Investissement et croissance
Publié le 02/02/2012
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I / Investissement et croissance A / L’investissement : définition et acteurs 1 / Qu’est-ce que l’investissement ? Documents 1à 3 Distinguer l’investissement au sens courant (celui du langage courant), et au sens économique (celui des économistes). A distinguer d’un placement financier : prises de participation, achat d’actions etc. . Définition économique de l’investissement : création ou acquisition de capital fixe, c’est à dire de biens durables utilisés pendant une durée supérieure à une année dans le processus de production.. Il est mesuré par la comptabilité nationale en calculant la FBCF. . Taux d’investissement : FBCF / PIB L’investissement est donc le flux de nouveaux biens d’équipements qui vient s’ajouter au stock existant au cours d’une période (l’année en général). La FBCF mesure l’investissement brut, car elle ne prend en compte que la variation du stock de capital fixe mais ne prend pas en compte le flux négatif que constitue l’amortissement (usure, obsolescence des matériels). Une partie de l’investissement brut est donc consacrée à un investissement de remplacement, qu’il faut déduire de l’investissement brut pour mesurer le flux de nouveaux biens d’équipements qui s’ajoute réellement au stock existant : . Investissement net = Investissement brut – amortissement Quelles sont les motivations des entreprises qui investissent ? Type d’investissement Investissement de capacité Investissement de productivité Investissement de remplacement Objectif Augmenter les capacité de production Augmenter la productivité du travail Remplacer du matériel obsolète ou usé. L’investissement de remplacement vient remplacer le capital fixe qui part en amortissement à chaque période. Donc : · Investissement brut = les trois formes d’investissement matériel · Investissement net = Investissement brut – amortissement = Investissement de productivité et de capacité Importants pour la théorie car leurs effets sont différents, mais il est difficile concrètement de les distinguer et donc de les mesurer : une dépense peut correspondre aux trois objectifs en même temps. La mesure de l’investissement par la FBCF est imparfaite 1. L’amortissement est difficile à mesurer : En combien de temps une machine ou un bâtiment perd-il toute valeur ? A quel rythme ? Des conventions sont appliquées pour évaluer l’amortissement, mais son existence rend la mesure de l’investissement net incertaine. 2. Comment comptabiliser les services, autrement dit l’investissement immatériel ? . Investissements matériels : investissements physiques, qui prend la forme d’acquisition de biens. . Investissements immatériels : investissements non physiques, c’est à dire R&D, achat de brevets et licences, dépenses de formation (investissement en capital humain), achats de logiciels, dépenses de publicité et marketing. La part de l’investissement immatériel tend à augmenter dans l’investissement total avec le développement des NTIC mais aussi l’augmentation importante des dépenses de marketing et de publicité dans un contexte concurrentiel où la différentiation des produits (marques, image, etc.) est devenue aussi importante que la baisse des coûts pour attirer le client. Cependant, la comptabilité nationale ne prenait pas en compte ces éléments jusqu’en 1995. Depuis 1995, la comptabilité nationale prend en compte dans l’investissement une toute petite partie de l’investissement immatériel : achats de logiciels, prospection pétrolière, oeuvres artistiques ou littéraires originales. Mais les dépenses de R&D, formation (investissement en capital humain), publicité / marketing ne sont pas prises en compte car leur évaluation et leurs effets sont trop incertains. Comptabilisés comme des consommations intermédiaires ou comme des salaires … 2 / Qui investit et pourquoi ? Qui investit ? Les acteurs de l’investissement : les entreprises (plus de 50 % de l’investissement), les administrations publiques, les ménages (pour le logement seulement). Pourquoi investir ? Les ménages investissent pour acquérir un logement, qu’ils pourront louer à d’autres (le loyer rémunère alors la production d’un service : acquérir un logement est donc bien un investissement !) ou occuper eux-mêmes. Les administrations publiques investissent pour produire des services non-marchands au nom de l’intérêt général (infrastructures de transport, écoles, matériel militaire, hôpitaux etc.), mais aussi parfois pour relancer la demande dans l’économie (politique de relance par le budget). B / Qu'est-ce qui détermine l'investissement? Comment prendre la décision d’investir ? Problématique : Pourquoi les entreprises investissent-elles ? -Capacité d’investir : le financement de l’investissement. -Volonté d’investir : demande, rentabilité. 