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ISOLATIONNISME/INTERVENTIONNISME

Publié le 22/02/2012

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De 1898, guerre hispano-américaine, à 1999, participation majeure à la guerre du Kosovo, les États-Unis n'ont pas cessé d'intervenir militairement hors de leurs frontières. Il suffit de mentionner les nombreuses et récurrentes opérations dans la zone caraïbe, la participation américaine décisive aux guerres mondiales, mais également à la guerre de Corée et à la guerre du Vietnam. D'ailleurs, des historiens ont souvent expliqué comment la poussée interventionniste était naturelle à ce pays, dont les élites auraient toujours cherché des marchés pour les produits américains, mais auraient aussi voulu installer dans les autres États des régimes démocratiques fondés sur des principes américains. Une telle vision correspond à la réalité, au moins pour les territoires voisins des États-Unis - Cuba (1898), Mexique (1914), Nicaragua (1933 et 1984), Haïti (1994), République dominicaine (1909 et 1965), Grenade (1983), etc. : l'intervention y est devenue naturelle, que ce soit, au début du siècle, pour faire payer un chef d'État débiteur, comme en République dominicaine en 1905 ou, dans les années 1980, au nom de la lutte anticommuniste au Salvador et au Nicaragua. En revanche, dans le reste du monde, les choses ont pris en général une tournure assez différente. Il a toujours existé aux États-Unis un courant isolationniste - dont on situe l'origine aux débuts de la république - qui s'est manifesté de façon plus ou moins directe durant tout le xxe siècle. Après la guerre hispano-américaine de 1898, les anti-impérialistes ont vigoureusement combattu l'extension de l'empire aux Philippines. En 1915, le secrétaire d'État de Woodrow Wilson (1913-1921), William J. Bryan (1860-1925), démissionne par crainte d'une entrée en guerre. Au lendemain du premier conflit mondial, alors que le président Wilson a défendu une vision américaine cohérente d'un monde en paix (Quatorze Points), il ne parvient pas à faire ratifier par le Sénat le traité de Versailles qui en reprend certains éléments. Une fraction importante de l'opinion américaine refuse alors tout engagement politique durable à l'étranger, mais ne s'oppose nullement aux investissements américains ni aux actions des grandes banques qui gèrent le problème des dettes interalliées et des réparations allemandes. Si le président Franklin D. Roosevelt (1933-1945) ne croit possible de déclarer la guerre au Japon et à l'Allemagne qu'en décembre 1941, après Pearl Harbor, c'est parce qu'il doit tenir compte de la puissance du courant isolationniste qui ne considère pas que les intérêts du pays soient en cause dans cette guerre. La rupture de 1945. On insiste souvent à juste titre sur le changement majeur apporté par la victoire de 1945 et le début de la Guerre froide : un consensus se forme pour lutter contre le communisme, et les États-Unis participent activement à la création d'institutions internationales - ONU, OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) - sans susciter de réelle opposition dans le pays. Les engagements de la Guerre froide semblent également acceptés. Ils s'inscrivent dans la politique de containment (endiguement) lancée en 1947 par le président Harry Truman (1945-1953). À y regarder de plus près, on s'aperçoit que le courant isolationniste n'a pas disparu. Les dénonciations stridentes du sénateur Joseph McCarthy (1909-1957) contre le danger communiste dans l'appareil d'État - dénonciations qui se traduisent par la « chasse aux sorcières » - ne s'apparentent-elles pas à une forme d'isolationnisme ? Sur un tout autre registre, le mouvement contre la guerre du Vietnam défend des valeurs américaines perverties par l'engagement dans le conflit. Sans doute, depuis 1945 et l'avènement des États-Unis comme superpuissance, n'existe-t-il plus de mouvement isolationniste organisé, comme dans la période précédente, néanmoins la critique par certains des agissements américains puise dans cette tradition qui n'a pas disparu. Des conflits ont été controversés : celui du Vietnam, mais aussi ceux du Nicaragua dans la décennie 1980 ou de Bosnie-Herzégovine (1992-1995) ; ils ont donné lieu à l'expression d'arguments isolationnistes, cependant il ne saurait être question d'un retrait des États-Unis de leurs positions dans le monde. Simplement, les dirigeants politiques et militaires doivent veiller, lors de chaque crise, à construire un consensus pour éviter ces oppositions : ils y sont parvenus lors de la crise et de la guerre du Golfe en 1990-1991, ainsi que dans la décision d'intervenir au Kosovo en 1999 ou encore en Afghanistan en 2001. De surcroît, l'intervention américaine ne concerne pas uniquement le Pentagone (le ministère de la Défense). Elle prend des formes diverses : financière avec le rôle majeur du dollar dans les échanges internationaux, culturelle avec les productions audiovisuelles qui se répandent dans le monde, appuyées par les moyens de la « communication internationale » qui est instrument à part entière de la politique étrangère américaine. Jacques PORTES

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