John HAUGELAND La « BOVIA »
Publié le 19/10/2016
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John HAUGELAND
La « BOVIA »
En dépit de leur nom, toutes les machines intelligentes ne relèveraient pas de l'intelligence artificielle, en tout cas pas au sens où nous l'entendons. Bien entendu, je ne prétends pas nier qu'il existe de nombreuses théories de l'esprit, dont des mécanismes et des modèles informatisés tout à fait intéressants, qui ne sont pas de l'I.A. Il s'agit plutôt de maintenir une certaine clarté conceptuelle en tenant bien la bride de la terminologie. Pour bien marquer mon usage prudent de cette expression, j'ai écrit « Intelligence Artificielle », I.A., avec des capitales, mais nous pourrions aussi, de peur que cela ne suffise pas ou que quelqu'un d'autre veuille utiliser ces mots pour désigner autre chose, parler plus explicitement de ce que j'appelle la Bonne Vieille intelligence Artificielle ou, en bref, la BOVIA.
En tant que branche des sciences cognitives, la BOVIA s'appuie sur une théorie particulière de l'intelligence et de la pensée - essentiellement l'idée de Hobbes selon laquelle raisonner, c'est calculer. Il est bon de noter que cette thèse repose sur un fondement empirique : elle n'est ni triviale ni tautologique, mais dit vraiment quelque chose sur le monde, qui pourrait être faux. Toutes les approches scientifiques de l'intelligence ne sont donc pas forcées de l'accepter ; un certain nombre d'autres théories font d'ailleurs actuellement l'objet d'études dans divers laboratoires. Notre propos à nous n'est pas d'expliquer ni de juger des théories rivales potentielles, mais seulement de noter deux conséquences implicites de leur existence. Tout d'abord, si une théorie de l'intelligence autre que la BOVIA parvenait à un résultat, il devrait alors être possible, en principe, de fabriquer une machine intelligente fonctionnant selon cette théorie ; cependant, par hypothèse, ce ne serait pas de la BOVIA.
Ensuite, ce qui est plus intéressant, il devrait également être possible (en principe), selon cette même théorie, de simuler cette intelligence sur un ordinateur, tout comme les scientifiques simulent couramment des ouragans, la synthèse des protéines, des embouteillages routiers ou le marché noir en Albanie. Ici, l'important est de comprendre que le système de simulation et le système simulé ne fonctionnent pas selon les mêmes principes : si un ouragan s'explique par les lois de l'aérodynamique et de l'hydrodynamique, il n'en va pas de même d'un ordinateur. En fait, l'ordinateur fonctionnerait symboliquement, et bien souvent numériquement, en effectuant les calculs prescrits par les lois de l'aérodynamique, pour décrire correctement les ouragans. De même, la simulation d'un intellect « appliquerait » la théorie de manière symbolique pour décrire le comportement du système simulé, bien que ce dernier fonctionne, par hypothèse, d'une autre façon (c'est-à-dire de façon non symbolique). Cependant, la thèse de la BOVIA n'est pas que les processus qui sous-tendent l'intelligence peuvent être décrits symboliquement (caractéristique également partagée par les ouragans et les embouteillages), mais qu'ils sont symboliques (ce qui les rend très différents des ouragans et des embouteillages). C'est donc une deuxième raison pour laquelle ce projet ne serait pas de la BOVIA.
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