Flandre. Cette intervention très coûteuse se solde par un semi-échec : battu par les milices flamandes à Courtrai (1302), le roi prend cependant sa revanche à Mons-en-Pévèle (1304) et peut annexer une grande partie de la Flandre wallonne avec Lille, Douai et Béthune.

L’ensemble de ce règne est également marqué par de graves difficultés financières : Philippe le Bel ne cesse de lever des impôts, tente d’en créer d’autres et, pour apaiser une opinion mécontente, finit par s’en prendre aux banquiers (les Lombards) et aux prêteurs (les juifs) qui sont expulsés du royaume. Pour les mêmes raisons, il s’attaque au riche et puissant ordre des Templiers, dont les membres sont accusés d’hérésie, torturés et pour la plupart brûlés vifs. En 1312, après la dissolution de l’ordre par le pape Clément V, le roi, qui dès lors n’a plus à rembourser les dettes contractées auprès des Templiers, peut se saisir de tous leurs biens. La situation financière du royaume n’en demeure pas moins très précaire.

4.3.4.4 Le tournant du xive siècle et la difficile succession royale

Le règne de Philippe IV le Bel s’achève dans un contexte de crise généralisée. Cette crise provient d’abord du déséquilibre entre la croissance de la population et la stagnation, voire la raréfaction des ressources alimentaires. Le xive siècle est en effet marqué par l’arrêt des défrichements : il est devenu impossible d’accroître davantage les surfaces cultivables au détriment des forêts, qui fournissent bois et gibier, ou des landes, terrains de pâture. Dans le même temps, les campagnes perdent des habitants au profit des villes, ce qui entraîne une diminution de la main-d’œuvre et un appauvrissement des seigneurs, amenés à verser des salaires toujours plus élevés à leurs paysans pour les retenir.

Parallèlement, le développement du trafic maritime vénitien et génois porte un coup d’arrêt aux foires de Champagne, et la monnaie connaît une grande instabilité. Aux disettes des siècles précédents s’ajoutent des famines répétées qui touchent des régions entières, comme le Nord en 1315-1317, puis des épidémies, dont celle de la Peste noire qui frappe, à partir de 1347, des populations affaiblies. La période est traversée de troubles sociaux : des soulèvements se produisent régulièrement contre la levée de nouveaux impôts, contre les fonctionnaires royaux chargés de les percevoir, contre les juifs ou les étrangers.

Ce déclin s’accompagne d’une rupture dans la ligne de succession : les fils de Philippe IV, Louis X le Hutin (1314-1316), Philippe V le Long (1317-1322) et Charles IV le Bel (1322-1328), meurent sans héritiers mâles — à l’exception de Louis X dont le fils ne règne que cinq jours de 1316 sous le nom de Jean Ier le Posthume. À sa mort s’instaure la coutume, entérinée par les états généraux, d’écarter les femmes de la succession au trône (voir loi salique).

La branche des Capétiens directs s’éteint ainsi avec Charles IV et la couronne passe au neveu de Philippe le Bel, Philippe VI de Valois.

4.4 Les Valois (1328-1498)
4.4.1 Les premiers Valois (1328-1422)

Les règnes de Philippe VI (1328-1350) et de ses premiers successeurs — Jean II le Bon (1350-1364), Charles V le Sage (1364-1380), Charles VI le Bien-Aimé (1380-1422) et Charles VII (1422-1461) — sont marqués par un long conflit avec les rois d’Angleterre.

Opposé à Philippe VI pour le contrôle de la Flandre et au sujet des droits de l’Angleterre sur l’Aquitaine, Édouard III, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, revendique en 1337 la Couronne de France ; ainsi débute la guerre de Cent Ans.

4.4.2 La guerre de Cent Ans (1337-1445)
4.4.2.1 Une succession de désastres

Les deux royaumes qui se font face ne possèdent pas les mêmes atouts. La France, forte de 12 millions d’habitants contre 3 millions en Angleterre, est a priori plus puissante. Mais les Anglais disposent d’une excellente armée, entraînée et bien équipée, et du soutien des Flamands qui ont reconnu Édouard III comme roi de France et leur apportent une aide matérielle importante. La flotte anglo-flamande peut ainsi anéantir dès 1340 la flotte française lors de la bataille de l’Écluse, en Flandre. Les Anglais attaquent ensuite le nord de la France sans rencontrer de résistance. La première grande bataille terrestre a lieu en 1346 près de la côte de la Manche, à Crécy. C’est une victoire indiscutable pour les Anglais, qui prennent Calais à l’issue d’un siège de deux ans. Après une période de trêve, la guerre reprend en 1355 : l’armée commandée par Édouard, le Prince Noir écrase les troupes de Jean II le Bon à la bataille de Poitiers (1356) et le roi est fait prisonnier.

C’est dans ce contexte que la première épidémie de Peste noire atteint la France. Arrivée en 1347 à Marseille et s’étendant très vite, elle tue plus d’un tiers de la population en deux ans, et revient régulièrement par la suite (1361, 1362, 1369, 1372, 1382, 1388, 1398). La guerre a complètement désorganisé une économie déjà déprimée sur laquelle elle pèse de plus en plus lourd, d’autant plus que le roi Jean n’a pu être libéré qu’en échange du versement d’une forte rançon. Les campagnes, régulièrement dévastées par des bandes de mercenaires français et anglais qui cherchent des moyens de subsistance entre les batailles, subissent des soulèvements répétés et parfois importants (notamment la jacquerie de 1358). Ces mouvements, à l’image de l’insurrection dirigée à Paris par le prévôt des marchands Étienne Marcel (1358), n’épargnent pas les villes ; tous sont sévèrement réprimés par le dauphin, le futur Charles V, qui assure la régence pendant la captivité de son père.

Conclu en 1360, le traité de Brétigny met un terme à la première phase de la guerre : Édouard III d’Angleterre renonce à la couronne de France mais possède désormais le quart sud-ouest du royaume, en plus de la ville de Calais.

4.4.2.2 Un redressement de courte durée

Monarque prudent et économe, Charles V, roi de 1364 à 1380, entreprend d’assainir la situation du royaume : il utilise la gabelle (impôt sur le sel) pour entretenir une armée de mercenaires plus efficace. Du Guesclin lui offre de précieux services en réussissant à éliminer les Grandes Compagnies, bandes de soldats sans emplois vivant du pillage des campagnes. Surtout, il remporte une série de batailles de faible envergure grâce auxquelles il peut grignoter les positions anglaises.

Le règne de Charles VI commence en 1380 par une régence assurée par ses quatre oncles. À partir de 1392, le jeune roi est atteint de crises de démence. Autour de lui, son épouse, Isabeau de Bavière, et les princes du sang se déchirent dans d’interminables querelles. Une haine farouche oppose Louis d’Orléans, frère du roi, et son cousin Jean sans Peur, duc de Bourgogne. Leurs partisans respectifs, les Armagnacs et les Bourguignons, entraînent le royaume dans une véritable guerre civile, attisée par la faiblesse du « pauvre roi fol «. Profitant de la situation, le roi d’Angleterre Henri V envahit la France en 1415 et écrase l’armée française à Azincourt (25 octobre). La guerre civile dégénère en guerre sociale ; la reine Isabeau de Bavière et le duc de Bourgogne Philippe III le Bon — son père Jean sans Peur a été assassiné par les Armagnacs pendant l’entrevue de Montereau en 1419 — concluent la paix avec les Anglais. En 1420, le traité de Troyes déshérite le dauphin français (futur Charles VII) au profit d’Henri V qui, par son mariage avec une fille de Charles VI, devient roi de France. Mais l’union de la France et de l’Angleterre sous sa couronne ne se réalise pourtant pas : Henri V puis Charles VI meurent successivement en 1422, laissant chacun un héritier, Henri VI, reconnu roi de France au nord du royaume, et Charles VII, reconnu au sud, excepté en Guyenne.

4.4.2.3 L’épopée de Jeanne d’Arc et le relèvement de la France

Charles, qu’on appelle par dérision le « roi de Bourges «, trouve en la personne de Jeanne d’Arc une aide efficace pour se lancer dans la reconquête du royaume. Le roi, qui se méfie d’abord de cette mystérieuse messagère arrivée à sa cour au début de l’année 1429, finit par lui accorder sa confiance et lui laisse la direction des manœuvres qui obligent les Anglais à lever le siège d’Orléans (mai 1429). Le sentiment national se cristallise au cours de cette lutte contre les Anglais, principalement au bénéfice de la royauté, surtout après le sacre à Reims de Charles VII (juillet 1429), qui lui rend toute sa légitimité. En 1453, le roi de France entre dans Bordeaux : les Anglais ont définitivement perdu la guerre de Cent Ans et doivent restituer tous leurs territoires sur le continent, à l’exception de Calais.

4.4.3 Les Valois autoritaires (1422-1498)

La guerre de Cent Ans a surtout pour conséquence le renforcement de l’autorité royale, largement mise à mal. Le rétablissement politique s’accompagne d’un redressement économique et social. Vers 1430, l’affranchissement des serfs est à peu près général, tandis que les seigneurs, sous l’effet des difficultés financières, commencent à vendre des terres au bénéfice de la bourgeoisie. Pendant le milieu et jusqu’à la fin du xve siècle, l’économie et la population retrouvent le niveau qui était le leur avant les ravages de la guerre et de la peste. Les rois savent encourager le développement de l’économie par des mesures novatrices telles que la réglementation des corporations urbaines, le développement de l’industrie de la soie et des foires de Lyon, favorisant ainsi le rapprochement de la noblesse et de la bourgeoisie.

4.4.3.1 Charles VII et Louis XI

Charles VII (qui règne de 1422 à 1461) dote la monarchie d’un embryon d’armée permanente (les Compagnies d’ordonnance, créées en 1445) et réorganise la fiscalité de manière à assurer des revenus réguliers au royaume. Reprenant et approfondissant la politique menée jadis par Philippe le Bel envers l’Église, il pose, par la pragmatique sanction de Bourges (1438), les fondements durables du gallicanisme.

Son fils Louis XI, roi de 1461 à 1483, prolonge son action et ouvre par ses mesures la voie à l’absolutisme. Poursuivant la constitution d’une armée permanente esquissée par son père, il obtient le droit de lever un nouvel impôt, la taille, sans avoir à obtenir le consentement des personnes taxées. Pour briser la coalition des grands féodaux (guerre de la ligue du Bien public, 1464-1465), il s’appuie sur la bourgeoisie des villes dont les franchises sont étendues. Il lutte contre la Bourgogne de Charles le Téméraire et, à la mort de ce dernier (1477), réussit à intégrer la plus grande partie du duché au domaine royal ainsi que l’Anjou, le Maine et la Provence. L’autre partie du riche héritage bourguignon passe aux mains des Habsbourg par le mariage de la fille du Téméraire avec le futur empereur Maximilien Ier. Cette alliance annonce un antagonisme entre la France et le Saint Empire qui, pendant plus de deux siècles, va précipiter l’Europe dans une nouvelle série de guerres.

4.4.3.2 Charles VIII

Charles VIII est âgé de 13 ans lorsqu’il succède à son père, en 1483. Sa sœur, Anne de France, qui exerce alors la régence avec son mari Pierre de Beaujeu, marie le jeune roi avec la duchesse Anne de Bretagne (1491). Par cette alliance, la dernière principauté féodale indépendante entre dans le domaine royal français. En 1492, Charles signe avec Henri VII d’Angleterre le traité d’Étaples, qui règle les ultimes problèmes entre les deux royaumes. Deux ans plus tard, il s’engage dans les guerres d’Italie, conflit qui culmine sous ses successeurs.

À la fin du xve siècle, la France, après avoir surmonté ses divisions internes, est devenue une monarchie centralisatrice dont le territoire s’étend des Pyrénées à la Manche. La société est toujours dominée par l’aristocratie terrienne, mais la terre n’est désormais plus l’unique forme de richesse. Le retour de la paix, l’accroissement démographique, l’or et l’argent que les Espagnols et les Portugais rapportent du Nouveau Monde, ainsi que les commandes de l’État dans les domaines civil et militaire stimulent une économie où marchands et banquiers (le crédit se développe) occupent une place croissante. La noblesse, qui dépend de revenus fixes, voit au contraire son pouvoir économique et sa position sociale menacés par l’inflation et les progrès de l’économie mercantiliste.

5 LA FRANCE MODERNE ET L’ANCIEN RÉGIME
5.1 Les Valois indirects : le temps des conflits (1498-1589)
5.1.1 Les guerres d’Italie et la Renaissance
5.1.1.1 Louis XII (1498-1515)

Poursuivant la politique de Charles VIII, dernier Valois direct, le nouveau roi Louis XII, un Valois-Orléans, engage à son tour la France dans les guerres d’Italie. Par cette attitude belliqueuse, il cherche à faire valoir ses droits sur le duché de Milan et sur le royaume de Naples et, par-delà la Méditerranée, rêve de porter la guerre en Orient pour briser la puissance des Turcs de l’Empire ottoman. Dans le domaine militaire et l’art de la guerre, les guerres d’Italie marquent une transition entre l’époque médiévale et l’époque moderne par la place nouvelle donnée aux armes à feu et à l’infanterie au détriment de la cavalerie. Dans le domaine artistique, elles permettent l’importation dans le royaume de la culture et des arts de la Renaissance italienne.

5.1.1.2 François Ier (1515-1547)

Le nouveau roi François Ier, un Valois-Angoulême, hérite de la politique française en Italie. Sa victoire de Marignan (septembre 1515) offre à la couronne de France, outre la possession du Milanais, l’alliance des Suisses qui signent avec le royaume une « paix perpétuelle «. Mais en 1519, l’élection au trône impérial de Charles Quint élargit le conflit italien à une lutte entre la France et les Habsbourg, lutte qui va se poursuivre pendant un siècle et demi et ne permettre à la France que des occupations temporaires de l’Italie.

Durant son règne, François Ier renforce de manière significative le pouvoir et le prestige de la couronne, et fait triompher une conception absolutiste de la monarchie — annonciatrice de celle de Louis XIV. Il s’impose comme l’unique législateur de la monarchie et les états généraux ne sont pas convoqués pendant son règne. Par le concordat de Bologne négocié avec le pape Léon X (1516), il obtient pour le roi de France le droit de nommer les évêques et de pourvoir les postes ecclésiastiques selon son « bon plaisir «, s’assurant ainsi un clergé docile et le contrôle du pouvoir temporel sur l’Église. Le développement de la vénalité des offices (voir système des offices) permet la création d’une nouvelle classe d’hommes dévoués à la monarchie. En 1539, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier proscrit l’usage du latin (langue de l’Église) dans tous les actes judiciaires, et impose l’usage exclusif du français pour les actes d’état civil.

Mécène fastueux, il fait venir à sa cour des artistes comme Léonard de Vinci, et contribue à l’aménagement des châteaux de la Loire. Il protège les arts et les sciences et assure la promotion de l’humanisme (fondation du Collège de France, 1530). Les bâtiments construits sous son règne, à l’image des châteaux de Chambord et de Saint-Germain-en-Laye, constituent un témoignage vivant de la puissance et de la richesse de la monarchie.

5.1.2 Les guerres de Religion
5.1.2.1 Henri II (1547-1559)

C’est sous le règne de Henri II, fils de François Ier, que prennent fin les guerres d’Italie. En 1559, le traité du Cateau-Cambrésis met momentanément un terme à la présence française : la France renonce à toutes ses prétentions en Italie en contrepartie de trois places stratégiques sur sa frontière de l’est, les évêchés de Metz, Toul et Verdun.

La Réforme protestante, qui a commencé à se diffuser depuis l’Allemagne pendant le règne de François Ier, fait au départ peu d’adeptes en France. Dans les années 1540 et 1550 toutefois, le Français Jean Calvin définit la doctrine et les institutions d’une forme française de protestantisme qui rencontre de puissants adeptes dans la noblesse (les Coligny, les Condé) et dans certaines fractions du peuple. Henri II considère ce calvinisme comme une menace pour l’autorité royale et cherche à limiter son influence. En dépit d’une répression sévère, la religion réformée progresse rapidement et en vient à constituer un véritable parti à l’intérieur de l’État.

5.1.2.2 Catherine de Médicis et ses fils (1559-1589)

La mort de Henri II en 1559 fait accéder au trône son fils de 15 ans, François II, jeune homme maladif qui meurt un an plus tard. Son frère Charles IX est alors âgé 13 ans ; la reine mère, Catherine de Médicis, prend en main les rênes du pays durant ces deux premiers règnes et continue de jouir d’une grande influence pendant celui de son troisième fils, Henri III (1574-1589), avec pour principale préoccupation la défense de l’autorité royale. Durant cette période, le pays est ravagé par une nouvelle guerre civile, qui prend les allures de guerres de Religion, dans laquelle conflits religieux, politiques et dynastiques sont inextricablement mêlés. Le fanatisme des combattants et la brutalité des mercenaires en font un combat où le pillage, la cruauté et les atrocités sont monnaie courante. Elles contribuent à désorganiser le royaume pendant plus de trente ans.

La reine Catherine, dotée d’une grande intelligence politique, tente sans relâche avec l’aide du chancelier Michel de L’Hospital de trouver un compromis entre les adversaires (colloque de Poissy, 1561), mais elle ne peut s’opposer à l’expansion du fanatisme dans les deux camps. Inquiète de l’ascendant pris par l’amiral de Coligny sur son fils Charles IX, elle laisse se commettre le massacre de la Saint-Barthélemy à Paris en août 1572, au cours duquel les catholiques s’attaquent aux chefs protestants et à leurs partisans, assassinant plus de 3 000 d’entre eux. En 1584, après la mort du jeune duc d’Alençon, dernier frère de Henri III, le roi de Navarre Henri de Bourbon, descendant de Louis IX et chef du parti huguenot (nom donné aux protestants), devient le prétendant au trône. Opposés au couronnement d’un protestant, les membres du parti catholique veulent empêcher son accession au trône en tentant de renverser Henri III, qui n’a pas d’enfant, au profit de Henri de Guise, chef de la Ligue catholique. Averti du complot, le roi convoque Henri de Guise à Blois en 1588 et le fait assassiner. L’année suivante, Henri III, dernier représentant de la dynastie des Valois, tombe lui-même sous les coups d’un moine fanatique, Jacques Clément.