1 / Il faut pouvoir investir « De la valeur ajoutée à l’autofinancement « Question 1 : Complétez le schéma avec les termes suivants. Valeur de la production Valeur ajoutée Consommations intermédiaires EBE Impôts sur la production Rémunération des salariés Epargne brute Intérêts et dividendes versés Intérêts et dividendes reçus Placements financiers Investissement autofinancé Désendettement Question 2 : Comment est il possible de mesurer les phénomènes suivants sous la forme d’une proportion en % ? -L’importance des profits dans les revenus distribués : Taux de marge = EBE / VA -L’importance des investissements dans les richesses produites : Taux d’investissement = FBCF/VA -La capacité d’autofinancer ces investissements : Taux d’autofinancement = Epargne brute / FBCF Question 3 : Ecrire, à partir du schéma, la relation entre EBE et épargne brute. L’épargne brute est égale à l’EBE – intérêt et dividendes versés + intérêts et dividendes reçus. C’est la somme qui permet aux entreprises d’autofinancer leurs investissements, mais aussi de faire des placements et de se désendetter. Synthèse : Une entreprise qui dégage des marges d’autofinancement peut les utiliser pour investir, mais aussi pour se désendetter ou faire des placements financiers (exemple : acheter les actions d’autres entreprises). Plus de profit . Plus d’investissement ? Formulé par Helmut Schmidt, chancelier de RFA en 1979 : « Les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain «. A priori, dégager des profits permet d’autofinancer l’investissement, mais cela facilite aussi le financement externe : cela permet de dégager une capacité à rembourser qui permet d’emprunter davantage (par emprunts auprès du système bancaire ou par émission d’obligations sur les marchés financiers) ; cela permet de distribuer davantage de dividendes ce qui peut attirer de nouveaux actionnaires. Rappelons qu’avec l’élévation du taux de marge et la hausse des taux d’intérêt au début des années 80, les économies développées à économie de marché sont passées d’économies d’endettement (où le financement par emprunt bancaire domine) à des économies de marchés financiers (où l’autofinancement et la vente de titres sur les marchés domine). Cependant, dans les faits, la relation n’est pas si immédiate entre profits et investissement. Les entreprises peuvent investir mais ne le font pas, préfèrent parfois placer l’argent plutôt que d’investir. C’est peut-être qu’elles ne le veulent pas toujours … document 4 2 / Il faut vouloir investir a) L’investissement est-il rentable ? Comment déterminer la rentabilité d’un projet d’investissement ?documents 5 et 6 Comparer la rentabilité et le taux d’intérêt pour décider d’investir document 7 Pour répondre à cette question, une entreprise va comparer deux choses : -Ce que rapporte l’investissement, c’est à dire sa rentabilité. Elle est mesurée en rapportant les profits attendus chaque année (l’EBE) et la valeur du capital investi. . Taux de rentabilité (économique) = EBE / Montant du capital investi -Ce que coûte l’investissement, c’est à dire le taux d’intérêt. En effet, celui-ci a une double signification suivant la situation financière de l’entreprise : c’est le coût de l’endettement (bancaire ou par obligations) si celle-ci a un besoin de financement ; c’est aussi le rendement moyen qu’aurait pu espérer l’entreprise qui a une capacité de financement (une épargne brute), en faisant un placement sans risque plutôt qu’un investissement (les économistes parlent alors du taux d’intérêt comme « coût d’opportunité de l’investissement «). Le taux d’intérêt pris en compte pour évaluer le « coût « de l’investissement est le taux d’intérêt réel, c’est à dire le taux d’intérêt déflaté : . Taux d’intérêt réel = Taux d’intérêt nominal – Taux d’inflation Les projets d’investissement qui seront décidés seront donc uniquement ceux dont le taux de rentabilité est supérieur au taux d’intérêt du moment, autrement dit ceux dont la profitabilité est positive : . Taux de profitabilité = Taux de rentabilité – Taux d’intérêt En suivant ce mode de raisonnement, a priori, les entreprises devraient globalement désirer investir davantage et l’investissement total devrait augmenter si le taux de rentabilité augmente (grâce en particulier à un partage de la VA plus favorable au profit) et/ou le taux d’intérêt réel baisse (grâce à une baisse du taux d’intérêt nominal ou à une hausse de l’inflation). Pourtant, cette relation n’est pas toujours vérifiée « Taux d’intérêt et investissement : quelle corrélation ? «). Si le partage de la VA favorable aux salariés a bien défavorisé l’investissement dans les années 1970, le rééquilibrage en