La littérature de 1920 à 1929 : Histoire
Publié le 01/01/2019
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POÉSIE: DE DADA AU SURRÉALISME. Avec dada, la poésie devient une manière de vivre, une action subversive. Le sens est éclaté mais l'image et le rythme sont souverains. Le jaillissement incohérent des mots reproduit le hasard cher aux surréalistes, puisqu’il peut, selon eux, restituer l’homme dans son intégralité. Dans leur tumultueuse quête des potentialités humaines, les amis de Breton ont recours à des armes nouvelles telles que, pêle-mêle, l’humour, les automatismes, les correspondances entre les arts, la psychanalyse, le marxisme, etc. Ayant pour alibi la destruction du réalisme «logique», ils optent pour la souplesse inédite
des «dérèglements». Ce qu’ils veulent, en fait, c’est atteindre «un certain point de l’esprit où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement» (André Breton). Dans cette résolution, ils élèvent la féerie du rêve au rang de réalité absolue, de surréalité. Il en résulte une poésie expérimentale, libérée des canons prosodiques, offerte aux ressacs et aux vertiges du monde.
L’IMAGE SURRÉALISTE. La guerre, en révélant la vanité d’une civilisation mue par le «progrès», sonne le glas du futurisme. Le traumatisme a eu pour effet, partout en Europe, de tempérer la fièvre idéologique des avant-gardes : l’élan du cubisme synthétique est définitivement brisé. Georges Braque retrouve le goût de la nature et Pablo Picasso se hasarde vers un classicisme sculptural avant d’opter pour un expressionnisme agressif. À ce phénomène de repli général s’oppose, d’abord en Suisse et aux États-Unis, le dadaïsme, qui propose un terrain vierge dont bénéficieront les surréalistes. Leur peinture «onirique» répond à deux approches. L’une privilégie la
spontanéité d’un geste qui enregistre les modalités de l’inconscient: il s’agit des tracés de Joan Miré empruntés à l’enfance ou du graphisme érotique d’André Masson qui évoque une animalité frénétique. L’autre est plus statique : l’objet, fixé dans sa matérialité, devient dépositaire d’une signification inattendue. Les juxtapositions de sens produisent une peinture «grammaticale». À ce «réalisme magique», en trompe-l’œil, se rattachent Max Ernst, Salvador Dali ou Yves Tanguy.
AUTOUR DE PROUST. Marcel Proust est incontestablement le romancier le plus «fétichisé» du xxe siècle. Les treize volumes d’À la recherche du temps perdu constituent une pièce maîtresse de la production littéraire française «moderne». Le premier titre de l’ensemble, Du côté de chez Swann, a d’abord paru à compte d’auteur (pratique assez courante à l’époque) chez Grasset en 1913, alors que les douze suivants ont été édités par Gallimard, de 1918 à 1927. Proust s’inscrit dans la tradition des moralistes du xvne siècle: si, par son goût pour les intrigues mondaines, il «brille» dans les salons pari- siens, il y puise surtout les modèles de ses portraits satiriques. Ce témoin implacable de la grande bourgeoisie et de l’aristocratie est aussi l’héritier du symbolisme, de par les métaphores qui enchantent son œuvre. Isolé par la maladie, il fait prévaloir l’intériorité et transcrit avec une rare fraîcheur l’éblouissement de l’enfance, des premiers émois... Dans un style raffiné où la phrase, sinueuse, se gorge de sens, il campe des personnages mobiles, parfaitement intégrés dans leur temps et dans leur milieu.
LA LITTÉRATURE ANGLO-SAXONNE. Beaucoup d’écrivains anglo-saxons de l’entre-deux-guerres doivent leur notoriété à Paris, où de petites structures favorisent les échanges et la diffusion des œuvres. En outre, ces repaires d’expatriés marquent une halte de bon ton dans le rythme trépidant et bohème des «Montparnos»: Natalie Clifford Barney reçoit le vendredi. Gertrude Stein et Alice B. Toklas ouvrent leurs portes le samedi. Piliers de la vie culturelle anglophone, ces rencontres se prolongent fréquemment chez Adrienne
Monnier à la Maison des Amis des livres ou à la librai- rie Shakespeare & Co tenue par Sylvia Beach, cette prêtresse des lettres qui publie en 1922 Ulysses de James Joyce, un livre difficile et d’une facture tout à fait nouvelle. De son côté, Ezra Pound encourage le talent de ses protégés parmi lesquels T. S. Eliot et Ernest Hemingway... Mais qu’elle soit, du reste, happée ou non par l’«exotisme» parisien, cette génération «en marge» a produit de nombreux chefs-d’œuvre de la littérature, tels Manhattan Transfer de John Dos Passos ou le Bruit et la Fureur de William Faulkner.
DE LA PSYCHANALYSE À LA LINGUISTIQUE. Libido, acte manqué, inconscient, narcissisme, transfert, refoulement..., tout l’appareil critique de la psychanalyse est déjà posé lorsque Sigmund Freud, âgé de plus de soixante ans, aborde le «tournant des années vingt». Il s’intéresse alors à la formulation théorique de ces trois instances qui organisent le psychisme: le ça, «réservoir» de pulsions; le surmoi, sorte de censeur moral; le moi, tiraillé entre ces deux potentats. Freud a fait école : sa fille, Anna Freud, précise la «topique»;
Melanie Klein sonde la vie fantasmatique, etc. En France, jusqu’à ce jour, la psychanalyse était attaquée pour ses connotations irrationnelles, «pansexuelles», misogynes, ethnocentriques, etc. Les cénacles médicaux voient tomber leurs réticences sous l’impulsion de profanes, les surréalistes. Enfin reconnue par les neurologues et les psychiatres, la psychanalyse leur fournit des méthodes inédites pour le traitement des névroses et des psychoses. En outre, ces «cures par la parole» encouragent les progrès de la linguistique tout en lui conférant une nouvelle crédibilité...
PHILOSOPHIES. Outre-Rhin, le mathématicien et logicien Edmund Husserl poursuit ses recherches. Après les Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique, il publie ses Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (1925) puis Logique formelle et Logique transcendantale (1928). Dégager l’essence de la réalité par l’étude de la structure intentionnelle de la conscience, tel est son projet. En 1928, Husserl abandonne sa chaire de philosophie à l’université de Fribourg où lui succède son élève
Martin Heidegger. Appliquant dans Être et Temps (1927) la méthode phénoménologique, Heidegger s’écarte progressivement de son maître au profit d’une ontologie fondamentale. En France, les philosophes suivent d’autres chemins: le spiritualiste Henri Bergson remet à l’honneur l’intuition et l’élan vital contre la raison analytique, tandis qu’Alain renoue avec l’humanisme et la morale laïque en pleine vague métaphysique, courant qui indispose également Gaston Bachelard, auteur en 1928 de l’Essai sur la connaissance approchée et père de l’épistémologie critique.
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