5.2 Les Bourbons : épanouissement et déclin de la monarchie absolue (1589-1789)
5.2.1 Henri IV (1589-1610)
5.2.1.1 La conversion de Henri de Navarre

Héritier légitime, reconnu par Henri III à la veille de sa mort, Henri de Navarre monte sur le trône de France sous le nom de Henri IV. Le nouveau roi, un Bourbon, doit défendre ses droits à la couronne face à la Ligue catholique, laquelle fait appel à Philippe II d’Espagne dans le dessein de placer la couronne des Capétiens sur la tête de l’infante Isabelle. La guerre religieuse et civile dégénère en guerre étrangère et, venues pour soutenir les catholiques, les troupes espagnoles campent à Paris et à Rouen (1590-1591).

Cependant, un parti modéré qui place l’ordre dans l’État au-dessus des conflits religieux s’est formé en France. Définie par Jean Bodin dans la République (1576), cette conception conduit à une monarchie absolue mais non arbitraire, respectueuse de la loi morale et religieuse. Henri de Navarre comprend que si lui et ses partisans sont protestants par conviction, la plupart des Français, catholiques fidèles à leur foi, n’accepteront jamais un prince protestant. En 1593, il abjure, se convertit publiquement à la religion catholique et rallie ainsi le peuple à sa cause. L’année suivante, il est sacré à Chartres et installe ainsi la dynastie des Bourbons sur le trône de France.

Héritier d’un pays ravagé moralement et matériellement par les guerres de Religion, Henri IV consacre son règne à la pacification et au redressement économique du royaume, mais aussi au rétablissement de l’autorité royale, sérieusement ébranlée. Il peut entreprendre cette tâche lorsque les dernières troupes d’occupation espagnoles quittent le royaume, en 1598.

5.2.1.2 La paix religieuse : l’édit de Nantes

Les années de guerre ont prouvé la nécessité d’établir la coexistence du catholicisme et du protestantisme dans le pays. Après de difficiles négociations avec des représentants des deux camps, Henri IV fait adopter en avril 1598 l’édit de Nantes, décret qui fixe le statut des protestants en France. Ces derniers se voient accorder « le droit de ne pas être catholique «, une liberté de culte limitée géographiquement à certaines places fortes, l’égalité avec les catholiques devant la loi et l’accès aux fonctions publiques.

C’est la première fois en Europe qu’un État établit un régime de tolérance fondé, non pas sur l’arbitraire de princes imposant leur propre religion à leurs sujets, mais sur le respect mutuel des croyances d’autrui.

5.2.1.3 Le rétablissement de l’autorité royale

Sachant se montrer populaire mais ferme, Henri IV rétablit son autorité ; pendant son règne, les états généraux ne sont pas convoqués, le droit de remontrance des parlements est limité tout comme les pouvoirs des gouverneurs de province et les libertés des villes. Le duc de Sully, son conseiller, aussi peu aimé que le roi est populaire, prend en charge le redressement financier. Grâce à l’augmentation des impôts indirects et à l’institution du revenu régulier de la Paulette (1604), il rembourse une partie de la dette et rééquilibre le budget de l’État. Pour venir en aide à la paysannerie (90 % de la population), grande victime des pillages et des destructions de la guerre, Henri IV annule les arriérés d’impôt foncier, interdit la saisie de bétail et d’outils par les créditeurs, met en vente des terres publiques à un prix inférieur à celui du marché et restreint les droits de chasse de la noblesse sur les terres cultivées. Pour promouvoir le commerce, il mène une politique de grands travaux (construction de canaux, de ponts, de routes, travaux de drainage). Pour développer de nouvelles industries, il facilite la venue en France d’artisans étrangers. Dès l’année 1610, l’économie est florissante et l’autorité royale fermement rétablie.

Encouragé par le pape Clément VIII qui a jugé l’édit de Nantes « maudit «, le clergé catholique persiste dans son opposition à la tolérance dont bénéficient les protestants. Ces derniers, retranchés dans leurs places, en sont venus à former un État dans l’État. La grande noblesse a retrouvé le goût de l’autonomie, et la vénalité des offices engendre progressivement une certaine confusion dans l’administration. En mai 1610, François Ravaillac, un fanatique religieux, assassine le roi. Cette mort a-t-elle été commanditée ? Henri IV par son autoritarisme a contrarié les ambitions de plus d’une personne. Mais celui qui a été rejeté comme hérétique en 1589 est pleuré à sa mort par presque tous les Français.

5.2.2 Louis XIII (1610-1643)
5.2.2.1 La régence de Marie de Médicis

À la mort de Henri IV, son épouse Marie de Médicis assure la régence pour son fils Louis XIII, alors âgé de 9 ans. Elle place toute sa confiance en Concino Concini et Leonora Galigaï, deux intrigants originaires comme elle de Florence. Les « grands «, dont l’autorité a été mise à mal durant le règne de Henri IV, imposent la convocation des états généraux, dont ils espèrent tirer profit pour réaffirmer leurs prérogatives. La réunion, qui se tient d’octobre 1614 à mars 1615 (la dernière avant 1789), met en évidence les conflits d’intérêts entre les trois ordres sans pour autant apporter de réponse aux attentes des uns et des autres. Lorsque Concini est assassiné en 1617, la situation est devenue critique ; les caisses de l’État sont vides, les grands se révoltent de nouveau, et les protestants se soulèvent dans le sud du pays. L’arrivée au pouvoir du favori du roi, le duc de Luynes, n’améliore en rien les affaires.

5.2.2.2 Le cardinal de Richelieu

En 1624, Louis XIII fait entrer au Conseil le cardinal de Richelieu qui ne tarde pas à y occuper une place prépondérante, pour devenir le véritable gestionnaire du pays. Son programme tient en deux points : éliminer les velléités de contestation du pouvoir royal et contenir les menaces extérieures.

Les privilèges dont jouissent les protestants apparaissent à Richelieu comme une négation du pouvoir royal. Révoltés en plusieurs points du royaume, ils en sont venus à constituer, aux yeux du cardinal, une réelle menace. Richelieu fait assiéger La Rochelle (1627-1628) puis porte la guerre dans les Cévennes. Les protestants demandent la paix. En 1629, le roi leur accorde l’édit d’Alès, qui revient sur les privilèges de l’édit de Nantes mais réaffirme la liberté de culte.

En même temps, dans un climat d’hostilité générale — cristallisée autour de Gaston d’Orléans (frère du roi et héritier présomptif jusqu’à la naissance de Louis XIV en 1638), de Marie de Médicis, la reine mère, et d’Anne d’Autriche, la reine d’origine espagnole, qui lui reproche la politique qu’il mène envers son pays — le cardinal s’attache à réduire la puissance politique des grands. Il n’hésite pas à faire exécuter certains d’entre eux : le comte de Bouneville pour entrave à l’édit d’interdiction des duels (1626) ; le duc de Montmorency, cousin de Louis XIII et gouverneur du Languedoc, qui s’est révolté (1632) ; Cinq-Mars, le favori du roi, qui a participé à un complot (1642). Pour miner l’autorité des grands sur leurs propres terres et s’assurer de l’exécution fidèle de la politique royale dans les provinces, il divise le royaume en trente nouveaux districts administratifs (les généralités), placés sous la direction d’un intendant, officier royal issu de la bourgeoisie. Progressivement, les intendants acquièrent d’énormes pouvoirs en matière de police, de justice et de finances, et rétablissent partout l’autorité du souverain.

Richelieu encourage le développement d’une flotte marchande, accorde des chartes aux compagnies pour le commerce extérieur et favorise l’expansion coloniale de la France. Une colonisation systématique est entreprise au Canada français (la Nouvelle-France, aujourd’hui province du Québec) et les premiers postes commerciaux sont établis en Afrique et aux Indes occidentales. Pour protéger le commerce et les colonies, il crée la marine française, instituant une flotte de galères en Méditerranée et une flotte de quarante voiliers sur l’Atlantique. Mais l’inflation, l’augmentation des impôts — qui doivent soutenir l’effort de guerre au cours de la guerre de Trente Ans —, les disettes et les épidémies plongent toute une partie de la population dans une profonde misère. Des révoltes paysannes éclatent en Bourgogne en 1625-1630, dans le Sud en 1637-1641 (Croquants du Limousin), en Normandie en 1639. Toutes sont sévèrement réprimées.

5.2.2.3 La politique étrangère

Lorsque Richelieu accède au pouvoir en 1624, la guerre de Trente Ans ravage l’Europe depuis 1618. En 1635, quand il devient évident que l’empereur Ferdinand II de Habsbourg cherche à placer les princes protestants allemands sous son autorité, Richelieu fait entrer la France dans la guerre aux côtés de la Suède et des Pays-Bas protestants, et contre les Habsbourg catholiques. Conclus en 1648, six ans après la mort de Richelieu, les traités de paix de Westphalie qui mettent fin au conflit apportent une grande partie de l’Alsace à la couronne française. À la suite de la paix avec l’Espagne (traité des Pyrénées, 1659), la France acquiert l’Artois et le Roussillon. Les ambitions des Habsbourg ont été contrariées et la France sort de la guerre comme le grand vainqueur, imposant son hégémonie sur l’Europe continentale.

5.2.3 Louis XIV (1643-1715)

Lorsque Richelieu meurt en 1642, Louis XIII confie la direction des affaires au cardinal Mazarin. Le roi s’éteint l’année suivante, laissant le trône à son fils de 5 ans. La reine Anne d’Autriche assure la régence.

5.2.3.1 Le cardinal Mazarin et la Fronde

Mazarin poursuit la politique de son prédécesseur et continue la lutte contre les Habsbourg, auxquels il finit par imposer une paix à l’avantage de la France. Mais la situation du royaume est de nouveau dramatique : la guerre a aggravé les difficultés financières et, partout, les soulèvements se multiplient. Pour renflouer les caisses de l’État, Mazarin doit prendre de nouvelles mesures fiscales (taxes, emprunts forcés), alors que la crise économique ruine de nombreux marchands et laisse sans emploi de plus en plus de travailleurs. En 1648, les magistrats du Parlement de Paris, la plus haute cour judiciaire du royaume, font corps avec la bourgeoisie parisienne pour protester contre la lourdeur des impôts. Avec le soutien populaire de la capitale, ils déclenchent une rébellion contre la couronne, la Fronde parlementaire (1648-1649), bientôt suivie par la Fronde des princes (1650-1653).

Cette véritable guerre civile échoue dans sa tentative de remettre en cause la centralisation du pouvoir. Le roi Louis XIV et Mazarin, qui ont dû quitter Paris, reviennent triomphalement après le départ des armées coalisées du prince de Condé. La crise a provoqué une dégradation supplémentaire de la situation du pays, disettes et épidémies font grimper le taux de mortalité et ralentissent durablement la croissance de la population ; mais elle a convaincu Louis XIV, décidé à ne plus revivre une telle humiliation, de la nécessité d’un pouvoir absolu et persuadé les Français que la paix intérieure est primordiale, dût-elle passer par le renforcement de l’autorité royale.

5.2.3.2 Le règne personnel de Louis XIV et l’absolutisme (1661-1715)

À la mort de Mazarin en 1661, Louis XIV, qui n’a alors jamais pris part au gouvernement, décide qu’il sera lui-même son Premier ministre. Pendant son long règne (il meurt en 1715), il dirige personnellement la France, s’imposant comme le modèle du monarque absolu, légitimé par le droit divin (voir absolutisme).

Dès le début de son règne, Louis XIV jette les bases de la structure de l’État centralisé. Mettant fin au système des ministères institué par Richelieu, il organise plusieurs conseils chargés d’appliquer ses instructions et il y fait entrer des gestionnaires compétents, grands commis de l’État : Fouquet, le surintendant des Finances nommé par Mazarin, est disgracié et remplacé par Colbert ; Le Tellier, secrétaire d’État à la Guerre, associe à son travail son fils Louvois qui lui succède. Veuf de Marie-Thérèse d’Autriche en 1683, Louis XIV épouse secrètement Mme de Maintenon, qui exerce une grande influence sur le roi en matière politique et religieuse.

Les parlements, privés de leur titre de « cours souveraines «, sont réduits au silence dès 1673 et contraints d’enregistrer sans discussion les ordonnances royales (fin du droit de veto). Les états généraux ne sont pas convoqués pendant toute la durée du règne. La police est réorganisée et concentrée sous l’autorité d’un lieutenant général de police (1667). La centralisation progresse dans tout le pays, mais n’est pas uniforme puisque les régions récemment conquises (Roussillon, Flandre, Artois, Alsace) conservent, au moins en partie, leurs pratiques antérieures. Les états provinciaux sont supprimés ou bien dépouillés de toute compétence politique. Conformément à la tradition, instituée par Richelieu, de ne pas associer les grands au gouvernement, le roi attire les membres de la haute noblesse à la cour, fastueusement installée au château de Versailles à partir de 1682, par l’octroi de pensions ou de postes prestigieux, mais les cantonne dans le domaine de l’organisation des cérémonies. Soutien privilégié du roi, la bourgeoisie d’affaires voit ses aspirations satisfaites par le maintien de l’ordre, par la promotion active du commerce et de l’industrie, et par la possibilité de faire fortune grâce aux commandes de l’État.

5.2.3.3 L’action de Colbert : finances et économie

C’est à Jean-Baptiste Colbert que revient la tâche de redresser la situation économique du pays. Une fois de plus, les caisses de l’État sont vides ; aux impôts traditionnels — taille, levée par des fonctionnaires royaux ; gabelle, aides et traites levées par des fermiers qui prélèvent au passage un pourcentage — sont ajoutés deux nouveaux impôts directs, la capitation et le dixième applicables, en principe, à tous les sujets du royaume.

Colbert est le grand défenseur du mercantilisme, destiné en premier lieu à augmenter les réserves monétaires de l’État, et développe en ce sens une politique instaurée par Sully sous Henri IV et poursuivie par Richelieu. Il favorise l’essor de l’industrie nationale par la création de manufactures (les Gobelins et Aubusson pour les tapisseries, Saint-Gobain pour le verre) et par l’octroi de nombreuses subventions. En matière d’agriculture, il donne la priorité aux cultures industrielles (lin, chanvre, mûrier). Il met en place des barrières protectionnistes, protège les marchés coloniaux (en particulier les Antilles françaises) et accorde des chartes aux compagnies commerciales d’outre-mer (Compagnies des Indes orientales, 1664 ; des Indes occidentales, 1664 ; du Nord, 1669 ; du Levant, 1670) pour concurrencer les compagnies hollandaises et anglaises. Le développement de la marine est une priorité (achat de navires, construction d’arsenaux et aménagement des ports de Sète, Lorient et Brest). À l’intérieur, les infrastructures (ponts, routes, voies navigables) sont améliorées. Mais le mercantilisme, source de développement économique contrôlé par l’État, va aussi être un générateur de guerres (voir colbertisme).

5.2.3.4 Une politique étrangère belliqueuse

Louis XIV, qui contrôle de près la politique étrangère, entraîne le pays dans quatre guerres coûteuses qui vont permettre l’agrandissement du royaume. Dans la lignée de Richelieu et de Mazarin, il poursuit la politique d’hostilité à l’égard du Saint Empire, cherchant par tous les moyens à réduire le pouvoir et l’influence des Habsbourg en Europe. Les noms de Vauban, spécialiste des techniques du siège et des fortifications, et de Louvois, secrétaire d’État à la Guerre et organisateur d’une armée puissante, sont indissociables de cette action militaire.

Dès 1667, sous prétexte de faire valoir les droits de sa femme, l’infante Marie-Thérèse (fille de Philippe IV d’Espagne), sur la province des Pays-Bas espagnols, Louis XIV se lance dans la guerre de Dévolution et envahit les Flandres et la Franche-Comté. La Triple-Alliance de la Suède, des Provinces-Unies et de l’Angleterre le force à négocier une paix de compromis en 1668 (traité d’Aix-la-Chapelle), par laquelle la France gagne onze places fortes sur la frontière nord-est.

En 1672, au nom de considérations stratégiques et économiques Louis XIV mène la guerre de Hollande, au cours de laquelle il se trouve confronté à la résistance hollandaise et à une coalition puissante menée par l’Angleterre. La France sort de six ans de guerre agrandie de la Franche-Comté sur la frontière de l’est et d’une douzaine de places fortifiées au sud des Pays-Bas (traité de Nimègue, 1678).

En 1689, la ligue d’Augsbourg, conduite par Guillaume d’Orange-Nassau qui vient d’accéder au trône d’Angleterre sous le nom de Guillaume III, entre en guerre contre Louis XIV pour l’empêcher d’annexer les territoires proches des villes cédées au cours des traités précédents (annexion progressive de Montbéliard, Courtrai, Sarrebruck, Sarrelouis, etc.). Après huit années de guerre, Louis XIV doit restituer par le traité de Ryswick (1697) toutes les conquêtes postérieures au traité de Nimègue, excepté Strasbourg, et est contraint d’accepter à sa frontière septentrionale une ligne de places fortes hollandaises.

Enfin, en 1701, la France entre dans la guerre de Succession d’Espagne, qui a pour origine l’acceptation par Louis XIV du testament du roi d’Espagne Charles II — offrant le trône à Philippe d’Anjou, petit-fils du monarque français. Une grande alliance composée principalement de l’Angleterre, des Provinces-Unies et du Saint Empire, s’oppose à la France et à l’Espagne mais la paix d’Utrecht (1713) et celle de Rastadt (1714) permettent à Louis XIV d’atteindre son objectif : son petit-fils se voit confirmer la couronne espagnole et succède à Charles II sous le nom de Philippe V.

5.2.3.5 Les affaires religieuses

L’absolutisme de Louis XIV n’épargne pas l’Église. Le jansénisme, né à la fin du xviie siècle, est politiquement menaçant par sa mise en avant de la suprématie de la conscience individuelle ; Louis XIV lutte contre ce mouvement dès son apparition et finit par ordonner la destruction de l’abbaye de Port-Royal-des-Champs (1709-1711), centre spirituel du jansénisme en France. Il s’oppose également longuement au Saint-Siège, à propos de la régale, droit qui, dans certains diocèses, lui permet, en cas de vacance à la tête d’un évêché, de toucher les revenus en attendant l’installation du nouvel évêque. Lorsque Louis XIV veut étendre ce droit à l’ensemble du royaume, la protestation de certains évêques et du pape Innocent XI (1678) l’amène à rechercher l’appui du clergé national (voir gallicanisme). En tant que représentant de Dieu sur terre, il peut désormais raffermir son contrôle sur la hiérarchie de l’Église, et le clergé, par son obéissance, fournit la justification théologique de son droit divin, conformément à la théorie formulée par Bossuet.