faveur des profits depuis 1983 n’a pas toujours été favorable à l’investissement. Par ailleurs, au milieu des années 1990 en France, alors que les taux d’intérêts réels diminuent fortement, l’investissement n’augmente pas, ce qui montre que la volonté d’investir est également guidée par d’autres motifs. b) Faut-il produire plus pour répondre à la demande ? Documents 8 à 11 En effet, la baisse importante de l’investissement au milieu des années 1990 en France est liée à une croissance particulièrement faible (négative en 1993), donc à des revenus distribués et à une demande peu dynamique. Même avec une situation financière améliorée (rétablissement du taux de marge = part des profits dans la VA) et avec des taux d’intérêts réels bas, les entreprises ne souhaitent pas investir davantage si elles n’anticipent pas une demande plus importante pour leurs produits, car une motivation importante de l’investissement peut être de produire plus ( investissement de capacité). L’économiste John Maynard Keynes avait coutume de présenter par une parabole cette situation où des entreprises peuvent s’« abreuver « de liquidités (de monnaie) à des taux d’intérêts faibles mais ne souhaitent pas investir davantage : « rien ne sert de donner à boire à un âne qui n’a pas soif «. L’investissement dépend donc étroitement de la demande que les entreprises anticipent pour leur production future, demande anticipée que J. M. Keynes appelle « demande effective « (car c’est elle et non la demande présente qui a un « effet « sur l’investissement, la croissance, l’emploi). Au niveau de l’ensemble de l’économie, cette demande globale anticipée est composée de la demande intérieure (consommation et investissement) et de la demande extérieure (exportations). Lorsque cette demande globale anticipée progresse, les entreprises essaient par prudence dans un premier temps de produire davantage sans investir, en utilisant au maximum les capacités de production résultant du travail et du capital dont elles disposent. Au niveau de l’ensemble de l’économie, il est ainsi possible de calculer la production « potentielle «, qui résulterait d’une utilisation maximale du travail et du capital dans l’économie, et le taux d’utilisation des capacités de production, qui correspond à la part de ces capacités de production qui donne lieu à une production réelle : . Taux d’utilisation des capacités de production = Production réalisée / Production potentielle Donc, dans un premier temps, quand la croissance s’accélère, que des revenus supplémentaires sont distribués dans l’économie (aux salariés ou au profit), et que les entreprises anticipent une hausse de la demande, l’investissement ne progresse pas et le taux d’utilisation des capacités de production progresse jusqu’à ce que ces capacités de production arrivent à saturation (autour de 90 %). Ce n’est donc qu’avec retard, après une durée variable (de quelques mois à une année parfois), que l’investissement augmentera à la suite d’une hausse anticipée de la demande. L’investissement réagit avec retard aux évolutions de la croissance et de la demande, mais il surréagit en augmentant ou baissant plus que proportionnellement. En effet, pour produire une valeur ajoutée de 100 euros, il faut en règle générale un capital technique d’une valeur beaucoup plus importante car celui-ci est censé pouvoir être utilisé et pouvoir créer de la valeur ajoutée dont une partie (le profit) servira à le financer sur plusieurs années. Les économistes calculent au niveau de l’ensemble de l’économie un coefficient de capital égal au rapport entre le stock de capital utilisé et la production réalisée. Imaginons que ce coefficient de capital soit de 3 dans l’ensemble de l’économie « Investir pour répondre à une demande anticipée «) et que dans une situation initiale la demande et la production étaient de 100 (l’unité est indifférente : ce sont des indices « base 100 « dans cette année de départ). Le montant total de capital nécessaire pour réaliser cette production de 100 est de 300. Si la demande augmentait de 3 % et passait à 103 l’année suivante, il faudrait pour réaliser une production de 103 un montant de capital égal à 3 x 103 = 309. En conséquence, une augmentation de la demande de 3 se traduit par une augmentation de l’investissement de 9 : l’investissement surréagit à la hausse. Imaginons maintenant que l’année d’après la demande cesse d’augmenter et demeure à 103 ; dans ce cas il faudrait toujours 309 de capital pour réaliser une production de 103, mais ce capital existant déjà dans l’économie il ne serait pas nécessaire d’investir et celui-ci serait nul. Ainsi, lorsque la demande stagne (+ 0 %, puisqu’elle reste égale à 103) l’investissement peut chuter très fortement (-100 % ici, puisqu’il