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Kant

Publié le 18/02/2013

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Influence de la raison Le respect pour la loi morale est (...) l'unique et en même temps l'indubitable ressort moral, et, de plus, ce sentiment ne peut être porté à aucun objet, si ce n'est pour cette raison seulement. La loi morale détermine d'abord objectivement et immédiatement la volonté dans le jugement de la raison ; mais la liberté, dont la causalité est uniquement déterminable par la loi, consiste précisément en ceci qu'elle borne toutes les inclinations, partant l'estime pour la personne elle-même, à la condition de l'observation de sa loi pure. Or l'établissement de ces bornes produit un effet sur le sentiment et amène à ressentir de la peine, ce qui peut être connu a priori à partir de la loi morale. Mais comme elle n'est, dans cette mesure, qu'un effet négatif qui, résultant de l'influence d'une raison pratique pure, porte surtout préjudice à l'activité du sujet en tant que des inclinations sont les fondements de la détermination de ce dernier, partant, à l'opinion qu'il se fait de sa valeur personnelle (laquelle, sans accord avec la loi morale, est ramenée à rien), l'effet de cette loi sur le sentiment n'est donc qu'humiliation, que nous pouvons donc certes pénétrer a priori, mais dans laquelle nous ne pouvons pas connaître la force de la loi pratique pure comme ressort, mais seulement la résistance à des ressorts de la sensibilité. Cependant, comme cette même loi est certainement objective, c'est-à-dire, selon la représentation de la raison pure, un fondement immédiat de la détermination de la volonté, que par conséquent cette humiliation n'a lieu que relativement à la pureté de la loi, l'abaissement des prétentions de l'estime morale de soi-même, c'est-à- dire l'humiliation du côté sensible, est ainsi, du côté intellectuel, une élévation de l'estime morale, c'est-à-dire pratique, pour la loi elle-même, en un mot le respect pour la loi est donc aussi, par sa cause intellectuelle, un sentiment positif qui est connu a priori. Car tout ce qui affaiblit les obstacles à une activité favorise par cela même cette activité. Or, la reconnaissance de la loi morale signifie la conscience d'une activité de la raison pratique partant de fondements objectifs, activité qui, simplement, n'exprime pas son effet dans des actions parce que des causes subjectives (pathologiques) l'en empêchent. Il faut donc que le respect pour la loi morale soit aussi regardé comme un effet positif mais indirect de cette loi sur le sentiment, pour autant qu'elle affaiblit, par l'humiliation de la présomption, l'influence rebelle des inclinations, partant, comme fondement subjectif de l'activité, c'est-à-dire comme le ressort nous poussant à observer cette loi, et comme le fondement de maximes guidant une vie qui y soit conforme. Du concept d'un ressort découle celui d'un intérêt, lequel n'est jamais attribué qu'à un être doué de raison, et signifie un ressort de la volonté, pour autant qu'il est représenté par la raison. Puisqu'il faut que, dans une volonté moralement bonne, la loi elle-même soit le ressort, l'intérêt moral est donc un intérêt indépendant des sens et pur, et qui est celui de la seule raison pratique. Sur le concept d'un intérêt en général se fonde aussi celui d'une maxime. Une maxime n'est donc, dès lors, véritablement morale, que lorsqu'elle repose sur le seul intérêt que l'on prend à l'observation de la loi. (...) La capacité de prendre un tel intérêt à la loi (ou le respect pour la loi elle-même) est proprement le sentiment moral. (p. 188-191). L'action qui, suivant cette loi, à l'exclusion de tous les fondements de la détermination tirés de l'inclination, est objectivement pratique, s'appelle devoir, lequel, en raison de cette exclusion, comprend dans son concept la contrainte pratique, c'est-à-dire une détermination à des actions, quelque répugnance que l'on ait à les accomplir. (p. 191). (...) Devoir ! Ô grand nom sublime, toi qui ne renfermes rien d'agréable, rien qui implique qu'on se laisse persuader par flatterie, mais qui exiges la soumission, qui cependant aussi, pour remuer la volonté, ne menaces de rien qui pourrait susciter dans l'esprit une aversion naturelle et terroriser, mais qui poses simplement une loi qui ne trouve pas d'elle-même un accès à l'esprit, tout en gagnant cependant par elle-même, contre notre gré, la vénération (sinon toujours l'obéissance), une loi devant laquelle se taisent toutes les inclinations, même si elles ?uvrent secrètement contre elle ; quelle est l'origine qui est digne de toi, et où