« Une foi, une loi, un roi « : au nom de cette maxime, Louis XIV décide de combattre les 900 000 protestants du royaume qui constituent à ses yeux une entrave à l’absolutisme et à la centralisation. Dans un premier temps, les huguenots sont victimes de brimades de toutes sortes, contraints à des conversions massives par les « dragons « du roi. Leur culte est interdit en public et les prédicateurs chassés du pays. En 1685, pensant que la majorité des protestants s’est convertie au catholicisme, le roi décide de révoquer l’édit de Nantes par l’édit de Fontainebleau. Près de 200 000 huguenots quittent alors la France pour se rendre en Angleterre, dans les cantons suisses et dans les Provinces-Unies ; parmi eux, se trouvent de très nombreux artisans qualifiés, intellectuels et officiers qui vont priver le pays d’une contribution importante. Certains protestants, exaspérés par l’ampleur de la répression et ce qu’ils considèrent comme une trahison, entament une révolte ouverte : dans les Cévennes, les camisards tiennent tête pendant deux ans aux armées du roi, mobilisant contre elles 10 000 hommes alors que sévit la guerre de Succession d’Espagne. Malgré ces différentes tentatives, Louis XIV ne parvient pas à anéantir la religion réformée.

5.2.3.6 Une vie artistique et culturelle florissante

L’art du Grand Siècle, comme on a coutume d’appeler le règne de Louis XIV, est au service de la monarchie absolue, et le château de Versailles, érigé à la gloire du Roi-Soleil, consacre le rayonnement de l’art français par ses peintures, ses sculptures, sa décoration intérieure, ses jardins à la française et ses techniques de construction (voir style Louis XIV). Protecteur des arts, Louis XIV crée des Académies de peinture et de sculpture (1663), d’architecture (1671), entretient des auteurs comme Corneille et Racine en leur distribuant des pensions, permet la représentation d’œuvres théâtrales dont celles de Molière, nomme un surintendant de la musique (Lully) pour faire progresser la qualité dans la composition et l’exécution des partitions. L’époque est à la préciosité — tant dans la littérature mondaine (Mme de Sévigné, La Rochefoucauld) que dans le théâtre (opéras, ballets) et dans les arts décoratifs — et au classicisme dans tous les domaines.

Cependant, c’est souvent aussi à travers la littérature que se manifeste l’opposition à l’absolutisme : La Bruyère et Fénelon, par exemple, ne manquent pas de critiquer le régime et les inégalités de leur époque, et la fin du règne de Louis XIV voit se développer la querelle des Anciens et des Modernes, sorte de crise de conscience parallèle à l’affaiblissement du pouvoir royal.

5.2.3.7 La fin du règne

La fin du règne de Louis XIV est sombre et difficile. La guerre, qui s’ajoute à l’hiver exceptionnellement rigoureux de 1709, provoque une famine. Les maigres récoltes et une pression fiscale excessive ramènent la misère en France. En Languedoc et en Auvergne, les paysans se soulèvent. Des Parisiens viennent manifester sous les fenêtres de Versailles et les camisards continuent à combattre pour leur foi dans les Cévennes. L’édifice de l’absolutisme craque de toutes parts et les Français aspirent à un nouveau règne. Une épidémie de variole en 1711-1712 fait disparaître coup sur coup trois héritiers au trône, laissant l’arrière-petit-fils de Louis XIV, le futur Louis XV, comme seul survivant direct.

5.2.4 Louis XV (1715-1774)
5.2.4.1 La Régence de Philippe d’Orléans

À la mort de Louis XIV en septembre 1715, Philippe d’Orléans assure la régence pour Louis XV, âgé de 5 ans. Jusqu’alors écarté du pouvoir et doté d’une réputation de « débauché «, il semble tout désigné pour amorcer la réaction contre l’autoritarisme du règne précédent. Attaché à mener une politique de paix à l’extérieur, il met en place pour la gestion des affaires intérieures la polysynodie, système de gouvernement par conseils destiné à empêcher toute prise de décision abusive. Mais les rivalités internes ont raison de l’institution et la fin de la période est entachée par le scandale financier lié à la banqueroute du système bancaire de John Law (1720). Le Régent s’éteint en 1723 ; Louis XV est depuis peu majeur.

5.2.4.2 Les débuts du règne personnel

Le duc Louis-Henri de Bourbon, cousin et rival du Régent, prend alors une place prépondérante dans la gestion du pays. Il fait annuler les fiançailles de Louis XV avec une jeune princesse espagnole et lui fait épouser Marie Leszczyńska en 1725. Impopulaire, il est remplacé en 1726 par le cardinal de Fleury, ancien précepteur du roi, attaché à mener une politique de paix et d’équilibre. Les conséquences du mariage et les conflits dans lesquels est entraînée la France ne lui permettent pas de réussir son entreprise. Louis XV prend personnellement en main les affaires du royaume en 1743, après la mort du cardinal de Fleury. Fin, sensible et alors populaire — il est surnommé le Bien-Aimé de son vivant —, il se révèle plutôt velléitaire dans sa façon de gouverner, laissant à sa maîtresse officielle, Mme de Pompadour, des pouvoirs que jamais n’ont eus avant elle les favorites des rois. Sans direction ferme, le gouvernement semble à la dérive ; les guerres, les pensions généreusement distribuées et le train de vie de la cour ont des répercussions désastreuses sur les finances de l’État.

5.2.4.3 Les conflits internationaux

En effet, sous le règne de Louis XV, la France participe à une série de conflits, actions qui ne sont pas sans répercussions sur la crise financière qui doit finalement emporter la monarchie à la fin du xviiie siècle.

Pour venir en aide à son beau-père Stanislas Ier Leszczyński, Louis XV est d’abord entraîné dans la guerre de la Succession de Pologne (1733-1735), conflit qui consacre la disparition de la Pologne en tant qu’État et donne à moyen terme la Lorraine à la France. Les armées françaises participent ensuite à la guerre de la Succession d’Autriche (1740-1748). Le traité d’Aix-la-Chapelle, qui y met un terme, laisse en fait de nombreux problèmes en suspens qui mènent au déclenchement de la guerre de Sept Ans (1756-1763). La France en sort affaiblie ; 200 000 hommes sont morts pour des enjeux qui n’intéressent pas les Français et, jusqu’en 1792, exception faite de l’achat de la Corse aux Génois (1768), le pays ne doit plus jouer qu’un rôle effacé sur la scène internationale, en regard de l’action de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie.

Le traité de Paris (1763) qui conclut la guerre de Sept Ans est très mal ressenti par la population. Il consacre la victoire de l’Angleterre à laquelle la France cède ses possessions canadiennes, les territoires à l’est du Mississippi, tandis que la Louisiane revient aux Espagnols. Si la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie et la Guyane restent françaises, la Dominique, Grenade, les Grenadines, Saint-Vincent et Tobago deviennent anglaises. L’hégémonie anglaise prévaut aussi en Inde où la France ne conserve que quelques comptoirs.

5.2.4.4 Un roi discrédité

La politique intérieure de Louis XV commence également à créer des mécontentements. En 1743, le contrôleur général des Finances d’abord soutenu par le roi, Machault d’Arnouville, entreprend d’établir dans le royaume l’égalité devant l’impôt en demandant à tous les Français une contribution du vingtième de leurs revenus. La réaction du clergé, des états provinciaux et des parlements est si vive que Louis XV doit reculer, et devient alors très impopulaire auprès des non privilégiés.

Dans le même temps, la hardiesse et l’audace des parlements s’en trouvent renforcées ; critiquant ouvertement l’absolutisme, ces derniers réclament désormais un droit de contrôle sur le gouvernement. Même le duc de Choiseul, l’un des ministres les plus influents du roi, hésite à les affronter directement. C’est l’énergique Maupeou, nommé chancelier en 1768, qui réussit à mater leur opposition. En 1770, il brise la grève du Parlement de Paris en retirant leur charge aux parlementaires qui refusent de reprendre le travail et en les exilant. Il fait ensuite abolir la vénalité des charges judiciaires : les juges sont désormais des fonctionnaires, payés par l’État. L’opposition de la noblesse de robe a donc été assez facilement canalisée, mais la situation financière est catastrophique et la royauté est tombée dans un tel discrédit qu’à la mort de Louis XV, en 1774, son entourage n’ose pas organiser des funérailles publiques et conduit secrètement sa dépouille à la basilique de Saint-Denis.

5.2.5 Louis XVI (1774-1789)

La tâche de résoudre la crise financière incombe au jeune Louis XVI, peu préparé à assumer le pouvoir. Investi en 1774 des espoirs d’un pays encore très attaché à la dynastie des Bourbons, il se révèle être un souverain indécis. Surnommée « l’Autrichienne « (puis « l’Autruchienne «), son épouse Marie-Antoinette, fille de l’impératrice Marie-Thérèse, est particulièrement impopulaire ; celle à qui l’on reproche d’être dépensière et frivole est profondément discréditée après avoir été mêlée à différentes « affaires «, comme l’affaire du Collier (1785).

5.2.5.1 L’échec des réformes

Le roi fait d’abord appel à Turgot pour tenter de redresser la situation financière du royaume. Brillant économiste, nommé en 1774 au poste de contrôleur général des Finances, ce dernier entend mener une politique d’économie budgétaire, sans augmenter les impôts ni recourir à de nouveaux emprunts. Il donne lui-même l’exemple en renonçant à la moitié de son propre traitement, mais ne peut obtenir du roi une diminution des dépenses de la cour. En 1776, il présente au Conseil royal un projet préconisant l’abolition de la corvée, la suppression des monopoles commerciaux et l’imposition de la noblesse, mais l’hostilité des milieux politiques et commerciaux le pousse à démissionner. Après lui, Jacques Necker (1776-1781), qui s’attache à faire prendre conscience au roi des sommes exorbitantes versées en pensions diverses et préconise des économies, est à son tour écarté du gouvernement sous la pression des courtisans.

Calonne (1783-1787) puis Loménie de Brienne (1787-1788) cherchent à rétablir l’équilibre budgétaire : le premier qui ne peut emprunter l’argent dont il a besoin sans la confiance des banquiers, propose sans succès d’établir l’égalité en matière fiscale, de lever un impôt touchant tous les propriétaires, de diminuer la taille et de transformer la corvée ; le second reprend ces idées à son compte et demande au Parlement de Paris d’enregistrer les édits de son prédécesseur.

5.2.5.2 L’accroissement de la crise

Le Parlement invoque la compétence des états généraux en la matière. Sur les conseils de son garde des Sceaux Lamoignon, Louis XVI décide alors d’enlever aux parlements leur compétence en matière d’enregistrement (mai 1788). Les juges, les nobles et le clergé résistent et cherchent à empêcher l’application des décrets du roi. Ils obtiennent le soutien de l’armée et d’une partie de la population, mécontente du chômage et du prix du pain, le plus élevé du siècle. Les événements les plus graves ont lieu en juillet 1788 dans le Dauphiné lorsque des représentants des trois ordres rétablissent les états provinciaux suspendus par Richelieu, réclament la convocation des états généraux et refusent de s’acquitter des impôts avant que le roi n’ait cédé (voir journée des Tuiles et assemblée de Vizille).

L’État est au bord de la banqueroute (en 1789, 504 millions de recettes pour 629 millions de dépenses) et le roi se plie à la volonté du pays. Le 8 août 1788, il accepte de convoquer les états généraux pour l’année suivante et rappelle Necker quelques jours après. La crise politique, réaction nobiliaire à l’absolutisme royal, vient se greffer sur une situation économique, financière et sociale critique.

5.2.6 La crise de l’Ancien Régime au xviiie siècle

Successeurs du Roi-Soleil, Louis XV et Louis XVI règnent en une période de croissance. Au milieu du xviiie siècle, la France est la nation la plus riche, la plus puissante et la plus peuplée du continent. Pourtant, le xviiie siècle est également une période de profondes mutations, qui nécessitent une adaptation des institutions du royaume.

5.2.6.1 Les mutations économiques

Le xviiie siècle est une période de croissance économique extraordinaire. La population du royaume passe de 21 millions en 1700 à 28 millions d’habitants en 1790. Les revenus agricoles augmentent de 60 % au cours de la même période et l’industrie française occupe la deuxième place en Europe. Le corps des Ponts et Chaussées, créé en 1733, donne bientôt à la France le meilleur réseau routier d’Europe. La marine marchande compte plus de 3 000 navires qui assurent un commerce lucratif avec l’Afrique, l’Amérique et les Indes. Le grand commerce, notamment le commerce des produits coloniaux, connaît une forte expansion et enrichit les ports de l’Atlantique comme Nantes ou Bordeaux.

Cependant, le xviiie siècle voit s’accroître l’écart considérable entre les « exploitants «, restés dans la misère, et les « rentiers «, bénéficiaires des hausses des prix et dont les revenus sont plus orientés vers la consommation de produits de luxe ou la spéculation que vers l’investissement. Dans un contexte de forte inflation, les ouvriers agricoles et les artisans arrivent difficilement à survivre. L’immense majorité des paysans, soumise à de multiples taxes et impôts ainsi qu’aux obligations féodales, ne fait que subsister.

L’État lui-même ne bénéficie pas de la nouvelle prospérité. Le système d’imposition, qui ne soumet pas à l’impôt foncier les terres de la noblesse et du clergé (environ 35 % des terres cultivées) et pèse exclusivement sur la paysannerie, n’encourage pas les performances économiques du pays. À partir du milieu du siècle, des ministères successifs tentent de créer un système d’imposition plus équilibré, mais leur action est entravée par l’opposition des privilégiés et par la réticence du roi à soutenir des réformes qui menacent le pouvoir économique de la noblesse. Le principal problème de la France réside en fait dans le retard des institutions par rapport aux réalités économiques.

5.2.6.2 Le siècle des Lumières

Le siècle des Lumières est une période de progrès dans le domaine de la science (Monge, Lavoisier, Buffon), tandis que les philosophes (Voltaire, Rousseau, Montesquieu, pour ne citer qu’eux), par une critique systématique de la société et des institutions, se présentent comme les champions de la tolérance et du respect des libertés fondamentales ; les physiocrates, par exemple, critiquant le mercantilisme prôné par Colbert, mettent l’accent sur la liberté des échanges et la propriété foncière. Leurs idées se diffusent par le biais de la presse, des salons, des académies en province ou des loges maçonniques (voir franc-maçonnerie), alors que paraît, à partir de 1751, la monumentale Encyclopédie de Diderot et d’Alembert à laquelle contribuent la plupart des grands philosophes de l’époque.

Ce mouvement d’idées a eu une certaine influence sur la pensée et l’action des souverains d’Europe (voir despotisme éclairé). Le français est plus que jamais la langue internationale de la diplomatie et de la culture, et le goût et le style français dans les domaines de l’architecture, du mobilier et de la mode sont imités dans tout le monde occidental (voir style Régence ; style Louis XV ; style Louis XVI ; style rococo).

6 LA FRANCE CONTEMPORAINE
6.1 La Révolution française (1789-1799)
6.1.1 De l’absolutisme à la monarchie constitutionnelle (1789-1792)
6.1.1.1 Les États généraux et la remise en cause de l’Ancien Régime

C’est dans un contexte de crise aggravée et sous la pression de certains de ses ministres que le roi Louis XVI accepte de convoquer des états généraux, le 8 août 1788. Partout dans le pays, au cours de l’année 1789, les revendications et plaintes de la population sont consignées dans des cahiers de doléances que les représentants des trois ordres portent à Versailles, où se tient la réunion. L’ouverture des séances, le 5 mai 1789, déçoit les espoirs de changement : attaché à ses prérogatives de monarque absolu, Louis XVI n’évoque pas les réformes politiques tant espérées. Le 17 juin, les députés du tiers état (représentant 96 % de la population française et aspirant à jouer un rôle à la mesure de leur importance numérique) se proclament « Assemblée nationale « et invitent les autres ordres à se joindre à eux ; le 20 juin, lors du serment du Jeu de Paume, ils jurent solennellement de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France. Sur les conseils de son ministre Jacques Necker, le roi admet rapidement cette révolution juridique qui le place sous le contrôle des représentants de la nation et, le 9 juillet, l’Assemblée se déclare « constituante «.

6.1.1.2 L’Assemblée nationale constituante (1789-1791)

Dans un climat d’effervescence générale, Louis XVI fait masser 20 000 soldats autour de Paris. Le 12 juillet 1789, lendemain du renvoi de Jacques Necker, la tension est à son comble : craignant une reprise en main par le roi, le peuple de Paris, accablé par le chômage et le prix élevé des denrées, prend les armes et s’attaque à la symbolique forteresse de la Bastille, le 14 juillet 1789. Dans tout le pays se généralise une agitation entretenue par les sociétés de pensée révolutionnaire. Une révolte paysanne se répand dans les campagnes, la Grande Peur, poussant l’Assemblée nationale constituante inquiète à proclamer, lors de la nuit du 4 août, l’abolition des privilèges. Le 26 août, elle vote la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, inspirée de la Déclaration américaine de 1776.

L’Assemblée nationale constituante réorganise profondément le pays : la confiscation des biens du clergé et l’émission de papier-monnaie (les assignats), pour régler les problèmes financiers urgents ; la publication de la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790), subordonnant l’Église à l’État ; la mise en place d’un nouveau découpage administratif (83 départements) et d’un système judiciaire qui fait passer le contrôle à des fonctionnaires et à des juges élus localement, inversant le processus de centralisation en vigueur depuis des siècles, sont parmi les mesures les plus importantes. Enfin, la Constitution adoptée en septembre 1791, la première dans l’histoire de France, institue la séparation des pouvoirs, un régime parlementaire dirigé par un monarque héréditaire et une assemblée élue au suffrage indirect par les citoyens actifs, c’est-à-dire payant l’impôt. Ayant achevé son travail — donner au pays une Constitution —, l’Assemblée constituante se sépare à la fin de septembre 1791 et laisse la place à l’Assemblée législative (qui se réunit pour la première fois le 1er octobre 1791).