passe de 9 à 0). Ce mécanisme s’appelle l’accélérateur d’investissement : lorsque la croissance s’accélère, les anticipations de demande augmentent et l’investissement augmente sur un rythme encore plus rapide, accélérant encore l’expansion ; lorsque la croissance ralentit, l’investissement stagne, accentuant ainsi le ralentissement ; il suffit que la croissance soit nulle pour que l’investissement s’effondre comme ici. Ce mécanisme explique pourquoi l’investissement réagit très fortement (à la hausse comme à la baisse) mais avec retard aux évolutions de la croissance et donc de la demande anticipée. c) Utiliser plus de capital ou plus de travailleurs ? A plus long terme, les entreprises choisissent des techniques de production qui peuvent nécessiter plus ou moins de travail ou de capital pour produire la même valeur ajoutée. Elles comparent donc ce que coûte et ce que rapporte une unité de chaque facteur de production pour décider d’utiliser plus de travail (embauche) ou de capital (investissement). Ainsi, si le coût du travail (salaire et cotisations sociales) augmente alors que celui des machines ne change pas ainsi que la productivité du travail et du capital (ce que « rapporte « en valeur ajoutée une unité de travail ou de capital), les entreprises choisiront des techniques de production plus intensives en capital et décideront de substituer du capital au travail (remplacer du travail par du capital fixe). La hausse du coût du travail peut donc expliquer l’investissement de productivité à long terme (car les techniques de production mettent du temps à changer). Synthèse générale : volonté et capacité d’investir document 12 C / Quels rôles joue l'investissement sur la croissance? L’investissement, facteur de croissance 1 / L’investissement améliore les conditions de l’offre L’investissement augmente les capacités de production et donc la production potentielle, c’est à dire la production qu’il serait possible de réaliser en utilisant au maximum l’ensemble des facteurs de production présents. Directement, l’investissement accroît le stock de capital dans l’ensemble de l’économie si l’investissement brut (l’ensemble des acquisitions de capital fixe au cours de l’année) est supérieur à l’amortissement ou investissement de remplacement, autrement dit si les acquisitions de nouveaux matériels font plus que remplacer ceux qui sont usés ou obsolètes au cours de l’année. Cependant, le remplacement des anciens équipements ne se fait jamais à l’identique car les nouveaux équipements sont à la fois moins usés et incorporent des innovations techniques qui permettent de produire plus vite. Indirectement, l’investissement tend donc à augmenter la productivité, ce qui accroît la production potentielle dans l’économie. . Document 13 L’investissement facilite l’accroissement des capacités de production « 2 / L’investissement favorise une augmentation de la demande A court terme, l'investissement agit sur la demande (mécanisme du multiplicateur) ... demande qui favorise en retour l'investissement (mécanisme de l'accélérateur ) : document 14 Quels sont les effets d'une hausse de l'investissement sur la demande ? L'investissement est une des composantes de la demande intérieure : c’est une demande de « biens de production «, de produits qui servent durablement à produire d’autres produits. . Rappel de l’équilibre ressources - emplois : PIB = CF + FBCF + Solde extérieur + Variations de stock Quand l’investissement augmente de 100, la demande globale et au bout d’un moment le PIB augmentent donc directement d'un montant équivalent. Par ailleurs, cette demande supplémentaire de biens de production génère indirectement des revenus dans les entreprises produisant ces biens de production, revenus dont une partie est à son tour dépensée en consommation, générant une production, des revenus et une demande supplémentaire, et ainsi de suite ... Au total, une augmentation de l'investissement (de 100 par exemple) génère une augmentation de la demande et donc de la production plus que proportionnelle (500 par exemple). C’est l’effet multiplicateur de l’investissement sur la demande et sur la production analysé par Keynes dans la Théorie générale (1936). . de l’investissement . . de la demande L’investissement est une des composantes de la demande. Un investissement de 100 euros augmente donc mécaniquement la demande de ………… euros. Mais la production de nouveaux biens d’équipement donne lieu à la distribution de …………………………………… qui seront …………………………………. . Une partie sera ………………………………….., donc plus la propension à épargner est …………………… moins l’effet sur la production est …………………………….. . Au total, un investissement de 100 peut donc générer une hausse de la production de ………………………… si la