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IV LA DOCTRINE DE LA REPRÉSENT AT ION ABSTRAITE A) RAPPORTS DE LA CONNAISSANCE INTUITIVE ET DE LA CONNAISSANCE ABSTRAITE I.

Publié le 23/10/2012

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IV LA DOCTRINE DE LA REPRÉSENT AT ION ABSTRAITE A) RAPPORTS DE LA CONNAISSANCE INTUITIVE ET DE LA CONNAISSANCE ABSTRAITE I. DE LA RAISON ET DES CONCEPTS ABSTRAITS Comme on passerait de la lumière directe du soleil à cette même lumière réfléchie par la lune, nous allons, après la représentation intuitive, immédiate, qui se garantit elle-même, considérer la réflexion, les notions abstraites et discursives de la raison, dont tout le contenu est emprunté à l'intuition et qui n'ont de sens que par rapport à elle... Il existe donc, d'une part, les représentations étudiées jusqu'ici, qui, considérées au point de vue de l'objet, peuvent se ramener au temps, à l'espace et à la matière, et, envisagées au point de vue du sujet, se rapportent à la sensibilité pure et à l'entendement ou connaissance par la causalité ; mais, outre ces représentations, il y a encore dans l'homme, et dans l'homme seul parmi tous les hôtes de l'univers, une autre faculté de connaître et comme une nouvelle conscience, que le langage appelle, avec une infaillible justesse, réflexion. Elle n'est, en effet qu'une sorte de reflet ou d'écho de la connaissance intuitive ; toutefois, son essence et sa constitution diffèrent absolument des modes de l'intuition, et le principe de raison, qui est la règle de tout objet, revêt ici une forme très spéciale. Cette nouvelle conscience, sorte de connaissance au second degré, cette transformation abstraite de tout élément intuitif en un concept non intuitif de la raison, communique seule à l'homme cette prévoyance (Besonnenheit) qui distingue si profondément son intelligence de celle des animaux, et qui rend sa conduite si différente de la vie de ses frères dépourvus de raison. Il les surpasse aussi de beaucoup par sa puissance et sa capacité de souffrir. Eux ne vivent que dans le présent, lui vit de plus dans l'avenir et dans le passé ; ils ne satisfont que des besoins momentanés, lui devine ceux qui ne sont pas encore et y pourvoit par mille institutions ingénieuses, pour un temps où peut-être il n'existera plus. Tandis qu'ils sont absolument dominés par l'impression actuelle, l'homme peut, grâce aux notions abstraites, s'affranchir du présent dans ses déterminations. Aussi le voit-on combiner et exécuter des plans conçus d'avance, agir au nom de certaines maximes, sans tenir compte des circonstances accidentelles, ni des influences ambiantes ; il peut, avec le plus grand calme, prendre de prudentes dispositions au sujet de sa mort ; il est capable de dissimuler jusqu'à se rendre impénétrable et d'emporter avec lui son secret dans la tombe ; il a enfin le pouvoir de choisir réellement entre divers motifs, car ce n'est qu'in abstracto que plusieurs motifs peuvent être présents ensemble dans la conscience, apparaître par la comparaison comme exclusifs les uns des autres, et donner ainsi la mesure de leur action sur la volonté. (Monde, I, 38-39.) Pour juger du prix inestimable des concepts et partant de la raison, il suffit de jeter un coup d'oeil sur la foule immense d'objets divers et d'événements, qui se suivent et s'enchevêtrent autour de nous, et de songer que la langue et l'écriture (les signes des concepts) peuvent nous faire connaître exactement chaque chose et chaque rapport, quels que soient le temps et le lieu où ils ont existé. Car un nombre relativement restreint de concepts embrasse et représente l'infinité des choses et des événements. Dans la réflexion proprement dite, on ne fait que jeter par-dessus bord tout le bagage inutile ; c'est ce qu'on appelle abstraire. On se rend ainsi plus facile le maniement des notions à comparer, c'est-à-dire à tourner et à retourner en tous sens. On laisse tomber tout le particulier, tout le changeant des objets réels, et l'on ne garde qu'un petit nombre de déterminations abstraites, mais générales. Mais comme les concepts généraux ne s'obtiennent qu'en éliminant certaines déterminations, et qu'ils sont en conséquence d'autant plus généraux qu'ils sont plus vides, l'emploi de ce procédé est limité à l'élaboration de notions déjà acquises, opérations à laquelle se rattache le syllogisme, qui consiste à tirer des conclusions de prémisses contenues dans des concepts généraux. Si, au contraire, l'on veut apprendre quelque chose de nouveau, c'est à l'intuition qu'il faut recourir, comme à la source vraiment riche et féconde de nos connaissances. — Comme, d'autre part, l'extension et la compréhension des idées générales sont en rapport inverse, et que plus on pense sous un concept, moins il contient, il y a une hiérarchie des concepts qui va des plus particuliers jusqu'aux plus généraux. Suivant qu'on envisage l'extrémité supérieure ou inférieure de la chaîne, le réalisme scolastique et le nominalisme ne sont pas loin d'avoir tous deux raison. Car le concept le plus particulier, et presque déjà l'Individu, est quasi réel ; et le concept le plus général, par exemple l'être (l'infinitif de la copule), n'est presque plus qu'un mot. Aussi les systèmes philosophiques qui s'en tiennent aux concepts généraux, sans revenir au réel, ne sont presque que des jeux de mots. Si, en effet, l'abstraction consiste simplement à éliminer, plus on la poursuit, moins on garde de réalité. Aussi, quand il me tombe sous les yeux de ces philosophèmes à la mode, qui se déroulent en abstractions sans fin, il m'est presque impossible, malgré l'attention que j'y apporte, de penser quoi que ce soit là-dessous ; je n'y trouve plus la substance de la pensée, mais je ne sais quelle forme creuse. (Monde, II, 197-8.) 2. INTUITION ET ABSTRACTION Comme la matière des concepts — ainsi que nous l'avons montré — n'est autre que la connaissance intuitive, et que, par conséquent, tout l'édifice de notre monde intellectuel repose sur le monde de l'intuition, nous devons pouvoir

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