6.1.1.3 L’Assemblée législative (1791-1792)

Les aspirations à l’ordre et à la stabilité qui caractérisent les décisions de l’Assemblée législative sont déçues. Entre un roi qui refuse le rôle de monarque constitutionnel et des députés décidés à instaurer la République, le système est voué à la faillite. La fuite de la famille royale et son arrestation à Varennes (20-21 juin 1791), puis la fusillade du Champ-de-Mars (dispersion dans le sang d’une manifestation républicaine le 17 juillet suivant), montrent que la conciliation est impossible.

En Europe, les monarques, effrayés par les risques de contagion révolutionnaire, se mobilisent (voir guerres des coalitions européennes). Des défaites successives dans la guerre contre l’Autriche et la Prusse qui a débuté en avril 1792 et la menace d’un complot aristocratique (manifeste de Brunswick) conduisent à l’insurrection populaire du 10 août 1792 : effrayés par la possibilité d’une attaque prussienne sur Paris avec la complicité de Louis XVI, les sans-culottes renversent la monarchie. Une Commune insurrectionnelle est constituée, donnant lieu à de nombreux débordements (notamment les massacres de septembre 1792). Le 20 septembre, la victoire de Valmy, premier grand succès de la Révolution, porte un coup d’arrêt à l’avancée des troupes prussiennes et contribue à souder la Nation, dotée depuis peu d’un hymne, la Marseillaise. Une nouvelle assemblée constituante, la Convention nationale, est élue au suffrage universel masculin ; le 21 septembre 1792, elle déclare la royauté abolie et proclame la République.

6.1.2 La Ire République (1792-1799)
6.1.2.1 La Convention nationale, la Terreur et Thermidor (1792-1795)

Durant la Convention nationale, première assemblée de la Ire République, les armées révolutionnaires remportent de nombreux succès sur le terrain extérieur (bataille de Jemmapes, 6 novembre 1792) et, dès la fin de l’année 1792, peuvent se lancer à la conquête de la Belgique, occuper la rive gauche du Rhin et annexer la Savoie puis Nice. En 1794, le territoire français est libéré et la victoire de Fleurus (26 juin) laisse aux Français les mains libres en Belgique.

À l’intérieur, les contre-révolutionnaires sont également réduits, d’abord sous la Convention girondine, puis plus encore lorsque les montagnards s’imposent à l’assemblée (Convention montagnarde). Après le procès et l’exécution du roi déchu (janvier 1793), la politique répressive de la Terreur entre dans une phase paroxysmique : la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui suspend les dernières garanties de la justice et rend les jugements encore plus sommaires, ouvre une période de « Grande Terreur «. En mai-juin 1794, Maximilien de Robespierre tente d’instituer, en remplacement du christianisme, une nouvelle religion politique et nationale, le culte de l’Être suprême (voir culte révolutionnaire). Mais les excès de la Terreur et les dissensions politiques de ses chefs provoquent la chute de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Les révolutionnaires à l’origine de cette journée, appelés les « thermidoriens « (dont Barras et Fouché), cherchent des compromis avec l’Église et les Vendéens, mais se heurtent à la double opposition des Jacobins et des royalistes. L’année suivante, la Convention thermidorienne adopte une nouvelle Constitution qui donne à la République un pouvoir exécutif fort, confié à un Directoire.

6.1.2.2 Le Directoire (1795-1799)

Le Directoire, conseil exécutif de cinq membres, dirige le pays aux côtés d’un pouvoir législatif divisé entre deux chambres (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens) élues au suffrage indirect. La crise économique et financière (mauvaises récoltes, inflation, effondrement de l’assignat), ainsi que la poursuite de la guerre (dernière insurrection en Vendée en 1795-1796, formation de la deuxième coalition contre la France en 1798), rendent le régime impopulaire. Sans grande autorité en raison de la division des pouvoirs, il est complètement discrédité en 1799.

Un certain nombre de personnalités occupant des postes clés (dont Sieyès et Lucien Bonaparte, président du Conseil des Cinq-Cents), favorables à un gouvernement plus efficace, décident de tenter un coup d’État et de porter au pouvoir le frère de Lucien, le jeune général Napoléon Bonaparte, dont le prestige est lié à de nombreuses victoires militaires, lors de la campagne d’Italie puis de celle d’Égypte. Le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), aidé de ses partisans et soldats, le général Bonaparte disperse les députés et, dans l’indifférence générale, met fin au Directoire — et, par là-même, à la période révolutionnaire.

6.2 Le Consulat et l’Empire (1799-1814)
6.2.1 Napoléon Bonaparte, Premier consul (1799-1804)
6.2.1.1 La mise en place du Consulat

Le Consulat est rapidement institué ; concentrant le pouvoir exécutif entre les mains de trois consuls — Napoléon Bonaparte siège avec Sieyès et Ducos, puis avec Cambacérès et Lebrun —, le nouveau régime se dote à la fin de l’année 1799 d’une Constitution (Constitution de l’an VIII) qui fait du Premier consul, en l’occurrence Bonaparte, le premier personnage de l’État. Les succès militaires foudroyants du Consulat amènent la coalition à se désintégrer et l’Angleterre, affaiblie et isolée, doit accepter le traité d’Amiens (mars 1802) qui met fin aux hostilités entre les deux pays.

6.2.1.2 La marche vers l’Empire

Napoléon Bonaparte se présente comme un homme de paix. Il s’attache à pacifier le pays en réconciliant les Français et en instaurant un gouvernement stable et centralisé : la Révolution est terminée. Ainsi, il favorise le ralliement des Vendéens et le retour des émigrés auxquels il offre des postes dans l’administration et dans l’armée ; il négocie avec le pape Pie VII le Concordat de 1801, qui rétablit l’Église catholique romaine en tant qu’Église d’État. Il s’attèle à l’unification des lois du pays en faisant promulguer en 1804 un Code civil (Code Napoléon), compromis entre les acquis de la Révolution (liberté de conscience, liberté du travail, égalité civile, abolition des privilèges féodaux) et les principes d’une société globalement conservatrice. Une administration centralisée (mise en place de préfets nommés par le ministère de l’Intérieur à la tête des départements), de nouvelles institutions monétaires (une banque centrale, la Banque de France, en février 1800 et une nouvelle unité monétaire, le franc germinal) et une organisation scolaire rénovée (création des lycées, 1802 ; d’une université impériale chargée de diriger et de contrôler le corps enseignant, 1808) renforcent le pouvoir et jettent les bases de la France d’aujourd’hui.

Confisquant progressivement le pouvoir à son profit (plébiscite d’août 1802 le déclarant consul à vie), Napoléon Bonaparte, au cœur d’une agitation royaliste, décide d’affermir sans appel son autorité : le 18 mai 1804, le Sénat le proclame empereur des Français. Une nouvelle Constitution (Constitution de l’an XII) et le plébiscite qui approuve massivement l’établissement de l’Empire et le sacre de Napoléon Ier par le pape (2 décembre 1804) entérinent les faits : le premier Empire est né.

6.2.2 Napoléon, maître de l’Europe (1804-1814)
6.2.2.1 Les guerres napoléoniennes

Après avoir stabilisé la situation intérieure, Napoléon Ier, qui se prépare à la guerre depuis 1803, décide de repartir à la conquête de l’Europe. Déjà présent en Italie et en Allemagne, il inquiète les monarques européens qui se mobilisent à nouveau contre la France au sein de nouvelles coalitions dès l’été 1805. Ulm (14-20 octobre 1805), Austerlitz (2 décembre 1805), Iéna (14 octobre 1806), autant de victoires du début des guerres napoléoniennes au cours desquelles l’Empereur bat l’Autriche, la Prusse et la Russie et se rend maître de la plus grande partie de l’Europe. Seule la Grande-Bretagne, maîtresse des mers après avoir détruit la flotte française au large de Trafalgar en octobre 1805, résiste ; Napoléon entreprend de l’isoler et d’asphyxier son économie en instaurant le Blocus continental. À son apogée en 1811, l’Empire compte 130 départements et s’étend de l’Allemagne du Nord à l’Italie, en passant par la Hollande et la Belgique.

6.2.2.2 La chute de Napoléon

Après le double échec de la campagne de Russie (mai 1812-mars 1813) et de la guerre en Espagne (1808-1813), les armées napoléoniennes sont décimées et très affaiblies. Chassé d’Allemagne après la défaite de Leipzig en octobre 1813, Napoléon perd au printemps 1814 l’ultime campagne susceptible de sauver l’Empire. Il abdique en avril 1814 et se rend aux Alliés qui ont pris possession de Paris. Vaincu, il s’exile à l’île d’Elbe. Les souverains coalisés encouragent alors la restauration des Bourbons sur le trône de France. En mai, le comte de Provence, frère de Louis XVI, entre dans Paris et se fait couronner sous le nom de Louis XVIII.

6.3 La Restauration monarchique (1814-1830)
6.3.1 Louis XVIII (1814-1824)
6.3.1.1 La Charte de 1814

L’épopée napoléonienne n’est pourtant pas terminée. La Restauration monarchique débute avec le concours du personnel impérial, et sans résistance de la part d’une population lasse de la guerre et de la conscription. Louis XVIII signe le premier traité de Paris (30 mai 1814), qui ramène la France à ses frontières de 1792, et octroie aux Français la Charte constitutionnelle (4 juin). Celle-ci ne revient pas sur les principales libertés acquises durant la Révolution mais réaffirme le caractère divin et héréditaire de la monarchie ; inspirée du système anglais, elle met en place, à côté du roi détenteur du pouvoir exécutif, un pouvoir législatif partagé entre une Chambre des pairs (aux membres nommés par le roi et héréditaires) et une Chambre des députés (élus par les départements sur une base censitaire), instaurant un régime de notables — le droit de vote appartient à moins de cent mille grands propriétaires, commerçants et industriels.

La politique du nouveau gouvernement mécontente de nombreux royalistes (qui la jugent trop timorée) et les plus modérés (qui acceptent mal le rétablissement des symboles de la royauté comme le drapeau blanc), tandis que les Alliés, réunis au congrès de Vienne depuis septembre 1814, ne s’accordent pas sur le partage de l’Europe. Napoléon voit dans cette conjonction de facteurs la possibilité de revenir au pouvoir.

6.3.1.2 Les Cent-Jours

En mars 1815, Napoléon s’échappe de l’île d’Elbe et revient en France. L’armée et la population se rallient à lui, Louis XVIII s’enfuit en Belgique et Napoléon rétablit l’Empire (Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, 22 avril 1815). Les souverains européens forment une nouvelle coalition et, le 18 juin 1815 à Waterloo (près de Bruxelles), écrasent l’armée impériale de manière définitive, mettant fin à l’aventure des Cent-Jours. Napoléon se rend aux Britanniques qui l’exilent à l’île de Sainte-Hélène où il meurt en 1821. Tandis que Louis XVIII revient à Paris et restaure à nouveau la monarchie, la légende napoléonienne, bientôt nourrie par les écrits d’Emmanuel de Las Cases, commence à se développer.

6.3.1.3 La seconde Restauration

La seconde Restauration, en 1815, déclenche une vague de répression contre les bonapartistes et les républicains. Les premières élections législatives d’août 1815 portent au pouvoir une chambre ultraroyaliste et réactionnaire (la Chambre introuvable) que le roi, sous la pression des Alliés, doit dissoudre moins d’un an plus tard. Les nouvelles élections (octobre 1816) donnent la majorité aux modérés représentés par le duc de Richelieu. La situation générale du pays s’améliore : l’économie profite du climat d’assainissement financier et la France, débarrassée des troupes d’occupation étrangères en 1818, retrouve sa place parmi les grandes puissances. Cependant l’assassinat en février 1820 de l’héritier du trône, le duc de Berry, provoque la chute des modérés et du ministère Decazes, et le retour au pouvoir des ultras, dirigés par le comte de Villèle. À la mort de Louis XVIII en 1824, son frère, le comte d’Artois, ultraconservateur, monte sur le trône sous le nom de Charles X.

6.3.2 Charles X (1824-1830)
6.3.2.1 Une monarchie conservatrice

Sous Charles X, le régime prend un tour nettement autoritaire et réactionnaire, servi par le renforcement du rôle de l’Église. Cette évolution suscite une opposition de plus en plus vive des libéraux qui considèrent les libertés en danger.

La « loi de justice et d’amour « déposée en 1827 pour supprimer la liberté de la presse échoue devant la puissance de l’opposition libérale, et Villèle doit démissionner en 1828. Après le ministère plus libéral de Martignac (1828-1829), les ultras reviennent au pouvoir avec Polignac, qui doit faire face à la victoire des libéraux aux élections de 1830. Charles X choisit de les défier : le 25 juillet 1830, il promulgue quatre ordonnances qui restreignent la liberté de la presse, prononcent la dissolution de la Chambre, limitent le droit de vote aux dépens de la bourgeoisie en relevant le cens et organisent de nouvelles élections (voir ordonnances de Saint-Cloud).

6.3.2.2 La Révolution de 1830

Députés et journalistes libéraux protestent contre cette atteinte à la Constitution et les travailleurs parisiens se mobilisent pour les soutenir. En trois jours de combats de rues (les « Trois Glorieuses «), ils chassent les troupes royales de la capitale. Charles X, abandonné de tous, abdique et les députés portent sur le trône le candidat de la bourgeoisie libérale conduite par Louis Adolphe Thiers, Louis-Philippe duc d’Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons. La Charte est révisée pour enlever au roi le pouvoir de gouverner par ordonnances et le droit de vote est élargi grâce à l’abaissement du cens électoral (200 000 votants) ; Voir Révolution de juillet 1830.

6.4 La monarchie de Juillet (1830-1848)
6.4.1 Louis-Philippe, roi des Français

Le régime de Louis-Philippe Ier, roi des Français, est traditionnellement considéré comme celui du triomphe de la bourgeoisie. Après une période d’agitation émaillée de mouvements sociaux (révolte des canuts dans le Lyonnais, 1831), le régime est fermement installé. À l’extérieur, la monarchie de Juillet recherche la paix par une politique d’entente cordiale avec la Grande-Bretagne (1843) tout en donnant un second souffle à l’empire colonial français par une nouvelle politique de conquêtes (Afrique du Nord et Afrique noire, Extrême-Orient, Pacifique).

La période se caractérise plus par l’essor de la vie économique et intellectuelle que par l’intensité de la vie politique. La croissance de la production industrielle s’accélère rapidement après 1840, faisant entrer la France en quelques dizaines d’années dans l’ère industrielle (développement de l’industrie textile, de la métallurgie, notamment sous l’impulsion des frères Schneider au Creusot ; accélération de l’exode rural) ; à titre d’exemple, l’extraction de la houille passe de 2 millions de tonnes en 1815 à 7 millions en 1848. La loi sur les chemins de fer de 1842 organise la construction d’un réseau ferroviaire national qui accélère l’industrialisation et offre aux individus une mobilité sans précédent. À l’instigation du ministre de l’Instruction publique François Guizot, une loi scolaire votée en 1833 exige que chaque commune de France dispose d’une école primaire pour les garçons, gratuite pour ceux qui ne peuvent payer les frais de scolarité (voir loi Guizot). Malgré ces progrès, la France reste très en retard par rapport à l’Angleterre qui a pris la tête de la révolution industrielle.

6.4.2 La Révolution de 1848

Pourtant, à partir de 1846, le régime commence à montrer des signes d’essoufflement. Une crise politique vient bientôt s’ajouter à la crise économique des années 1846-1847. Aux libéraux du parti du Mouvement (Laffitte) succèdent rapidement les conservateurs du parti de la Résistance (Guizot). Louis-Philippe et ses ministres résistent à toutes les pressions pour adapter les institutions politiques de la nation aux changements de la société et de l’économie, refusant surtout un élargissement du droit de vote. Le régime perd de son crédit au profit des partisans de la République. En février 1848, à Paris, la troupe tire sur des manifestants républicains qui demandent le renvoi du tout-puissant Guizot. La capitale s’embrase, se hérisse de barricades, et Louis-Philippe abdique le 24 février en faveur de son petit-fils, le comte de Paris. Mais les émeutiers ont déjà envahi la Chambre et la IIe République est proclamée le 24 février 1848. La Révolution de 1848 marque l’entrée du prolétariat en politique. Un groupe de chefs républicains — parmi lesquels Lamartine, Louis Blanc, Ledru-Rollin et Arago — constitue un gouvernement provisoire.

6.5 La IIe République (1848-1852)
6.5.1 La République des notables

Pendant les quatre premiers mois de la IIe République (février-juin 1848), les républicains modérés (qui désirent l’institution d’une démocratie représentative) et les radicaux (qui veulent fonder une véritable démocratie sociale) se disputent le contrôle du pouvoir. Dans un climat d’euphorie et d’effervescence intellectuelle, le gouvernement provisoire prend des mesures au caractère « humanitaire « et social : abolition de l’esclavage sous l’impulsion du ministre de la Marine Victor Schoelcher ; suppression de la peine de mort pour crime politique ; limitation de la journée de travail ; affirmation du droit au travail, etc.

Mais les manifestations d’anticléricalisme et le climat de violence sociale suscitent l’inquiétude des modérés et des conservateurs qui remportent les élections d’avril à l’Assemblée constituante. Lorsque l’Assemblée décide de supprimer les Ateliers nationaux (institution destinée à donner du travail aux chômeurs), les travailleurs parisiens se soulèvent au cours des journées de juin 1848. L’insurrection est écrasée par le général Cavaignac au terme de trois jours de combats sanglants dans les rues de Paris. Ces événements, qui ont accru la crainte du radicalisme de la classe ouvrière auprès de la bourgeoisie, renforcent le caractère conservateur de la République.

6.5.2 Louis Napoléon Bonaparte, prince-président

La Constitution adoptée en novembre 1848 établit une république présidentielle avec une assemblée unique, le président et l’assemblée étant élus au suffrage universel masculin direct. Neveu de l’empereur Napoléon Ier, Louis Napoléon Bonaparte, soutenu par le parti de l’Ordre regroupant les conservateurs, remporte le 10 décembre 1848 l’élection présidentielle à une majorité écrasante contre Lamartine et Cavaignac. Après les désordres parisiens qui ont effrayé les campagnes, les élections législatives (mai 1849) voient la victoire d’une majorité monarchiste hostile à la République.

