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GILBERT DURAND — L'HONNEUR DES POÈTES

Publié le 22/02/2012

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Aussi, nous qui venons de faire la part si belle à l'imagination, nous demandons modestement que l'on sache faire la part de la cigale à côté du fragile triomphe de la fourmi. Car la véritable liberté et la dignité de la vocation ontologique des personnes ne reposent que sur cette spontanéité spirituelle et cette expression créatrice qui constitue le champ de l'imaginaire. Elle est tolérance de tous les régimes de l'esprit, sachant bien que le faisceau de ces régimes n'est pas de trop à cet honneur poétique de l'homme qui consiste à faire échec au néant du temps et de la mort. Il nous apparaît donc qu'une pédagogie de l'imagination s'impose à côté de la culture physique et de celle du raisonnement. A son insu notre civilisation a abusé d'un régime exclusif de l'imaginaire, et l'évolution de l'espèce dans le sens de l'équilibre biologique semble bien dicter à notre culture une conversion sous peine de déclin et d'abâtardissement. Romantisme et surréalisme ont distillé dans l'ombre le remède à l'exclusivité psychotique du Régime Diurne. Peut-être sont-ils venus trop tôt. De nos jours, grâce aux découvertes de l'anthropologie, ce n'est plus seulement un vague exotisme ou le simple charme de l'évasion et du bizarre qui viennent balbutier les conseils d'une thérapeutique humaniste. De même que notre civilisation technocrate et planétaire autorise paradoxalement le Musée imaginaire, aussi permet-elle un inventaire général des ressources imaginaires, une archétypologie générale. Alors s'impose une éducation esthétique, totalement humaine, comme une éducation fantastique à l'échelle de tous les fantasmes de l'humanité. (Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Bordas, éd.)

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