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John RAWLS (1921-2002) La justice pénale dans une société juste

Publié le 19/10/2016

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John RAWLS (1921-2002)

La justice pénale dans une société juste

On peut raisonnablement admettre que, même dans une société bien ordonnée, les pouvoirs coercitifs du gouvernement sont, dans une certaine mesure, nécessaires pour la stabilité de la coopération sociale. En effet, bien que les hommes sachent qu'ils partagent un sens commun de la justice et que chacun veuille adhérer aux organisations existantes, ils peuvent néanmoins ne pas avoir une confiance totale les uns dans les autres. Ils peuvent soupçonner que certains ne remplissent pas leur rôle et donc être tentés de ne pas remplir le leur. Ces tentations peuvent se généraliser et finalement entraîner la perte du système. Le soupçon que les autres ne remplissent pas leurs devoirs et leurs obligations est accru par le fait que, en l'absence d'une interprétation et d'une mise en application autorisées des règles, il est particulièrement facile de trouver des excuses pour les enfreindre. Ainsi, même dans des conditions qui se rapprochent de l'idéal, il est difficile d'imaginer, par exemple, qu'un système satisfaisant d'imposition du revenu puisse avoir une base volontariste. Une telle organisation serait instable. Le rôle de l'interprétation publique et autorisée des lois, appuyée par des sanctions publiques, est précisément de supprimer cette instabilité. En mettant en application un système public de peines, le gouvernement supprime les raisons de penser que les autres ne se conforment pas aux règles. Pour cette seule raison, un souverain coercitif est toujours probablement nécessaire, même si, dans une société bien ordonnée, les sanctions ne sont pas sévères et n'ont peut-être jamais besoin d'être appliquées. L'existence d'une machine pénale efficace garantit plutôt la sécurité des hommes les uns vis-à-vis des autres. Nous pouvons nous représenter cette proposition et le raisonnement qui la soutient comme étant la thèse de Hobbes [...]. 

Or, en établissant un tel système de sanctions, les partenaires, dans une assemblée constituante, doivent peser ses inconvénients. Ceux-ci sont au moins de deux types : l'un est le coût d'un tel appareil, couvert par exemple par l'impôt ; le second est la menace qu'il représente pour la liberté du citoyen représentatif, mesurée par la probabilité que ces sanctions entraveront à tort sa liberté. L'établissement d'un appareil coercitif est rationnel seulement si ses inconvénients sont moindres que la perte de liberté qui résulterait de l'instabilité. S'il en va ainsi, la meilleure organisation est celle qui minimise ces dangers. Il est clair que, toutes choses égales par ailleurs, les menaces qui pèsent sur la liberté sont moindres quand la loi est appliquée de manière impartiale et régulière, conformément au principe de la légalité. Bien qu'un appareil coercitif soit nécessaire, il est évidemment essentiel de définir avec précision le sens de son fonctionnement. Sachant à la fois ce qui est puni et ce qu'il est dans leur pouvoir de faire ou de ne pas faire, les citoyens peuvent organiser leurs projets en conséquence. Quand on se conforme aux règles annoncées, on n'a jamais à craindre une atteinte à sa liberté.

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