Le prince-président laisse habilement l’Assemblée législative se déconsidérer par l’adoption de mesures favorables à l’Église (loi Falloux sur l’enseignement) ou hostiles à l’exercice des droits populaires (loi électorale restrictive, loi limitant la liberté de la presse). Les républicains radicaux, qui disposent d’un tiers des sièges, font naître la crainte des propriétaires lorsqu’ils annoncent leur intention de prendre le contrôle du gouvernement en 1852, année de l’élection présidentielle et parlementaire. Se posant en sauveur face à une menace de révolution radicale, Louis Napoléon prend lui-même le pouvoir par le coup d’État du 2 décembre 1851 qu’il fait approuver peu après par un plébiscite et donne à la France une nouvelle Constitution (janvier 1852). Un an plus tard, le 2 décembre 1852, il restaure l’Empire et prend le nom de Napoléon III.

6.6 Le Second Empire (1852-1870)
6.6.1 L’Empire autoritaire de Napoléon III

Soutenu par la bourgeoisie et l’Église, le Second Empire s’établit sur les bases d’un régime autoritaire, faisant notamment des préfets des instruments d’information et de contrôle dans chaque département. Dans le même temps, le pays bénéficie d’un climat favorable à son développement économique : la croissance industrielle redémarre, le réseau ferroviaire est rapidement multiplié par trois, la création de nouvelles institutions bancaires fournit l’assise indispensable en termes de crédit. Les traités commerciaux conclus avec la Grande-Bretagne et une dizaine d’autres pays contraignent l’industrie nationale, jusqu’alors surprotégée, à s’adapter à la compétition internationale et ont, dans un premier temps, un effet stimulant.

Sous l’impulsion du baron Haussmann, préfet de la Seine, Paris est transformée en profondeur et modernisée : les vieux quartiers, considérés comme des foyers révolutionnaires, sont détruits tandis que de grands boulevards sont percés. Le Second Empire participe au sein d’une coalition à la guerre de Crimée (1853-1856), puis à la guerre contre l’Autriche (1859), motivée par le soutien aux revendications nationales italiennes, qui permet l’unification de l’Italie et fait gagner à la France Nice et la Savoie.

6.6.2 L’Empire libéral

Abandonné par le parti catholique en raison de sa politique italienne qui a abouti à la confiscation des États pontificaux, Napoléon III — soutenu par son demi-frère le duc de Morny et par des libéraux comme l’homme de presse Émile de Girardin — choisit de s’appuyer sur la petite-bourgeoisie. Après dix années de gouvernement autoritaire, il estime son pouvoir suffisamment établi pour prendre des mesures libérales. Ainsi, dès la fin de l’année 1860, les députés se voient accorder un droit d’adresse à l’empereur. Pour sa part, celui-ci ne peut plus effectuer de dépenses supplémentaires sans approbation (1861). L’arrivée au ministère de l’Instruction publique du libéral Victor Duruy ouvre la voie à une politique scolaire novatrice, tandis que Napoléon III, qui manifeste son intérêt pour la condition ouvrière — il est lui-même l’auteur d’un opuscule intitulé De l’extinction du paupérisme —, cherche à gagner le soutien du monde ouvrier et accorde le droit de grève (mai 1864).

Pourtant, cette période de réformes voit se cristalliser différentes oppositions : autour de l’impératrice Eugénie, les partisans du retour à un régime autoritaire ; au côté d’Adolphe Thiers, de nombreux opposants se regroupent en 1864 sur un programme minimum qui dresse la liste les libertés nécessaires (individuelles, presse, électorales, parlementaires). En 1867, l’échec de l’expédition envoyée au Mexique pour soutenir l’archiduc Maximilien renforce les mécontentements. L’empereur accepte de nouvelles concessions (libertés de presse et de réunion, 1868 ; possibilité pour les députés de proposer des lois, 1869) et, après avoir renvoyé Rouher et Haussmann, jugés trop conservateurs, et Duruy, trop anticlérical, nomme à la tête du gouvernement en janvier 1870 Émile Ollivier, un républicain modéré chargé de concilier les diverses tendances. Sur le plan extérieur, la victoire décisive de la Prusse sur l’Autriche en juillet 1866 (bataille de Sadowa) a modifié l’équilibre géopolitique européen ; la France se sent menacée et ne parvient pas à contrer cette nouvelle puissance.

6.6.3 La guerre franco-allemande

Préparée à l’instigation du chancelier allemand Otto von Bismarck, la guerre franco-allemande déclenchée par la France est jugée par le régime et ses adversaires comme l’occasion d’une reprise en main. Les armées françaises étant inférieures en nombre et en matériel à celles de la Prusse et des autres États allemands coalisés (équipés en particulier de l’artillerie Krupp), les défaites militaires se succèdent rapidement. Les Français sont écrasés sur leur terrain et, le 2 septembre 1870, Napoléon III capitule avec le gros de son armée à Sedan.

Lorsque la nouvelle atteint Paris le 4 septembre, la IIIe République est proclamée. Les chefs de l’opposition républicaine, notamment Léon Gambetta, Jules Favre et Jules Grévy, forment le gouvernement de la Défense nationale, présidé par le gouverneur militaire de Paris, le général Trochu, pour poursuivre la guerre. Pendant quatre mois, Paris est assiégée et des armées hâtivement rassemblées s’opposent aux Allemands dans la vallée de la Loire. Malgré l’héroïsme des troupes françaises, le gouvernement doit capituler le 28 janvier 1871. Bismarck accorde un armistice de trois semaines pour permettre l’élection d’une Assemblée nationale ayant autorité pour conclure la paix. L’Assemblée, à la majorité monarchiste, se réunit à Bordeaux et ratifie le 1er mars les préliminaires de paix qui cèdent à l’Allemagne l’Alsace et un tiers de la Lorraine, prévoient le versement d’une indemnité de 5 milliards de francs et une occupation militaire jusqu’au paiement de l’indemnité. Ces dispositions sont reprises par le traité de Francfort (10 mai 1871) qui met fin à la guerre franco-allemande.

6.7 La IIIe République (1870-1940)
6.7.1 La difficile naissance du régime
6.7.1.1 La Commune de Paris

Les débuts de la IIIe République s’avèrent difficiles. L’Assemblée nationale, qui s’installe à Versailles le 20 mars 1871, vient juste de mettre un terme à la guerre avec l’Allemagne lorsqu’elle doit faire face à une guerre civile. Humilié par la défaite, accablé par les misères du siège et violemment opposé à la décision de l’Assemblée nationale qui, sans tenir compte des circonstances, vient d’ordonner le paiement des loyers et des dettes, le peuple de Paris se soulève.

Le 18 mars 1871, les insurgés créent un gouvernement municipal indépendant, la Commune de Paris. Ils votent plusieurs décrets (institution d’un salaire minimal, séparation de l’Église et de l’État, etc.), mais sont rapidement affaiblis par des dissensions politiques. Ils tiennent néanmoins la capitale pendant deux mois au terme desquels les troupes gouvernementales versaillaises, mandatées par le chef de l’exécutif, Adolphe Thiers, s’emparent de Paris à l’issue de terribles combats (la « semaine sanglante «, 21-28 mai). La Commune fait entre 20 000 et 30 000 morts, quelque 38 000 personnes sont arrêtées et plus de 7 500 déportées au bagne. Le mouvement ouvrier en France s’en trouve durablement affaibli.

6.7.1.2 L’Ordre moral de Mac-Mahon

L’Assemblée de février 1871 est dominée par une majorité monarchiste. Si tous espèrent le rétablissement de la royauté, les monarchistes — divisés entre légitimistes, attachés au principe de droit divin, et orléanistes, favorables à un système parlementaire — ne parviennent pas à s’entendre sur le nom d’un prétendant. En mai 1873, ils réussissent toutefois à faire démissionner Adolphe Thiers, président de la République depuis le 31 août 1871, au profit du maréchal de Mac-Mahon, connu pour ses sympathies royalistes. Le refus du comte de Chambord, candidat accepté par l’ensemble du parti royaliste, de reconnaître le drapeau tricolore comme emblème de la nation française, compromet à nouveau les chances de restauration monarchique. Cependant, pour se réserver la possibilité d’intervenir à moyen terme, l’Assemblée vote l’institution du septennat présidentiel, et le gouvernement impose une politique d’Ordre moral, cléricale et conservatrice.

En dépit de l’opposition des monarchistes, la République s’instaure progressivement et, en janvier 1875, les républicains réussissent à faire voter, à une voix de majorité, l’amendement du député Henri Wallon : le président de la République sera désormais élu par le Sénat et par la Chambre ; la fonction, en devenant une institution, consacre le principe de la République. Les élections législatives de mars 1876 donnent la majorité aux républicains et Mac-Mahon appelle au gouvernement des modérés, comme Jules Simon qui devient président du Conseil. Opposé à la politique d’Ordre moral, ce dernier est poussé à la démission le 16 mai 1877 et remplacé par le royaliste de Broglie (voir crise du 16 mai 1877). Ce coup de force contre le parlement provoque l’opposition des 363 députés républicains qui refusent la confiance au gouvernement. Le président dissout alors la Chambre mais les élections anticipées d’octobre voient à nouveau triompher les républicains. En 1879, les républicains deviennent également majoritaires au Sénat. Mac-Mahon s’incline et démissionne : la République appartient désormais aux républicains.

6.7.2 Le triomphe de la République
6.7.2.1 Les grandes lois républicaines

Après l’élection de Jules Grévy (1879-1887) à la présidence de la République, le régime s’affirme grâce à un ensemble de réformes relatives aux libertés publiques et à l’enseignement. Au cours des années 1880, le ministère de Jules Ferry entreprend de briser l’influence de l’Église catholique sur l’éducation des enfants. Les lois scolaires de 1880 et 1882 (lois Ferry) rendent l’éducation primaire laïque, gratuite et obligatoire et interdisent l’éducation religieuse dans les écoles publiques ; l’enseignement secondaire devient accessible aux filles. Les gouvernements successifs consacrent la reconnaissance des grandes libertés collectives et individuelles (libertés de la presse, de réunion et syndicales ; loi sur le divorce). Des crises comme celle du boulangisme, inspirée par le général Georges Boulanger, secouent encore la République à la fin du xixe siècle, mais le régime, désormais bien implanté, en sort victorieux.

6.7.2.2 L’affaire Dreyfus et ses conséquences

Après le scandale de Panamá (1889-1893), le nationalisme et l’antisémitisme s’affirment au cours de l’affaire Dreyfus. En décembre 1894, un tribunal militaire condamne en cour martiale un officier juif, le capitaine Alfred Dreyfus, à la dégradation et à la déportation à vie pour espionnage au profit de l’Allemagne. Sa famille et ses amis, convaincus de son innocence, entreprennent de prouver le caractère infondé des charges retenues contre lui et reçoivent progressivement le soutien de nombreuses personnalités. À la fin des années 1890, l’affaire Dreyfus est devenue un débat d’ampleur nationale, qui divise profondément le pays entre « dreyfusards « et « antidreyfusards «.

Les partisans de Dreyfus, en majorité républicains, affirment qu’une injustice a été commise et que la justice à l’égard de l’individu prime sur toute autre considération. Certains intellectuels épousent la cause de Dreyfus, comme Anatole France, Charles Péguy ou Émile Zola, qui publie en 1898 dans les colonnes de l’Aurore son célèbre « J’accuse «, lettre ouverte adressée au président Félix Faure. Les antidreyfusards, retranchés derrière la raison d’État, prétendent pour leur part que les dreyfusards discréditent l’armée et cherchent à affaiblir la volonté de revanche vis-à-vis de l’Allemagne ; autour d’eux, les forces réactionnaires se rassemblent, unissant monarchistes et ultranationalistes regroupés autour de ligues d’extrême droite.

Les députés radicaux et socialistes s’unissent en 1899 pour former un gouvernement de défense républicaine — le Bloc des gauches, placé sous la direction de Waldeck-Rousseau —, qui cherche à apaiser la situation en faisant gracier Dreyfus par le président Émile Loubet et en destituant les officiers compromis. L’unité se réalise dans l’anticléricalisme militant ; l’Église, discréditée par son appui au parti nationaliste, est accusée d’encourager les attaques contre le régime.

Le gouvernement fait voter en 1901 une loi sur les associations, permettant la fermeture de 1 500 congrégations religieuses et de 3 000 écoles catholiques. Le cabinet d’Émile Combes (1902-1905) interdit d’enseigner à tous les membres des ordres religieux (1904) et prépare la loi de la séparation de l’Église et de l’État qui, votée en décembre 1905, abroge le Concordat de 1801. Ces crises successives ont conduit à une redéfinition au sein du monde politique français : un nouveau clivage gauche-droite, qui ne passe plus par l’antagonisme monarchistes-républicains, vient d’apparaître.

6.7.2.3 La croissance économique

Forte d’une monnaie qui est encore la première du monde et d’un vaste empire colonial, la France accomplit sous la IIIe République de grands progrès économiques. Les quarante années qui précèdent la Première Guerre mondiale sont des années de croissance économique régulière. La production de houille a triplé depuis 1870, celle de la fonte quadruplé et la production d’acier a été décuplée. Cependant, dans un pays à dominante rurale, le niveau de développement de l’industrie mécanique reste médiocre (sauf pour l’industrie automobile, alors la première d’Europe) et les industries chimiques et électriques ne soutiennent pas la comparaison avec celles d’outre-Rhin. La France, qui a longtemps été la nation la plus peuplée d’Europe, n’a vu sa population passer, en l’espace de quarante ans, que de 36 à 39 millions d’habitants, tandis que celle de l’Allemagne, durant la même période, passe de 41 à 67 millions.

La classe ouvrière voit son sort s’améliorer (institution de la journée de travail de 8 heures pour les mineurs en 1905, du repos hebdomadaire en 1906, des caisses de retraite en 1910) mais est néanmoins confrontée à plusieurs reprises à de graves problèmes de subsistance économique, débouchant, par exemple, sur la meurtrière révolte du Midi, qui touche le Languedoc viticole en 1907. Les syndicats sont légalisés par la loi Waldeck-Rousseau de 1884. Le développement du syndicalisme permet en 1895 la fondation de la Confédération générale du travail (CGT) et l’émergence d’un mouvement socialiste révolutionnaire ; rejetant l’action politique, celui-ci appelle à une action directe par la grève pour renverser à la fois le régime politique et le capitalisme.

6.7.2.4 La politique extérieure de 1871 à 1914

Dans les années qui suivent la guerre franco-allemande de 1870, la sécurité nationale est une préoccupation constante, et l’idée de la « revanche « s’impose comme une obsession. Pour affirmer sa puissance, la France se lance dans une politique d’expansion coloniale outre-mer et établit un nouvel empire colonial en Afrique et en Asie qui, bien que supérieur en taille à l’empire perdu au xviiie siècle, reste moins vaste que l’Empire britannique. Dans les années 1890, le relâchement des relations entre la Russie et l’Allemagne donne à la France l’occasion longtemps attendue de se doter d’un allié sur la frontière orientale de l’Allemagne. En 1894, la République et l’empire des tsars, déjà en relation sur le plan économique, concluent une alliance défensive d’assistance mutuelle dirigée contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. Dix ans plus tard, une crainte commune de l’Allemagne pousse la France et la Grande-Bretagne à régler leurs différends coloniaux, à conclure l’Entente cordiale (1904) et à engager des consultations sur des opérations navales et militaires conjointes en Europe. En 1907, la Russie s’y joint : la Triple-Entente est née ; elle fait face à la Triple-Alliance constituée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

La menace de la guerre pèse durant toute la première décennie du xxe siècle et plusieurs crises sérieuses donnent à penser qu’un conflit est imminent : la France et l’Allemagne s’affrontent sur le terrain diplomatique au Maroc (discours de Guillaume II à Tanger, 1905 ; incident d’Agadir, 1911) ; l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie débouche sur une crise, opposant les Serbes et les Russes aux Austro-Hongrois en 1909 ; en 1912 et 1913, les guerres balkaniques fragilisent encore la situation dans cette région du monde, la « poudrière des Balkans «.

Simultanément, l’Europe entière se lance dans la course aux armements. En France, la voix du socialiste Jean Jaurès s’élève pour mobiliser l’opinion, tandis qu’est adoptée en 1913 la loi qui fait passer le service militaire de deux à trois ans. Le président de la République, le Lorrain Raymond Poincaré, élu en 1913 et hanté par l’idée de la revanche, mène une politique de fermeté face à l’Allemagne. Le 28 juin 1914 à Sarajevo, l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand (héritier du trône austro-hongrois) par un nationaliste serbe, précipite la crise. Les intérêts de la France ne sont pas directement en cause dans la querelle qui oppose principalement l’Autriche-Hongrie et la Russie, mais le jeu des alliances amène le gouvernement français à soutenir son allié. Appuyant pour sa part les Austro-hongrois, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie le 1er août 1914 et, deux jours plus tard, à la France qui a refusé de garantir sa neutralité dans le conflit. La Belle Époque (appellation donnée après la guerre à ces premières années du nouveau siècle) s’achève.

6.7.3 La Première Guerre mondiale (1914-1918)

Lorsque la France entre dans la Première Guerre mondiale en août 1914, l’Union sacrée se réalise pour la défense du pays, mettant de côté les conflits de classe et les luttes politiques des années précédentes. Les armées allemandes envahissent la Belgique (malgré sa neutralité) et le nord de la France, puis s’avancent jusqu’aux environs de Paris avant d’être repoussées lors de la bataille de la Marne, au début du mois de septembre.

6.7.3.1 Une guerre de tranchées

Les forces allemandes reculent alors de 50 à 100 km et se retranchent sur une ligne de 700 km de long, de la Manche à la frontière suisse, profondément ancrée à l’intérieur du territoire français. C’est le début de la guerre de position, ou guerre de tranchées. Durant les quatre années qui suivent, les opérations militaires sur le front de l’Ouest visent essentiellement à percer le dispositif des tranchées ennemies et à reprendre la guerre de mouvement. L’utilisation des mitrailleuses et de l’artillerie lourde favorise les postures défensives, et les attaques n’aboutissent qu’à des gains de quelques kilomètres carrés au prix de très lourdes pertes en vies humaines.

À la fin de l’année 1914, les troupes françaises comptent déjà 300 000 morts et 600 000 blessés dans leurs rangs. La bataille de Verdun coûte à elle seule 270 000 vies en 1916. Après l’échec sanglant de l’offensive de printemps en 1917, certaines unités françaises refusent de monter au front et se mutinent. L’efficacité de l’effort de guerre est menacée par la lassitude de la population civile, par un puissant mouvement de grèves et par l’aspiration croissante à une paix négociée. Le général Philippe Pétain est nommé commandant en chef des armées et, combinant mesures répressives et concessions, parvient à rétablir la discipline et le moral des troupes. À l’intérieur, Poincaré appelle à la présidence du Conseil son rival, Georges Clemenceau, dont l’action énergique fait taire les défaitistes.