propension à épargner est de 20 %. Le multiplicateur est ici de ……………………, soit 1 / …………… . Au total, l’investissement a donc un effet multiplicateur sur la demande et donc sur la production. . de la demande . . de l’investissement En retour, la hausse de la demande nécessite une augmentation des capacités de production et donc une hausse de l’investissement. Or, pour produire 100 euros de produits supplémentaires chaque année, il faut augmenter la valeur du capital installé plus que proportionnellement, de ……………….. euros par exemple (si le coefficient de capital est de 3) : cet investissement est rarement rentabilisé dès la première année ! Au total, la demande a donc un effet …………………………… sur l’investissement : si la demande augmente, il augmentera encore plus vite ; si elle se stabilise ou diminue, il s’effondrera. La combinaison de l’effet ……………………………………. et de l’effet …………………………………………… explique pourquoi l’investissement provoque des cycles de croissance à court terme (de 2 à 10 ans) : des périodes d’expansion qui alternent avec des périodes de ………………………….. (quand le PIB augmente moins vite) ou de …………………………. (quand le PIB diminue). Conclusion du I/ : L’investissement favorise la hausse du PIB à court terme en accroissant à la fois la demande et les possibilités de l’offre. A plus long terme, il a également des effets sur la productivité qui favorisent également la demande et les capacités de production, mais ceci d’autant plus qu’il permet la mise en place d’innovations. C’est pourquoi l’investissement est considéré comme une des variables essentielles expliquant les évolutions de la croissance sur quelques années, alors qu’à long terme c’est le progrès technique (lié indirectement à l’investissement pour partie) qui influence ses évolutions. Exemple de dossier pouvant faire appui. Document 1. L’investissement est un « détour de production « Un campagnard a besoin d'eau potable et en désire. La source jaillit à une certaine distance de sa maison. Pour se procurer l'eau dont il a besoin il peut employer différents moyens. Ou bien il ira lui-même chaque fois à la source et il boira dans le creux de sa main. C'est le moyen le plus direct. La jouissance est obtenue immédiatement après la dépense de la peine. Mais il est incommode, car notre homme doit journellement faire le chemin jusqu'à la source autant de fois qu'il aura soif ; il est en outre insuffisant ; car de cette façon, on ne peut jamais recueillir et conserver la quantité d'eau assez grande dont on a besoin pour toutes sortes d'usages. Ou bien – et c'est le second moyen, – le laboureur creuse dans un bloc de bois un seau dans lequel il portera en une fois de la source à là maison l'eau nécessaire pour la journée. L'avantage est évident ; mais pour l'obtenir il a fallu se servir d'un moyen détourné qui a son importance. L'homme a peut-être dû passer toute une journée pour tailler le seau, et pour pouvoir le tailler, il a dû auparavant abattre un arbre dans la forêt ; pour pouvoir faire cela, il lui a fallu d'abord fabriquer une cognée, et ainsi de suite. Mais notre campagnard a encore un troisième moyen à sa disposition ; au lieu d'abattre un arbre, il en abat une quantité, il les creuse tous au milieu et en fait un canal par lequel il amène devant sa maison un filet abondant de l'eau de la source. Il est clair qu'ici le détour qui va de la dépense de travail à l'acquisition de l'eau est encore bien plus considérable, mais en revanche il a conduit à un meilleur résultat : notre homme n'a plus du tout besoin maintenant de faire péniblement le chemin qui sépare sa maison de la source et il a cependant à chaque moment chez lui une quantité abondante d'eau très fraîche Eugen von Böhm-Bawerk, Théorie positive du capital (1909), Paris, Giard et Brière, 1929. 1. Pourquoi peut-on dire que le campagnard réalise un investissement ? 2. Selon Böhm-Bawerk, l’investissement est un « détour de production «. Comment interprétez-vous cette expression ? 3. Comment mesure-t-on l’investissement d’un agent économique ? Document 2. Les formes de l’investissement On distingue habituellement les formes de l’investissement en fonction des effets attendus sur la structure productive. · L’investissement de capacité correspond à une augmentation de la capacité de production. On installe de nouvelles machines, une nouvelle chaîne de montage, etc., pour répondre à une augmentation de la demande. · L’investissement de remplacement représente l’acquisition de machines dans le but de renouveler le capital usé ou obsolète. · L’investissement de productivité ou de rationalisation a pour objet d’accroître l’efficacité du travail humain, il peut parfois se traduire par le remplacement des hommes par des machines. Dans la réalité, les trois formes d’investissement ont souvent tendance à se recouvrir, Il n’est pas toujours possible de séparer, dans une opération donnée, ce qui correspond à l’augmentation de la productivité et ce qui renvoie à une hausse de la capacité productive. Dans une usine par exemple, le remplacement d’une ancienne chaîne de montage par une nouvelle, robotisée et capable de produire plus, constitue à la fois un investissement de remplacement, de capacité, et de productivité. Pierre-André Corpron, « L’investissement «, Cahiers français, n° 315, août 2003. 