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La nourriture dans fin de partie

Publié le 25/03/2011

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La nourriture est un sujet récurent dans Fin de partie. Les évocations de la nourriture et les déplacements de Clov dans la cuisine rythment la pièce. C'est un moyen pour les personnages d'engager la conversation, de communiquer, même si ca n'a pas de sens. Pourtant, parmi les quatre ou cinq passages où l'on y fait clairement allusion, la seule nourriture qui parvient sur scène est le biscuit que Clov donne à Nagg (p.22). On en déduit que les personnages sont réellement limités, que la nourriture peut venir à manquer, ce qui marquerait la fin tant attendue.

Comme la plupart des autres motifs, la nourriture est traitée sur un double mode, tragique et comique. Elle contribue à l’atmosphère de fin du monde, de déclin des personnages. Mais la nourriture reste un motif discret, qui participe ainsi à la mise en œuvre de ce qui fait du théâtre de Beckett, un théâtre de dérision.

 

a) La fin du monde se trouve développée en partie à travers le motif de la nourriture. Ce qui caractérise ce motif, c’est justement son absence, ou plutôt son épuisement : il n’y a plus rien. Les ressources alimentaires manquent « Plus de bouillie », répète Clov en réponse aux demandes de Hamm. Il doit être économe, ne donner à Nagg qu’un biscuit, qu’une dragée. Ce biscuit « classique » et « dur » est difficile à manger (symptôme des temps difficiles). Nell en refuse un bout. Nagg, lui, le fait durer : il le garde pratiquement tout au long de la pièce. La fin de la nature est évoquée un peu plus loin « Il n’y a plus de nature ». Rien ne germe ni ne pousse. Les ressources naturelles sont nulles, il semble que les personnages soient condamnés à mourir.

b) La perspective de l’absence de nourriture est celle de la mort : « je ne te donnerai plus rien à manger » menace Hamm « Alors nous mourrons » répond logiquement Clov (18). La dégradation des corps peut s’expliquer aussi par ce manque de nourriture. Pour nourrir Nagg, un biscuit suffit. Nell qui ne mange pas meurt (même si ce n’est pas la raison principale de sa mort). Bien qu’il n’y ait plus rien à manger, la nourriture est l’occasion de fréquents échanges verbaux entre les personnages.

Un enjeu vital

a) L’exercice d’un pouvoir : Lorsque Hamm demande à Clov pourquoi il ne le tue pas, celui-ci répond de manière brusque et révélatrice qu’il n’a pas « la combinaison du buffet » (ce mot renvoie à la nourriture elle est sous clef, inaccessible, c’est Hamm qui la distribue et qui décide de ce qu’il donne à Nagg). Il exerce un pouvoir de vie ou de mort sur les autres personnages = nourriture donne du pouvoir  pouvoir qu’il met en scène dans le roman de Hamm où il est question d’un père qui vient réclamer du pain au narrateur/personnage pour lui et son enfant. Celui-ci est susceptible d’aller puiser dans ses greniers, il est tout puissant. Mais sans pitié ne le fait pas.

b) Un instrument de pouvoir : Il apparaît clairement que la nourriture est le nerf de la guerre et que celui qui a de la nourriture pour deux peut dominer, soumettre et envisager de réduire en esclavage celui qui n’en a pas. C’est cette domination qui régit les rapports entre clov le domestique et Hamm le maître. Lorsqu’il menace de ne plus lui donner à manger, Hamm nuance sa menace après l’objection de Clov « Je te donnerai juste assez pour t’empêcher de mourir. Tu auras tout le temps faim. » Il fait alors figure de maître cruel.

D’un autre côté, ce thème peut être traité de manière comique

Hamm souligne la bassesse de ce motif « Bouffer bouffer ils ne pensent qu’à ça » s’exclame-t-il face aux revendications de Nagg qui réclame « sa bouillie » (21). C’est la réplique du personnage quand il apparaît. Il la répète trois fois, signifiant par là sa faim. Signe du vieillissement de Nagg, qui ne peut manger autre chose, la bouillie le renvoie à l’enfance. Il réclame comme un enfant impatient, à son propre fils qui répond et agis de manière autoritaire et brutale. Cette inversion de la relation père/fils, et le fait que les seuls aliments dont il fait mention renvoient à des nourritures infantiles forment un contrepoint grotesque à l’atmosphère de néant alimentaire.

Le second lieu évoqué par l’auteur est la cuisine, celle où Clov est censé se tenir, où il dit sinon se rendre, du moins vouloir se rendre « Clov : Je te quitte, j’ai à faire/Hamm : Dans ta cuisine/Clov : Oui/ Hamm : A faire quoi, je me le demande » (24). Dans la mesure où il n’y a plus rien aller dans la cuisine pour y faire qq chose est absurde. D’ailleurs Clov n’y fait rien « regarde le mur » (24). Le lieu n’est donc pas réaliste, il n’est pas à prendre au sérieux. En plus, Clov en rapporte toutes sortes d’objets étranges : lunette, chien en peluche, gaffe, puis sa valise à la fin, tout sauf de la nourriture.

 

Le rôle que joue le motif de la nourriture dans l’œuvre est important : A l’atmosphère parfois tragique, et à l’atmosphère le plus souvent absurde et grotesque de la pièce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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