6.7.3.2 De l’armistice de Rethondes au traité de Versailles

En juillet 1918, l’unification du commandement allié, l’arrivée au combat des troupes américaines (les États-Unis sont entrés en guerre le 6 avril 1917) et enfin l’essoufflement de la machine de guerre allemande permettent aux Alliés d’organiser une contre-attaque et, à l’automne, le gouvernement allemand doit demander la paix. Le 11 novembre 1918, la République allemande, proclamée à Berlin deux jours plus tôt, accepte l’armistice à Rethondes. Le 28 juin 1919, à l’issue de la conférence de la Paix, elle signe le traité de Versailles. La France récupère l’Alsace et la Lorraine, l’armée allemande est limitée à 100 000 hommes, une zone de 50 km de large sur la rive droite du Rhin est démilitarisée (Rhénanie) et l’Allemagne accepte de verser des réparations pour les dommages civils. La France apparaît comme le grand vainqueur sur le continent, mais au prix de dommages considérables : elle compte près d’1,4 million de morts, parmi lesquels le quart des hommes de 18 à 27 ans, et 3 millions de blessés dont 1 million d’invalides. Les dépenses de guerre s’élèvent à environ 150 milliards de francs-or et la dette publique atteint 219 milliards de francs. Les départements du Nord-Est, terrains de l’essentiel des combats, sont dévastés. Économiquement et démographiquement, la France sort exsangue de la guerre.

6.7.4 L'entre-deux-guerres
6.7.4.1 La France des Années folles

Les modérés et les conservateurs constituent en 1919 le Bloc national qui occupe le pouvoir, tandis que le congrès de Tours, en 1920, consacre la scission entre socialistes et communistes. Après l’intermède du Cartel des gauches (1924-1926), qui porte le radical Édouard Herriot à la présidence du Conseil, la gravité de la situation financière détermine la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par Raymond Poincaré. La morosité de la situation tranche avec les aspirations nouvelles, nées des bouleversements de la guerre, qui caractérisent toute une partie de la société durant les Années folles.

Les gouvernements successifs de l’entre-deux-guerres s’emploient à mener une politique de stabilisation du franc. En effet, lorsque le contrôle des prix est levé à la fin de la guerre, la valeur du franc se met à chuter et, en 1926, la monnaie se stabilise au cinquième de sa valeur d’avant 1914. La bourgeoisie, qui compte de nombreux rentiers, est sévèrement touchée par la dévaluation. Grâce à la solidité monétaire qu’elle a retrouvée en 1928, mais aussi en raison de l’ouverture plus limitée de son économie aux marchés mondiaux, la France ne subit pas immédiatement les conséquences de la crise économique de 1929. La fin des années 1920 et le début des années 1930 sont même un bref interlude de prospérité et de calme. Cette période est interrompue par la crise mondiale qui commence à atteindre la France en 1932.

6.7.4.2 La crise des années 1930 et le Front populaire

De nouvelles menaces pèsent sur la paix avec l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne (1933), alors que la France est en proie à une crise de la morale publique et que plusieurs scandales financiers (dont l’affaire Stavisky, 1933) provoquent la renaissance d’une extrême droite antiparlementaire, constituée en ligues, dont l’activisme culmine avec les émeutes du 6 février 1934.

Les menaces que fait peser sur le régime cette agitation intérieure et le renforcement à l’étranger des dictatures fasciste et nazie poussent les radicaux, les socialistes et les communistes à s’unir en un Front populaire pour défendre la république : l’antifascisme s’est substitué à l’anticléricalisme comme ciment de la gauche. Ayant obtenu la majorité aux élections législatives de 1936, le gouvernement de Front populaire, dirigé par Léon Blum et composé de socialistes et de radicaux, fait voter lors des accords de Matignon (tenus à la suite d’un vaste mouvement de grèves) les lois établissant les congés payés, la semaine de 40 heures et l’obligation de négocier les salaires. Mais le gouvernement Blum, confronté à de difficiles problèmes financiers et sociaux, à l’hostilité du patronat, aux virulentes attaques de l’extrême droite et aux critiques des communistes devant la politique de non-intervention dans la guerre d’Espagne, doit faire une pause dans les réformes. Léon Blum cède la place au radical-socialiste Camille Chautemps (1937-1938), revient au pouvoir pendant un mois, puis s’efface au profit d’un autre radical-socialiste, Édouard Daladier, dont le gouvernement marque la fin du Front populaire.

Confrontée à la montée en puissance des États totalitaires et à la multiplication de leurs agressions — le Japon conquiert la Mandchourie en 1931 ; l’Italie envahit l’Éthiopie en 1935 ; l’Allemagne obtient le rattachement de la Sarre en 1935, pratique la remilitarisation de la Rhénanie en 1936, proclame l’Anschluss avec l’Autriche en 1938 —, la France doit se résoudre à l’éventualité d’une nouvelle guerre.

6.7.4.3 La recherche de la sécurité

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’idée d’une « sécurité collective « a prévalu et s’incarne depuis 1920 dans une Société des Nations (SDN), organisme chargé d’arbitrer et de prévenir les conflits entre États. Pendant les années 1920-1930, la sécurité ne cesse d’être une préoccupation constante du gouvernement français. Après une politique de fermeté face à l’Allemagne pour exiger d’elle le versement des réparations (occupation de la Ruhr en janvier 1923), la France assouplit sa position. Défenseur d’un rapprochement avec l’Allemagne, champion de la sécurité collective, Aristide Briand dirige la diplomatie française de 1925 à 1932. Il signe avec l’Allemand Gustav Stresemann les accords de Locarno (octobre 1925) qui garantissent le statu quo territorial du traité de Versailles.

La doctrine militaire reste quant à elle essentiellement défensive et la France fait construire à la frontière nord-est du pays un impressionnant système de défense destiné à empêcher une nouvelle invasion allemande (la ligne Maginot). Mais la Grande-Bretagne et les États-Unis, pratiquant une politique isolationniste, refusent de donner des garanties de soutien militaire contre l’Allemagne. La France cherche donc à assurer sa sécurité dans la reprise, tardive, de la course aux armements et dans des alliances avec la Belgique et des États d’Europe de l’Est (Tchécoslovaquie, URSS en 1935) qui peuvent, comme la Russie avant 1914, menacer l’Allemagne d’une guerre sur deux fronts si elle attaque la France. L’armée française, cependant, n’a ni la mobilité ni les capacités offensives nécessaires pour venir en aide à ses alliés de l’Est s’ils sont eux-mêmes attaqués.

6.7.4.4 Vers la guerre

Dès son accession au pouvoir en Allemagne en 1933, Adolf Hitler reconstitue les forces armées de son pays, au mépris des engagements pris en 1919. La France, pacifiste et marquée par le souvenir du traumatisme de 1914-1918, se rapproche de la Grande-Bretagne, attachée à suivre à tout prix la politique d’apaisement (« appeasement «) défendue par le Premier ministre anglais, Neville Chamberlain. Malgré les provocations du régime nazi et ses évidents appétits expansionnistes, la France et la Grande-Bretagne ne cessent de croire à la possibilité de sauver la paix : Édouard Daladier et Neville Chamberlain, chefs de gouvernement des deux pays, acceptent en 1938 le démembrement de la Tchécoslovaquie au profit de l’Allemagne, sauvant provisoirement la paix lors de la conférence de Munich, au prix d’un lâche renoncement. En 1939, la France se joint à la Grande-Bretagne pour garantir à la Pologne une assistance en cas d’agression allemande. En septembre 1939, l’Allemagne attaque effectivement la Pologne, déterminant l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale de la France et de la Grande-Bretagne ; cependant, privés d’une armée offensive et d’une aviation stratégique, les Alliés sont impuissants à sauver les Polonais d’une défaite, qui est très rapide.

6.8 La France dans la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
6.8.1 La « drôle de guerre «, la blitzkrieg et l’armistice

Se fondant sur l’expérience de la Première Guerre mondiale, le haut commandement français ne croit pas à la possibilité d’une guerre de mouvement. Cependant, après les mois d’inertie de la « drôle de guerre «, les forces allemandes envahissent les Pays-Bas, la Belgique et la France le 10 mai 1940 en contournant la ligne Maginot. Le gros de leurs forces blindées attaque une position peu défendue sur les lignes françaises (les Ardennes) et ouvre une brèche. En cinq semaines, sous les coups de la blitzkrieg, la France va connaître la plus grande défaite militaire de son histoire. Quarante-cinq divisions françaises et britanniques sont isolées au nord dans la poche de Dunkerque. Au cours de l’évacuation de Dunkerque (17 mai-4 juin 1940), la plus grande partie des troupes se replie en Angleterre, mais doit abandonner sur place tout son armement lourd.

Le 5 juin 1940, les Allemands attaquent sur la Somme et foncent vers le sud. Alors que leurs colonnes blindées s’infiltrent dans tout le pays, les routes sont encombrées de réfugiés qui fuient devant l’avancée allemande, et l’armée française se désintègre. À la fin du mois, la Wehrmacht occupe plus de la moitié du territoire national, jusqu’à la frontière espagnole. Réfugié à Bordeaux, le gouvernement formé par le maréchal Pétain demande, le 17 juin, l’armistice, signé cinq jours plus tard dans le wagon de Rethondes, choisi par Hitler pour effacer le souvenir de l’humiliation de la délégation allemande de 1918. Selon les termes de l’armistice, environ deux tiers du territoire français sont occupés par les forces allemandes aux frais des Français. La France reçoit l’autorisation d’établir un gouvernement dans la zone non occupée.

6.8.2 Le régime de Vichy et la collaboration

Le 10 juillet 1940, le Sénat et la Chambre des députés se réunissent à Vichy pour voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain qui abroge la IIIe République, prend le titre de chef de l’État français et établit un régime autoritaire et paternaliste, le gouvernement de Vichy, affirmant sa volonté de mener une Révolution nationale. La devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité « est remplacée par celle de « Travail, Famille, Patrie «. Pendant les années suivantes, Philippe Pétain, définitivement rejoint par Pierre Laval à partir de 1942, cherche à ramener la France à un ordre rural et passéiste, tout en intensifiant la collaboration avec l’occupant allemand — présent sur la totalité du territoire français à partir de novembre 1942. Cette Révolution nationale s’accompagne d’une politique répressive et discriminatoire à l’encontre de tous ceux que le régime considère comme hostiles à son idéologie ou comme indésirables. Les juifs sont victimes de mesures d’exception dès octobre 1940 et, à partir de 1942, sont pourchassés sans pitié (rafle du Vel’ d’Hiv, à Paris, en juillet 1942) et livrés aux Allemands qui les déportent massivement vers les camps de concentration.

6.8.3 De Gaulle et la Résistance

Le 18 juin 1940, un général inconnu qui a gagné Londres, Charles de Gaulle, ancien sous-secrétaire d’État à la Guerre, lance un appel à tous les soldats et marins français pour qu’ils le rejoignent afin de continuer la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne. L’« appel du 18 juin « constitue l’acte de naissance de la Résistance française. Rassemblant rapidement une force armée réduite (les Forces françaises libres, FFL), de Gaulle constitue un gouvernement de la France libre en exil en Angleterre, rallie certaines colonies et charge Jean Moulin, au sein d’un Conseil national de la Résistance (CNR), de coordonner les mouvements de résistance à l’intérieur de la France.

Tandis que le gouvernement de Vichy s’oriente vers une politique de plus en plus collaborationniste et que la Milice française aide les Allemands dans la traque des résistants et des juifs, le général de Gaulle, reconnu comme dirigeant par l’ensemble de la Résistance et par les forces combattantes d’Afrique du Nord, obtient au prix de difficiles négociations le soutien des États-Unis et transfère son quartier général à Alger.

6.8.4 La Libération et le gouvernement provisoire

Lorsque les Alliés débarquent en Normandie en juin 1944 (bataille de Normandie), les cadres de la France libre et les chefs locaux de la Résistance prennent le contrôle de l’administration. Le 25 août, six jours après le début de l’insurrection des Parisiens contre l’occupant, la deuxième division blindée du général Leclerc et des Forces françaises de l’intérieur (FFI), aidées par les Américains, libèrent la capitale. De Gaulle entre dans Paris le 26 août et organise un gouvernement provisoire représentant toutes les tendances de la Résistance, dont il s’efforce de maintenir l’unité sous son autorité. Après la victoire des communistes, des socialistes et des démocrates-chrétiens lors de l’élection de la première Assemblée constituante (1945), il dirige le gouvernement qui adopte un certain nombre de mesures économiques (nationalisations) et sociales, conformément au programme établi pendant la guerre par le Conseil national de la Résistance (CNR). Les femmes, à qui l’ordonnance du 5 octobre 1944 a accordé le droit de vote, peuvent voter pour la première fois aux élections municipales d’avril 1945. En désaccord avec les partis, n’ayant pas réussi à faire accepter sa conception d’un pouvoir exécutif fort, de Gaulle donne sa démission en janvier 1946.

6.9 La IVe République (1946-1958)
6.9.1 La reconstruction

La seconde Assemblée constituante établit la Constitution de la IVe République qui est adoptée par référendum le 13 octobre 1946. Cette Constitution maintient le principe d’un régime d’assemblée bicaméral, avec un président de la République élu par le Parlement et disposant de pouvoirs très restreints. Vincent Auriol, le premier président élu, s’efforce pendant l’ensemble de son septennat de favoriser le fonctionnement harmonieux des institutions malgré les faiblesses constitutives du régime. La IVe République entreprend une œuvre de reconstruction économique et financière qui ramène rapidement la croissance. Les plus importantes réalisations du régime concernent les réformes sociales et le développement économique ; en 1946 est institué un système complet de sécurité sociale qui prend en charge les soins médicaux, les retraites et les pensions d’invalidité, et l’indemnisation du chômage.

6.9.1.1 L’émergence des « Trente Glorieuses «

L’augmentation du taux de natalité fait passer une population longtemps stable de 40 millions en 1946 à 49 millions en 1966 (on parle alors de « baby-boom «). L’agriculture est profondément modifiée par l’adoption de machines modernes et de méthodes nouvelles. Un plan national de modernisation de l’industrie, favorisé par l’aide américaine du Programme de reconstruction européenne (le plan Marshall), provoque une deuxième révolution industrielle qui transforme la France en une société d’abondance. L’indice de la production industrielle est multiplié par deux entre 1948 et 1958. Deux séries de nationalisations donnent à l’État le moyen de contrôler l’essentiel de l’appareil productif : de la fin 1944 à la mi-1945, Renault, les Houillères du Nord, les sociétés de crédit, Gnôme et Rhône (chimie lourde), Air-France ; en avril 1946, l’électricité, le gaz et les assurances. Si certaines nationalisations sont motivées par l’activité collaboratrice des responsables (Renault), elles s’inscrivent comme la création du plan dans une logique d’interventionnisme extrême de l’État (voir planification). Cependant, dans le contexte de guerre froide internationale qui s’instaure dès 1947 et passé les premiers temps de l’union nationale pour la reconstruction, le pays connaît une série de grèves très dures.

6.9.1.2 La Communauté économique européenne

Renonçant aux rancunes qui ont compromis la paix en 1919, les gouvernements français s’engagent dans la voie de la réconciliation avec l’Allemagne, condition de la naissance d’une Europe unie. S’inspirant des idées de Jean Monnet, Robert Schuman est le promoteur du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951, embryon du Marché commun. En 1957, la France se joint à cinq autres nations européennes occidentales pour créer la Communauté économique européenne (CEE ; voir Union européenne), marché commun de 165 millions de personnes sans barrières douanières.

6.9.2 L’instabilité ministérielle : le « régime des partis «

Tout au long de son histoire, la IVe République est caractérisée par une instabilité ministérielle chronique. D’abord en proie à l’opposition des communistes — auréolé par son rôle au sein de la Résistance, le Parti communiste français (PCF), surnommé le « parti des fusillés « est, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le premier parti de France —, elle est attaquée sur sa droite par les gaullistes du Rassemblement du peuple français (RPF, parti créé en 1947 à l’initiative du général de Gaulle). Plusieurs combinaisons politiques se succèdent : le tripartisme (socialistes, communistes, démocrates-chrétiens) à partir de 1946 puis, de 1947 à 1952, celui de la Troisième Force (socialistes, démocrates-chrétiens, radicaux, modérés) et, de 1952 à 1954, des gouvernements de centre droit. L’instabilité politique est aggravée par la question de l’empire colonial français.

6.9.3 La fin de l’Empire colonial
6.9.3.1 La guerre d’Indochine

Dès 1946, afin de conserver la souveraineté en Indochine face au mouvement nationaliste conduit par Hô Chí Minh, la France se lance dans la guerre d’Indochine. Neuf ans de conflit coûtent à la France 92 000 morts. Après la retentissante défaite de Diên Biên Phu en 1954, le président du Conseil Pierre Mendès France met fin à la guerre par les accords de Genève.

6.9.3.2 Le déclenchement de la guerre d’Algérie

D’autres troubles agitent le Maroc et la Tunisie, mais la crise de la IVe République se cristallise autour de la « question algérienne «. En novembre 1954, les nationalistes algériens entament la lutte pour l’indépendance. L’armée, humiliée en Indochine, est déterminée à conserver cette dernière possession importante où vivent nombre de Français, les « pieds-noirs «. La guerre d’Algérie se révèle coûteuse et profondément impopulaire en France. Malgré une sévère répression, les gouvernements successifs ne réussissent pas à y mettre un terme, provoquant un mécontentement croissant des Français d’Algérie.

Craignant que le gouvernement de Paris ne négocie avec les nationalistes algériens du Front de libération nationale (FLN), des civils et des officiers de l’armée prennent le contrôle du forum à Alger le 13 mai 1958 et reçoivent le soutien du commandement militaire. Dans cette situation critique, caractérisée par le risque d’extension du mouvement à la métropole, et face à l’impuissance manifeste du gouvernement, le général de Gaulle apparaît comme le seul recours possible. Le 15 mai, le général Salan lance un appel à de Gaulle qui se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République «. Appelé à la tête du gouvernement par le président de la République, René Coty, de Gaulle reçoit l’investiture de l’Assemblée nationale le 1er juin. Le lendemain, l’Assemblée lui accorde les pleins pouvoirs pour gouverner le pays pendant six mois et pour préparer une nouvelle Constitution.

