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LA FOI, L'ESPÉRANCE ET LA CHARITÉ

Publié le 22/02/2012

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Quand un homme doute au sujet de ses propres entreprises, il craint toujours trois choses ensemble, les autres hommes, la nécessité extérieure, et lui-même. Or c'est de lui-même qu'il doit s'assurer d'abord ; car, qui doute s'il sautera le fossé, par ce seul doute il y tombe. Vouloir sans croire que l'on saura vouloir, sans se faire à soi-même un grand serment, sans prendre, comme dit Descartes, la résolution de ne jamais manquer de libre arbitre, ce n'est point vouloir. Qui se prévoit lui-même faible et inconstant il l'est déjà. C'est se battre en vaincu. Quand on voit qu'un homme qui entreprend quelque chose doute déjà de réussir avant d'avoir essayé, on dit qu'il n'a pas la foi. Ainsi l'usage commun nous rappelle que la foi habite aussi cette terre, et que le plus humble travail l'enferme toute. Encore plus sublime sans promesse; au fond, toujours sans promesse. Car le parti de croire en soi n'enferme pas que tous les chemins s'ouvriront par la foi ; mais il est sûr seulement que tous les chemins seront fermés et tous les bonheurs retranchés si vous n'avez pas d'abord la foi 1...1. Ainsi la première vertu est la foi. La foi ne peut aller sans l'espérance. Quand les grimpeurs observent de loin la montagne, tout est obstacle; c'est en avançant qu'ils trouvent des passages. Mais ils n'avanceraient point s'ils n'espéraient de leur propre foi [ Essayer avec l'idée que la route est barrée, ce n'est pas essayer. Décider d'avance que les choses feront obstacle au vouloir, ce n'est pas vouloir. Aussi voit-on que les inventeurs, explorateurs, réformateurs sont des hommes qui ne croient pas à ce barrage imaginaire que fait la montagne de loin ; mais plutôt ils ont le sentiment juste, et finalement vérifié, mais seulement pour ceux qui osent, que la variété des choses, qui est indifférente, n'est ni pour nous ni contre nous, d'où vient que l'on trouve toujours occasion et place pour le pied. Et cette vertu, d'essayer aussitôt et devant soi, est bien l'espérance. Les hommes sont toujours dans le jeu. Que peut-on au monde sans la foi et l'espérance des autres ? Or souvent les hommes sont presque tout l'obstacle, et même tout. Par exemple la paix et la justice dépendent des hommes seulement. Mais aussi la misanthropie tue l'espérance et même la foi. Si je crois que les hommes sont ignorants, paresseux, malveillants, et sans remède, que puis-je tenter? Tenterai-je seulement d'instruire un enfant si je le crois stupide ou frivole? La haine est clairvoyante en ce sens qu'elle fait être ce qu'elle suppose, car ignorance, injustice, haine lui répondent aussitôt. L'amour trouvera toujours moins de preuves ; car il n'est point promis qu'il suffise de vouloir l'autre attentif, bienveillant, généreux pour qu'il le soit. Toutefois, par cela même, il est clair qu'il faut choisir d'aimer, et de jurer, et de ne jamais céder là, étant évident que la plus forte résistance ici ne peut être vaincue que par la promesse la plus généreuse. Il y a ainsi un certain genre d'espérance qui concerne nos semblables, qui dérive aussi de la foi, et dont le vrai nom est charité. (Les Idées et les Ages).

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