trouve-t-on la racine de ta noble lignée, qui rejette fièrement toute parenté avec les inclinations, le fait de provenir de cette racine étant la condition indispensable de cette valeur que les hommes ne peuvent se donner qu'eux- mêmes ? Ce ne peut être rien de moins que ce qui élève l'homme au-dessus de lui-même (comme une partie du monde sensible), ce qui le lie à un ordre de choses que seul l'entendement peut penser, et auquel est soumis en même temps tout le monde sensible, avec lui l'existence empiriquement déterminable de l'homme dans le temps et le tout de l'ensemble des fins (lequel tout est seul conforme à des lois pratiques inconditionnées, telle que la loi morale). Ce n'est rien d'autre que la personnalité, c'est-à-dire la liberté et l'indépendance à l'égard du mécanisme de la nature entière, considérée cependant en même temps comme un pouvoir d'un être qui est soumis à des lois qui lui sont propres, c'est-à-dire des lois pratiques pures qui lui sont données par sa propre raison, la personne en tant qu'appartenant au monde sensible étant donc soumise à sa propre personnalité en tant qu'appartenant en même temps au monde intelligible ; il n'y a donc pas à s'étonner s'il faut que l'homme, en tant qu'appartenant aux deux mondes, ne considère pas son propre être, relativement à sa seconde et suprême destination, autrement qu'avec vénération, et les lois de cette destination autrement qu'avec le respect le plus grand. (p. 199) (...) C'est ainsi qu'est constitué le véritable ressort de la raison pratique pure : il n'est autre que la loi morale pure elle-même, en tant qu'elle nous laisse pressentir la sublimité de notre existence suprasensible, et que, subjectivement, elle produit comme effet, chez les hommes qui ont en même temps conscience de leur existence sensible et de la dépendance qui y est liée à l'égard de leur nature, de ce fait très affecté pathologiquement, du respect pour leur destination plus haute. (p. 201). Empirique et transcendantal Il faut sans doute que la raison pratique connaisse d'une façon déterminée la causalité relativement aux actions de la volonté dans le monde sensible, car sans cela elle ne pourrait effectivement produire aucun acte. Mais le concept qu'elle se forme de sa propre causalité comme noumène, elle n'a pas besoin de le déterminer théoriquement en vue de la connaissance de son existence suprasensible et, partant, pour lui donner, dans cette mesure, une signification. Car il reçoit de toute façon une signification, bien que ce ne soit que pour l'usage pratique, à savoir par la loi morale. Même considéré théoriquement, il demeure toujours un concept pur de l'entendement, donné a priori, qui peut être appliqué à des ob-jets, peu importe que ceux-ci soient donnés de manière sensible ou non ; toutefois, dans ce dernier cas, il n'a aucune signification et aucune application théorique déterminées, mais il est seulement une pensée formelle, mais essentielle, de l'entendement, concernant un objet en général. La signification que la raison lui procure par la loi morale est seulement pratique, puisqu'en effet l'idée de la loi d'une causalité (de la volonté) a elle-même de la causalité ou est le fondement de la détermination de cette causalité. (p. 150-151) Nous ne pouvons nullement pénétrer, quant à sa possibilité, la liberté d'une cause efficiente, spécialement dans le monde sensible, bien heureux si nous pouvons seulement être suffisamment assurés qu'on ne peut produire de preuve de son impossibilité, et si nous sommes maintenant contraints, et par là précisément justifiés, par la loi morale qui la postule, à l'admettre. Comme il y en a cependant encore beaucoup qui continuent de croire pouvoir expliquer cette liberté, comme tout autre pouvoir naturel, par des principes empiriques, et de la considérer comme une propriété psychologique, dont l'explication relèverait seulement d'un examen plus attentif de la nature de l'âme, et du ressort de la volonté, non comme un prédicat transcendantal de la causalité d'un être qui appartient au monde sensible (ce qui est pourtant la seule chose qui importe effectivement ici), et supprimer ainsi la magnifique ouverture qui nous est impartie par la raison pratique pure au moyen de la loi morale, à savoir l'ouverture sur un monde intelligible par la réalisation du concept, qui autrement serait transcendant, de la liberté, et de supprimer du même coup la loi morale elle-même, laquelle n'admet absolument aucun fondement de la détermination empirique, il sera donc nécessaire d'avancer encore quelque chose ici pour prémunir contre ce leurre et pour présenter l'empirisme dans toute la faiblesse