7 LA FRANCE D’AUJOURD’HUI : LA VE RÉPUBLIQUE (DEPUIS 1958)
7.1 La présidence du général de Gaulle (1958-1969)
7.1.1 Les nouvelles institutions

La nouvelle Constitution de la Ve République, soumise par Charles de Gaulle à un référendum populaire en septembre 1958, est approuvée par 79,2 % des votants. Le texte, élaboré en grande partie par le garde des Sceaux Michel Debré, s’inspire des idées que de Gaulle n’a cessé de défendre depuis son discours de Bayeux, en 1946. Il confie le pouvoir exécutif à un président élu au suffrage universel indirect et limite les pouvoirs de l’Assemblée, en réaction aux abus du régime parlementaire de la IVe République. Son article 16 permet au chef de l’État d’assumer les pleins pouvoirs en cas de crise grave — il est utilisé en avril 1961, lors du putsch des généraux d’Alger.

Cependant, le nouveau régime reste à mi-chemin du régime présidentiel et du régime parlementaire, car le Premier ministre et le gouvernement, nommés par le président de la République, sont responsables devant l’Assemblée nationale. Le 21 décembre 1958, de Gaulle est élu président de la République ; il nomme Michel Debré au poste de Premier ministre (1959-1962). En 1962, une révision constitutionnelle votée sur l’initiative de l’Élysée institue l’élection du président au suffrage universel direct, renforçant sa légitimité. Approuvée par 62,25 % des Français lors du référendum constitutionnel, cette réforme fait du président le véritable chef de la majorité.

7.1.2 La politique coloniale et la diplomatie

Le problème le plus pressant à l’automne 1958 reste celui de l’Algérie. Après le retentissant « Je vous ai compris « lancé au peuple d’Alger (4 juin 1958), Charles de Gaulle semble se rallier à l’idée de décolonisation et entend profiter des succès obtenus sur le terrain pour aborder les négociations en position de force. Dès 1959, il parle du « droit des Algériens à l’autodétermination « et, en 1960, ouvre des négociations de paix avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), provoquant l’incompréhension de nombreux Français d’Algérie et d’une partie de l’armée. En dépit des tentatives d’assassinat qui le visent, de Gaulle poursuit ces négociations jusqu’à la signature des accords d’Évian (18 mars 1962) qui reconnaissent l’indépendance de l’Algérie et sont approuvés à l’issue d’un référendum par 90 % des votants (8 avril). Ces accords exacerbent le terrorisme de l’Organisation armée secrète (OAS) sur le territoire français et surtout en Algérie, provoquant un exode vers la France de plus d’un million d’Européens qui craignent les représailles des musulmans.

Selon la Constitution de la Ve République, les colonies ont le choix entre l’indépendance complète ou un régime de large autonomie au sein d’une Communauté française présidée par le chef de l’État français. En 1958, seule la Guinée de Sékou Touré choisit l’indépendance, mais rapidement les nationalistes d’Afrique noire manifestent leur volonté d’y accéder à leur tour et, en 1960, la Constitution est révisée pour permettre une séparation à l’amiable d’avec la France.

Une fois résolu le problème algérien, de Gaulle est déterminé à rehausser le prestige de la France et à lui permettre d’affirmer son indépendance dans les affaires internationales. En 1959, il ordonne la fermeture des bases de bombardiers américains en France et, en 1966, fait sortir le pays du commandement militaire intégré de l’OTAN. Pour réduire la dépendance française envers la protection nucléaire américaine, il développe une force nucléaire nationale et autonome de dissuasion : la première bombe atomique française explose à Reggane (Sahara) en février 1960. Il mène une politique d’ouverture en direction du tiers-monde, critiquant notamment l’intervention militaire américaine au Viêt Nam. De Gaulle travaille à l’édification d’une Europe forte, renforçant l’engagement de son pays dans la Communauté économique européenne (CEE) mais refusant toute évolution vers une supranationalité qui remettrait en cause l’indépendance de la France. Il met pratiquement fin à l’hostilité séculaire entre la France et l’Allemagne, signant en 1963 le traité de l’Élysée, traité d’amitié et de coopération franco-allemand avec le chancelier de la République fédérale d’Allemagne, Konrad Adenauer.

7.1.3 L’économie et la société : croissance et modernisation

Les onze années de la présidence du général de Gaulle (1958-1969) marquent un âge d’or économique pour la France. Dès la fin de l’année 1958 est annoncé le plan Pinay-Rueff, destiné à assainir la situation financière du pays touché par l’inflation  ; sur l’initiative d’Antoine Pinay, ministre des Finances, et de Jacques Rueff, ancien conseiller de Poincaré, ce plan prévoit une réduction du budget de l’État, la création de nouveaux impôts, une dévaluation compensée par la création d’un nouveau franc. Entre 1959 et 1970, l’indice de la production industrielle est multiplié par deux et le rendement des récoltes de céréales augmente de 50 %. Le produit national brut connaît une hausse annuelle de 5,8 % en moyenne entre 1960 et 1975, un taux qui n’est dépassé que par celui du Japon. L’intervention de l’État soutient l’élan économique à travers la planification, des concentrations (dans la sidérurgie notamment), l’aménagement du territoire (création de la DATAR), des réalisations prestigieuses (aéroport d’Orly, avion « Caravelle «, usine marémotrice de la Rance, etc.). Le monde agricole connaît une profonde transformation sous l’effet de gains considérables de productivité. L’exode rural se développe et l’on commence à parler de la « fin des paysans «. Le pouvoir d’achat continue à croître, favorisant une prospérité qui se matérialise par le développement de la société de consommation et l’équipement des ménages.

Néanmoins, au milieu des années 1960, des signes de malaise apparaissent. L’inflation se maintient et le chômage fait sa réapparition. L’afflux de diplômés de l’université — produit de la démocratisation de l’enseignement supérieur dans les années 1950 — engendre des tensions sur le marché du travail. Le mécontentement social est croissant. Pour la jeune génération, celle du baby-boom, qui a grandi dans une ère de prospérité, la France gaulliste apparaît bloquée. Les inégalités de salaires restent les plus fortes de l’Europe occidentale. La France éprouve un besoin de réformes que la personnalisation croissante du pouvoir empêche de s’exprimer. Dans un célèbre article du Monde, « Quand la France s’ennuie… « (mars 1968), le journaliste Pierre Viasson-Ponté exprime ces aspirations autant qu’il dresse un tableau sévère du bilan gaulliste.

7.1.4 Mai 68 et les aspirations au changement

Fragilisé par sa mise en ballottage par François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965 et par la poussée de la gauche aux élections législatives de 1967, Charles de Gaulle, loin de consentir à des compromis, poursuit la mise en œuvre d’une politique d’industrialisation et de grandeur nationale. Mais le malaise économique et culturel latent aboutit aux événements de Mai 68. Toutes les forces de mécontentement qui n’ont pu s’exprimer jusqu’alors explosent simultanément. Les étudiants des universités parisiennes se mettent en grève et occupent la Sorbonne. Leur révolte s’accompagne d’un fort mouvement social dans l’ensemble du pays et, au cours de la troisième semaine de mai, la France est presque paralysée par la grève générale. Les efforts du gouvernement pour mettre un terme au mouvement par la persuasion et les concessions échouent ; la chute du régime ne paraît pas impossible. Dans cette situation extrême, de Gaulle, après avoir obtenu l’assurance du soutien des divisions de l’armée basées en Allemagne, procède à la dissolution de l’Assemblée nationale, tandis que son Premier ministre, Georges Pompidou, négocie avec les syndicats les accords de Grenelle ; définitivement signés en juin 1968, ils permettent de nouvelles avancées sociales : augmentation de 10 % des salaires, revalorisation du SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance), reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise, réduction des horaires de travail, etc.

La plupart des Français, craignant la montée du désordre, se rallient à de Gaulle et donnent aux gaullistes la majorité absolue dans la nouvelle Assemblée. Cependant, de Gaulle éprouve le besoin de vérifier l’adhésion du pays à sa politique et à sa personne. Au printemps 1969, il annonce un référendum sur deux réformes constitutionnelles (régionalisation et réforme du Sénat) et déclare qu’il se retirera si les électeurs rejettent ses propositions. Le 27 avril 1969, 53 % des votants répondent par la négative aux questions posées. De Gaulle démissionne le lendemain. Il se retire dans sa propriété de Colombey-les-Deux-Églises et ne participe plus à la vie politique jusqu’à sa mort, l’année suivante. Alain Poher, en tant que président du Sénat, assure l’intérim jusqu’à élection du nouveau président.

7.2 La présidence de Georges Pompidou (1969-1974)

À l’issue de l’élection anticipée qui suit le départ de Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Premier ministre de 1962 à 1968, est porté à la présidence de la République. Conservateur, le nouveau président n’en est pas moins convaincu de la nécessité de poursuivre la modernisation de l’appareil économique du pays.

7.2.1 Le gouvernement Chaban-Delmas (1969-1972)

Georges Pompidou maintient la politique gaullienne d’indépendance de la France à l’égard des deux superpuissances (États-Unis et URSS). Il continue de pratiquer une coopération étroite avec l’Allemagne de l’Ouest (RFA), fait progresser l’intégration de la France dans le Marché commun et abandonne l’opposition de son prédécesseur à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne. Il fait davantage participer l’Assemblée nationale à la formulation de la politique du pays et Jacques Chaban-Delmas, son Premier ministre jusqu’en 1972, tente de promouvoir un programme d’inspiration réformiste, la « nouvelle société «, fondé sur la concertation sociale qui, sans convaincre la gauche, déplaît aux conservateurs.

7.2.2 Le gouvernement Messmer (1972-1974)

En 1973, l’économie française est durement touchée par le premier choc pétrolier et les fluctuations de l’économie mondiale. La croissance des « Trente Glorieuses « s’en trouve ralentie, le chômage et l’inflation augmentent nettement. En proie aux difficultés économiques et au délicat arbitrage entre croissance, lutte contre l’inflation et stabilité de la monnaie, le gouvernement de Pierre Messmer doit faire face aux conséquences du décès soudain du président Pompidou, en avril 1974. De nouveau, le président du Sénat Alain Poher assure l’intérim jusqu’à l’élection présidentielle anticipée.

7.3 La présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981)

La maladie du président Pompidou ayant été longtemps cachée, l’annonce de sa mort est une surprise pour les Français. Les partis politiques n’ont pas préparé de candidat ou de programme, à l’exception de la gauche unie qui se présente sur la base du Programme commun de gouvernement mais pour qui l’élection arrive néanmoins un peu tôt. Au premier tour, le candidat socialiste François Mitterrand, qui bénéficie du soutien du Parti communiste et des radicaux de gauche, arrive en tête. Malgré la candidature du gaulliste Chaban-Delmas, la droite apporte son soutien au centriste Valéry Giscard d’Estaing, qui l’emporte au second tour à une très faible majorité.

7.3.1 Le gouvernement Chirac (1974-1976)

Valéry Giscard d’Estaing veut associer tous les partis centristes au gouvernement et prône un libéralisme attentif aux problèmes de société. Âgé de 48 ans, il inaugure un style de présidence moderne et « décontracté «, abaisse l’âge de la majorité à dix-huit ans, permet le vote de la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et crée un secrétariat d’État à la condition féminine. Le gaulliste Jacques Chirac, qui a activement contribué au succès électoral de Giscard d’Estaing en ralliant à sa candidature une partie des gaullistes, devient son Premier ministre. Malgré une politique de relance de la consommation, la récession s’aggrave. En 1975, l’indice de la production industrielle diminue pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et le nombre de chômeurs atteint 900 000, une augmentation de 45 % par rapport à 1974.

En matière de politique extérieure, Valéry Giscard d’Estaing continue de privilégier l’alliance franco-allemande dans la construction européenne et accorde une grande importance à la politique africaine de la France, intervenant au Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) en 1978. Sans remettre en question ses alliances, la France prend position en faveur d’une poursuite de la détente entre l’Ouest et l’Est en dépit de la crise créée par l’intervention soviétique en Afghanistan (décembre 1979).

De profondes divergences opposent le président et son Premier ministre sur le plan économique et politique, et Jacques Chirac donne sa démission en août 1976. Pour la première fois sous la Ve République, un conflit éclate au grand jour entre le président de la République et le chef du gouvernement. Le fait qu’il tourne à l’avantage de Giscard d’Estaing vient confirmer la prééminence présidentielle mise en place par les institutions de 1958, tout comme le choix, comme successeur de Jacques Chirac, d’un Premier ministre peu marqué politiquement, présenté comme « le meilleur économiste de France «. La crise de 1976 déplace le centre de gravité de la majorité au profit des centristes libéraux.

7.3.2 Le gouvernement Barre (1976-1981)

Le nouveau Premier ministre, Raymond Barre, a pour mission de mettre fin à la stagnation industrielle, au déficit de la balance commerciale et à l’inflation. Il entreprend d’orienter la France vers une économie plus libérale. Le contrôle des prix est progressivement supprimé, les industries qui ne sont plus compétitives sont restructurées et les industries de haute technologie encouragées. Parallèlement, le gouvernement engage une politique d’austérité, limitant la hausse des salaires et augmentant les impôts. Pour pallier la hausse des prix du pétrole et réduire la dépendance énergétique de la France, le programme de développement de l’énergie nucléaire est encouragé. Mais le deuxième choc pétrolier de 1979-1980 vient perturber ces tentatives de redressement : L’investissement privé n’augmente pas comme prévu, le commerce extérieur reste déficitaire, tandis que l’inflation et le chômage se maintiennent à un niveau élevé.

Sur le plan politique, la gauche est de nouveau distancée aux élections législatives de 1978 après la rupture de l’union entre les signataires du programme commun de 1972, alors que le Parti socialiste passe pour la première fois devant les communistes en nombre de voix.

7.4 Les présidences de François Mitterrand (1981-1995)
7.4.1 Le premier septennat (1981-1988)

En mai 1981, la droite, victime de ses divisions et de la perte de popularité de Valéry Giscard d’Estaing, perd l’élection présidentielle, n’ayant pas saisi l’ampleur des aspirations au renouveau d’une majorité de Français.

7.4.1.1 Le gouvernement Mauroy (1981-1984)

François Mitterrand succède à Giscard d’Estaing et nomme Pierre Mauroy au poste de Premier ministre. Les élections législatives de juin 1981 confirment la victoire du Parti socialiste. La gauche commence par satisfaire les revendications traditionnelles de son électorat : le gouvernement Mauroy nationalise les grandes banques et les principaux groupes industriels, crée un impôt sur la fortune, développe les avantages sociaux (en abaissant l’âge de la retraite à 60 ans et la durée hebdomadaire du temps de travail à 39 heures) et augmente le nombre d’emplois publics. Sous l’impulsion du garde des Sceaux Robert Badinter, il abolit également la peine de mort (octobre 1981). La vaste réforme de la décentralisation est entreprise sous la direction du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation Gaston Defferre. La radio est libéralisée, ce qui entraîne la multiplication de l’usage de la bande FM.

En 1983, l’échec de la relance économique pousse le gouvernement à des dévaluations (trois en dix-huit mois) et à des mesures d’austérité. Le ministre de l’Économie et des Finances Jacques Delors mène une politique de rigueur. En mai-juin 1984, la tentative d’adoption d’une loi relative à l'enseignement privé, la loi Savary, déclenche des manifestations d’une ampleur inattendue et donne à la droite l'occasion de faire reculer le gouvernement.

7.4.1.2 Le gouvernement Fabius (1984-1986)

En juillet 1984, le président Mitterrand remanie le gouvernement et engage les socialistes sur la voie d’une conversion à l’économie de marché. Les communistes, détenteurs de quatre portefeuilles dans le précédent gouvernement, sont écartés de l’équipe ministérielle. Le nouveau Premier ministre Laurent Fabius met en œuvre une politique de modernisation économique et de reconversion industrielle.

7.4.1.3 Le gouvernement Chirac (1986-1988) : première cohabitation

En mars 1986, après une victoire des partis de droite aux élections législatives à la proportionnelle, François Mitterrand doit nommer un nouveau Premier ministre issu de l’opposition : il choisit Jacques Chirac, fondateur du Rassemblement pour la République (RPR), parti gaulliste, et maire de Paris. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, 35 députés d’extrême droite, du Front national (FN), entrent dans l’hémicycle, à la faveur du mode de scrutin. François Mitterrand inaugure la « cohabitation « entre un président de gauche et un gouvernement de droite appuyé par la majorité parlementaire. Le gouvernement Chirac entreprend d’appliquer les orientations libérales de son programme et mène à bien son plan de privatisations d’entreprises publiques.

La politique extérieure de François Mitterrand, domaine réservé du président de la République, apparaît à bien des égards comme la continuation de celle de ses prédécesseurs. Durant son mandat, il réaffirme à la fois l’indépendance de la France et son maintien dans l’Alliance atlantique. Convaincu de la nécessité de la poursuite et de l’accélération de la construction européenne, il est un ardent promoteur de l’Acte unique européen (1986), avec le chancelier allemand Helmut Kohl et le président de la Commission européenne Jacques Delors.

7.4.2 Le second septennat (1988-1995)

François Mitterrand, qui a su donner à sa fonction un caractère arbitral tout en contestant à plusieurs reprises les choix du gouvernement, fait tourner la cohabitation à son avantage. Jacques Chirac perd nettement l’élection présidentielle de 1988 face au président sortant.

7.4.2.1 Les gouvernements Rocard et Cresson (1988-1992)

François Mitterrand choisit alors Michel Rocard, son principal rival socialiste, comme Premier ministre. Représentant de la tendance gestionnaire et modérée du Parti socialiste, Michel Rocard entreprend un recentrage de la politique de la gauche, favorisant l’ouverture en direction des centristes. Il met également fin à la crise qui secoue la Nouvelle-Calédonie, avec la signature, en juin, des accords de Matignon entre les indépendantistes du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) et les loyalistes du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR). En mai 1991, Michel Rocard est remplacé par Édith Cresson, la première femme à occuper le poste de Premier ministre en France. Ses initiatives impopulaires (comme la délocalisation de certains établissements publics) sont sanctionnées lors des élections régionales et Édith Cresson est contrainte de démissionner.