1. A quel type d’investissement correspond l’opération d’amortissement réalisée par une entreprise ? 2. Quelle différence faites-vous entre investissement de capacité et de productivité? 3. Ces trois types d’investissements ont-ils les mêmes conséquences sur l’emploi? 4. Montrez à travers l’exemple de l’achat d’ordinateurs par une entreprise qu’il est difficile de distinguer ces trois types d’investissements dans la réalité. Document 3. Investissements matériels et investissements immatériels Traditionnellement, la FBCF ne mesurait que des achats de biens [...]. Cependant, certaines dépenses en services peuvent également être considérées comme des investissements, dans la mesure où elles permettent d’accroître la capacité de production future de l’entreprise. Il en est ainsi des dépenses de recherche-développement, de formation, de marketing, de l’acquisition de logiciels et des investissements commerciaux à l’étranger. Ces investissements immatériels sont de plus en plus présents dans les comptes des entreprises où ils représentent aujourd’hui plus d’un tiers des investissements. […] [Depuis] la réforme de la Comptabilité nationale réalisée au milieu des années 1990 [...], les achats de logiciels, d’oeuvres littéraires et artistiques, les frais de prospection minière et pétrolière ont été intégrés à la FBCF. En revanche, les dépenses de recherche-développement ou de publicité restent perçues comme des consommations intermédiaires. Elles représentent pourtant une part importante des investissements immatériels des entreprises. Pierre-André Corpron, « L’investissement «, Cahiers français, n° 315, août 2003. Document 4 Les différents types de financement possibles 1. Dans quel cas un acteur économique se retrouve-t-il en situation d’autofinancement ? 2. Indiquez quels sont les titres de propriété et les titres de dette permettant à une entreprise de se financer. 3. Quel agent effectue du financement intermédié avec création monétaire ? Document 5. Les profits déjà réalisés alimentent ou desserrent les contraintes financières des firmes Une entreprise dispose, en priorité, pour investir de ses ressources propres. Si celles-ci sont insuffisantes, l’entreprise doit emprunter. Elle peut aussi, si sa taille le lui permet, lever des capitaux propres. [...] La capacité d’emprunt d’une entreprise dépend beaucoup des garanties qu’elle peut offrir, ainsi que des conditions du marché (niveau des taux d’intérêt). Le niveau des profits et le niveau de l’endettement de l’entreprise sont les deux indicateurs privilégiés pour évaluer les capacités de remboursement de l’emprunteur. Par ce biais, l’investissement est donc déterminé par le niveau des profits et de l’endettement. […] Les petites entreprises ont moins de garanties à offrir aux banques, et ont donc plus de difficultés à financer leurs investissements. Les contraintes sont renforcées en période de ralentissement de la croissance. Joseph Kergueris, L’investissement des entreprises, clé d’une croissance durable, Rapport d’information au Sénat n° 35, 2003. 1. Retrouvez dans le document les deux modalités de financement présentées précédemment. 2. Que signifie l’expression « lever des capitaux propres « ? 3. Expliquez en quoi les profits déjà réalisés influencent l’investissement. Document 6. La rentabilité de l’investissement Les économistes [néoclassiques] accordent un rôle central au profit des entreprises. Or, le profit est lié à la rentabilité. Toute entreprise doit satisfaire à l’impératif de rentabilité, c’est-à-dire qu’elle doit être capable de générer un flux de revenus supérieur aux dépenses engagées pour cette opération. L'évolution de la rentabilité intervient de façon cruciale dans la décision d'investir. Tout d'abord, elle détermine directement l'aisance financière des entreprises et donc leur possibilité d'acheter des équipements sans s'endetter. Par ailleurs, l'évolution de la rentabilité constitue un indicateur des perspectives de rendement des investissements projetés. Lorsque la rentabilité globale s'améliore, davantage d'investissements en projet sont perçus comme rentables. En somme, une rentabilité qui augmente donne aux entreprises à la fois la possibilité et le désir