de sa platitude. Le concept de la causalité comme nécessité naturelle, à la différence de cette causalité comme liberté, ne concerne que l'existence des choses en tant qu'elle est déterminable dans le temps, par conséquent comme phénomènes par opposition à leur causalité comme choses en elles-mêmes. Or, si l'on prend les déterminations de l'existence des choses dans le temps pour des déterminations des choses en elles-mêmes (ce qui est le mode de représentation le plus habituel), la nécessité dans les relations causales ne se laisse en aucune manière accorder avec la liberté, mais elles sont opposées contradictoirement l'une à l'autre. (...) Par conséquent, si l'on veut encore sauver [la liberté], il ne reste alors pas d'autre issue que d'attribuer l'existence d'une chose en tant qu'elle est déterminable dans le temps, par conséquent aussi la causalité selon la loi de la nécessité naturelle, au phénomène seulement, la liberté, en revanche, précisément à ce même être comme chose en elle-même. (...) Dans la question portant sur cette liberté qu'il faut poser comme fondement de toutes les lois morales et de l'imputation conformément à ces lois, il n'importe absolument pas de savoir si la causalité déterminée suivant une loi de la nature est nécessaire par des fondements de la détermination qui résident dans le sujet ou hors de lui, et dans le premier cas, si elle est nécessaire par l'instinct ou en vertu de fondements de la détermination pensés par la raison ; si ces représentations déterminantes ont, d'après l'aveu justement de ces hommes eux-mêmes, le fondement de leur existence néanmoins dans le temps et précisément dans l'état antérieur, mais celui-ci à son tour dans un état précédent, et ainsi de suite, elles peuvent donc bien, ces déterminations, être toujours intérieures, elles peuvent bien avoir une causalité psychologique et non mécanique, c'est-à-dire produire l'action par des représentations et non par du mouvement corporel, elles n'en restent pas moins des fondements de la détermination de la causalité d'un être en tant que son existence est déterminable dans le temps, donc déterminable à partir de conditions nécessitantes du temps passé, lesquelles, par conséquent, ne sont plus au pouvoir du sujet au moment où celui-ci doit agir, ces fondements impliquant donc certes une liberté psychologique (si l'on tient absolument à utiliser cette expression à propos d'une enchaînement purement intérieur des représentations de l'âme), mais aussi bien la nécessité naturelle, partant, ne laissant subsister aucune liberté transcendantale, qu'il faut penser comme indépendance par rapport à tout ce qui est empirique et donc à la nature en général, que celles-ci soit en l'occurrence considérée, comme ob-jet du sens interne, seulement dans le temps, ou encore, comme objets des sens externes, à la fois dans l'espace et dans le temps, liberté (dans ce dernier sens qui est le sens authentique) sans laquelle, étant donné qu'elle est seule pratique a priori, aucune loi morale, aucune imputation selon cette dernière ne sont possibles. (...) Si la liberté de notre volonté n'était aucune autre liberté que la liberté psychologique et comparative, non en même temps la liberté transcendantale c'est-à-dire absolue, elle ne vaudrait au fond guère mieux que la liberté d'un tournebroche qui, lui aussi, une fois qu'il a été remonté, effectue de lui-même ses mouvements. Pour lever à présent la contradiction apparente entre mécanisme de la nature et liberté dans une seule et même action pour le cas qui nous occupe, il faut se rappeler ce qui était dit dans la Critique de la raison pure, ou ce qui s'ensuit, à savoir que la nécessité naturelle, qui ne peut coexister avec la liberté du sujet, ne s'applique qu'aux déterminations d'une chose qui est soumise à des conditions temporelles, par conséquent uniquement aux déterminations du sujet agissant en tant qu'il est phénomène, de sorte que, de ce point de vue, les fondements de la détermination de chacune des actions de ce sujet résident dans ce qui appartient au temps passé et n'est plus en son pouvoir (dans quoi il faut aussi englober, en tant que manifestations, ses actes déjà commis, ainsi que le caractère qui, à ses propres yeux, lui est imputable d'après ces actes). Mais précisément ce même sujet qui, d'un autre côté, a également conscience de lui-même comme d'une chose en elle-même, considère aussi son existence en tant qu'elle n'est pas soumise à des conditions du temps, et lui-même en revanche comme pouvant être déterminé seulement par des lois qu'il se donne lui-même par la raison, et, dans cette existence qui est la sienne, il