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II LES FONDEMENTS DE CETTE PHILOSOPHIE A) LA PHILOSOPHIE DE KANT L'on commence généralement à se persuader que la vraie, que la sérieuse philosophie en est encore où Kant l'a laissée.

Publié le 23/10/2012

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II LES FONDEMENTS DE CETTE PHILOSOPHIE A) LA PHILOSOPHIE DE KANT L'on commence généralement à se persuader que la vraie, que la sérieuse philosophie en est encore où Kant l'a laissée. En tout cas, je conteste qu'entre lui et moi, l'on ait fait en cette matière le moindre progrès. C'est pourquoi je me rattache directement à lui. (Monde, II, 4-5.) Kant, il est vrai, n'est pas arrivé à découvrir l'identité du phénomène et du monde comme représentation d'une part, l'identité de la chose en soi et du monde comme volonté d'autre part. Mais il a fait voir que le monde phénoménal est conditionné par le sujet tout autant que par l'objet ; il a isolé les formes les plus générales du phénomène, c'est-à-dire de la représentation, et par le fait il a démontré que, pour connaître les formes mêmes, pour en embrasser toute la sphère d'application, l'on peut partir non seulement de l'objet, mais aussi du sujet ; car, entre l'objet et le sujet, elles jouent le rôle d'un véritable mur mitoyen ; et il en a conclu qu'en raison de ce mur l'on ne pénètre l'essence intime ni de l'objet ni du sujet, autrement dit que l'on ne connaît jamais l'essence du monde, la chose en soi. Kant, ainsi que je vais le montrer, est arrivé à la chose en soi, non par une déduction exacte, mais par une inconséquence, inconséquence qui lui a valu de fréquentes et irré- futables objections dirigées contre cette partie capitale de sa doctrine. Il ne reconnaissait point dans la volonté la chose en soi elle-même. Pourtant, il a fait un grand pas vers cette découverte et il en a montré le chemin, lorsqu'il a représenté la valeur morale indéniable de l'action humaine comme étant sui generis et indépendante des lois du phénomène ; après avoir démontré qu'on n'en pouvait trouver dans ces lois la raison suffisante, il la posa comme quelque chose qui se rattache directement à la chose en soi. Tel est le second point de vue auquel il faut se placer pour apprécier ce que nous lui devons. Nous pouvons lui attribuer un troisième mérite : c'est d'avoir donné le coup de grâce à la philosophie scolastique ; sous ce nom je pourrais comprendre en bloc toute la période qui commence à partir de saint Augustin, Père de l'Église, et qui se termine précisément avec Kant. En effet, le caractère de la période scolastique est bien à coup sûr celui que Tennemann lui a si exactement attribué : c'est la tutelle exercée par la religion d'État sur la philosophie qui doit se contenter de confirmer, d'illustrer les dogmes capitaux que lui impose cette souveraine. (Monde, II, o-t i.) Voilà pourquoi je prétends que c'est en acquérant l'intelligence du monde lui-même que l'on arrive à résoudre le problème du monde ; ainsi le devoir de la métaphysique n'est point de passer par-dessus l'expérience, en laquelle seule consiste le monde, mais au contraire d'arriver à comprendre à fond l'expérience, attendu que l'expérience, externe et interne, est sans contredit la source principale de la connaissance, si donc il est possible de résoudre le problème du monde, c'est à la condition de combiner convenablement et dans la mesure voulue l'expérience externe avec l'expérience interne, et par le fait d'unir ensemble ces deux sources de connaissance si différentes l'une de l'autre. Néanmoins, cette solution n'est possible que dans de certaines limites, limites inséparables de notre nature finie : nous acquérons une intelligence exacte du monde lui-même, mais nous n'arrivons point à donner une explication définitive de son existence, ni à supprimer les problèmes d'au-delà. En résumé, il est une limite où l'on doit s'arrêter ; ma méthode tient le milieu entre la vieille doctrine dogmatique qui déclarait tout connaissable, et la critique de Kant qui désespère de rien connaître. Mais les vérités importantes, que nous devons à Kant et qui ont anéanti les systèmes antérieurs de métaphysique, m'ont fourni pour mon propre système les données et les matériaux. (Monde, II, 17-18.) Il y a une différence essentielle entre la méthode de Kant et celle que je suis ; Kant part de la connaissance immédiate et réfléchie ; moi, au contraire, je pars de la connaissance immédiate et intuitive. (Monde, II, 46.) Les objets sont, avant tout, objet de l'intuition, non de la pensée ; toute connaissance des objets est, originairement et en soi, intuition ; mais l'intuition n'est nullement une simple sensation ; au contraire, c'est déjà dans l'intuition que se montre l'activité de l'entendement. La pensée, privilège exclusif de l'homme, la pensée, refusée aux animaux, n'est que simple abstraction, abstraction tirée de l'intuition, elle ne donne aucune connaissance radicalement neuve, elle n'introduit point devant nous des objets qui, auparavant, n'y étaient point ; elle se borne à changer la forme de la connaissance, de la connaissance qui était déjà commencée grâce à l'intuition ; elle transforme cette connaissance en une connaissance de concepts, en une connaissance abstraite ; par suite, la connaissance perd sa qualité intuitive, mais il devient possible de la soumettre à des combinaisons et d'étendre ainsi indéfiniment la sphère de ses applications possibles. Au contraire, la matière de notre pensée n'est pas autre chose que nos intuitions elles-mêmes ; elle n'est point étrangère à l'intuition ; ce n'est point la pensée qui l'introduit pour la première fois devant nous. Voilà pourquoi la matière de tout ce qu'élabore notre pensée doit être vérifiée dans l'intuition ; autrement notre pensée serait une pensée vide. (Monde, II, 71.) La chose en soi se trouve nécessairement dans un domaine génériquement distinct de la représentation (c'est-à-dire du sujet qui connaît et de l'objet connu) ; aussi l'existence n'en saurait-elle être établie d'après les lois de la liaison des objets entre eux... Je n'ai pas atteint subrepticement la chose en soi, je ne l'ai pas déduite en m'appuyant sur des lois qui l'excluent, puisqu'elles en régissent la forme phénoménale ; ce n'est point par des détours, pour tout dire, que j'y suis arrivé ; j'en ai établi immédiatement l'existence, là où elle se trouve immédiatement, dans la volonté, qui

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