d'investir. Inversement, une dégradation de la rentabilité réduit la capacité à investir et décourage le placement de capitaux dans les équipements productifs. L'excédent brut d'exploitation est pour l'essentiel le revenu qui reste à l'entreprise lorsqu’a été rémunéré le travail (salaires et cotisations sociales). L'excédent brut d'exploitation permet de rémunérer les apporteurs de capitaux de l'entreprise, propriétaires et prêteurs. Le taux de rentabilité économique est le ratio : excédent brut d'exploitation/ capital productif. Ces deux grandeurs sont exprimées en valeur courante. Pour une entreprise, ce ratio représente l'excédent brut d'exploitation que lui procure un euro de capital installé. INSEE, Comptes de la nation, 1988. 1. A quoi correspond la notion de rentabilité ? 2. Comment mesure-t-on la rentabilité d’une entreprise et d’un investissement ? 3. Est-ce que la rentabilité est uniquement un déterminant de la décision d’investir ? Document 7 1. Pourquoi faut-il mettre en relation l’investissement avec les taux d’intérêt à long terme et pas avec les taux à court terme ? 2. Expliquez la signification des données pour l’année 2009. 3. La relation entre les taux d’intérêt et l’investissement mis en évidence dans le document précédent est-elle toujours vérifiée ? Document 8 Le rôle de la demande anticipée Il semble admis que la demande anticipée est le déterminant principal de l'investissement. En période de faible croissance ou de récession, les entreprises adoptent une stratégie d'investissement prudente, elles ne cherchent pas à augmenter leurs capacités de production, et parfois même ne renouvellent pas les équipements devenus obsolètes. Au contraire, en période de croissance soutenue, les entreprises sont incitées à investir pour augmenter leurs capacités de production, afin de profiter de la hausse de la demande. Les enquêtes réalisées par l'INSEE, auprès des chefs d'entreprises semblent confirmer ce raisonnement théorique. Les chefs d'entreprise interrogés citent surtout la demande comme motif déterminant de leurs projets d'investissement. Joseph Kergueris, Rapport d'information du Sénat n°35 (session 2002-2003, 29 octobre 2002 1. Quels sont les types d’investissement qui vont baisser le plus en période de récession ? 2. Quelle relation entre demande et investissement pouvez-vous déduire de ce texte. Document 9 Variation de la demande et de l’investissement 1. Faites une phrase exprimant la signification des données pour l’année 2009. 2. Les variations de la demande et de l’investissement sont-elles de même ampleur ? 3. Quelle relation pouvez-vous mettre en évidence entre l’évolution de la FBCF et l’évolution de la consommation des ménages ? Document 10 L’effet accélérateur L’effet de la demande sur le volume de l’investissement est formalisé dans le mécanisme de l’accélérateur. Les variations de la demande exercent un effet amplificateur sur celles de l’investissement. Le principe de l’accélérateur repose sur l’existence d’un effet de capacité (la capacité de production s’ajuste aux variations de la demande). S’il existe une liaison stable entre le niveau de la demande et les équipements nécessaires (coefficient de capital constant), alors toute hausse de la demande entraîne une augmentation de l’investissement. Document 11. Des capacités de production parfois inutilisées Source : OFCE, « Zone euro : croissance sous contrainte «, Revue de l’OFCE, avril 2010 ¹Taux d’utilisation des capacités de production : part de la production effectivement réalisée par rapport aux capacités de production ou production potentielle qui pourrait être réalisée. 1. Distinguez production et capacité de production. 2. Faîtes une phrase avec les données pour l’année 2008. 3. Que lien pouvez-vous observer entre taux d’utilisation des capacités de production et taux d’investissement ? Document 12 La décision d’investissement Taux d’intérêt Rentabilité Document 13. Les effets de l’investissement sur la variation de l’offre L’investissement contribue également à accroître l’offre en augmentant les capacités productives. Ses effets diffèrent cependant selon la forme qu’il revêt. Par nature, un investissement de capacité accroît l’offre. Il correspond à une volonté de produire plus et traduit le désir d’augmenter la taille de l’entreprise. Dans le cas d’un investissement de productivité, c’est la compétitivité de l’entreprise qui est en jeu. Son amélioration est rendue possible par la diminution des coûts unitaires de production. L’entreprise peut ainsi gagner des parts de marché à l’exportation ou sur le territoire national et, à terme, voir sa production augmenter. Quant à l’investissement de remplacement, sa croissance permet un rajeunissement du capital en accélérant le renouvellement des équipements usagés. En revanche, son recul est dangereux car il provoque, à terme, un vieillissement de l’appareil productif. Lors des récessions et des reprises, les trois formes d’investissements n’agissent pas de façon symétrique sur la capacité productive. À l’occasion d’un ralentissement de l’activité, les entreprises commencent par réduire leur investissement de remplacement. C’est par le non-renouvellement du capital, et par des capacités de production excédentaires, qu’elles ajustent l’offre à la demande. La reprise économique permet, quant à elle, une augmentation des investissements de capacité. Pierre-André Corpron, « L’investissement «, Cahiers français, n° 315, août 2003. 