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La « chaîne secrète » (Lettres Persanes)

Publié le 22/02/2012

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L'instantané du regard, ébloui et mis en verve par l'étran-geté familière des apparences : la véhémence du coeur enfermé dans sa logique partisane (à l'inflexibilité d'Usbek répond celle de Roxane, rarement admise) : l'effort de la rai-son pour s'abstraire et pointer des vérités stables : le soup-çon prend que la structure épistolaire des Lettres persanes aurait quelque chose à voir avec les instances de la nature humaine et ses aptitudes à appréhender la réalité et la vérité. Il se pourrait bien que M. de Montesquieu fût un phi-losophe. Un philosophe saisi par le roman. Ce qui importe, c'est alors moins l'équilibre entre roman, satire et philosophie, que la présence d'un noyau de fiction assez dense pour obliger le lecteur à mettre en rapport ces trois scènes, rapport toujours incertain, et donc toujours dynamique. Ce rapport a fait couler beaucoup d'encre, depuis qu'il mobilise la critique contemporaine. Quel sens donner à cette « chaîne secrète et, en quelque façon, incon-nue » qui joint, selon Montesquieu, « de la philosophie, de la politique et de la morale, à un roman» ? Il ne peut s'agir du sérail, ni secret ni inconnu. On ne peut que tomber d'accord, me semble-t-il, avec ceux qui l'identifient au voyage des Per-sans, à leur découverte du monde et des idées, à la résistance des préjugés et des passions, au commerce épistolaire qui enchaîne les mots, les choses et les personnages, à ce qui relie la terre et le ciel, les hommes et les femmes, les princes et les su,jets, l'Orient et l'Occident, le coeur, la tête et les sens, l'ordre et le désordre des choses huma:mes. Ce que nous avons appris à appeler un roman. Mais qui pourrait bien être aussi de la philosophie à l'usage des hon-nêtes gens. » Jean Goldzink, Lettres persanes, P.U.F., 1989, p. 102.

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