n'y a rien pour lui d'antérieur à la détermination de sa volonté, mais toute action et en général toute détermination, changeant conformément au sens interne, de son existence, même toute la série ordonnée de son existence comme être sensible, demandent à être regardées, dans la conscience de son existence intelligible, comme conséquence uniquement, jamais comme fondement de la détermination de sa causalité en tant que noumène. En considérant les choses ainsi, l'être raisonnable peut dès lors dire à juste titre de toute action qu'il commet et qui est contraire à la loi, quand bien même elle est, comme phénomène, suffisamment déterminée dans le passé et en ce sens immanquablement nécessaire, qu'il aurait pu s'en abstenir ; car elle appartient, avec tout le passé qui la détermine, à une manifestation unique de son caractère, qu'il se donne à lui-même, et d'après lequel il s'impute à lui-même, comme à une cause indépendante de toute sensibilité, la causalité des phénomènes. (...) C'est là-dessus aussi que se fonde le repentir suscité par un acte commis il y a longtemps, chaque fois que nous nous souvenons de cet acte ; un sentiment douloureux, produit comme effet par la résolution morale, sentiment qui est pratiquement vain dans la mesure où il ne peut servir à faire que ce qui est arrivé ne soit pas arrivé, et qui pourrait même sembler absurde (...), mais qui, en tant que douleur, est pourtant tout à fait légitime, parce que la raison, quand il s'agit de la loi de notre existence intelligible (de la loi morale), ne reconnaît aucune distinction de temps et demande seulement si l'événement m'est, en tant qu'acte, attribué, mais y attache dès lors toujours le même sentiment, que cet acte s'accomplisse en ce moment même, ou qu'il ait été accompli il y a longtemps. (...) On voit quelle est l'importance considérable de la séparation introduite dans la critique de la raison spéculative pure, entre le temps (et l'espace également) et l'existence des choses en elles-mêmes. On dira que la solution proposée ici de la difficulté renferme quand même bien des obscurités, et ne peut guère admettre une exposition claire. Mais toute autre solution qui a été essayée, ou que l'on peut essayer, est- elle donc plus facile et plus accessible ? (...) Il s'agissait dès lors simplement de convertir ce qui peut être en ce qui est, c'est-à-dire de pouvoir prouver sur un cas effectivement-réel, en quelque sorte par un fait, que certaines actions supposent une telle causalité (la causalité intellectuelle, inconditionnée sensiblement), qu'elles soient effectivement-réelles ou même simplement commandées, c'est- à-dire objectivement pratiquement nécessaires. Nous ne pouvions espérer rencontrer cette connexion dans des actions effectivement données dans l'expérience, comme événements du monde sensible, parce qu'il faut chercher la causalité par liberté toujours en dehors du monde sensible, dans l'intelligible. Mais en dehors des êtres sensibles, il n'y a pas d'autres choses qui sont données à notre perception et à notre observation. Donc il ne restait qu'à trouver éventuellement une proposition-fondamentale incontestable de la causalité, et, pour tout dire, objective, propre à exclure de sa détermination toute condition sensible, c'est-à-dire une proposition-fondamentale dans laquelle la raison ne fasse pas appel, par ailleurs, à quelque chose d'autre comme fondement de la détermination relativement à la causalité, si ce n'est à celui qu'elle porte en elle-même avec cette proposition-fondamentale, et où elle est, par conséquent, en tant que raison pure, elle-même pratique. Or cette proposition-fondamentale n'a besoin d'aucune recherche et d'aucune découverte ; elle était toujours déjà dans la raison de tous les hommes et elle est incorporée à leur être, et c'est la proposition-fondamentale de la moralité. Donc cette causalité inconditionnée et le pouvoir de celle-ci, la liberté, et précisément avec elle un être (moi-même), qui appartient au monde sensible, mais en même temps en tant qu'appartenant au monde intelligible, ne sont plus simplement pensés d'une manière indéterminée et problématique (ce dont la raison spéculative déjà pouvait trouver que c'était faisable), mais même déterminées relativement à la loi de leur causalité et connus assertoriquement, et ainsi nous a été donnée la réalité-effective du monde intelligible, et ce, précisément, de façon déterminée au point de vue pratique, et cette détermination qui, dans une visée théorique, serait transcendante (exorbitante), est immanente dans une visée pratique (p. 208- 223).

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