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"La Mort Des Amants", C.Baudelaire

Publié le 24/09/2010

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baudelaire
 
1) Quelle conception de l'amour ce poème développe-t-il?
 
L'amour est un sujet récurrent dans les poèmes de Baudelaire; or, dans «La mort des amants«, le poète expose sa conception de l'amour au niveau de l'Idéal. Le luxe et la douceur sont omniprésents dans ce poème: «odeurs légères« (v.1), «divans profonds« (v.2), «d'étranges fleurs« (v.3), «des cieux plus beaux« (v.4), «chaleurs« (v.5), «cœurs« (v.6), «rose et bleu mystique« (v.9), et «un Ange« (v.12). De plus, les allitérations présentes dans ce poème soulignent cette quiétude: qu'elles soient en [m] («La mort des amants«, «flammes mortes« v.14), ou en [s] («sous des cieux« v.4, «seront deux vastes« v.6), leur sonorité renforce l'aspect solennel, suave et fluide de cet amour. Cette conception pourrait presque être rattachée au jardin originel: «d'odeurs légères« (v.1), «des divans profonds« (v.2; cela renforce l'aspect voluptueux), «rose et de bleu mystique« (v.9; ce sont des couleurs douces et calmes), «un Ange« (v.12), «fidèle et joyeux« (v.13). Enfin, la structure du poème elle-même soutient cette conception: les deux quatrains de ce sonnet ont des rimes croisées, et les deux tercets sont en rimes suivies puis croisées. Écrits en alexandrins, ces vers démontrent par leurs rimes et composition que les amants vivent un des amours les plus riches et des plus purs, sans jamais se toucher (Baudelaire aurait alors opté pour des rimes embrassées), et ce pour l'éternité. Ainsi, Baudelaire développe ici une conception d'un amour platonique idyllique, par l'abondance de sensations, de luxe, et de douceur, qui entourent les deux amants.
 
2) Montrez que l'amour et la mort sont confondus dans ce poème.
 
Dans ce poème l'amour et la mort sont étroitement liés. Baudelaire pense que l'amour parfait se confond avec la mort, donc l'éternité. Ce poème représente de façon également idyllique ce sommeil éternel: il apparaît ici comme doux, presque joyeux. Le poète utilise des antithèses, comme «des divans profonds comme des tombeaux« (v.2), qui rapprochent les thèmes du luxe et de la mort, ainsi que des métaphores. Puis, il associe des objets ordinaires («lits« v.1, «fleurs« v.3, «flambeaux« v.6, «les portes« v.12, et «miroirs« v.8 et 14) à ce repos éternel («tombeaux« v.2, «chaleurs dernières« v.5, «un Ange« v.12, et «viendra ranimer, fidèle et joyeux / Les miroirs ternis et les flammes mortes« v.13-14)); Baudelaire allie donc la mort au quotidien humain et aux sentiments amoureux des deux individus. Enfin, cette juxtaposition des termes se retrouve jusque dans le titre. Ainsi, Baudelaire pense que la mort est une autre manière d'accéder à un ailleurs, voire à l'Idéal, et non la fin tragique de l'existence humaine.
 
3) En quoi ce poème peut-il être conçu comme un rêve?
 
Le poème «La mort des amants« peut être conçu comme un rêve car il en présente tous les aspects. Tout d'abord, nous assistons à la fusion de thèmes qui peuvent paraître incompatibles en apparence, soient l'amour, la joie et la mort. Puis, le luxe, le calme et la volupté qui règne dans ce poème sont dignes d'appartenir au domaine du songe. De plus, l'utilisation du futur au cours de ce sonnet démontre la dimension hypothétique de cette rêverie («Nous aurons« v.1, «Nos deux cœurs seront« v.6, «qui réfléchiront« v.7, «Nous échangerons« v.10, «un Ange […] viendra« v.12-13), et permet le doute sur l'éventuelle réunion de ces amants après la mort. Enfin, la vision d'une mort si douce et si paisible a une singularité appartenant au domaine du rêve.
 
4) Relevez et classez les sensations évoquées dans ce poème. Quel glissement observez-vous?
 
«La mort des amants« introduit la plupart des sens. Tout d'abord, le domaine olfactif est sollicité: «pleins d'odeurs légères« (v.1), «d'étranges fleurs« (v.3); puis s'ensuit le toucher: «des divans profonds« (v.2), «chaleurs dernières« (v.5), «ranimer […] les miroirs ternis et les flammes mortes« (v.13-14); et, enfin, la vue est le sens le plus développé du poème, et ce à cause de la confrontation des thèmes et de la mort, et donc de l'atmosphère riche qui règne dans ce sonnet: «écloses pour nous sous des cieux plus beaux« (v.4), «deux vastes flambeaux« (v.6), «leurs doubles lumières« (v.7), «miroirs« (v.8 et 14), «un soir fait de rose et de bleu« (v.9), et «nous échangerons un éclair unique« (v.10). Ainsi, il y a un paradoxe: bien que le poème traite de la mort, les sens et les sensations n'ont pas disparu et semblent être, au contraire, intensifiés.
Nous pouvons donc observer un effet de «crescendo« vers le sens visuel. Ceci pourrait s'expliquer par la tradition qui veut que l'on ferme les paupières des défunts, ainsi ce serait le dernier des cinq sens à mourir à son tour; ou bien par le fait que seuls les yeux peuvent porter un regard vers l'autre monde, le futur, d'où leur importance.
 
5) Quelles visions de la mort s'opposent dans "La mort des amants" et "Une charogne" (les deux étant de Charles Baudelaire)?
 
«Une charogne« et «La mort des amants« proposent deux visions opposées de la mort: un aspect avili pour l'un, et un aspect heureux et idyllique pour l'autre. Dans «Une charogne«, Baudelaire dépeint une mort définitive, qu'elle soit spirituelle («les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve« v.29, «seulement par le souvenir« v.32) ou physique («le soleil rayonnait sur cette pourriture« v.9, «la carcasse superbe« v.13, «les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride« v.17, «des larves« v.19, «le corps […] vivait en se multipliant« v.23-24, etc.). La vision de la mort est, dans ce poème, extrêmement négative et sombre, et ceci est exprimé par le champ lexical de la putréfaction («charogne infâme« v.3, «la puanteur était si forte« v.15, «moisir parmi les ossements« v.44, etc.). Dans «La mort des amants«, Baudelaire expose une conception adoucie de la mort, qui, cette fois-ci, conduirait à l'Idéal. En effet, le thème de la mort est allié à celui de l'amour éternel, la fusion de ces deux amants, ainsi qu'à la douceur. Ainsi, Baudelaire oppose violemment deux visions de la mort dans ces deux poèmes: dans «Une charogne«, il s'agit du décès de la chair humaine dans des conditions malsaines et nauséabondes, mais aussi celui de l'espoir d'atteindre un au-delà idyllique; tandis que dans «La mort des amants«, la mort a le pouvoir d'unir éternellement deux êtres dans une éternité calme et voluptueuse.
 
(Les questions ont été tirées d'un Devoir-Maison de Mme V.V., professeur de français en 1ère L au CiMF.)
 
 
"La mort des amants"
 
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
 
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
 
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;
 
Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
 
Charles Baudelaire, "Les Fleurs du mal", 1857.
 

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