1. En quoi chacune des trois formes d’investissement productif contribue-t-elle à améliorer les conditions de l’offre des entreprises ? 2. Expliquez la phrase soulignée. Par quel(s) mécanisme(s) un investissement de productivité a-t-il un impact sur la croissance économique ? Document 14. Contributions à l’évolution du PIB Contribution à l’évolution du PIB (en points de PIB) 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Dépenses de consommation finale des ménages 1,2 1,4 1,5 1,3 1,4 0,3 0,4 Dépenses de consommation finale des administrations publiques 0,5 0,5 0,3 0,3 0,3 0,4 0,6 Formation brute de capital fixe (FBCF) 0,4 0,7 0,8 0,8 1,2 0,1 -1,5 Exportations -0,3 1,0 0,8 1,3 0,7 -0,1 -3,3 Importations -0,3 -1,7 -1,5 -1,5 -1,6 -0,2 3,1 Variation de stocks -0,3 0,6 0,0 0,0 0,2 -0,3 -1,9 Produit intérieur brut (en %) 1,1 2,5 1,9 2,2 2,4 0,2 -2,6 Source : INSEE, Comptes nationaux, 2010 1. Faites une phrase pour exprimer la signification des données entourées. 2. Quels ont été les principaux déterminants de la croissance française en 2007 ? 3. En quelle année l’investissement a-t-il le plus contribué à la croissance ? Document 15. Le mécanisme du multiplicateur Seule opération économique majeure à avoir une influence tant du côté de l'offre que de la demande, son impact sur la croissance économique et sur l'emploi peut être considérable. Que l'investissement diminue et c'est immédiatement la croissance qui ralentit, l'appareil productif vieillit avec des effets induits sur l'emploi et sur la baisse de productivité du travail. Lorsque les entreprises investissent, le flux de dépenses qu'elles réalisent donne lieu à une distribution de revenus. Par exemple, les salariés des entreprises fabriquant les biens de production reçoivent des revenus qu'ils vont ensuite consommer ou épargner. On voit ainsi qu'une dépense initiale d'investissement se traduit par une succession de flux de revenus et de dépenses. C’est ce mécanisme que l’on appelle, à la suite de Keynes, le multiplicateur d’investissement. Il montre qu’en définitive, une dépense d’investissement supplémentaire se traduit par une augmentation plus que proportionnelle du niveau de la demande. L’effet multiplicateur est d’autant plus grand que la propension marginale à consommer est forte – c'est-à dire que les ménages consacrent à la consommation une fraction importante de leur supplément de revenu. Pierre-André Corpron, « L’investissement «, Cahiers français, n° 315, août 2003. 1. Pourquoi l’investissement d’un agent économique se traduit par une augmentation des revenus d’un autre agent économique ? 2. Que signifie l’expression « propension marginale à consommer « ? 3. Formulez le principe du multiplicateur d’investissement. Document 16. Les deux limites principales du multiplicateur keynésien Première critique envers le multiplicateur : l'irréalisme de ses hypothèses. Il existerait un comportement fixe des agents en matière de consommation. Rien ne dit, en effet, que les agents vont maintenir une consommation constante en regard de leur revenu au cours du temps. On peut même penser a contrario que leur propension à épargner va augmenter dans la mesure où, leur revenu s'accroissant, leurs besoins fondamentaux sont mieux satisfaits, ce qui les pousse à épargner davantage. Mais, par ailleurs, le raisonnement est réalisé en économie fermée, ce qui fait perdre l'essentiel de sa pertinence concrète : une part importante de la consommation des ménages va, en effet, se diriger vers des biens importés, ce qui engendre bien les effets de multiplication, mais à l'étranger, et pèse entre temps sur la balance commerciale nationale. En clair, la contrainte extérieure limite rapidement les effets positifs éventuels du multiplicateur. Philippe Norel,« Le multiplicateur d'investissement existe-t-il ? «, Alternatives économiques, novembre 1992 1 Quelles sont les deux principales limites du multiplicateur ? 2 - Ces limites à l’effet du multiplicateur peuvent-elles être surmontées ?
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