7.4.2.2 Le gouvernement Bérégovoy (1992-1993)

Pierre Bérégovoy succède à Édith Cresson en avril 1992. Si les gouvernements successifs parviennent à juguler l’inflation en maintenant un « franc fort «, ils échouent dans la lutte contre le chômage.

7.4.2.3 Le gouvernement Balladur (1993-1995) : deuxième cohabitation

Aux élections législatives de 1993, le Parti socialiste perd la majorité dans la nouvelle Assemblée au profit de la droite, qui remporte une victoire écrasante. Le président Mitterrand doit se résoudre à une deuxième cohabitation et nomme un membre du RPR, Édouard Balladur, au poste de Premier ministre.

Édouard Balladur mène une politique de rigueur et reprend le programme de privatisations commencé en 1986. La fin du second septennat de François Mitterrand est entachée d’un événement tragique, le suicide de son ancien Premier ministre Pierre Bérégovoy, tandis que se multiplient les révélations sur des scandales financiers et des affaires de corruption.

7.5 Les présidences de Jacques Chirac (1995-2007)
7.5.1 Le gouvernement Juppé (1995-1997)

Jacques Chirac est élu président de la République en mai 1995 avec 52,64 % des voix face à Lionel Jospin. L’annonce, en juin, de la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique avant leur arrêt définitif provoque un vaste mouvement de mécontentement international. La réforme de la doctrine militaire, impliquant la suppression du service national traditionnel et la professionnalisation de l’armée, est votée par le Parlement en mars 1997 (promulgation le 28 octobre de la même année).

Jacques Chirac nomme au poste de Premier ministre Alain Juppé. Celui-ci est rapidement confronté au décalage entre le discours de la campagne présidentielle centré sur la lutte contre la « fracture sociale « et le chômage, et les impératifs budgétaires liées à la préparation de la France au passage à l’Union économique et monétaire (UEM). En novembre-décembre 1995, son projet de réforme de la sécurité sociale provoque un mouvement social de grande ampleur, mené par plusieurs syndicats soucieux du maintien des acquis sociaux dans le secteur public. Le contexte économique reste morose : taux de croissance insuffisant, stagnation de la consommation due à l’accroissement de la pression fiscale et à la montée du chômage, augmentation des dépenses de santé, répercussions de la crise de la « vache folle « (encéphalopathie spongiforme bovine) touchant gravement l’élevage français et ses filières.

7.5.2 Le gouvernement Jospin (1997-2002) : troisième cohabitation

Afin de redonner une légitimité à son gouvernement, Jacques Chirac annonce en avril 1997 la dissolution de l’Assemblée nationale. Contre l’attente du président, la victoire de la « gauche plurielle « aux législatives (mai-juin 1997) inaugure une nouvelle période de cohabitation. Appelé à Matignon, le socialiste Lionel Jospin forme un gouvernement comprenant plusieurs communistes et une écologiste.

7.5.2.1 Adoption de lois sociales

Plusieurs projets législatifs sont discutés, parfois âprement, en 1998-1999 : la loi sur la parité hommes-femmes (3 mai 2000 ; appliquée pour la première fois aux municipales de mars 2001) ; le Pacs (Pacte civil de solidarité), qui crée un cadre juridique pour les concubins homosexuels et hétérosexuels (13 octobre 1999) ; et la loi de Martine Aubry sur les 35 heures (mai 1998) — le deuxième projet de loi, dit loi Aubry II, est adopté le 19 janvier 2000. Enfin, pour remédier au problème de l’exclusion des plus démunis à l’accès aux soins, la couverture-maladie universelle (CMU) entre en vigueur au 1er janvier 2000 (voir sécurité sociale).

7.5.2.2 Réformes institutionnelles et judiciaires

En septembre 2000 est voté par référendum, dans une relative indifférence (2/3 d’abstentions), le projet de loi réduisant le mandat présidentiel à cinq ans ; le septennat, en place depuis la IIIe République, cède la place au quinquennat. Au mois d’octobre 2001, la Cour de cassation tranche la question controversée du statut pénal du chef de l’État, alors que Jacques Chirac est mis en cause dans plusieurs affaires pour des faits remontant à l’époque où il était maire de Paris : le président de la République ne peut être cité devant la justice d’aucune manière que ce soit et devant la Haute Cour de justice seulement en cas de haute trahison ; en revanche, il peut être jugé comme un citoyen ordinaire à la fin de son mandat.

La justice fait également l’objet d’une réforme importante, comprenant deux lois sur la justice au quotidien (votées en 1998-1999) et une loi sur la présomption d’innocence entrée en vigueur au 1er janvier 2001. Cette nouvelle loi prévoit notamment l’intervention de l’avocat dès la première heure de la garde à vue.

Enfin, en Corse, après l’assassinat revendiqué par un groupe nationaliste du préfet Claude Érignac (février 1998), la volonté du gouvernement de rétablir « l’État de droit « est compromise par l’action du préfet Bernard Bonnet (affaire des « paillotes «) et celui-ci est arrêté en mai 1999. Les réformes prévues par l’accord de Matignon (juillet 2000) suscitent de nombreuses critiques, notamment de la part des « souverainistes « (le ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement démissionne en août). Remis en cause par le Conseil d’État, l’accord donne lieu à d’âpres discussions lors de son passage devant les députés en mai 2001. La loi est adoptée en janvier 2002, mais le Conseil constitutionnel en censure les dispositions qui prévoyaient de donner à l’Assemblée régionale corse un « pouvoir d’adaptation « des lois et souligne le caractère facultatif de l’enseignement du corse à la maternelle et à l’école primaire.

7.5.2.3 Vie politique

Marquées par un taux d’abstention record (53 %), les élections européennes de juin 1999 voient la victoire de la majorité « plurielle « ainsi que l’affirmation de la liste anti-européenne. Le Front national est affaibli quant à lui par sa scission de décembre 1998. Aux municipales de mars 2001, les divisions de la droite contribuent à une nouvelle victoire de la gauche plurielle, à Paris (élection de Bertrand Delanoë) et à Lyon. Toutefois, en dehors de ces deux villes, la gauche recule et perd 45 communes de plus de 9 000 habitants, dont Strasbourg, Rouen et Nîmes.

Pendant cette période, le débat public est animé par diverses questions relatives au passé de l’État français et au « travail de mémoire « qu’il sollicite. En septembre 1997, l’épiscopat français fait une déclaration officielle de repentance devant les autorités du judaïsme français pour les fautes commises par l’Église pendant l’Occupation (1940-1945). En octobre 1999, à l’issue de diverses péripéties juridiques, Maurice Papon est définitivement condamné à dix ans de réclusion criminelle pour « complicité de crimes contre l’humanité «. La même année, les députés reconnaissent à l’unanimité que les opérations menées en Algérie entre 1954 et 1962 étaient bien des faits de guerre (juin 1999) ; la question du recours à la torture par l’armée française est en outre largement débattue (presse, émissions de télévision, ouvrages).

7.5.2.4 Évolution économique

À partir de 1997, la France, portée par une conjoncture économique internationale favorable, entre dans une période de reprise. Celle-ci entraîne une décrue modérée mais régulière du chômage et, en février 2001, les statistiques enregistrent une baisse de plus d’1 million du nombre de chômeurs depuis juin 1997. La France retrouve alors un taux de chômage de 9 % de la population active. L’année 2001 est cependant marquée par un ralentissement de la croissance et le chômage connaît une légère progression à partir de mai. Au sein de la gauche plurielle, les Verts et les communistes réclament une politique plus nettement à gauche, au moment où plusieurs plans sociaux dans de grandes entreprises (Lu, Marks & Spencer, Moulinex) suscitent une forte émotion de l’opinion et la demande d’une politique plus dissuasive en matière de licenciement (mars-avril 2001).

Le 1er janvier 2002, l’euro est mis en circulation en France, de même que dans les onze autres pays de l’Union européenne qui l’ont adopté comme monnaie unique sous forme d’espèces monétaires. Au lendemain de cet événement historique, la nouvelle monnaie s’impose très rapidement dans les transactions quotidiennes.

7.5.2.5 L’onde de choc des attentats du 11 septembre

À la suite des attentats qui frappent les États-Unis le 11 septembre 2001, la France soutient la riposte américaine en Afghanistan, apportant une contribution d’abord navale et logistique et contribuant à sécuriser l'aide humanitaire.

7.5.3 Le gouvernement Raffarin (2002-2005)

Le scrutin présidentiel de 2002 voit s’affronter le 21 avril 16 candidats, un record. Alors que le taux d’abstention atteint le chiffre de 28,40 %, autre record pour un premier tour d’élection présidentielle, les résultats mettent à mal tous les pronostics en faveur d’un second tour opposant le président de la République et le Premier ministre en exercice. Jacques Chirac recueille en effet 19,88 % des suffrages devant Jean-Marie Le Pen (16,86 %) tandis que Lionel Jospin (16,18 %) arrive en troisième position et se retire de la vie politique. Forte de près de 20 % des suffrages (Bruno Mégret recueille 2,34 % des voix), l’extrême droite accède donc au second tour du scrutin présidentiel, ce qui fait l’effet d’un « séisme « politique. Parallèlement l’extrême gauche, représentée par trois candidats trotskistes, obtient plus de 10 % des voix tandis que Robert Hue, candidat du Parti communiste obtient seulement 3,37 % des voix. L’entre-deux-tours est marqué par des manifestations quotidiennes contre le Front national qui trouvent leur apogée avec celles du 1er Mai réunissant près d’un million et demi de personnes en France. À l’exception de Lutte ouvrière, la totalité des partis politiques appelle à voter pour Jacques Chirac, qui est réélu le 5 mai 2002 avec 82,21 % des suffrages. Dès le 6 mai, à la suite de la démission de Lionel Jospin et de son gouvernement, il nomme au poste de Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, président de la Région Poitou-Charentes et issu des rangs de Démocratie libérale (DL).

Le gouvernement que forme Jean-Pierre Raffarin ne connaît que quelques remaniements au lendemain des élections législatives au terme desquelles l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) remporte la majorité absolue à l’Assemblée nationale (398 sièges contre 179 pour la gauche). Nicolas Sarkozy dirige un vaste ministère de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales alors que le thème de l’insécurité a été au cœur de la campagne présidentielle. Plusieurs nominations sont remarquées : l’ancienne présidente du RPR, Michèle Alliot-Marie, devient ministre de la Défense ; la scientifique et spationaute Claudie Haigneré, ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles technologies ; le philosophe Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche ; Francis Mer, le P-DG d’Usinor, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ; Tokia Saïfi, députée européenne DL, fille d’immigrés algériens, secrétaire d’État au Développement durable. Tandis que de l’autre côté de l’échiquier politique la gauche cherche à se reconstruire, les premières décisions du gouvernement sont jugées à l’aune de la volonté exprimée par le Premier ministre au cours de la campagne électorale : être attentif aux intérêts de la « France d’en bas «.

À la gauche plurielle succède la droite unie au sein de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le nouveau parti issu de l’Union pour la majorité présidentielle qui absorbe notamment le RPR et DL. Le 14 juillet 2002, le président de la République annonce l’ouverture de trois grands chantiers concernant la sécurité routière, la lutte contre le cancer et l’insertion des personnes handicapées. Dans les mois qui suivent, alors que la situation internationale se tend au sujet de la question irakienne, Jacques Chirac, et son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, s’attache à défendre la paix et le droit international, recueillant à ce sujet l’approbation d’une très grande majorité des Français. La volonté du gouvernement de renforcer la décentralisation aboutit à une révision de la Constitution en mars 2003 qui fait désormais référence dans son article 1 à l’« organisation décentralisée de la République «. Plusieurs mouvements sociaux de grande ampleur se succèdent, menés par les opposants à la réforme des retraites, par les enseignants, par les intermittents du spectacle ou encore par les chercheurs, tandis que l’été 2003 est marqué par une période de canicule qui entraîne une surmortalité de 15 000 personnes et une vive polémique quant à la gestion de la crise par le gouvernement. La situation économique (hausse du chômage et du déficit public, qui dépasse la barre des 3 % du PIB – à 4,3 % du PIB, il est le plus élevé de tous les pays de l’UE) conduit la France à ne pas respecter les exigences du pacte de stabilité européen, ce qui entraîne une recommandation de la Commission de Bruxelles.

Dans ce contexte, les élections régionales et cantonales de mars 2004 sont marquées par une très large victoire de la gauche unie. Avec 50,34 % des voix aux élections régionales, elle atteint pour la première fois depuis 1981 la majorité absolue en voix. 13 Régions sont gagnées par la gauche, qui en préside désormais 24 sur 26 (à l’exception de l’Alsace et de la Corse). Aux élections cantonales, 11 départements basculent à gauche et 1 à droite. Dès lors, pour la première fois depuis leur création en 1790, une majorité de départements est dirigée par la gauche (51 contre 49 pour la droite). Au lendemain du scrutin, Jacques Chirac choisit de reconduire Jean-Pierre Raffarin dans ses fonctions de Premier ministre. Il forme un nouveau gouvernement de 43 membres, qui voit notamment Dominique de Villepin rejoindre l’Intérieur, Nicolas Sarkozy l’Économie et les Finances, François Fillon l’Éducation nationale et Jean-Louis Borloo prendre la tête du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale.

Au mois de juin 2004, les élections européennes voient une nouvelle victoire de la gauche qui remporte 42,86 % des suffrages exprimés, contre 37,75 % pour la droite. Quant aux élections sénatoriales de septembre 2004, elles se traduisent pour l’UMP par la perte de la majorité absolue au palais du Luxembourg du fait de la progression de la gauche. Au mois de novembre, Nicolas Sarkozy est élu à la présidence de l’UMP ; il est remplacé au ministère de l’Économie et des Finances par Hervé Gaymard. Démissionnaire en février 2005 à la suite d’une polémique portant sur son appartement de fonction, Hervé Gaymard est remplacé par Thierry Breton, jusqu’alors patron de France Télécom. Au même moment, les députés et les sénateurs se réunissent en Congrès et adoptent la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Parallèlement, ils votent le rattachement de la Charte de l’environnement à la Constitution française. Le 29 mai 2005, la France organise un référendum sur le traité européen. Alors que les principaux partis politiques ont fait campagne pour le « oui «, le « non « obtient 54,87 % des suffrages contre 45,13 % pour le « oui «. Le taux d’abstention atteint 30,26 %. Majoritaire à gauche, à l’extrême gauche et à l’extrême droite, chez les ouvriers, les employés et les jeunes ainsi que dans les zones rurales, le « non « arrive en tête dans 84 départements sur 100. À l’image du scrutin présidentiel de 2002, ce résultat est interprété comme le reflet d’une France en crise morale et sociale au sein de laquelle s’accroissent les inégalités dans un contexte de chômage élevé. Pour beaucoup, ce résultat apparaît aussi comme une manière pour la population de marquer son opposition au gouvernement Raffarin. Au niveau européen, la France, pays fondateur de la construction européenne, est le premier pays à rejeter le traité constitutionnel.

7.5.4 Le gouvernement Villepin (2005-2007)

Deux jours après le rejet du traité établissant une Constitution pour l’Europe, Jacques Chirac nomme Dominique de Villepin, au mois de juin 2005, au poste de Premier ministre, avec comme objectif de donner une « nouvelle impulsion « à l’action gouvernementale. Il forme un gouvernement resserré, constitué en majorité de chiraquiens fidèles, au sein duquel son rival Nicolas Sarkozy retrouve le ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Parvenir à une véritable baisse du chômage constitue la priorité du gouvernement. En août 2005, le gouvernement se réjouit ainsi d’avoir fait reculer le taux de chômage de la population active, pour la première fois depuis juin 2001, à 10,1 %, mais plusieurs crises sociales se succèdent dans les mois qui suivent. À partir de fin octobre, des émeutes se déroulent dans les banlieues, entraînant le 8 novembre l’instauration de l’état d’urgence. L’annonce de la création du contrat première embauche (CPE) au mois de janvier 2006, dans le but de lutter contre le chômage des jeunes, est suivi par deux mois de manifestations de lycéens, étudiants et salariés, qui atteignent des ampleurs historiques (un à trois millions de manifestants le 28 mars 2006 par exemple). Le CPE est finalement remplacé en avril par un dispositif en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté. La dernière année de gouvernement Villepin est largement marquée par la préparation de l’élection présidentielle, qui voit l’ascension de son rival, chef de l’UMP, Nicolas Sarkozy.

7.6 La présidence de Nicolas Sarkozy
7.6.1 Le gouvernement de François Fillon

Nicolas Sarkozy est élu président de la République en mai 2007 avec 53,06 % des suffrages exprimés face à Ségolène Royal qui en obtient 46,94 %, à l’issue d’un scrutin marqué par une participation record (83,97 % au second tour). Se présentant comme le candidat de la « rupture tranquille «, son accession à la tête de l’État se situe pourtant dans la continuité des deux mandats de Jacques Chirac dont il était ministre, mais elle marque en effet un changement de génération politique. Porteur d’un discours fort sur les valeurs (le travail, l’autorité, la morale, le respect, le mérite…) et sur la nation, il apparaît comme celui qui a réussi à décomplexer la droite et à lui permettre de s’assumer comme telle tout en faisant de l’UMP un grand parti conservateur uni à même de remporter la victoire présidentielle. Apparaissant comme le « troisième homme « du scrutin, François Bayrou (18,57 % des suffrages au premier tour) annonce pour sa part la création d’un nouveau parti centriste, le Mouvement démocrate (MoDem). François Fillon, nommé Premier ministre, forme un gouvernement resserré (15 ministres) et d’ouverture, qui intègre des personnalités issues de la gauche comme Bernard Kouchner, nommé ministre des Affaires étrangères et européennes. Il est remanié au lendemain des élections législatives de juin qui voient une victoire de la droite moins large que prévue — en recul, elle conserve toutefois la majorité absolue (avec 313 élus pour l’UMP contre 184 pour le Parti socialiste) et, pour la première fois depuis 1978, la majorité sortante est reconduite. Le MoDem de François Bayrou obtient 4 sièges seulement, comme les Verts.

Alors que le déficit public s’élève à 40 milliards d’euros et la dette à plus de 60 % du PIB, François Fillon déclare que « la France est en état de faillite «. Convaincu de la nécessité d’engager des réformes profondes, il entend parvenir à un retour à l’équilibre des dépenses publiques grâce à des économies générées par une réorganisation de l’État, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et un large plan de mesures d’économies.

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